Étape 10 : Arthroscopie du tarse et du carpe - Le Point Vétérinaire n° 393 du 01/03/2019
Le Point Vétérinaire n° 393 du 01/03/2019

En 10 Étapes

Auteur(s) : Clément Sellier*, Claire Deroy-Bordenave**, Guillaume Ragetly***

Fonctions :
*Centre hospitalier vétérinaire Frégis
43, avenue Aristide-Briand
94110 Arcueil
**Clinique vétérinaire Alliance
8, boulevard Godart
33300 Bordeaux
***Centre hospitalier vétérinaire Frégis
43, avenue Aristide-Briand
94110 Arcueil

L’arthroscopie du tarse est un outil qui s’avère efficace, en particulier pour le traitement d’une ostéochondrite disséquante.

L’arthroscopie du tarse et du carpe est rarement réalisée, car l’incidence de lésions de ces articulations est faible. Elle reste néanmoins un outil diagnostique, voire thérapeutique, efficace et moins invasif qu’une arthrotomie. Un examen tomodensitométrique préopératoire est le plus souvent nécessaire afin de disposer d’éléments diagnostiques suffisants pour planifier l’intervention, en ­particulier la localisation idéale des ports, et afin de savoir si des étapes chirurgicales complémentaires s’imposent, telles que le retrait d’une souris articulaire dans la gaine des fléchisseurs.

Arthroscopie du tarse

Les indications principales de l’arthroscopie du tarse sont le diagnostic et le traitement des lésions d’ostéochondrite disséquante (OCD). Elle peut également permettre d’évaluer la réduction chirurgicale lors de fractures malléolaire et intra-articulaire. D’autres indications sont l’évaluation de l’arthrose, la réalisation de prélèvements ciblés (biopsie synoviale ou culture bactériologique) ou d’un geste thérapeutique (exérèse de fragment lors de fracture comminutive, lavage articulaire lors d’arthrite septique) [1, 7, 9].

1. Préparation de l’animal

Le tarse est tondu et préparé de manière circonférentielle de mi-tibia à l’étage métatarsophalangien. Les doigts sont isolés pour diminuer le risque de contamination. Un abord plantaire du tarse est plus communément réalisé, mais un abord dorsal est également décrit.

Lors d’un abord plantaire, le chien est positionné en décubitus sternal, avec le membre pelvien tiré en arrière (photo 1). Le tarse est maintenu en flexion modérée par un assistant pendant l’arthroscopie. Pour une exploration complète des structures articulaires, des mouvements de flexion et extension de l’articulation tibio-tarsienne sont réalisés.

2. Les sites de ponction des voies d’abord

Seule l’articulation tarso-crurale (tibio-tarsienne) est explorée par arthroscopie.

Trois voies d’accès sont généralement requises pour l’abord plantaire lors de l’arthroscopie du tarse : la voie de drainage (egress), le port arthroscopique et le port instrumental. Ce dernier n’est pas nécessaire si seule une exploration de l’articulation est effectuée.

→ La mise en place du port arthroscopique débute par la distension de l’articulation tibio-tarsienne à l’aide d’une aiguille (18 ou 22 G) insérée en direction légèrement disto-proximale. Cette voie est placée le plus souvent de l’autre côté de la lésion à traiter (médialement lors de lésion latérale et latéralement lors de lésion médiale). Un abord plantaro-médial (médialement aux tendons fléchisseurs) ou plantaro-latéral (latéralement aux tendons fléchisseurs) peut être réalisé (figure 1). Une incision de la peau et des tissus mous (sans inciser la capsule) est réalisée le long de l’aiguille à la lame de 11.

→ La voie de drainage se situe à l’opposé du port arthroscopique.

→ Comme pour la voie de drainage, le port instrumental se situe le plus souvent en position symétrique au port de l’arthroscope. Une incision à la lame de 11 est réalisée à travers la peau et les tissus. Le port est ensuite élargi, de préférence à l’aide d’une pince hémostatique droite [1, 9]. Parfois, la voie de drainage est élargie et devient elle port instrumental.

3. Structures à évaluer

Pour permettre une observation optimale de la surface articulaire, il est recommandé de mettre l’articulation en flexion et en extension. Ainsi, il est possible d’évaluer plusieurs structures telles que la surface articulaire de l’extrémité distale du tibia et de la fibula, les lèvres trochléaires latérale et médiale du talus, la membrane synoviale, le chef latéral du tendon du muscle fléchisseur profond des doigts et possiblement les ligaments collatéraux (photo 2).

4. Ostéochondrite disséquante

L’OCD du tarse est peu fréquente. Elle diffère des autres types d’ostéochondrite du chien par la prédisposition raciale et la configuration anatomique. Le pronostic est plus réservé que lors d’OCD de l’épaule, mais meilleur que lors d’OCD du grasset.

Elle touche les animaux dès 4 mois (l’âge moyen lors du diagnostic est de 20 mois), particulièrement ceux dont la croissance est rapide : individus de grande race, avec une surreprésentation des retrievers et des rottweilers [5]. Une lésion bilatérale est observée dans 44 % des cas, néanmoins la boiterie est souvent unilatérale. Localisées dans 75 % des cas à la lèvre médiale du talus, les lésions peuvent toutefois intéresser la lèvre latérale [8]. Ces dernières sont plus souvent rapportées chez le rottweiler [3].

Diagnostic clinique et par imagerie

Les signes cliniques les plus fréquemment observés sont une boiterie avec une synovite et une douleur à l’hyperextension de l’articulation.

La méthode diagnostique de choix est l’examen tomodensitométrique, même si l’examen radiographique permet d’avoir une forte suspicion [5]. Les lésions visibles à l’arthroscopie sont un lambeau partiellement détaché du cartilage, des fragments articulaires ou encore un aspect soufflé du cartilage qui n’est pas encore détaché de la surface articulaire et de l’os sous-chondral.

Traitement et pronostic

Le traitement de choix de l’OCD est chirurgical et se réalise par arthroscopie [2]. Les éventuels fragments sont retirés, l’os sous-chondral est cureté et des microfractures sont réalisées(1) (photos 3a et 3b). Les modifications arthrosiques secondaires sont précoces et fréquentes. D’autres traitements ont également été décrits de manière anecdotique pour traiter l’OCD du tarse, comme l’utilisation d’une autogreffe ostéochondrale chez le cheval ou le recours à un implant ostéochondral synthétique. Ces techniques nécessitent néanmoins une ostéotomie de la malléole et peuvent s’avérer complexes sur des animaux de petit format [4, 6].

Le traitement par arthroscopie seule permet une récupération plus rapide, mais aussi meilleure à moyen et long terme par son caractère moins invasif, donc moins arthrogène, par rapport à une approche par arthrotomie.

Arthroscopie du carpe

L’arthroscopie du carpe permet seulement une exploration efficace de l’articulation antébrachio-carpienne. Actuellement, cette articulation est la moins fréquemment explorée par voie arthroscopique chez le chien.

Les indications principales de l’arthroscopie du carpe sont l’extraction de fragment lors de fracture (petit fragment dont la reconstruction n’est pas possible), la fixation de fracture assistée par arthroscopie et l’évaluation d’autres traumatismes articulaires (cartilagineux ou ligamentaires). Elle peut également être utilisée pour l’évaluation de l’arthrose ou la réalisation de prélèvements (biopsies de la membrane synoviale pour examen histopathologique ou bactériologique), d’un lavage articulaire et d’un débridement de l’articulation lors d’arthrite septique [1, 9, 10].

1. Préparation de l’animal

Le carpe est tondu et préparé de manière circonférentielle du tiers proximal du radius à l’étage métacarpophalangien. Les doigts sont protégés pour diminuer le risque de contamination. Un abord dorsal du carpe est utilisé. Le chien est positionné en décubitus sternal, avec le membre thoracique tiré en avant. L’articulation doit être maintenue en flexion par un assistant durant l’exploration, afin d’éviter de créer des lésions iatrogènes [9].

2. Les sites de ponction des voies d’abord

L’arthroscopie de l’articulation antébrachio-carpienne est réalisée avec un accès dorso-médial ou dorso-latéral (figure 2) [10]. Un port pour l’arthroscope et une voie d’évacuation des fluides sont suffisants pour l’exploration arthroscopique. Un port instrumental est ajouté pour la réalisation d’une biopsie ou le traitement d’une affection articulaire.

→ Le port de l’arthroscope se situe généralement à l’opposé de la lésion (du fragment osseux à retirer, par exemple), en position latérale ou médiale : médialement aux tendons extenseurs radial du carpe et commun des doigts lors d’abord médial, latéralement à ces tendons lors d’abord latéral [10]. Si la lésion est médiale, l’accès est alors dorso-latéral. Les tendons des extenseurs qui passent en position dorsale au niveau du carpe doivent être évités. Il est également possible de noter la veine céphalique, l’artère antébrachiale superficielle craniale et le nerf radial superficiel.

→ La voie d’évacuation des fluides se situe à côté du port de l’arthroscope ou se fait via le port instrumental situé du côté opposé à la voie de l’arthroscope.

3. Structures à évaluer

L’arthroscopie du carpe permet d’évaluer plusieurs structures telles que la surface articulaire de l’extrémité distale du radius et de l’ulna, les os carpiens (ulnaire, intermédio-radial, accessoire), la membrane synoviale, les ligaments interosseux carpiens et les ligaments collatéraux.

Conclusion

L’arthroscopie s’avère un outil efficace à l’exploration à visée diagnostique, voire thérapeutique, des articulations du tarse et du carpe, notamment pour l’ostéochondrite disséquante du tarse.

  • (1) Voir l’article “L’arthroscopie : définitions et indications” de C. Deroy-Bordenave et G. Ragetly. 2018;384:24-28.

Références

  • 1. Beale BS, Hulse DA, Schulz KS et coll. Small Animal Arthroscopy. Saunders, Philadelphia. 2003:81-93,159-177.
  • 2. Cook J. Arthroscopic removal and curettage of osteochondrosis lesions on the lateral and medial trochlear ridges of the talus in two dogs. J. Am. Anim. Hosp. Assoc. 2001;37:75-80.
  • 3. Fitch RB, Beale BS. Osteochondrosis of the canine tibiotarsal joint. Vet. Clin. North Am. Small Anim. Pract. 1998;28:95-113.
  • 4. Fitzpatrick N, Pérez P. Bilateral talar ridge replacement for management of bilateral talar osteochondritis dissecans. BSAVA Congress Proc. 2016:572.
  • 5. Gielen I, Van Bree H, Van Ryssen B et coll. Radiographic, computed tomographic and arthroscopic findings in 23 dogs with osteochondrosis of the tarsocrural joint. Vet. Rec. 2002;150:442-447.
  • 6. Janicek JC, Cook JL, Wilson DA et coll. Multiple osteochondral autografts for treatment of a medial trochlear ridge subchondral cystic lesion in the equine tarsus. Vet. Surg. 2010;39 (1):95-100.
  • 7. Miller J, Beale B. Tibiotarsal arthroscopy: applications and long-term outcome in dogs. Vet. Comp. Orthop. Traumatol. 2008;21:159-165.
  • 8. Montgomery RD, Hathcock JT, Milton Jl et coll. Osteochondritis dissecans of the canine tarsal joint. Comp. Cont. Ed. Pract. Vet. 1994;16:835-845.
  • 9. Tobias KM, Johnston SA. Section IV: Musculoskeletal system. In: Veterinary Surgery. 1st ed. Tobias & Jonhston, Saunders CO, St Louis. 2018:1323-1347.
  • 10. Warnock J, Beale BS. Arthroscopy of the antebrachiocarpal joint in dogs, J. Am. Vet. Med. Assoc. 2004;224:867-874.

Points forts

→ L’arthroscopie du tarse et du carpe a un objectif diagnostique et/ou thérapeutique.

→ L’indication principale de l’arthroscopie du tarse est l’ostéochondrite disséquante.

→ L’arthroscopie du carpe est rare.

→ Ses indications principales sont l’exploration de l’articulation dans le cadre d’une fracture, d’une infection, d’arthrose ou de prélèvements synoviaux.

Conflit d’intérêts

Aucun.

Abonné au Point Vétérinaire, retrouvez votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr