Étape 2 : Réalisation pratique de l’analyse d’urine conventionnelle et interprétation de la densité urinaire - Le Point Vétérinaire n° 395 du 01/05/2019
Le Point Vétérinaire n° 395 du 01/05/2019

En 10 Étapes

Auteur(s) : Margot Grebert*, Cathy Trumel**

Fonctions :
*Équipe de biologie médicale-histologie,
Crefre, université de Toulouse, Inserm-UPS-ENVT
23, chemin des Capelles
31076 Toulouse Cedex 03

Le test de la bandelette est facile, et son interprétation fiable si certaines conditions sont respectées. La densité urinaire est mesurée à part à l’aide d’un réfractomètre, la plage qui l’indique sur la bandelette n’étant pas adaptée.

La bandelette urinaire et la mesure de la densité urinaire par réfractométrie sont deux examens facilement réalisables en routine, fournissant des informations importantes sur le fonctionnement ou l’intégrité de l’appareil uro-génital. Elles permettent également de détecter d’autres types d’affections, notamment des troubles métaboliques. Ces examens se réalisent de manière standardisée afin d’éviter des erreurs analytiques.

Bandelette urinaire

1. Principe et matériel

Le test se compose d’une bandelette comportant des zones réactives de chimie sèche permettant, grâce à une lecture visuelle ou automatisée, de rechercher dans les urines la présence semi-quantitative ou qualitative de différents analytes. Il fournit des informations importantes et son emploi est rapide et économique. Les bandelettes urinaires classiquement employées sont généralement constituées de plages réactives permettant d’évaluer le pH et de détecter une activité peroxydasique, une glucosurie, une protéinurie, une cétonurie, une bilirubinurie, et la présence d’urobilinogène. Certaines bandelettes comprennent également des plages permettant de déceler des leucocytes et des nitrites. La plage densité urinaire (USG) de la bandelette ne permet pas une estimation satisfaisante de cette variable chez le chien et le chat [2]. De nombreuses substances sont susceptibles d’interférer avec les plages réactives des bandelettes urinaires. Ces dernières doivent être conservées au sec, à température ambiante ne dépassant pas 30 °C, et dans leur emballage d’origine refermé immédiatement après usage. Les bandelettes dont la date de péremption est dépassée ne peuvent plus être utilisées. Il convient également d’éviter tout contact avec les différentes plages réactives lors de la manipulation des bandelettes.

2. Réalisation pratique

Si les urines sont limpides, elles peuvent être utilisées directement, tandis que des urines fortement colorées doivent être centrifugées. Cependant, si la coloration est toujours présente dans le surnageant, le test ne peut être interprété de manière fiable (photo 1).

Les bandelettes urinaires ont été conçues tout d’abord pour les êtres humains. La quantité d’urines n’étant pas un facteur limitant, les fabricants préconisent un trempage rapide de la bandelette dans l’urine. En pratique vétérinaire, la quantité d’urine pouvant être un facteur limitant, une goutte d’urine est déposée sur chaque plage réactive. Afin de prévenir toute contamination, il est conseillé de placer la bandelette sur le plan horizontal et de la disposer sur la tranche, afin de permettre l’élimination du surplus de liquide sur du papier absorbant. La lecture se fait entre 30 secondes et 2 minutes après le dépôt de l’urine, selon les bandelettes, soit visuellement en comparant la bandelette avec la gamme colorimétrique présente sur l’emballage, soit à l’aide d’un petit automate adapté aux bandelettes utilisées(1) (photos 2a à 2c).

Densité urinaire

1. Principe

L’une des plus importantes fonctions des reins est la concentration ou la dilution des urines en modulant la réabsorption tubulaire d’eau. La mesure de la densité urinaire est l’un des points essentiels de l’analyse d’urine et peut être réalisée facilement à l’aide d’un réfractomètre.

L’élimination rénale de solutés et d’eau est le résultat de la filtration glomérulaire et de la réabsorption et des sécrétions tubulaires. La mesure de l’osmolalité des urines est la principale méthode permettant d’évaluer la capacité du rein à concentrer ou à diluer les urines pour répondre aux besoins de l’organisme, mais elle est difficile à réaliser en pratique au chevet de l’animal. La densité urinaire, facilement mesurable en clinique, est une estimation de l’osmolalité urinaire très intéressante en raison de la forte corrélation existant entre ces deux variables, qui renseigne donc sur le fonctionnement des reins [1]. L’interprétation des résultats de la bandelette urinaire ou des constituants du sédiment urinaire nécessite de connaître la densité urinaire de l’animal.

2. Méthode de mesure

Les techniques de mesure de la densité urinaire sont nombreuses, mais seule la réfractométrie est utilisée en routine. Cette technique mesure un indice de réfraction de l’urine qui est proportionnelle à la densité et dépend de l’ensemble des solutés ioniques et non ioniques présents dans l’urine.

Il existe de nombreux réfractomètres, avec ou sans stabilisateur de température, comportant une échelle unique ou une échelle différente pour le chien et le chat. Les performances de l’instrument varient selon les modèles, pouvant générer un biais de mesure. Des études ont notamment montré l’existence d’une sous-estimation constante de la densité urinaire mesurée à l’aide de certains réfractomètres commercialisés pour analyser les urines de chat [6, 7]. Mais si le même instrument est toujours utilisé, l’erreur est constante et d’importance moindre.

Bien que la bandelette urinaire comporte une plage réactive colorimétrique proposant une mesure semi-quantitative de la densité urinaire, elle ne permet pas une évaluation fiable de celle-ci chez le chien et le chat. En effet, elle ne détecte pas une densité urinaire supérieure à 1,030 et il existe une faible corrélation avec la densité urinaire sur des urines peu concentrées [2].

3. Réalisation pratique

Les premières urines du matin sont à privilégier pour la mesure de la densité urinaire, car celle-ci est généralement plus élevée et permet d’apprécier de façon plus fiable les capacités de l’animal à concentrer ou non ses urines. Il est préférable de réaliser la mesure rapidement après le prélèvement ou de conserver les urines dans un contenant fermé, car une augmentation significative de la densité urinaire a été observée lorsque les urines sont conservées plus de 5 heures sur un substrat non clos [4].

La densité urinaire est mesurée en principe sur le surnageant d’urines centrifugées. Si les urines sont limpides, cette étape n’est pas nécessaire. Le réfractomètre doit être préalablement calibré avec de l’eau distillée (photos 3a à 3c). La densité urinaire étant affectée par la température, il est conseillé de conserver l’instrument à une température stable, en évitant, par exemple, de le placer à proximité d’une source de chaleur [2].

La densité urinaire correspondant au rapport entre la masse d’un volume déterminé de solution et celle du même volume d’eau, sa valeur est exprimée sans unités.

4. Interprétation

L’interprétation de la densité urinaire requiert impérativement de la confronter à l’état d’hydratation et à l’état clinique de l’animal, ainsi qu’aux traitements administrés, afin de déterminer si les urines sont concentrées de manière adéquate ou non en réponse à cet état.

Variabilité de la densité urinaire

La capacité du rein à concentrer les urines dépend de l’espèce, la concentration maximale pour le chat étant supérieure à celle du chien. Dans les ouvrages de référence, la densité urinaire du chien sain normalement hydraté est de 1,015 à 1,045 et celle du chat sain de 1,035 à 1,060 [3]. La densité urinaire varie selon de nombreux paramètres tels que le statut hydroélectrolytique de l’animal, la température, les traitements reçus, ou encore l’alimentation. Elle fluctue de façon importante durant la journée et d’un jour à l’autre et peut varier, même chez un individu sain, de 1,001 à 1,070 chez le chien et de 1,001 à 1,080 chez le chat, selon les besoins de l’organisme. C’est pourquoi elle est toujours à confronter au contexte clinique et à l’état d’hydratation de l’animal.

Les termes isosthénurie, hyposthénurie, hypersthénurie décrivent l’écart entre la densité urinaire et la densité de la fraction issue de la filtration glomérulaire (urines primitives) ou du plasma. Des urines hyposthénuriques, isosthénuriques et hypersthénuriques ont respectivement une densité inférieure, identique ou supérieure à celle du plasma. Une densité urinaire élevée ou inférieure à 1,007 signifie que le rein a fonctionné, respectivement en concentrant ou en diluant les urines. Cependant, une isosthénurie ne désigne pas obligatoirement un dysfonctionnement rénal, puisqu’il est possible de l’observer chez des animaux dont l’état d’hydratation ne nécessite pas de concentrer les urines. Un animal recevant une fluidothérapie ou un traitement diurétique excrète un volume d’urines important, dont la densité est faible. En revanche, un animal déshydraté doit excréter un faible volume d’urines ayant une densité élevée.

Variations pathologiques

La densité urinaire doit permettre d’évaluer les capacités du rein à concentrer ou non les urines, mais le nombre élevé de variables déterminant la constitution des urines complique l’établissement de critères d’interprétations stricts.

Une densité urinaire basse observée de manière récurrente chez un animal normalement hydraté ou encore la production d’urines diluées chez un animal déshydraté constituent des situations anormales, nécessitant une exploration avec en hypothèse sous-jacente l’ensemble des causes de polyuro-polydipsie (tableaux 1 et 2) [8].

L’incapacité du rein à concentrer les urines peut être en effet lié à de nombreux mécanismes pathologiques incluant une insuffisance rénale (IR), une diurèse osmotique, un excès d’abreuvement, une incapacité du rein à répondre à l’hormone antidiurétique (ADH), un déficit en ADH ou encore des déséquilibres électrolytiques comme une hyponatrémie ou une hypochlorémie [5]. L’interprétation définitive requiert donc un bilan biologique complet, associé éventuellement à des tests dynamiques comme le test de restriction hydrique, celui à la vasopressine, ou d’autres mixtes.

Chez un animal azotémique, la densité urinaire constitue l’un des critères permettant d’en déterminer l’origine prérénale, rénale ou postrénale. Lors d’IR prérénale, la densité urinaire est élevée (supérieure à 1,030 chez le chien ou à 1,040 chez le chat) et le volume produit est faible. Quelques exceptions sont à mentionner, notamment lors de maladie d’Addison, où la densité urinaire est faible dans le cadre d’une IR prérénale. Lors d’IR d’origine rénale, la densité urinaire est diminuée (1,007 à 1,013) et le volume urinaire est variable mais le plus souvent augmenté. Lors d’IR postrénale, la densité urinaire est variable et dépend notamment de l’état d’hydratation ou de la présence de maladies intercurrentes, et les urines sont peu ou pas émises [5]. Certains chats atteints d’IR chronique peuvent conserver une meilleure capacité à concentrer les urines comparativement au chien, une azotémie pouvant apparaître notamment alors que le chat peut encore concentrer ses urines (1,040 à 1,045) [2].

Conclusion

La bandelette urinaire et la mesure de la densité urinaire sont des examens faciles à réaliser, et permettent de détecter une atteinte de l’appareil uro-génital, mais également d’autres affections. La densité urinaire permet d’évaluer les capacités du rein à concentrer ou non les urines, et son interprétation parfois délicate doit toujours tenir compte de l’état clinique de l’animal.

  • (1) L’interprétation de la bandelette urinaire sera détaillée dans l’étape 3, à paraître dans le prochain numéro.

Références

  • 1. Ayoub JA, Beaufrere H, Acierno MJ. Association between urine osmolality and specific gravity in dogs and the effect of commonly measured urine solutes on that association. Am. J. Vet. Res. 2013;74(12):1542-1545.
  • 2. Osborne CA, Stevens JB. Urianalysis: a Clinical Guide to Compassionate Patient Care. Shawnee Mission, Bayer Corporation. 1999:214p.
  • 3. Rizzi TE, Valenciano A, Bowles M et coll. Atlas of Canine and Feline Urinanalysis. Wiley Blackwell Publishing, Hoboken. 2017:47-51.
  • 4. Steinberg E, Drobatz K, Aronson L. The effect of substrate composition and storage time on urine specific gravity in dogs. J. Small Anim. Pract. 2009;50:536-539.
  • 5. Stockham SL, Scott MA. Fundamentals of Veterinary Clinical Pathology. 2nd ed. Blackwell Publishing, Ames. 2008:415-487.
  • 6. Tvedten HW, Ouchterlony H, Lilliehöök IE. Comparison of specific gravity analysis of feline and canine urine, using five refractometers, to pycnometric analysis and total solids by drying. N. Z. Vet. J. 2015;63(5):254-259.
  • 7. Tvedten HW, Noren A. Comparison of a Schmidt and Haensch refractometer and an Atago PAL-USG cat refractometer for determination of urine specific gravity in dogs and cats. Vet. Clin. Pathol. 2014;43:63-66.
  • 8. Villiers E, Ristic J. Manual of Canine and Feline Clinical Pathology. 3rd ed. Br. Small Anim. Vet. Assoc. Gloucester. 2016:183-218.

Conflit d’intérêts

Aucun.

Points forts

→ La bandelette urinaire est un test rapide et économique et permet la détection d’affections uro-génitales, de maladies métaboliques, etc.

→ La densité urinaire est facilement mesurable en clinique à l’aide d’un réfractomètre.

→ L’interprétation de la densité urinaire requiert impérativement de connaître l’état d’hydratation, les traitements administrés et l’état clinique de l’animal.

→ La densité urinaire renseigne sur la capacité du rein à concentrer ou à diluer les urines.

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