Bénéfices et risques de la gabapentine dans la prise en charge de la douleur chez le chien et le chat - Le Point Vétérinaire n° 398 du 01/09/2019
Le Point Vétérinaire n° 398 du 01/09/2019

ANALGÉSIE CANINE ET FÉLINE

Thérapeutique

Auteur(s) : Gwenola Touzot-Jourde*, Yassine Mallem**

Fonctions :
*Unité de chirurgie-anesthésie
**Auteur-coordinateur
***Unité de pharmacologie-toxicologie
Oniris
Atlanpôle La Chantrerie
44307 Nantes Cedex 3

La gabapentine est utilisée dans la gestion multimodale de la douleur chronique chez le chien et le chat. L’expérience clinique sur les 15 dernières années fait ressortir son effi cacité dans les cas complexes et prolongés de douleur, mais n’a pas été confi rmée par de larges études prospectives avec un groupe de contrôle.

La gabapentine est un agent antiépileptique, analogue synthétique de l’acide γaminobutyrique (Gaba). Elle est utilisée chez l’homme pour le traitement de la douleur neuropathique. Elle est présente dans l’arsenal thérapeutique de la douleur chez les animaux depuis une quinzaine d’années. L’administration se réalise per os (PO), sous forme de comprimés ou de sirop. Une dose de 10 à 20 mg/kg toutes les 8 heures chez le chien et le chat permet de maintenir une concentration plasmatique stable dans l’intervalle thérapeutique (tableau) [4].

EFFICACITÉ

La gabapentine fait partie des molécules employées dans la gestion multimodale de la douleur chronique. Son effet analgésique n’est pas encore complètement élucidé, mais il semble impliquer des actions spinale (diminution de la libération du glutamate dans la corne dorsale de la moelle épinière) et supraspinale (renforcement des mécanismes inhibiteurs descendants) par l’inhibition sélective des canaux calciques voltage-dépendants.

1. Essais expérimentaux

Les essais expérimentaux et cliniques n’ont pas montré d’effet analgésique significatif lors de douleur aiguë (test nociceptif sur seuil thermique chez le chat, douleur postopératoire à la suite d’une chirurgie vertébrale, d’une amputation ou d’une mastectomie chez le chien) [1, 2, 8, 10].

2. Lors de douleurs chroniques

Toutefois, ces résultats obtenus sur des modèles de douleur aiguë ne doivent pas être extrapolés aux situations cliniques de douleur chronique communément rencontrées chez le chien et le chat vieillissants. L’évaluation de la douleur chronique et de l’efficacité d’un traitement analgésique est difficile, ce qui explique, en partie, le manque d’études prospectives. L’appréciation des signes de douleur est souvent insuffisante et doit être complétée avec le suivi de la qualité du sommeil et des indices de qualité de vie. La gabapentine a ainsi amélioré la qualité de vie chez des chiens atteints de la maladie de Chiari ou de syringomyélie, en complément du carprofène [7]. Plusieurs rapports de cas cliniques décrivent l’amélioration des signes cliniques de douleur : 3 chats atteints de douleurs musculo-squelettiques chroniques à la suite d’un traumatisme de la route ont montré une diminution de leur comportement d’agression et d’évitement, ainsi qu’une amélioration de leur appétit au bout de 1 mois de traitement (6,5 mg/kg PO toutes les 12 heures) [5]. En monothérapie ou non, les effets semblent positifs en cas de douleur arthrosique chronique chez le chien et le chat (10 mg/kg PO toutes les 12 heures), mais apparaissent après plusieurs semaines de traitement [3-6, 9].

EFFETS SECONDAIRES

Les effets secondaires rapportés de la gabapentine incluent une sédation, une ataxie, une faiblesse et des tremblements musculaires [3, 4]. La survenue d’une sédation est diminuée par une augmentation graduelle de la dose sur la première semaine ou par la réduction de la dose pendant plusieurs jours avant de la remonter. Des vomissements et de la diarrhée ont aussi été constatés [3, 6]. Lors de l’arrêt d’un traitement de longue durée, il est conseillé de baisser progressivement la dose administrée sur 1 semaine, car un arrêt brutal peut être associé à l’apparition de convulsions [4, 6]. La gabapentine est bien absorbée à la suite d’une administration PO, métabolisée chez le chien par le oie et excrétée par le rein (chien et chat). Il est préconisé de diminuer les doses administrées en cas d’altération de ces fonctions [6].

Références

  • 1. Aghighi SA, Tipold A, Piechotta M et coll. Assessment of the effects of adjunctive gabapentin on postoperative pain after intervertebral disc surgery in dogs. Vet. Anaesth. Analg. 2012;39 (6):636-646.
  • 2. Crociolli GC, Cassu RN, Barbero RC et coll. Gabapentin as an adjuvant for postoperative pain management in dogs undergoing mastectomy. J. Vet. Med. Sci. 2015;77 (8):1011-1015.
  • 3. Guedes AGP, Meadows JM, Pypendop BH et coll. Assessment of the effects of gabapentin on activity levels and ownerperceived mobility impairment and quality of life in osteoarthritic geriatric cats. J. Am. Vet. Med. Assoc. 2018;253 (5):579-585.
  • 4. KuKanich B. Outpatient oral analgesics in dogs and cats beyond nonsteroidal antiinflammatory drugs: an evidence-based approach. Vet. Clin. North Am. Small Anim. Pract. 2013;43 (5):1109-1125.
  • 5. Lorenz ND, Comerford EJ, Iff I. Long-term use of gabapentin or musculoskeletal disease and trauma in three cats. J. Feline Med. Surg. 2013;15 (6):507-512.
  • 6. MacFarlane PD, Tute AS, Alderson B. Therapeutic options or the treatment of chronic pain in dogs. J. Small Anim. Pract. 2014;55 (3):127-134.
  • 7. Plessas IN, Volk HA, Rusbridge C et coll. Comparison of gabapentin versus topiramate on clinically affected dogs with Chiari-like malformation and syringomyelia. Vet. Rec. 2015;177 (11):288.
  • 8. Pypendop BH, Siao KT, Ilkiw JE. Thermal antinociceptive effect of orally administered gabapentin in healthy cats. Am. J. Vet. Res. 2010;71 (9):1027-1032.
  • 9. Touzot-Jourde G. Exemple de gestion multimodale de la douleur arthrosique chez une chienne. Le Point Vétérinaire. 2011;42 (318):38-40.
  • 10. Wagner AE, Mich PM, Uhrig SR, Hellyer PW. Clinical evaluation of perioperative administration of gabapentin as an adjunct for postoperative analgesia in dogs undergoing amputation of a orelimb. J. Am. Vet. Med. Assoc. 2010;236 (7):751-756.

Conflit d’intérêts

Aucun.

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