L’analyse des gaz sanguins chez les bovins : un outil d’intérêt pour le praticien - Le Point Vétérinaire expert rural n° 393 du 01/03/2019
Le Point Vétérinaire expert rural n° 393 du 01/03/2019

BIOLOGIE CLINIQUE

Article de synthèse

Auteur(s) : Julie Leroux*, Bérangère Ravary-Plumioën**

Fonctions :
*Clinique vétérinaire
18, rue du docteur Farny
77510 Rebais
**Hospitalisation grands animaux
Pathologie des animaux de production
École nationale vétérinaire d’Alfort
7, avenue du Général-de-Gaulle
94704 Maisons-Alfort Cedex

L’analyse des gaz sanguins a un intérêt diagnostique et/ou thérapeutique dans plusieurs types d’affections, notamment digestives, comme les diarrhées néonatales et les déplacements de caillette.

L’apparition d’analyseurs portatifs permet au praticien de réaliser des analyses à la ferme. Après avoir rappelé le principe de l’analyse des gaz du sang et les appareils disponibles, cet article décrit une étude rétrospective menée à l’École nationale vétérinaire d’Alfort (ENVA) pour évaluer l’intérêt de l’analyse des gaz du sang dans le diagnostic de certaines situations cliniques (diarrhées néonatales, arrêt du transit digestif, hypokaliémie, atteinte respiratoire).

L’ANALYSE DES GAZ DU SANG

1. Définition et modalités de prélèvement

L’analyse des gaz sanguins peut être réalisée à partir de sang veineux ou de sang artériel et consiste en la détermination au minimum du pH, de la pression partielle en dioxyde de carbone (PCO2), de la concentration totale en dioxyde de carbone (CO2t), de la concentration en bicarbonates (HCO3) et du trou anionique (TA ; anion gap [AG] en anglais) [1]. Selon les tests utilisés, d’autres paramètres peuvent être mesurés ou calculés, comme la pression partielle en dioxygène (PO2), l’excès de base (EB) ou la concentration en lactate. Un ionogramme y est également souvent associé, avec mesure des concentrations sanguines en ions sodium (Na+), potassium (K+) et chlorure (Cl-).

Le TA représente la différence entre les anions sanguins non mesurés (unmeasured anions [UA] ; albumine, lactate, sulfate, phosphate, ß-hydroxybutyrate, etc.) et les cations non mesurés (unmeasured cations [UC] ; calcium, magnésium) et se calcule en utilisant l’équation suivante :

AG = [UA] - [UC] = (Na+ + K+) - (Cl- + HCO3-)

La concentration en potassium extracellulaire étant faible, elle est souvent omise dans l’équation précédente [3].

Le TA est surtout utilisé pour évaluer une augmentation anormale des anions indosés lors d’acidose normochlorémique telle que l’acidose lactique (lactate), la cétose (ß-hydroxybutyrate) ou l’insuffisance rénale (sulfate, phosphate) [3].

L’analyse des gaz du sang doit être réalisée rapidement, au risque de modifier les valeurs des paramètres mesurés (diminution du pH, augmentation de la PCO2, diminution de la PO2 et augmentation de la concentration en lactate et en potassium au fil du temps, en raison du métabolisme cellulaire dans le prélèvement et des éventuels échanges gazeux au travers de la paroi du récipient contenant l’échantillon) (encadré 1). C’est la raison pour laquelle cet examen complémentaire a été peu utilisé jusqu’alors en rurale. Toutefois, plusieurs appareils portables sont actuellement commercialisés en France, ce qui devrait permettre de réaliser facilement cette analyse chez tout bovin d’intérêt, avec un résultat immédiat au chevet de l’animal (tableau 1).

2. Interprétation des résultats d’une analyse des gaz sanguins

L’analyse des gaz sanguins se réalise par étapes (encadré 2).

C’est généralement le trouble primaire qui modifie le pH sanguin (un arrêt haut du transit induit une alcalose métabolique, une atteinte respiratoire provoque une acidose respiratoire). La réponse compensatrice (par intervention de la fonction respiratoire et/ou de la fonction rénale) corrige rarement (dans le cas d’une affection aiguë) le pH jusqu’à sa valeur normale et il n’y a jamais de surcompensation. Si un bovin suspect d’un déséquilibre acido-basique présente une valeur normale de pH sanguin, c’est soit que le phénomène est très précoce (pas de retentissement encore notable sur les valeurs sanguines), soit qu’il y a présence d’un déséquilibre mixte. Bien que les désordres acido-basiques mixtes soient rarement identifiés chez les animaux, en particulier chez les ruminants, le désordre acido-basique mixte le plus fréquent serait la conjonction d’une alcalose métabolique (par arrêt haut du transit) et d’une acidose métabolique avec un TA augmenté lors de péritonite avec iléus ou lors d’arrêt haut du transit avec dévitalisation de la paroi d’un segment intestinal [4].

ÉTUDE DE L’ENVA

1. Contexte

Une étude rétrospective visant à déterminer l’apport de l’analyse des gaz sanguins dans le diagnostic a été réalisée entre septembre 2014 et décembre 2016 à partir des dossiers cliniques de 58 bovins du service hospitalisation grands animaux (HGA) de l’ENVA, dossiers qui comprenaient une analyse des gaz du sang et un ionogramme [10]. L’analyse sanguine a été réalisée au moyen de l’analyseur VetStat® d’Idexx. Pour chaque animal, à partir de certains signes cliniques rapportés dans le dossier, une suspicion de désordre acido-basique et/ou ionique a été émise a posteriori (tableau 3). L’intérêt de l’étude était de comparer la suspicion aux résultats de l’analyse sanguine. En raison de la fréquence des désordres acido-basiques observés en pratique rurale, seuls les résultats relatifs à l’acidose métabolique chez les veaux nouveau-nés et à l’alcalose métabolique chez les adultes sont présentés.

2. Constats

Chez les veaux nouveau-nés en diarrhée

Pas d’acidose métabolique systématique

Parmi les 25 veaux considérés comme suspects d’acidose métabolique en raison d’une diarrhée, d’un abattement, d’une absence du réflexe de succion, d’un refus de boire, d’une ataxie ou encore d’un ballonnement ruminal (“buveur ruminal”), seuls 13 (52 %) présentaient réellement une acidémie (pH sanguin < 7,35) avec une acidose métabolique (HCO3- diminuée) (photo 2).

L’ensemble de ces 13 veaux présentaient de la diarrhée, 6 étaient incapables de se lever et 2 avaient un réflexe de succion très diminué, voire absent. Cinq autres veaux présentaient de la diarrhée sans acidose associée. Une acidose métabolique par perte en bicarbonates et/ou augmentation du TA (par augmentation de l’acide D-lactique) est classiquement observée lors de diarrhée néonatale [7, 12]. Sur les 13 animaux en acidémie, le TA était normal ou légèrement diminué (entre 12,4 et 13,9 mmol/l) à l’exception d’un cas, suggérant que l’acidose était principalement induite par des pertes fécales de HCO3- et non par l’accumulation de D-lactate à la suite de fermentations cæco-coliques (tableau 4).

Des pertes ioniques principalement en sodium et en bicarbonates

Lors de diarrhée néonatale, les pertes ioniques concernent le sodium, le bicarbonate, le chlorure, le magnésium et le potassium. Toutefois, l’ionogramme ne révèle pas toujours des concentrations diminuées, notamment lors de déshydratation conjointe (hémoconcentration) [7, 12].

Dans l’étude, sur les 20 veaux en diarrhée, 13 (65 %) présentaient un taux bas de HCO3- (acidosemétabolique avec HCO3- entre 9,8 et 20,1 mEq/l), 14 (70 %) une hyponatrémie (124 à 135 mEq/l), alors qu’un seul était hypochlorémique (Cl- = 93 mEq/l).

Une hyperkaliémie rare

La présence d’une hyperkaliémie est classiquement associée à une acidose métabolique [14]. Or, dans l’étude, parmi les 13 veaux en acidose métabolique, seul 1 était hyperkaliémique (K+ = 5,2 mEq/l)

Chez les adultes à affection digestive avec arrêt haut du transit

Pas d’alcalose sanguine systématique

Quinze adultes étaient suspects d’alcalose métabolique en raison de la détection d’un “ping” à l’auscultation-percussion de l’abdomen, suggérant un arrêt haut du transit digestif dû à un déplacement de caillette à gauche ou à droite (éventuellement compliqué d’un volvulus), voire d’un syndrome d’Hoflund. Au vu des résultats des analyses des gaz du sang, aucun animal n’était en alcalémie (pH maximal : 7,53), bien que 6 présentaient une alcalose métabolique (augmentation de HCO3-) compensée par une acidose respiratoire (augmentation de la PCO2).

Or, en présence d’un déplacement de caillette, une alcalose métabolique hypochlorémique est classiquement attendue par séquestration des ions chlorure et hydrogène dans l’abomasum [13]. Dans la présente étude, sur les 11 cas de déplacement de caillette (avérés à la laparotomie exploratrice ou à l’autopsie), 6 animaux (55 %) étaient effectivement en alcalose métabolique compensée (tableau 5, photo 3).

Une hypochlorémie rare

Une suspicion d’hypochlorémie a été émise en raison de la présence d’un “ping” ou de signes d’arrêt haut du transit digestif. En effet, si le transit est ralenti, voire arrêté, les ions chlorure ne sont pas réabsorbés au niveau intestinal (duodénum et début de l’intestin grêle), ce qui occasionne une hypochlorémie [13]. Dans l’étude menée à l’ENVA, seuls 21 % des animaux étaient en hypochlorémie (avec des valeurs comprises entre 87 et 96 mEq/l) ; il s’agissait de deux déplacements de caillette à gauche, d’un volvulus de caillette et de deux occlusions intestinales (tableau 6).

Sur les 11 cas de déplacement et/ou de volvulus de caillette, seules 2 vaches étaient hypochlorémiques ; parmi les 3 atteintes d’un volvulus de caillette, une seule était hypochlorémique. Ainsi, une hypochlorémie sanguine n’était pas systématiquement mise en évidence chez les bovins atteints d’un déplacement de caillette, même lors de volvulus.

Une hypokaliémie courante

Parmi les 15 adultes suspects d’alcalose métabolique en raison de la présence d’un “ping”, tous présentaient une kaliémie basse à marginalement basse (entre 2,1 et 4 mEq/l), alors qu’aucun n’était en alcalémie. L’hypokaliémie était imputable à la séquestration du potassium dans le tractus digestif et à l’anorexie associée, et non à une modification de la distribution des ions potassium entre les secteurs intra- et extracellulaires [14].

INTÉRÊT DE L’ANALYSE POUR LE PRATICIEN

1. Mise en évidence et correction au cas par cas des déficits ioniques lors de diarrhée néonatale

Lors de diarrhée néonatale, l’analyse des gaz sanguins permet de confirmer ou d’infirmer la présence d’une acidose métabolique, mais également de mettre en évidence des déficits ioniques (photo 4). Le vétérinaire peut ainsi choisir au mieux la nature du soluté de perfusion à apporter au veau (bicarbonates ou précurseurs, ions particuliers). Avec les résultats des analyses des gaz sanguins, il peut également calculer précisément les quantités ioniques à apporter, contribuant à un meilleur rétablissement de l’animal (encadré 3).

2. Intérêt diagnostique, thérapeutique et pronostique chez les bovins adultes lors de suspicion de déplacement de caillette

L’analyse des gaz sanguins et de l’ionogramme semble avoir un intérêt diagnostique, voire thérapeutique, chez les bovins lors de suspicion de déplacement de caillette. Même si une alcalose métabolique hypochlorémique n’est pas systématiquement retrouvée, contrairement à ce qui est rapporté dans les études publiées, la mise en évidence d’une alcalose métabolique éventuellement hypochlorémique doit permettre au praticien de le conforter dans sa suspicion en présence d’un cas douteux : détection d’un “ping” peu sonnant, sur une vache qui n’est pas en début de lactation ou sur tout autre type de bovin présentant éventuellement des facteurs prédisposants (maladies concomitantes, douleur, par exemple). En revanche, l’absence d’alcalose métabolique hypochlorémique ne permet pas de lever le doute. La mise en évidence de ces anomalies sanguines peut aider le vétérinaire à convaincre l’éleveur de la nécessité d’une intervention chirurgicale, s’il ne dispose pas d’un échographe et d’une sonde basse fréquence pour réaliser une exploration échographique abdominale. Si une acidose métabolique est au contraire objectivée, des lésions sévères de la paroi de la caillette ou de l’intestin (anoxie cellulaire à l’origine de l’acidose métabolique) peuvent être à craindre, ce qui justifierait peut-être de ne pas opérer la vache en raison d’un pronostic sombre de récupération.

INADÉQUATION ENTRE SUSPICIONS ET RÉSULTATS

1. Délai entre l’analyse sanguine et le début de l’affection

Les analyses des gaz sanguins ont été réalisées à différents moments d’évolution des affections étudiées sur les bovins de l’étude. En effet, il est difficile de savoir, lors de déplacement de caillette, depuis quand la caillette était déplacée, ou, lors de diarrhée, à partir de quel moment la diarrhée était suffisamment importante pour induire des pertes électrolytiques. Cela explique peut-être que certains déséquilibres acido-basiques classiquement retrouvés dans les publications n’aient pas été détectés.

2. Valeurs de référence chez les bovins

Normalement, les résultats d’une analyse sanguine doivent être comparés à des valeurs dites de référence obtenues sur une population saine représentative des animaux étudiés avec l’appareil utilisé pour l’analyse. Or le VetStat® d’Idexx ne dispose pas de normes pour les bovins. Ainsi, les valeurs mesurées sur les 58 bovins de l’étude ont été comparées à des valeurs dites normales trouvées dans les études publiées. Peu de données existent toutefois chez les bovins (six articles concernant les bovins plus ou moins adultes, sept concernant les veaux) et les valeurs peuvent différer d’une étude à l’autre, selon l’âge des animaux, la taille de la population étudiée (parfois limitée à quelques sujets) et l’appareil utilisé (quelquefois non spécifié). Ainsi, des intervalles de référence très disparates sont retrouvés pour certains paramètres comme la PCO2 et le TA, pouvant amener à des conclusions différentes (tableau 7) [1, 2, 11, 14].

L’étude a, par ailleurs, mis en évidence une difficulté à interpréter les valeurs de TA obtenues. Beaucoup de sujets, notamment adultes, présentaient un TA bas, avec des valeurs au plus bas de 0,1 à 0,9 mmol/l, voire négatives. Ces valeurs basses pourraient s’expliquer par la présence concomitante d’une hypoalbuminémie ou d’erreurs de mesure des ions (Na+, K+, Cl- et HCO3-), les autres causes (surhydratation, déséquilibre Na/Cl à la suite d’une fluidothérapie) pouvant être exclues [9]. Toutefois, chez 16 bovins pour lesquels les valeurs de TA et d’albuminémie étaient disponibles, aucune corrélation significative n’a été trouvée [10]. Par ailleurs, par rapport aux normes, les ionogrammes obtenus ne paraissaient pas aberrants, ce qui ne permet pas d’incriminer des concentrations ioniques anormales. Il est à se demander si les normes utilisées (qui émanent de peu d’études, avec des variations entre auteurs) sont convenables ou si la technique de réalisation de l’analyse des gaz du sang (sur héparine sodique et non héparine lithium comme anticoagulant) peut avoir un impact sur certains résultats.

Conclusion

L’analyse des gaz du sang a un intérêt diagnostique, thérapeutique, voire pronostique, chez les bovins, notamment lors de diarrhée néonatale ou d’affection haute du transit digestif, mais aussi lors de suspicion d’hypokaliémie ou d’atteinte respiratoire marquée. L’interprétation de certains résultats anormaux n’est toutefois pas toujours aisée. Il serait intéressant de disposer d’une gamme de valeurs usuelles chez les bovins pour chacun des analyseurs disponibles sur le marché.

Références

  • 1. Combrisson H. Régulation de l’équilibre hydro-électrolytique et acido-basique chez les ruminants. Dans : Fluidothérapie chez les bovins. Groupe de recherche et de développement pour l’élevage et la pathologie du veau. 1991:2-10.
  • 2. Constable PD, Peter D. Acid-base assessment: when and how to apply the Henderson-Hasselbalch equation and strong ion difference theory. Vet. Clin. North Am. Food Anim. Pract. 2014;30(2):295-316.
  • 3. Constable PD, Stampfli HR, Navetat H et coll. Use of a quantitative strong ion approach to determine the mechanism for acid-base abnormalities in sick calves with or without diarrhea. J. Vet. Intern. Med. 2005;19(4):581-589.
  • 4. Di Bartola SP. Acid-base disorders. In: Fluid, electrolyte, and acid-base disorders in small animal practice. Elsevier Saunders, Colombus. 2012:230-329.
  • 5. Dilliane P, Krump L, Kennedy A et coll. Establishing blood gas ranges in healthy bovine neonates differentiated by age, sex and breed type. J. Dairy Sci. 2018;101(4):3205-3212.
  • 6. Guattéo R. Fluidothérapie des bovins. Éditions du Point Vétérinaire. 2004:244p.
  • 7. Journal JP, Besnier P, Reisdorffer L et coll. Physiopathologie de la diarrhée du jeune veau. Dépêche Technique. 2010;118:35p.
  • 8. Kasari TR, Naylor JM. Metabolic acidosis without clinical signs of dehydration in young calves. Can. Vet. J. 1984;25(10):394-399.
  • 9. Kraut JA, Madias NE. Serum anion gap: its uses and limitations in clinical medicine. Clin. J. Am. Soc. Nephrol. 2007;2(1):162-174.
  • 10. Leroux J. Intérêt diagnostique des gaz du sang chez les bovins. Thèse de doctorat vétérinaire, ENVA, Maisons-Alfort. 2018;157p. 
  • 11. Navetat H, Rizet C, Meyus A et coll. Évaluation de l’équilibre acido-basique chez le veau : bases théoriques et pratiques. Dans: Proceedings Congrès SNGTV, Nantes. 2003:121-136.
  • 12. Remesy C, Demigné C. Conception rationnelle des réhydratants chez le veau. Dans : Fluidothérapie chez les Bovins. 2004:16-24.
  • 13. Schelcher F, Valarcher JF, Espinasse J. Thérapeutique liquidienne chez les bovins adultes. Point Vét. 1994;26(163):25-37.
  • 14. Smith BP. Clinical chemistry tests. In: Large Animal Internal Medicine. 5th ed. St Louis. 2014:350-373.

Conflit d’intérêts

Aucun.

ENCADRÉ 1
Réalisation et conservation du prélèvement destiné à une analyse des gaz sanguins

→ L’analyse des gaz sanguins se réalise sur sang entier. Lors d’une suspicion de trouble acido-basique, un prélèvement artériel serait à privilégier. Toutefois, pour évaluer les déséquilibres acido-basiques d’origine métabolique (affections digestives) ou les déséquilibres ioniques, un prélèvement de sang veineux peut être recueilli pour analyse. La prise de sang est généralement réalisée à la veine jugulaire chez les veaux et à la veine coccygienne chez les adultes. En revanche, si un déséquilibre acido-basique d’origine respiratoire est suspecté (anoxie du veau, affections respiratoires), du sang artériel doit être recueilli à partir de l’artère auriculaire ou de l’artère brachiale chez les bovins.

→ Le prélèvement de sang doit être fait dans des conditions particulières : sur héparine, en quantité suffisante (1 ml au minimum) et de façon anaérobie (en chassant les éventuelles bulles d’air et en empêchant l’entrée d’air ambiant dans le prélèvement) (photo 1). L’analyse des gaz sanguins doit être réalisée assez rapidement : dans les 4 heures au maximum (30 minutes idéalement). Si l’analyse ne peut pas être réalisée immédiatement, il est conseillé de conserver l’échantillon de sang à 4 °C [4].

ENCADRÉ 2
Interprétation des résultats d’une analyse des gaz sanguins

Paramètres pertinents à analyser pour apprécier :

→ l’équilibre acido-basique d’un point de vue métabolique : HCO3- ou CO2t, EB, TA

→ la perfusion tissulaire : PvO2, lactate

→ l’équilibre acido-basique d’un point de vue respiratoire :

- oxygénation : PaO2

- ventilation : PaCO2

Interprétation en trois étapes

→ présence d’une acidémie (pH sanguin bas) ou d’une alcalémie (pH sanguin haut) (tableau 2)

→ origine primaire du déséquilibre acido-basique : métabolique (HCO3- anormale) ou respiratoire (PCO2 anormale), en tenant compte de la suspicion clinique

→ changements compensatoires attendus, en adéquation ou non avec les modifications visibles de la HCO3- ou de la PCO2 : alcalose métabolique (partiellement) compensée par une acidose respiratoire ou acidose respiratoire (partiellement) compensée par une alcalose métabolique

Désordres acido-basiques rencontrés chez les ruminants

→ les plus fréquents :

- acidose métabolique : pertes de bases (diarrhée) ou excès d’acides (acidose lactique, acétonémie, choc, perfusion rénale altérée)

- alcalose métabolique : arrêt haut du transit (séquestration digestive de HCl)

- acidose respiratoire : atteinte pulmonaire (échanges alvéolaires compromis)

→ plus rarement :

- alcalose respiratoire primaire : hyperventilation

CO2t : concentration totale en dioxyde de carbone ; EB : excès de base ; HCl : chlorure d’hydrogène ; HCO3-: bicarbonates ; PaCO2:pression partielle artérielle en dioxyde de carbone ; PaO2: pression partielle artérielle en dioxygène ;PCO2:pression partielle en dioxyde de carbone ; PvO2:pression partielle veineuse en dioxygène ; TA : trou anionique.

Points forts

→ L’analyse des gaz du sang doit être réalisée assez rapidement (idéalement 30 minutes) après le prélèvement sanguin.

→ En raison du développement d’appareils portatifs, une analyse des gaz du sang peut maintenant être réalisée chez les bovins à la ferme à des fins diagnostiques, pronostiques ou thérapeutiques.

→ Chez les jeunes veaux, l’analyse des gaz du sang est utile lors de suspicion d’acidose métabolique. Elle permet également d’adapter au mieux le plan de perfusion.

→ Chez les bovins adultes, l’analyse des gaz du sang est utile lors de suspicion d’alcalose métabolique hypochlorémique secondaire à un arrêt haut du transit digestif (déplacement ou volvulus de caillette, par exemple). En l’absence d’anomalies acido-basiques et ioniques, elle ne permet toutefois pas d’exclure complètement la suspicion.

→ Certains paramètres (notamment le trou anionique) sont encore difficiles à interpréter en cas de valeur anormale chez les bovins.

ENCADRÉ 3
Calcul des besoins en bicarbonates

Besoins en bicarbonates (mmol) = PV (kg) * vd * (24 - [HCO3-] [mmol/l])

Le volume de distribution (vd) des bicarbonates est directement dépendant du rapport entre le volume de liquide extracellulaire et le volume liquidien total de l’animal [4, 6, 8].

La valeur de 0,7 est généralement celle retenue pour les veaux nouveau-nés, et celle de 0,3 pour les bovins adultes.

HCO3- : bicarbonates ; PV : poids vif.

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