L’euthanasie justifiée pour des raisons médicales n’est pas assimilable à un abandon - Le Point Vétérinaire n° 394 du 01/04/2019
Le Point Vétérinaire n° 394 du 01/04/2019

JURISPRUDENCE

Juridique

Auteur(s) : Christian Diaz

Fonctions : 7, rue Saint-Jean
31130 Balma

Un tribunal se prononce sur la légitimité des actions menées par une association de protection animale contre les auteurs d’une euthanasie médicalement justifiée.

Les faits

Mme C. adopte auprès de l’association de protection animale APA un chien âgé de 4 mois. Le contrat d’adoption stipule qu’en cas d’abandon avant l’âge de 1 an, le chien devra être restitué à l’association. Très rapidement, le chien présente des troubles du comportement motivant de nombreuses consultations, jusqu’à son euthanasie. Il est alors âgé de 8 mois.

L’APA assigne en justice Mme C. et le vétérinaire ayant pratiqué l’euthanasie pour non-respect du contrat et euthanasie non justifiée, ce qui ne l’empêche pas de déverser sa haine sur les réseaux sociaux. Le tribunal rend son jugement le 24 janvier 2019.

Le jugement

Le tribunal déboute l’association de l’ensemble de ses demandes. L’APA est condamnée à payer à Mme C. la somme de 2 000 € en réparation de son préjudice moral. L’action contre le vétérinaire est déclarée irrecevable et le préjudice moral de ce dernier indemnisé symboliquement.

Pédagogie du jugement

Ce jugement doit être analysé sur plusieurs points.

Une euthanasie médicalement justifiée n’est pas assimilable à un abandon

La clause contractuelle n’est pas considérée comme abusive. Elle ne porte pas atteinte aux droits de Mme C. dans la mesure où elle est limitée à la situation où le propriétaire souhaite transférer la propriété du chien à une autre personne. « Mme C. n’a pas manqué à son obligation contractuelle […] puisqu’il ne s’agit pas d’un abandon mais bien d’une euthanasie médicalement inévitable. » En effet, l’euthanasie étant médicalement justifiée, elle doit être considérée comme “un acte médical incontournable pour mettre fin aux souffrances de l’animal”.

Le vétérinaire est considéré comme seul compétent sur le plan médical

Mme C. a produit en justice le dossier médical de son chien. Celui-ci fait état de nombreuses consultations, essentiellement pour des troubles du comportement : crises convulsives, incontinence, destructions et états de déréalisation. Selon le vétérinaire traitant et le praticien spécialisé consultés : « La décision d’euthanasie, médicalement et éthiquement justifiée, a été prise par les propriétaires en accord avec l’ équipe médicale. »

Les attaques injustifiées sur les réseaux sociaux ne sont pas toujours impunies

Persuadés de leur impunité, les “écrivains” sévissant sur les réseaux sociaux n’hésitent pas à utiliser des attaques injustifiées pour porter atteinte à la réputation de leurs adversaires, transformant ainsi leurs nombreux adeptes en jurés populaires, d’autant plus vindicatifs qu’ils jugent sans disposer des éléments pour le faire. Ainsi, l’APA n’hésitait pas à présenter au public l’euthanasie comme une décision de confort de la part d’un propriétaire peu scrupuleux, ce qui était contraire à la situation décrite par le tribunal. Lorsque leur victime réagit en respectant certaines règles(1), les agresseurs peuvent être condamnés par le tribunal. En l’espèce, l’APA a été condamnée à indemniser le préjudice moral de Mme C. et du vétérinaire.

Pour qu’une action soit recevable, le demandeur doit avoir un intérêt à agir

L’APA attaque le vétérinaire sur deux points :

– le non-respect du contrat dont il connaissait les termes (responsabilité contractuelle) ;

– la pratique d’une euthanasie de complaisance (responsabilité extracontractuelle ou délictuelle).

D’une part, l’APA ne peut agir contre le vétérinaire sur le plan contractuel, celui-ci étant un tiers au contrat qui liait uniquement Mme C. à l’APA, peu importe qu’il en ait eu connaissance. D’autre part, l’association ne peut agir sur le plan délictuel que sur la base de la “défense du droit de l’animal”. Elle ne produit pas les statuts justifiant de son droit à agir. Elle ne justifie pas non plus d’un préjudice personnel.

En l’absence d’intérêt à agir, l’action en responsabilité contre le vétérinaire est jugée irrecevable, sans qu’il soit nécessaire de l’examiner au fond.

  • (1) Voir l’article « Le “véto bashing” n’est pas toujours dénué de risques pour son auteur » du même auteur. Point Vét. 2018;389:7.

Conflit d’intérêts

Aucun.

Source

Tribunal d’instance d’Antibes, 24/1/2019.

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