Gérer son équipe vétérinaire : leadership et délégation - Le Point Vétérinaire expert rural n° 397 du 01/07/2019
Le Point Vétérinaire expert rural n° 397 du 01/07/2019

PILOTAGE

Management

Auteur(s) : Céline Gaillard-Lardy

Fonctions : Health Initiative
Le Point Vétérinaire
11-15, quai de Dion-Bouton
92800 Puteaux

En clinique vétérinaire, le bon fonctionnement est assuré par l’ensemble des collaborateurs. Cet article propose des pistes de management pour améliorer l’esprit d’équipe.

Le management d’une entreprise vétérinaire est un art difficile. Dans une clinique, l’ensemble du personnel forme une équipe qui, pour être fonctionnelle et efficace, doit suivre quelques règles de base. Pierre Mathevet, lors des dernières journées des GTV (Nantes), a présenté les clés de la réussite de la gestion d’une équipe vétérinaire, qui regroupe les associés, les salariés vétérinaires et les auxiliaires de santé vétérinaire (ASV).

Une bonne ambiance de travail est un prérequis essentiel au recrutement et au maintien du personnel dans une clinique vétérinaire. C’est d’ailleurs le premier critère de choix d’une structure d’exercice, pour les salariés vétérinaires comme pour les ASV. Lorsque l’ambiance n’est pas bonne, les salariés ne restent généralement pas longtemps en fonction.

L’ÉQUIPE EST-ELLE UNE FAMILLE ?

Souvent, les bonnes relations entre les collaborateurs d’une clinique vétérinaire les conduisent à décrire leur lieu de travail comme une seconde famille. La famille se définit par un nom de famille, des valeurs communes, des rituels (repas de noël, communion, etc.) et un chef. Enfin, dans une famille, les relations sont de type parents-enfants. Ces relations, destructrices dans le cadre du travail, sont à proscrire au sein de l’équipe. Dans une équipe, le leader n’est pas autoproclamé ou choisi en fonction de son âge, mais reconnu comme tel par les autres. C’est un leader naturel, qui doit donner envie d’être suivi.

Les équipes ont, comme les familles, un passé commun (des victoires collectives notamment), un sentiment d’appartenance (un logo, un rituel, un maillot). Personne ne doit être laissé de côté dans l’équipe. Il est ainsi essentiel d’intégrer au plus vite les nouveaux membres dans l’organigramme de la clinique (sur le site web par exemple) et de leur fournir le même équipement qu’aux autres (blouse avec logo, badge avec nom, etc.). Tous ces gestes sont essentiels pour renforcer le sentiment d’appartenance à l’équipe (photo). À la différence de la famille, l’équipe peut être choisie. Le leader a alors pour mission de faire grandir son équipe, dans une relation équilibrée d’adulte à adultes.

Il existe plusieurs différences fondamentales entre une équipe et une famille.

Ainsi, dans une équipe :

– les rôles doivent être clairement définis (ce n’est pas toujours le cas, mais c’est extrêmement important) ;

– des règles de fonctionnement doivent être instaurées ;

– des objectifs communs sont nécessaires.

L’équipe est une force collective supérieure à la somme des forces individuelles. Elle doit permettre aux talents individuels de se surpasser. Sans équipe, pas de motivation, pas de désir de combler les erreurs ou les manques des autres. L’équipe est fondée sur la notion de solidarité.

FONDEMENTS DE L’ÉQUIPE

L’équipe vétérinaire est un fruit dont le noyau est le bloc des associés. Sans noyau solide, il est illusoire de penser gérer l’équipe de la clinique.

Le changement doit débuter par un travail individuel. La transformation organisationnelle commence en effet par une transformation personnelle, qui implique d’accepter de se remettre en question. Former une équipe, c’est d’abord passer de la culture du “je” à celle du “nous”. En effet, les vétérinaires sont issus d’un système élitiste, et ont l’habitude de travailler seuls ; pour travailler en équipe, ils gagnent à mettre leur ego de côté, c’est-à-dire à faire de la décroissance personnelle, et cultiver l’humilité.

1. Les quatre piliers de l’équipe

Le leader

Plusieurs qualités sont nécessaires pour être un bon leader : l’empathie et la capacité à guider les autres en font partie. Le leader est identifié et reconnu naturellement par le reste de l’équipe. Son rôle est de faire grandir les individus au sein de l’équipe et de donner du sens à l’action.

Il doit prendre le temps d’écouter, être apte à communiquer et à motiver. Il doit être capable de tirer le meilleur parti de chacun de ses collaborateurs, avec ses forces et ses faiblesses.

L’unicité

Une équipe doit parler d’une seule et même voix. Ainsi, il ne doit plus y avoir d’objections une fois les décisions prises. Les comportements et les commentaires négatifs sont à proscrire. Des valeurs communes rassemblent une équipe. Les règles de fonctionnement de la clinique doivent être clairement définies : un règlement intérieur pour l’ensemble des acteurs de la clinique doit être écrit et appliqué à tous sans exception, afin d’anticiper les problèmes de fonctionnement. Cela permet également de simplifier et de clarifier l’organisation interne.

Diversité des profils

Chaque personne est différente et peut donc jouer des rôles différents. Lors du recrutement, il est important de choisir des collaborateurs avec des talents et des compétences variés, afin d’enrichir l’équipe. Dans ces conditions, la communication est essentielle, et notamment le feedback. Ainsi, toute tension doit être réglée immédiatement, au risque de voir la situation s’envenimer à force d’emmagasiner les petites rancœurs.

Objectifs communs

Partager un objectif est la base de la motivation. Le fait de chercher à l’atteindre, sans certitude de résultat, génère de l’émotion et de l’émulation. Lorsque l’objectif est atteint, il convient de le célébrer dignement, afin d’entretenir l’esprit d’équipe.

2. Quelques clés pour bien gérer son équipe

La liste ci-dessous n’est pas exhaustive, mais constitue un bon point de départ.

Regarder vers l’avenir

La définition d’une vision commune concernant l’avenir de la structure permet de répondre collectivement, avec l’ensemble des associés, à des perspectives individuelles. Cela suppose donc que les orientations de chacun des associés ne soient pas trop éloignées, car dans le cas contraire, l’association risque d’être compromise.

Cette vision commune, à établir sur 4 à 5 ans, doit être un rêve réaliste, motivant pour tous et générateur d’émotions. Elle doit être définie et écrite par les associés, à la manière d’un engagement, pour être ensuite présentée à l’ensemble de l’équipe. De cette vision découle la mise en place de stratégies pour atteindre les objectifs visés.

Manager les salariés (vétérinaires et ASV)

Lors de l’attribution des missions de chacun, il convient de garder à l’esprit qu’une heure de vétérinaire coûte trois fois plus cher qu’une heure d’ASV. Certaines tâches peuvent ainsi être déléguées (organisation des réunions globales de la clinique, gestion stratégique, gestion des impayés, contact avec les fournisseurs). Toutes les tâches doivent être listées, en définissant le temps supposé nécessaire à chacune d’entre elles. Chaque mission est attribuée à une seule et même personne, qui en est donc responsable. Elle sera remplacée par une seule autre personne en cas d’absence, clairement identifiée en amont. Ces tâches doivent impérativement être incluses dans le temps de travail.

Plus l’effectif du personnel augmente, plus le management est important. En pratique, une personne peut manager 7 à 8 personnes au maximum.

Une autre clé du management est le feedback positif. Toute personne a besoin de reconnaissance, il faut donc penser à pratiquer la reconnaissance positive, en complimentant à l’occasion de bons résultats, voire en félicitant régulièrement. Pour cela, il est primordial de s’intéresser aux personnes et à leurs missions, afin de mieux réguler l’équipe et d’anticiper d’éventuelles tensions. Les remarques négatives touchant à la personnalité, ou les critiques gratuites, non constructives, sont à proscrire. En revanche, émettre une critique sur la façon de se comporter ou de gérer les missions est possible, et même souhaitable, dès lors qu’elle reste constructive.

Gérer les tensions

Il n’est pas toujours facile d’exprimer des critiques sans créer de tension. En cela, la communication non violente, qui passe par les quatre étapes de la démarche OSBD (observation, sentiment, besoins, demande), permet de communiquer de manière constructive pour exprimer les ressentis et chercher les solutions d’amélioration.

– Observation factuelle : il est nécessaire de se référer à des faits concrets et constatés en personne (éviter les “on m’a dit que”, les “toujours” ou les “jamais”).

Exemple : « Tu es arrivé en retard de 15 minutes lors des trois dernières réunions », au lieu de « tu n’es jamais à l’heure » ou « on m’a dit que tu étais arrivé en retard aux cinq dernières réunions » (si vous n’avez constaté que trois retards).

– Sentiments : il s’agit d’exprimer son propre ressenti, sa propre vision du problème, ce que cela implique pour soi, en évitant le “tu” qui tue et en utilisant plutôt la première personne.

Exemple : « J’ai l’impression que tu considères ces réunions comme pas importantes pour la bonne marche de la clinique », au lieu de « tu n’en as visiblement rien à faire ».

– Besoins : il convient d’identifier un besoin insatisfait par rapport au problème rencontré.

Exemple : « J’ai besoin d’avoir une équipe soudée autour d’un projet commun. »

– Demande : il s’agit ici de privilégier les questions ouvertes et d’impliquer l’autre dans la recherche d’une solution, car c’est lui qui a la réponse. Un engagement concret doit alors être proposé.

Exemple : « Que proposes-tu de faire pour remédier à cela ? »

Instaurer des règles

Plusieurs règles de bon fonctionnement sont nécessaires. Tout d’abord, il convient d’établir un pacte d’associés et des règles de gouvernance pour les prises de décision. Si les décisions peuvent être adoptées à l’unanimité dans de petites structures, cela devient plus compliqué lorsque le nombre d’associés augmente. En fonction des budgets engagés et pour des décisions courantes, la majorité est généralement suffisante. Il est primordial que les modalités des prises de décision soient établies à l’avance, l’unanimité étant réservée aux décisions importantes (transfert de site, engagement d’un CDI, d’un nouvel associé).

Réunir les associés

Les réunions d’associés sont indispensables et doivent avoir lieu pendant le temps de travail. Quatre à cinq points au maximum peuvent être abordés au cours d’une séance, qui ne doit pas dépasser une heure et demie. Un responsable de réunion est désigné, pas nécessairement toujours le même. Il est chargé de la préparation de l’ordre du jour, à établir en concertation avec les associés 4 à 5 jours à l’avance, et de son envoi à l’ensemble des participants (sans oublier de joindre les documents nécessaires, devis, etc.) en amont de la réunion. Le débat doit se limiter à ces thèmes, auxquels chacun est préparé. Pour chaque point, trois questions se posent : est-ce qu’on le fait, qui le fait, quand le fait-on ? Enfin, le relevé de décisions de la réunion est envoyé à tous les associés pour ultime validation.

SAVOIR DÉLÉGUER

Déléguer offre deux avantages : cela permet de se libérer du temps d’une part, et constitue une source de motivation pour les personnes qui se voient confier de nouvelles missions ou responsabilités d’autre part.

1. À qui déléguer ?

Il ne s’agit pas de ne déléguer que les missions ennuyeuses. Déléguer, c’est aussi nourrir le sens des responsabilités des collaborateurs. Ainsi, il est important de savoir à qui déléguer, selon les compétences de chacun. Les missions seront attribuées en fonction des goûts et des aptitudes de chaque membre de l’équipe. La confiance est alors primordiale, puisque la tâche et sa responsabilité sont déléguées. Il est également important de ne déléguer qu’à une seule personne, en donnant des consignes claires et cohérentes. Toute l’équipe doit être prévenue de ce changement d’organisation. Ensuite, un feedback sera nécessaire pour évaluer l’accomplissement ou l’avancement de la mission, en association avec d’éventuelles critiques constructives.

2. Que déléguer ?

Déléguer nécessite une étape préalable d’explication, d’information, voire de formation. Ce temps ne doit pas être supérieur au temps gagné – c’est pourquoi il est important de bien choisir la ou les personnes à qui déléguer –, mais il est nécessaire.

Il est important de déléguer des tâches que l’on sait faire soi-même, afin de pouvoir aider en cas de problème, et d’être présent en renfort. Cela permet également d’être capable de détecter des erreurs éventuelles.

Globalement, il convient de distinguer les tâches importantes de celles urgentes. Ce qui est non urgent et non important pourra être délégué à une personne peu compétente ou peu expérimentée. Les missions non urgentes et importantes seront déléguées à une personne de confiance, après un temps de formation si nécessaire. Enfin, les tâches urgentes et importantes seront confiées à un collaborateur immédiatement opérationnel.

L’important est d’être clair dans sa demande, de bien expliquer les résultats attendus, les enjeux, de préciser les délais et les moyens disponibles (budget). « Tout objectif flou conduit irrémédiablement à une erreur précise », précise Pierre Mathevet.

Déléguer, c’est aussi accepter que la personne procède d’une autre façon. À l’intérieur du cadre de la mission, une liberté doit être accordée quant à la façon de la mettre en œuvre.

Conclusion

Pour gérer une équipe, le leader doit être empathique, proche de ses collaborateurs, capable de mener et d’entraîner des personnes différentes vers un objectif commun, dans une relation de confiance mutuelle, fondée sur une communication claire. Cependant, dans la plupart des cliniques, le back office est sous-dimensionné, ce qui conduit à une charge de travail importante pour les salariés, ce qui rend la délégation difficile. Idéalement, il faudrait disposer d’un ASV pour un praticien rural, 1,2 par vétérinaire mixte et 1,5 par praticien canin. Lorsque le nombre d’ASV augmente et dépasse 8, il peut être utile de prévoir un management intermédiaire.

Conflit d’intérêts

Aucun.

Points forts

→ Leadership, unicité, diversité et objectifs communs sont les quatre piliers de l’équipe.

→ Il est nécessaire d’instaurer des règles, pour les associés comme pour les salariés : établissement d’un pacte d’associés, de règles de gouvernance et d’un règlement intérieur.

→ La délégation est un art qui permet de renforcer l’esprit d’équipe en confiant des tâches et des responsabilités à des collaborateurs tout en gagnant du temps pour soi.

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