Anatomie et physiologie hépatiques - Le Point Vétérinaire n° 393 du 01/03/2019
Le Point Vétérinaire n° 393 du 01/03/2019

GASTRO-ENTÉROLOGIE

Dossier

Auteur(s) : Camille Bismuth

Fonctions : Dipl. ECVS, DU de chirurgie
hépatobiliaire et pancréatique
Centre hospitalier vétérinaire Frégis
Service de chirurgie
43, avenue Aristide-Briand
94110 Arcueil

De multiples particularités de l’anatomie du foie doivent être connues pour préparer une chirurgie hépatique. La physiologie de cet organe permet de comprendre les tests biologiques à effectuer pour l’explorer ainsi que l’origine des tumeurs primitives qui le concernent.

1. Lobes hépatiques

Le foie est logé dans l’abdomen cranial, bien protégé des traumatismes externes par la rigidité de la cage thoracique environnante (figure 1). La plus grande partie de la masse du foie se trouve à la droite du plan médian, avec une proportion de droite à gauche d’environ 3:2 chez les chiens. Le foie est profondément fissuré. Ces fissures le subdivisent en quatre lobes (gauche, droit, carré et caudé), quatre sous-lobes et deux processus. Le lobe gauche est le plus grand et se subdivise en lobe latéral gauche et en lobe médial gauche. Une fente importante sépare les deux parties du lobe gauche, ce qui rend l’accès chirurgical aux bases des lobes latéral et médial gauches moins exigeant sur le plan technique que les approches droites. Une fissure profonde sépare également le lobe médial gauche du lobe carré. Le lobe carré se trouve presque sur la ligne médiane et sa face latérale forme un côté de la fosse vésiculaire. Son attachement au lobe médial droit est important et, souvent, seule une petite fissure sépare ces deux lobes, ce qui rend la séparation chirurgicale de ces deux lobes plus difficile. Le lobe latéral droit est habituellement fusionné à sa base avec le lobe caudé, qui est subdivisé en processus caudé et papillaire.

Le processus caudé du lobe caudé est la partie la plus caudale du foie, qui s’étend généralement au niveau du douzième espace intercostal. Le processus papillaire se trouve vers le côté gauche, traverse la ligne médiane, et est recouvert par le petit épiploon [2].

Le foie peut aussi être subdivisé selon la vascularisation porte principalement en :

- division droite représentée par le lobe caudé et le lobe latéral droit ;

- division centrale représentée par le lobe médial droit et le lobe carré ;

- division gauche représentée par les lobes latéral et médial gauches.

Cela est important pour la chirurgie hépatique, notamment pour définir le type et le volume de résection, et les contacts avec la veine cave caudale [2].

2. Attaches hépatiques

Le foie est plus ou moins lâchement attaché aux organes environnants par une série de structures.

La veine cave caudale traverse le foie entre les lobes et, notamment, les lobes médial et latéral droits. Elle est fermement attachée à ces lobes, ainsi qu’au processus caudé du lobe caudé. Un ligament coronaire attache le foie au diaphragme et représente une continuation de la surface péritonéale hépatique, qui se trouve sur toute la surface de l’organe à l’exception de la région de la porta hepatis (entrée du foie). Le ligament coronaire est formé de deux ligaments triangulaires droits : un grand qui fusionne sur la partie diaphragmatique du lobe latéral droit et un petit qui s’attache au lobe médial droit. Dans la plupart des cas, un seul ligament triangulaire gauche se fixe aux lobes gauches du foie. Le ligament hépatorénal attache le processus caudé du lobe caudé au rein droit [2].

Le petit épiploon entoure lâchement le processus papillaire du foie et attache ce dernier dans la région de la porta hepatis à la petite courbure de l’estomac (ligament hépatogastrique) et au duodénum proximal (ligament hépatoduodénal) [2].

3. Apport sanguin

L’apport sanguin au foie provient de l’artère hépatique, qui est une branche de l’artère cœliaque, et de la veine porte. L’artère hépatique fournit environ 20 % du volume sanguin et 50 % de l’apport en oxygène ; la veine porte, quant à elle, apporte 80 % du flux sanguin et la moitié restante de l’apport en oxygène. L’artère hépatique se divise en deux à cinq branches qui pénètrent dans les différents lobes du foie. Il existe plusieurs classifications pour l’anatomie de cette artère. Généralement, elle se divise en deux branches, une droite et une gauche. L’artère cystique, qui irrigue la vésicule biliaire, provient de la branche gauche de l’artère hépatique. La vascularisation varie cependant d’un animal à l’autre et doit donc être étudié avant la chirurgie ou correctement identifié lors de l’intervention [2].

La veine porte est créée par la confluence des veines mésentériques craniale et caudale. Les affluents supplémentaires joignent la veine porte avant son entrée dans le foie à la porta hepatis. Ils comprennent les veines spléniques et gastroduodénales (cette dernière étant absente chez les chats). Chez le chien, en entrant dans le foie, la veine porte se divise généralement en deux branches, une droite et une gauche. Chez le chat, trois branches principales sont habituellement observées : droite, centrale et gauche.

Six à huit veines hépatiques drainent le sang veineux chez le chien dans la veine cave caudale (figure 2). Le trajet de cette dernière est important à connaître pour le chirurgien. En effet, selon les lobes hépatiques concernés par l’hépatectomie, certaines dissections doivent être réalisées le long de la veine cave caudale. C’est notamment le cas pour les lobes droits du foie et particulièrement les lobes latéral et médial droits [2]. De plus, les veines hépatiques qui drainent ces lobes sont très courtes et incluses dans le parenchyme hépatique. Cela rend leur identification et leur dissection très difficile.

4. Physiopathologie

Pour comprendre l’origine des tumeurs primitives, connaître l’anatomie à l’échelle tissulaire demeure important [2].

Lobules hépatiques

Le parenchyme hépatique est constitué de multiples lobules hépatiques, cette structure étant l’unité anatomique du foie. Chaque lobule est constitué d’hépatocytes disposés en cordons et irradiant de la veine centro-lobulaire vers l’espace porte. L’ensemble du sang arrivant au foie par la veine porte et par l’artère hépatique se déverse dans les sinusoïdes hépatiques, où il est mixé et circule en contact étroit avec les hépatocytes. L’essentiel du métabolisme hépatique et de la détoxification des substances a lieu lors du passage du sang dans les sinusoïdes. Les hépatocytes utilisent l’oxygène et les nutriments apportés par la circulation porte et l’artère hépatique et sécrètent la bile dans les canalicules biliaires. Après son passage dans les sinusoïdes, le sang rejoint alors la veine centro-lobulaire, qui se déverse dans la veine hépatique, puis dans la veine cave caudale (figure 3).

Acini hépatiques

Les acini hépatiques représentent l’unité fonctionnelle du foie. Ils sont constitués de l’ensemble des hépatocytes approvisionnés par la même branche de l’artère hépatique et la même branche de la veine porte. Contrairement au lobule hépatique, l’acinus hépatique est centré sur l’approvisionnement sanguin (c’est-à-dire sur la veine porte et l’artère hépatique) et la veine centro-lobulaire est située en périphérie de l’acinus.

Fonctions

Au niveau fonctionnel, le foie joue un rôle primordial dans l’organisme et est impliqué dans de nombreux métabolismes (encadré). De cela découlent les principaux tests diagnostiques utilisés dans l’exploration du foie lors de phénomènes inflammatoires ou infectieux, mais également dans le cadre des tumeurs du foie.

Cet organe dispose de très grandes réserves fonctionnelles et structurelles. Lors d’hépatite aiguë, les hépatocytes n’ont pas le temps de s’adapter et une insuffisance hépatique en résulte très rapidement. Lors d’hépatite chronique, les hépatocytes s’adaptent et les symptômes d’insuffisance hépatique apparaissent souvent tardivement dans l’évolution de la maladie, c’est-à-dire quand plus de 70 % du foie est atteint [2].

5. Capacité de régénération

Le foie normal possède une grande capacité de régénération. Dans des études expérimentales, des chiens normaux ont toléré une ablation aiguë de 65 à 70 % du volume total du foie, mais pas de 84 % [2]. La mortalité n’était pas liée à une insuffisance hépatique, mais plutôt à une incapacité du reste du foie à accueillir le débit total du sang dans la veine porte, sans développer une hypertension portale massive. La régénération du foie commence en quelques heures et atteint son maximum en 3 jours. L’hypertrophie et l’hyperplasie compensatoires presque complètes sont atteintes en moyenne 6 jours après une hépatectomie à 70 % [2].

La perturbation de la perfusion portale du foie entraîne une augmentation de la perfusion artérielle hépatique en raison d’un mécanisme de régulation intrinsèque du foie appelé « réponse tampon artérielle hépatique ». Lors d’une hépatectomie partielle, le débit sanguin splanchnique reste constant dans le système de la porte ; la perfusion par les autres branches portales augmente, ce qui entraîne une hypertrophie marquée du parenchyme restant. Plusieurs facteurs ont été identifiés comme réduisant la régénération hépatique. L’obstruction biliaire réduit rapidement la circulation sanguine portale chez le chien et diminue la régénération hépatique. Le diabète sucré entrave également la régénération du foie, très probablement par une diminution des concentrations d’insuline, qui constitue l’un des facteurs hépatotrophes les plus puissants du sang portal [2].

Références

  • 1. Hall JE. The liver as an organ. In: Guyton and Hall Textbook of Medical Physiology, 13th ed. Elsevier. 2016.
  • 2. Mayhew PD, Weisse C. Liver and biliary system. In: Tobias KM, Johnson SA, ed. Veterinary Surgery: Small Animal, vol. 2. Elsevier, St Louis, MO. 2017:1601-1623.

Conflit d’intérêts

Aucun.

ENCADRÉ 3
Les fonctions du foie

→ Le foie est un organe aux multiples fonctions : maintien de la glycémie par le stockage du glycogène et néoglucogenèse ;

→ synthèse des protéines, détoxification de l’ammonium et synthèse de l’urée ;

→ métabolisme lipidique et synthèse du cholestérol ;

→ activation et stockage de vitamines liposolubles, des vitamines B ;

→ métabolisme des hormones (dégradation de l’insuline, synthèse des facteurs de croissance, etc.) ;

→ coagulation ;

→ fonction immunologique (excrétion des immuno­globulines A [IgA] dans la bile, cellules de Kupffer, etc.) ;

→ digestion (émulsification des acides biliaires).

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