APPAREIL LOCOMOTEUR
Thérapeutique
Auteur(s) : Raymond Pujol*, Tanguy Hermange**
Fonctions :
*Cisco-Oniris
route de Gachet
La Chantrerie CS 40706,
44307 Nantes Cedex 3
Les biphosphonates sont couramment utilisés pour limiter la résorption osseuse chez le cheval. Il existe néanmoins des risques à leur utilisation, inhérents à leurs propriétés.
Les biphosphonates sont une classe de molécules caractérisée par un atome de carbone central et deux groupes phosphates. Deux familles distinctes sont identifiées, selon la présence d’un atome d’azote : les biphosphonates azotés ou non azotés [7]. Seuls deux biphosphonates non azotés, disposant d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) en médecine équine, sont disponibles en France : le tiludronate (Tildren®) et le clodronate (Osphos®). Des biphosphonates azotés ont été étudiés chez le cheval, le zolédronate et le pamidronate mais leur utilisation n’est actuellement pas autorisée en médecine vétérinaire [2, 8].
Les biphosphonates, qui ont une grande affinité pour le phosphate de calcium, s’accumulent dans l’os et inhibent les ostéoclastes, diminuant ainsi la résorption osseuse. Les biphosphonates azotés sont plus puissants et provoquent notamment l’apoptose des ostéoclastes [7]. De plus, les biphosphonates possèdent une valence non spécifique anti-inflammatoire et analgésique [9].
Chez le cheval, ces molécules ont démontré leur efficacité clinique dans le cadre du syndrome podotrochléaire (maladie naviculaire), des arthropathies des étages distaux du tarse (éparvin) et des douleurs liées aux arthropathies thoraco-lombaires [1, 3, 6]. Néanmoins, l’AMM pour l’emploi du clodronate spécifie son indication uniquement dans le cas du syndrome podotrochléaire ; et celle du tiludronate lors de syndrome podotrochléaire et d’éparvin. Par ailleurs, les biphosphonates sont également utilisés en pratique vétérinaire pour d’autres affections impliquant un phénomène de résorption osseuse, comme la réduction du risque de fracture de stress, les sésamoïdites, les desmites de l’insertion proximale du ligament suspenseur du boulet, les arthropathies et les kystes sous-chondraux, sans preuve scientifique de leur indication et de leur efficacité [9].
Le tiludronate s’administre par voie intraveineuse lente et le clodronate par voie intramusculaire, à la dose de 1,53 mg/kg. L’AMM du tiludronate recommande la dose de 0,1 mg/kg par jour pendant 10 jours consécutifs. Cette molécule peut aussi être utilisée à raison de 1 mg/kg, diluée en perfusion unique, avec des résultats pharmacocinétiques et cliniques similaires, sans augmenter le risque des effets secondaires [6, 11]. Un usage par voie locorégionale sous garrot est en outre rapporté, à la posologie de 0,1 à 0,2 mg/kg, avec des résultats cliniques semblables à ceux de la voie systémique, bien que controversés [10, 11].
Le recours aux biphosphonates chez le cheval peut provoquer des signes de coliques légers à modérés. De plus, ces molécules présentent un certain degré de toxicité tubulaire rénale. Il est donc recommandé de s’assurer au préalable que les paramètres rénaux du cheval demeurent dans les valeurs usuelles et que son état d’hydratation reste correct [5]. À faible dose, les biphosphonates peuvent être chondroprotecteurs, mais à forte dose, ils deviennent chondrotoxiques et leur utilisation n’est donc pas recommandée par voie intra-articulaire [4].
Il existe également des risques inhérents à leurs propriétés (tableau). En effet, la première étape du remodelage osseux est la résorption. Or de par leur action sur les ostéoclastes, les biphosphonates empêchent ce remodelage osseux, un mécanisme prépondérant chez les jeunes chevaux et les chevaux de course chez lesquels une réorganisation de l’os, en réponse aux contraintes, est observée. L’usage de biphosphonates dans ce cadre peut éventuellement affaiblir la structure osseuse et prédisposer ces chevaux aux fractures [11]. De même, en cas de fracture de stress, le renouvellement osseux débute par l’action des ostéoclastes, et les biphosphonates peuvent aussi ralentir la cicatrisation [11].
Enfin, en raison de leur affinité pour l’os, les biphosphonates sont capables de rester actifs pendant plusieurs mois et leur utilisation peut avoir des conséquences sur le remodelage osseux à long terme [11]. Leur emploi est donc recommandé chez l’adulte uniquement.
Il existe aussi des risques à l’utilisation des biphosphonates non-azotés liés au dopage chez les chevaux. Les délais indicatifs sont de 28 jours avant un concours et 30 jours avant une course hippique.
Aucun.