Utilisation sur le terrain du cyprès toujours vert (Cupressus sempervirens) en pratique rurale - Le Point Vétérinaire expert rural n° 396 du 01/06/2019
Le Point Vétérinaire expert rural n° 396 du 01/06/2019

PHYTOTHÉRAPIE

Article original

Auteur(s) : Amandine Prélot*, Sébastien Perrot**, Claude Faivre***, Isabelle Guinobert****, Yves Millemann*****

Fonctions :
*Hospitalisation des grands animaux,
ENV d’Alfort, 7, avenue du Général-de-Gaulle, 94704 Maisons-Alfort Cedex
**Pharmacies de l’ENVA, ENV d’Alfort,
7, avenue du Général-de-Gaulle,
94704 Maisons-Alfort Cedex
***Wamine, 1 ZI du Taillis
Champtoceaux, 49270 Orée-d’Anjou
****PiLeJe Laboratoire, 37, quai de Grenelle, 75015 Paris
*****Hospitalisation des grands animaux,
ENV d’Alfort, 7, avenue du Général-de-Gaulle, 94704 Maisons-Alfort Cedex

L’extrait fluide de plante fraîche standardisé (EPS) de cyprès possède des propriétés antivirales utiles en cas de maladie respiratoire. Son usage en clientèle rurale a été objectivé auprès de vétérinaires.

La mise en place des plans EcoAntibio a stimulé l’intérêt porté à la phytothérapie, dont l’étude est à nouveau en plein essor : le nombre de publications comportant le mot “phytothérapie” sur PubMed s’est envolé depuis les années 2000. Cette médecine, fondée sur l’usage des plantes, était déjà utilisée durant l’Antiquité, voire au cours de la Préhistoire. Récemment, les différents scandales autour des médicaments, comme celui du Mediator, ont engendré une méfiance vis-à-vis des médicaments allopathiques et poussé la société à revenir vers des méthodes plus “proches de la nature” [15]. En 2011, un sondage a ainsi révélé que 63 % des Français font confiance à la phytothérapie et que 43 % d’entre eux l’utilisent pour se soigner(1). Ces pratiques s’étendent naturellement à la médecine vétérinaire [4].

Ainsi, dans le cadre d’une thèse vétérinaire, un questionnaire en ligne a été envoyé à des vétérinaires phytothérapeutes, afin de connaître leur pratique de la phytothérapie, et en particulier leur utilisation d’un extrait de cyprès en médecine bovine [16]. Les objectifs étaient également de mieux connaître les vétérinaires pratiquant la phytothérapie et leur clientèle, ainsi que leur ressenti sur l’efficacité de l’extrait fluide de plante fraîche standardisé (EPS) de cyprès sur le terrain.

CONTEXTE DE L’ÉTUDE

1. La phytothérapie en pratique rurale

La phytothérapie, faussement perçue comme une médecine “douce”, est une solution de plus en plus répandue pour soigner l’homme, voire les animaux [13]. Il convient de rappeler que les molécules utilisées dans les médicaments allopathiques trouvent en partie leur origine dans les plantes et que, comme tout principe actif, les substances d’origine naturelle peuvent avoir des effets néfastes. En phytothérapie, les molécules actives sur l’organisme sont apportées par le totum de la plante, sans synthèse ou purification poussée, qui relèvent de « l’industrie chimique ».

Plusieurs formes galéniques existent, afin de se rapprocher le plus possible du totum de la plante, c’est-à-dire de la totalité des principes actifs contenus dans celle-ci. L’une des plus utilisées en médecine vétérinaire est l’EPS. Il s’agit d’un extrait hydro-alcoolique, présenté en solution glycérinée, après évaporation des solvants, obtenu grâce à un procédé d’extraction breveté (WO2001056584A, Phytostandard®). Les extraits de plantes sont élaborés de façon à assurer une concentration minimale d’un traceur, définie par des normes de qualité. Ce traceur est choisi de façon à représenter le mieux possible les molécules les plus intéressantes de la plante [6]. Les EPS se présentent sous la forme d’un fluide à administrer per os.

Actuellement, il existe surtout deux freins au développement de la phytothérapie en médecine vétérinaire : la législation, en particulier pour la médecine des animaux de rente ; les plantes n’étant pas brévetables, les laboratoires sont peu enclins à réaliser des études cliniques qui profiteraient à la concurrence et les faibles marges engendrées par la commercialisation des produits phytothérapeutiques, n’encouragent pas les laboratoires à investir dans la recherche.

2. Réglementation et phytothérapie

L’usage des médicaments vétérinaires est supervisé par l’Agence nationale du médicament vétérinaire (ANMV), au sein de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). Elle évalue le risque lié au médicament vétérinaire. Or l’ANMV considère que les produits phytothérapiques sont des médicaments par présentation, en raison de leurs propriétés curatives ou préventives. Ils doivent ainsi bénéficier d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) pour être utilisés. Le laboratoire doit démontrer la qualité (substances actives, procédé de fabrication, contrôle qualité, etc.), l’innocuité et l’efficacité de son produit. Pour les animaux de rente, l’innocuité doit également être démontrée pour le consommateur, via la définition de limites maximales de résidus (LMR) en dessous desquelles le produit peut être consommé. Il existe une procédure allégée pour les produits phytothérapeutiques.

L’élaboration d’un dossier d’AMM est à la fois compli­quée et coûteuse, en particulier en phytothérapie, parce que les compositions des plantes sont variables par nature et pas toujours connues, et que les preuves d’efficacité et d’innocuité sont rares pour le moment. De plus, une plante ne pouvant pas être brevetée, la commer­cialisation de produits phytothérapiques ne suffit pas pour financer les tests nécessaires à l’élaboration du dossier d’AMM et au suivi du produit. Malgré l’existence d’une procédure d’AMM allégée pour les médicaments à base de plantes, peu de laboratoires investissent dans les recherches sur les produits à base de plantes, afin de bénéficier d’une AMM. Pour pallier l’absence de spécialité phytothérapeutique, il est possible de recourir soit à des préparations extemporanées (comme l’autorise le principe de la cascade), soit à des compléments alimentaires pour lesquels aucune AMM n’est nécessaire.

L’usage des aliments complémentaires n’a normalement pas de but thérapeutique, il est sous contrôle de ­l’European Food Safety Authority (Efsa).

Quant aux préparations extemporanées, elles sont constituées de matières premières à usage pharmaceutique (MPUP) dont la qualité répond aux monographies de la pharmacopée européenne ou française. Bien que par définition la préparation extemporanée ne puisse pas bénéficier d’une AMM, elle doit néanmoins, dès lors qu’elle est destinée à un animal producteur de denrée, bénéficier d’une LMR fixée au niveau européen.

Ainsi, quel que soit le produit à base de plantes utilisé, il doit être inscrit :

– sur la liste des substances autorisées par l’Efsa s’il s’agit d’un complément alimentaire ;

– sur le tableau 1 (LMR) des substances autorisées par l’Anses-ANMV s’il s’agit d’un médicament ou d’une MPUP.

Très peu de substances végétales sont actuellement inscrites sur le tableau 1 des substances autorisées. Ainsi, dans la plupart des cas, le traitement phytothérapeutique est interdit, en particulier pour les animaux de rente, puisque les LMR ne sont pas disponibles.

3. Intérêt du cyprès toujours vert

L’intérêt des plantes en médecine vétérinaire fait actuellement l’objet de recherches, en particulier celui de l’extrait de cyprès toujours vert (Cupressus sempervirens, photo 1). Cet EPS est commercialisé par le laboratoire Wamine, qui préconise de l’utiliser comme antiviral et protecteur des tissus conjonctifs, en particulier lors d’atteintes de l’appareil respiratoire, voire de gastro-entérites néonatales [12].

Les cônes de cyprès, utilisés pour produire l’EPS, contiennent des molécules d’intérêt, dont des tanins. Parmi ces derniers, les proanthocyanidines (PAC) possèdent des propriétés reconnues. D’abord, elles inhibent la réaction de dégradation du collagène par la collagénase. La majeure partie du tissu conjonctif étant constituée de collagène, les PAC ont donc un effet protecteur pour ce tissu [2].

Ensuite, un effet antiviral a été montré sur différents virus humains, d’abord in vitro, puis in vivo chez des souris [2, 3, 5]. Une réaction de fixation des tanins aux virus, comme cela a été observé en microscopie électronique, pourrait expliquer l’effet antiviral de l’extrait de cyprès [5].

Plus récemment, des tests de virucidie in vitro ont été réalisés sur des virus bovins : l’herpèsvirus bovin de type 1, responsable de la rhinotrachéite infectieuse bovine (IBR), le virus respiratoire syncytial bovin, à tropisme respiratoire, et le rotavirus bovin, qui provoque des entérites néonatales. L’extrait hydro-éthanolique de cyprès, à l’origine de l’EPS commercialisé, a eu un effet virucide sur ces trois agents pathogènes [8].

Expérimentalement et in vitro, l’EPS de cyprès semble avoir un intérêt dans le traitement des maladies respiratoires d’origine virale. Aucune donnée sur l’absorption des PAC n’est cependant disponible chez l’animal, en particulier chez les bovins, alors que cette absorption est réputée faible chez l’homme, par exemple [14]. En dépit d’une absence de démonstration in vivo, les vétérinaires phytothérapeutes utilisent cet EPS dans leur pratique courante.

ENQUÊTE AUPRÈS DES VÉTÉRINAIRES

1. Matériel et méthode

Un questionnaire en ligne (Google Forms) a été envoyé par courriel à des cliniques vétérinaires utilisant la phytothérapie chez les bovins fin juillet 2017. Ces vétérinaires faisaient partie de la liste des clients du laboratoire Wamine qui commercialise des EPS.

Les 108 réponses obtenues ont été exploitées grâce au logiciel Excel 2016.

2. Profil des vétérinaires utilisant la phytothérapie

Des vétérinaires de toutes les régions françaises, et formés équitablement dans les quatre écoles nationales et l’ensemble des universités belges, ont répondu au questionnaire. Parmi les répondants, 20 vétérinaires ont été diplômés entre 1974 et 1987 inclus, 38 entre1988 et 2002 et 50 entre 2003 et 2016. Les jeunes vétérinaires ont davantage répondu, peut-être parce qu’ils sont plus enclins à participer et/ou plus nombreux à pratiquer la phytothérapie.

En majorité, les vétérinaires pratiquent la phytothérapie depuis un à cinq ans, quel que soit leur âge, alors que d’autres l’utilisent depuis de nombreuses années (figures 1 et 2, tableau 1). Les raisons qui conduisent les vétérinaires à utiliser la phytothérapie sont liées à la personnalité du vétérinaire, mais aussi aux plans EcoAntibio (antibiorésistance, réduction de prescription des antibiotiques, médecines complémentaires).

Soixante pourcents des vétérinaires interrogés ont suivi une formation en phytothérapie après leurs études vétérinaires, proposée par un laboratoire pour la majorité d’entre eux (figure 3). D’autres ont suivi des formations au sein de facultés (diplômes universitaires croisés avec la pharmacie et la médecine humaine) ou dans des écoles spécialisées vétérinaires (Avetao(2) ou Imaov (3)). La catégorie “autres” comprend des formations proposées par des écoles privées de médecine humaine ou par des associations, des revues scientifiques et enfin des conférences.

Actuellement, la formation des étudiants vétérinaires en médecines complémentaires est très limitée. Complètement absente du cursus pendant quelques années, elle est proposée au travers de rares conférences et travaux dirigés. Pourtant, les élèves semblent sensibilisés à cette thérapeutique, comme le montre un sondage réalisé auprès de 300 étudiants de l’ENVA à la rentrée 2018 : 80 % d’entre eux se disent intéressés et 40 % souhaiteraient se former. Récemment, un diplôme inter-établissement (DIE) vétérinaire a été créé, il s’agit d’une formation diplômante en phytothérapie appliquée à la médecine vétérinaire.

Si la phytothérapie est perçue comme une médecine “douce” par le grand public, elle n’en reste pas moins une technique thérapeutique. Aucun traitement médical ne doit être réalisé à la légère. Ainsi, la connaissance des substances utilisées et de leurs effets est indispensable. Les formations proposées sont nombreuses et pas toutes équivalentes, garder son esprit critique est primordial pour les évaluer (qualité scientifique, éventuels conflits d’intérêt des enseignants).

3. Profil de la clientèle

Le taux d’utilisation actuel de la phytothérapie en élevage, en France, n’est pas connu. Cependant, les éleveurs semblent de plus en plus demandeurs d’une telle technique thérapeutique, en particulier en élevage biologique pour lequel l’usage de traitements allopathiques est limité. Une thèse vétérinaire montre, grâce à un sondage réalisé en 2008 auprès de 271 éleveurs biologiques, que 90 % d’entre eux connaissent la phytothérapie, que 70 % l’utilisent et que 36 % ont suivi une formation sur ce thème [9]. Afin de pouvoir conseiller leurs clients, les vétérinaires se doivent d’être informés sur cette thérapeutique.

Dans notre étude, les clientèles sont très variables selon les vétérinaires, sans qu’aucune tendance ne se dégage (pourcentage d’activité en médecine rurale, répartition laitier/allaitant).

Les vétérinaires ont été interrogés sur l’intérêt que leurs clients portent à la phytothérapie. En moyenne, dans toutes les clientèles, environ 16 % des éleveurs semblent demandeurs de thérapeutiques dites “alternatives”. D’autres, dans une même proportion, utilisent déjà la phytothérapie en élevage. Parmi eux, 30 % en moyenne sont en élevage biologique, selon les vétérinaires interrogés.

Si les résultats obtenus dans notre questionnaire sont éloignés de ceux observés dans la thèse vétérinaire de 2008, différentes hypothèses peuvent l’expliquer [9]. D’une part, dans notre étude, tous les élevages ne sont pas biologiques. D’autre part, les éleveurs ne sont pas interrogés directement, la perception des éleveurs par les vétérinaires étant par nature subjective.

4. Pratique et respect de la réglementation

Plus de 70 % des praticiens interrogés considèrent que les traitements phytothérapiques sont des médicaments. Malgré cela, ils ne prescrivent pas toujours de temps d’attente. Lorsqu’ils en prescrivent, les temps d’attente préconisés sont très variables, allant de la durée du traitement au temps d’attente dit “forfaitaire” de 7 jours pour le lait et 28 jours pour la viande.

Aujourd’hui, réglementation et pratique ne sont pas en accord. De nombreux produits phytothérapiques existent et sont à la disposition, non seulement des vétérinaires, mais aussi des éleveurs, qui les utilisent parfois sans avis vétérinaire. Or d’un point de vue légal, rares sont les produits autorisés chez les animaux de rente. En effet, toutes les substances n’ayant pas de LMR définies ne peuvent pas être utilisées chez les animaux de rente, comme l’EPS de cyprès par exemple.

Cette réglementation est amenée à être modifiée dans un futur proche. À la suite d’un rapport publié en septembre 2018, une proposition de loi pourrait alléger la législation autour des produits à base de plantes, en ce qui concerne les LMR par exemple [10, 11]. Des formations pourraient aussi devenir plus accessibles. Le métier d’herboriste serait alors reconsidéré.

5. Utilisation du cyprès sur le terrain

Choix des EPS

Quarante-quatre pourcents des vétérinaires sondés utilisent l’EPS de cyprès, pour son action antivirale le plus souvent et en cas d’atteinte respiratoire (figures 4 et 5), comme l’indique le laboratoire.

L’EPS est rarement utilisé seul, mais plutôt en mélange administré per os. Parmi les vétérinaires répondants, 2 seulement utilisent l’EPS de cyprès pur, alors que les 46 autres réalisent des préparations magistrales à base de plusieurs EPS différents. L’EPS de cyprès est le plus souvent associé avec de l’EPS d’échinacée (10 vétérinaires), de réglisse (5) ou de pin (4), tandis que 13 vétérinaires réalisent des mélanges avec plus de trois extraits différents. Cependant, aucun des vétérinaires interrogés ne réalise les mélanges proposés par le laboratoire (tableau 2).

Posologie

La posologie (dose administrée, fréquence et durée du traitement) utilisée pour l’EPS de cyprès varie selon les praticiens (tableau 3).

Les vétérinaires interrogés prescrivent le plus souvent 5 ml par prise pour les veaux, ce qui correspond à la dose préconisée par le laboratoire. Pour les adultes, la dose prescrite (10 ml) est inférieure à celle conseillée par le laboratoire (15 ml). Le nombre d’administrations par jour et la durée du traitement proposés par le laboratoire varient selon la maladie et son caractère aigu ou chronique. Quatre prises par jour sont préconisées, bien que la majorité des vétérinaires interrogés n’en prescrivent que deux, sans doute par commodité. L’EPS est généralement distribué pendant cinq à dix jours selon les vétérinaires sondés, ce qui est plutôt en accord avec les préconisations du laboratoire.

Les vétérinaires adaptent la posologie en fonction de leur expérience (27 vétérinaires), des préconisations du laboratoire (24), des conseils de confrères (8), ou à la suite d’une formation (2). Plusieurs réponses étaient possibles.

La posologie conseillée est fondée sur les connaissances disponibles en médecine humaine et sur des études in vitro. Cependant, l’absence d’essai clinique sur le terrain, justifiant une posologie, est certainement, en grande partie, responsable de ces variations. Une formation objective en phytothérapie est bien indispensable pour prescrire correctement des traitements à base d’EPS.

Associations avec d’autres traitements

Le traitement phytothérapique est rarement prescrit seul, il est généralement associé à une ou plusieurs autres médecines dites alternatives pour 21 des 48?confrères ayant répondu (soit 40 %). Presque tous (20 sur 21) ont recours à l’aromathérapie, c’est-à-dire à l’usage d’huiles essentielles. Elle est associée à l’homéopathie pour 5?d’entre eux, à l’acupuncture et à la gemmothérapie (utilisation de tissus végétaux embryonnaires) pour 2?praticiens.

Quatre-vingt-dix pourcents des vétérinaires qui utilisent l’EPS de cyprès l’associent toujours ou parfois à un traitement allopathique, pour différentes raisons (figure 6). Face à un état général très dégradé ou à une suspicion d’infection bactérienne, si la phytothérapie peut apparaître comme une médecine complémentaire intéressante, elle n’est souvent pas suffisante. L’EPS de cyprès, par exemple, n’est pas adapté à la lutte contre les bactéries. La question de l’intérêt de la phytothérapie à base d’EPS de cyprès pour des maladies respiratoires, dans la perspective d’une diminution du recours aux antibiotiques, peut donc se poser. En effet, cet EPS ne peut prétendre à remplacer les antibiotiques, mais peut éventuellement avoir une action préventive ou adjuvante grâce à son effet virucide. Par exemple, en cas de surinfection bactérienne d’une maladie respiratoire d’origine virale, l’action du système immunitaire contre les bactéries pourrait être renforcée par l’administration d’un antiviral tel que l’EPS de cyprès.

Le traitement allopathique prescrit par les vétérinaires qui ont répondu est constitué d’antibiotiques dans 80 % des cas, parfois d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (46 % des cas) ou d’anti-inflammatoires stéroïdiens (7 %), voire les deux (12 %). Dans 20 % des cas, des anti-inflammatoires non stéroïdiens sont donc associés au traitement phytothérapeutique.

6. Effets observés lors de l’utilisation de l’EPS de cyprès

Les vétérinaires sondés ont exprimé leur ressenti quant aux effets observés après l’utilisation d’EPS de cyprès (figures 7 et 8).

Plusieurs biais impactent les résultats de cette évaluation d’efficacité. D’abord, il s’agit d’une évaluation subjective faite par les vétérinaires. Ensuite, l’EPS de cyprès est presque toujours utilisé en mélange, et un traitement allopathique lui est associé dans 90 % des cas. L’effet observé sur l’état général des animaux n’est donc pas imputable uniquement à l’EPS de cyprès.

En gardant ces biais à l’esprit, plus de la moitié des vétérinaires observent une amélioration de l’état général chez les animaux traités avec de l’EPS de cyprès. Vingt pourcents d’entre eux notent une dégradation, potentiellement due à une atteinte clinique trop sévère pour pouvoir être améliorée par l’EPS de cyprès. De plus, en cas d’atteinte bactérienne, si l’EPS de cyprès n’a pas de potentiel curatif, il peut certainement apporter un soutien à l’animal.

Quelques vétérinaires (5 sur 48) rapportent des effets secondaires après avoir utilisé l’EPS de cyprès. Là encore, la multiplicité des traitements ne permet pas d’imputer uniquement ces effets à l’EPS de cyprès. Cependant, un vétérinaire note l’apparition d’une diarrhée, qui peut être due à l’ingestion en grande quantité de glycérine, composant majoritaire des EPS. Ainsi, chez les bovins adultes, il est conseillé de ne pas dépasser 100 g de glycérol par kilogramme d’aliment concentré, pour une ration contenant 50 % de concentré [1]. La dose administrée à cet animal et les symptômes d’origine ne sont pas connus. De plus, les animaux présentant une dysbiose intestinale supportent difficilement l’administration de glycérine per os.

Conclusion

La phytothérapie est une approche thérapeutique dite alternative, utilisée par de nombreux vétérinaires notamment depuis la mise en place du premier plan EcoAntibio Bien que ces plans préconisent le recours aux approches alternatives comme la phytothérapie, pour réduire l’usage des antibiotiques, la réglementation actuelle n’en facilite pas l’usage, notamment chez les animaux producteurs de denrées. Des évolutions de cette réglementation sont nécessaires.

Les effets des plantes ont d’abord été définis de façon empirique, mais sont de mieux en mieux documentés, même si les essais in vivo sont encore rares. Les études visant à démontrer les propriétés des différentes plantes utilisées ou à évaluer le rapport bénéfice/risque de l’utilisation des produits à base de plantes sont coûteuses, mais se mettent progressivement en place.

Les formes galéniques utilisées en phytothérapie sont nombreuses, mais les EPS semblent être adaptés à la médecine rurale. Parmi ces extraits, celui du cyprès présente un intérêt antiviral, démontré contre trois virus bovins in vitro. La variabilité des posologies employées révèle un manque de connaissances vis-à-vis de cette plante.

Lorsque les vétérinaires utilisent l’EPS de cyprès pour lutter contre un virus respiratoire, 60 % d’entre eux notent une amélioration de l’état général des animaux traités. Cependant, ce résultat doit être interprété avec prudence, puisqu’il s’agit d’une évaluation subjective et que plusieurs traitements (phytothérapeutiques, alternatifs, allopathiques) sont administrés concomitamment.

Cette étude de terrain montre que les vétérinaires interrogés utilisent les EPS dans leur pratique courante, avec des résultats qu’ils jugent satisfaisants.

Références

  • 1. Afssa. Avis de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments sur l’innocuité de la glycérine utilisée en tant que matière première en alimentation animale pour toutes espèces. 2007. Saisine 2007-SA-0013. https://www.anses.fr/fr/content/avis-de-l%E2%80%99agence-fran%C3%A7aise-de-s%C3%A9curit%C3%A9-sanitaire-des-aliments-sur-linnocuit%C3%A9-de-la-glyc%C3%A9ri-0
  • 2. Amouroux P. Procyanidines polymères de cyprès : contribution au développement d’un nouveau type d’antiviral. 1998. Thèse d’exercice de médecine, Clermont-Ferrand. Université d’Auvergne – Blaise Pascal.
  • 3. Amouroux P, Jean D, Lamaison J-L. Antiviral activity in vitro of Cupressus sempervirens on two human retroviruses HIV and HTLV. Phytotherapy Research 1998;12:367-368.
  • 4. Cabaret J. Médecines complémentaires et alternatives vétérinaires, un fait de société. Bulletin des GTV. 2016;n°sp.:97
  • 5. Clément C. (1993) Mise en évidence et recherche du mode d’action antiviral d’un proanthocanidol. Thèse d’exercice de médecine, Clermont-Ferrand. 1993.
  • 6. Dessouroux A, Seyrig C, Leclerc C. (2011) Point sur la qualité des extraits fluides glycérinés de plantes fraîches standardisés (EPS) et leur intérêt pharmacologique. Phytothérapie. 2011;9 (4):249-254.
  • 7. Formations vétérinaires : DIE phytothérapie vétérinaire (s. d.). [https://connectpro.oniris-nantes.fr/mod/page/view.php?id=3082] (consulté le 15/04/2019).
  • 8. Guinobert I, Bardot V, Berthomier L, et coll. Activité virucide in vitro d’un extrait de cyprès sur des virus humains et bovins. Phytothérapie. 2018;16 (5):281-289.
  • 9. Hivin B. Phytothérapie et aromathérapie en élevage biologique bovin, enquête auprès de 271 éleveurs de France. Thèse de doctorat vétérinaire. ENV Lyon, université Claude Bernard. 2008:144p.
  • 10. Igoho-Moradel M. Phytothérapie, les sénateurs entrent dans la ronde. Sem. Vét. 2018;1782.
  • 11. Labbé J. Les plantes médicinales et l’herboristerie : à la croisée de savoirs ancestraux et d’enjeux d’avenir. Rapport d’information n° 727. 2018:386p.
  • 12. Laboratoire Wamine. Conseils d’utilisation des plantes. 2013.
  • 13. Mercan A. (2014) Le meilleur de la science, de la nature et de la tradition : ethnographie des enseignements de phytothérapie en France. Hépato-gastroentérologie libérale. 2014;4 (2):154-161.
  • 14. Ou K, Gu L. Absorption and metabolism of proanthocyanidins. J. Funct. Foods. 2014;7:43-53.
  • 15. Pouchard A. Affaire du Mediator : le point si vous avez raté un épisode. 2012. https://www.lemonde.fr/sante/article/2012/12/12/affaire-du-mediator-le-point-si-vous-avez-rate-un-episode_1804954_1651302.html
  • 16. Prélot-Claudon A. Utilisation de l’extrait de plantes fraîches standardisé de Cupressus sempervirens (cyprès toujours vert) comme virucide lors de maladies respiratoires des bovins. Thèse vétérinaire, ENVA. 2018:149p.

Conflit d’intérêts

Claude Faivre est membre de Wamine Isabelle Guinobert est membre de PiLeJe Laboratoire

Points forts

→ L’EPS de cyprès a montré un effet virucide in vitro sur trois virus bovins : l’herpèsvirus bovin de type 1, responsable de la rhinotrachéite infectieuse bovine (IBR), le virus respiratoire syncytial bovin, à tropisme respiratoire, et le rotavirus bovin, à l’origine d’entérites néonatales.

→ L’EPS de cyprès est utilisé lors d’affections respiratoires chez les bovins, seul ou en association.

→ 90 % des vétérinaires qui utilisent l’EPS de cyprès l’associent à un traitement allopathique, notamment antibiotique.

→ 60 % des vétérinaires considèrent que le recours à l’EPS de cyprès améliore les signes cliniques en cas de maladie respiratoire d’origine virale suspectée.