Les voies des magistrats sont parfois impénétrables - Le Point Vétérinaire n° 392 du 01/01/2019
Le Point Vétérinaire n° 392 du 01/01/2019

JUSTICE

Juridique

Auteur(s) : Christian Diaz

Fonctions : 7, rue Saint-Jean
31130 Balma

Dans leur souci de contribuer à la protection animale, certains magistrats peuvent prendre des positions originales et surprenantes.

Les faits

M. F. possède un chien dont la morphologie évoque celle d’un chien dangereux de première catégorie, sans que cette détermination n’ait été véritablement authentifiée. Au cours de l’année 2017, il est surpris à plusieurs reprises en train de frapper violemment son chien sur la voie publique, devant des témoins qui se présentent spontanément au commissariat de police.

Lors de l’instruction, des policiers se rendent à son domicile, constatent que le chien est apparemment bien traité et concluent en faveur du détenteur. Ce dernier, au casier judiciaire fourni, est poursuivi devant le tribunal correctionnel, d’une part pour sévices graves et actes de cruauté, d’autre part pour détention d’un chien dangereux de première catégorie non stérilisé.

Plusieurs associations de protection animale se portent parties civiles et demandent le retrait du chien pour le placer dans un de leurs refuges.

Le jugement

L’audience correctionnelle a lieu le 25 septembre 2018 et le jugement est rendu le 16 octobre. Le tribunal prononce la confiscation du chien, qui sera remis à une association de protection animale. Il condamne M. F. à 3 mois de prison ferme pour actes de cruauté, mais le relaxe du délit de détention d’un chien de première catégorie non stérilisé.

Pédagogie du jugement

Ce jugement mérite quelques commentaires, certains attendus étant en effet surprenants.

La confiscation du chien

le tribunal a suivi les parties civiles, qui demandaient le retrait du chien, mais celui-ci survient plus de 1 an après les faits poursuivis. Pendant ce délai, le chien est resté entre les mains de son détenteur, qui aurait pu poursuivre les sévices. Au contraire, des policiers ont, durant cette même période, rendu un rapport favorable au prévenu. De plus, s’il est usuel de ne pas restituer à l’issue du jugement un chien retiré précocement, il est inhabituel de confisquer un chien laissé de longs mois aux mains de son “tortionnaire” présumé.

La qualification de l’infraction

Le tribunal a suivi le ministère public et retenu la qualification de sévices graves et d’actes de cruauté de l’article 521-1 du code pénal. Cette qualification, qui correctionnalise les faits et ouvre la possibilité d’incarcération, peut paraître excessive, eu égard au bon état d’entretien de l’animal et à son absence de crainte envers le détenteur, qu’il semble heureux de côtoyer, aux dires des policiers. Bien-être apparent que les parties civiles peinent à comprendre.

En l’espèce, les juges auraient parfaitement pu retenir l’infraction de mauvais traitements de l’article 654-1 du code pénal, sanctionnée par une contravention de quatrième classe, probablement plus pertinente.

Le casier judiciaire du prévenu, condamné pour sept infractions et sous le coup d’un emprisonnement avec sursis, a vraisemblablement plaidé en sa défaveur. De plus, les condamnations précédentes lui interdisant un nouveau sursis, une peine de détention, même courte, ne pouvait être que ferme.

La “relaxe” du chien

M. F. Était poursuivi pour détention irrégulière d’un chien de première catégorie non stérilisé. En référence à un jugement de la cour d’appel de montpellier du 10 mai 2005, qui qualifie la diagnose de catégorie de “véritable expertise”, ce point aurait pu être abordé sur le plan technique. Il n’en fut rien.

À l’audience, de façon inattendue, le procureur, au vu du passeport du chien, argue que ce document certifié concernant un “animal de compagnie” ne mentionne pas la catégorie de l’animal et l’exclut de fait du statut de “chien dangereux”.

Conformément à cette réquisition, les juges relaxent M. F. de ce chef d’accusation.

Ce jugement combine trois éléments remarquables : confiscation à contretemps de l’animal, sévérité quant à la qualification des faits, indulgence concernant le statut du chien, malgré l’absence d’investigations techniques sur ce dernier point.

Conflit d’intérêts

Aucun.

Source

Tribunal correctionnel d’Agen, 16 octobre 2018. Remerciements à Me Céline Peccavy.

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