Étape 9 : Arthroscopie de la hanche - Le Point Vétérinaire n° 392 du 01/01/2019
Le Point Vétérinaire n° 392 du 01/01/2019

En 10 Étapes

Auteur(s) : Claire Deroy-Bordenave*, Guillaume Ragetly**

Fonctions :
*Clinique vétérinaire Alliance
8, boulevard Godart
33300 Bordeaux
**Centre hospitalier vétérinaire Frégis
43, avenue Aristide-Briand
94110 Arcueil

Dans le cadre du diagnostic de la dysplasie de hanche, l’arthroscopie permet une évaluation approfondie des lésions cartilagineuses, même précoces. La mise en place d’un traitement optimal est ainsi possible.

L’arthroscopie est un outil encore peu utilisé lors de boiterie de la hanche. Elle a une visée le plus souvent diagnostique.

Les principales indications de l’arthroscopie de la hanche incluent une évaluation directe des structures intra-articulaires préalablement à une intervention du type ostéotomie du bassin lors de dysplasie, l’extraction de fragment, la réalisation de biopsies de la membrane synoviale, ou encore le lavage articulaire et le débridement de l’articulation lors d’arthrite septique. Elle peut également être utilisée lors d’une stabilisation de fracture.

PRÉPARATION DE L’ANIMAL

L’animal est positionné en décubitus latéral avec le membre atteint en position supérieure (photo 1). Une zone de 15 à 20 cm2 centrée sur le grand trochanter est préparée (tonte et asepsie). Une tonte deux fois plus large est nécessaire pour un chirurgien moins expérimenté en arthro­scopie, afin que l’animal soit prêt pour une éventuelle conversion en arthrotomie. Le membre peut aussi être suspendu pendant la préparation et être replacé en position neutre pour la procédure. Une préparation complète du membre est alors possible, ce qui facilite la manipulation de ce dernier, permettant ainsi une meilleure exploration de l’articulation. Si une ostéotomie du bassin est réalisée à la suite de l’arthroscopie, la préparation doit correspondre à celle prévue pour cette intervention (abord à la fois latéral et médial de la hanche).

Le chirurgien se place du côté de l’extrémité du membre à opérer et la colonne d’arthroscopie est le plus souvent positionnée de l’autre côté de l’animal.

LES SITES DE PONCTION DES VOIES D’ABORD

Les trois voies d’accès à l’articulation (caméra, instruments et voie de drainage ou egress) peuvent être présentées par analogie avec le cadran d’une horloge centré sur le grand trochanter (figure). La proximité du nerf sciatique impose la mise en place des ports arthroscopiques dans l’espace articulaire cranial [1].

→ La voie de drainage se situe entre 3 et 5 heures pour une hanche droite et entre 7 et 9 heures pour une hanche gauche. Une aiguille spinale (ou une aiguille classique) est insérée perpendiculairement au membre et angulée légèrement vers le centre de l’arti­culation (photo 2a).

→ Le port arthroscopique se situe dorsalement au grand trochanter. Une aiguille spinale (ou une aiguille suffisamment longue) est insérée perpendiculairement au membre du chien. L’arthroscopie commence par la distension de l’articulation à l’aide d’une solution de Ringer lactate afin d’augmenter l’espace de travail et ainsi de faciliter l’entrée de l’arthro­scope. Le placement adéquat de l’aiguille est confirmé par l’obtention de liquide synovial, une instillation facile de la solution, et une pression inverse lorsque l’articulation est sous tension. Une incision (lame de bistouri 11) est ensuite réalisée sur le trajet de l’aiguille, plus profondément que dans les autres articulations en raison de la masse musculaire plus importante dans cette région. La chemise accompagnée du mandrin à pointe mousse (moins traumatisante pour le cartilage que la pointe trocart) est alors introduite dans l’articulation. Enfin, l’arthroscope est inséré dans la chemise après le retrait du mandrin (photo 2b).

→ La voie instrumentale se situe entre 2 et 3 heures pour la hanche droite et entre 9 et 10 heures pour la hanche gauche. Une deuxième aiguille est insérée sous contrôle arthroscopique, puis une incision à la lame bistouri 11 est réalisée sur le trajet de l’aiguille.

Une discrète adduction du membre ainsi qu’une flexion de 30° de l’articulation de la hanche, en gardant le grasset en position neutre, permettent une ouverture maximale de l’articulation coxo-fémorale lors d’arthroscopie [7]. Un assistant est alors nécessaire.

STRUCTURES À ÉVALUER

L’arthroscopie de la hanche permet tout d’abord l’évaluation des structures situées ventralement comprenant le ligament rond, la tête fémorale et le cartilage articulaire de l’acetabulum ventral (photos 3a à 3c). Pour cela, un arthroscope avec une angulation de 30° est utilisé en se servant de l’arrivée du câble de lumière pour diriger l’angulation vers le bas. L’insertion du ligament rond sur la tête fémorale peut être visualisée en même temps que la fovea capitis (fossette de la tête fémorale, zone d’insertion du ligament rond). L’arthroscope est légèrement reculé afin d’observer la fosse acétabulaire. En continuant l’exploration en direction craniale puis caudale, les récessus cranial (et la partie craniale au labrum acétabulaire) et caudal (et la partie caudale au labrum acétabulaire), et les capsules articulaires craniale et caudale sont observés. L’exploration continue dorsalement avec l’évaluation de la fosse acétabulaire, du labrum acétabulaire et du bord acétabulaire dorsal (sourcil acétabulaire).

AFFECTIONS LES PLUS COURANTES NÉCESSITANT UNE ARTHROSCOPIE

1. Dysplasie de hanche juvénile

La dysplasie de la hanche résulte d’un développement ou d’une croissance anormale de l’articulation coxo-fémorale (1).

C’est l’une des maladies orthopédiques les plus fréquentes chez les chiens, qui peut toucher toutes les races, avec une incidence plus ou moins élevée. Celles de grand format et de format géant y sont plus particulièrement prédisposées (tableau 1) [3].

Diagnostic clinique et par imagerie

Les signes cliniques observés par le propriétaire varient en fonction de l’âge, et les animaux peuvent être classés en trois groupes : les jeunes chiens (de 2 à 5 mois), les adolescents (de 5 à 12 mois) et les adultes (au-delà de 12 mois) (tableau 2) [2, 6].

Le dépistage, qui doit être le plus précoce possible (discuté dès la première consultation pour les races à risque), se fait le plus souvent par les examens clinique et radiographique (avec radiographie en distraction) [4].

Un jeune chien dysplasique présente généralement une atrophie musculaire, une diminution de l’amplitude ou une douleur lors de l’examen orthopédique des hanches. Un examen sous tranquillisation rend possible l’évaluation de la laxité articulaire (signe d’Ortolani). Des radiographies permettent alors d’objectiver les signes classiques de dysplasie (espace articulaire large ou irrégulier, tête non sphérique, mauvais recouvrement, sclérose osseuse ou ostéophytes, notamment sur la vue ventro-dorsale) ou une laxité excessive (clichés en distraction). Différents degrés de remaniement de l’articulation peuvent être observés, cependant les lésions cartilagineuses précoces (fibrillation diffuse, voire éburnation localisée) ne peuvent pas être évaluées par examen radiographique. Quatre-vingt pourcents des chiens avec une dysplasie de hanche présenteraient une lésion cartilagineuse sans signe radiographique d’une ostéoarthrose associée [5]. L’arthroscopie permet de corriger cette limite de la radiographie dans le cadre du diagnostic de la dysplasie de hanche : elle permet en effet d’évaluer les structures majeures de l’articulation et de grader les lésions du cartilage qui se retrouvent, lors de dysplasie précoce, classiquement autour du ligament rond et du labrum acétabulaire (photos 4a à 5c) [1]. L’étude d’Holsworth, réalisée sur 70 articulations coxo-fémorales, démontre que la radiographie a une sensibilité faible pour le diagnostic de lésions cartilagineuses chez les jeunes chiots dysplasiques, contrairement à l’arthroscopie montrant un fort taux de faux négatifs si le clinicien s’appuie uniquement sur l’examen radiographique [5].

Traitements

Le diagnostic précoce permet une prise en charge rapide, donc d’éviter l’apparition de lésions cartilagineuses irréversibles. L’évolution future de la maladie doit être estimée afin de choisir le traitement le plus adapté : conservateur, symphysiodèse (chiot avec laxité excessive, âgé de 16 à 20 semaines), double ostéotomie du bassin (DOB), voire triple ostéotomie du bassin (plus invasive que la DOB et associée à plus de complications), prothèse totale de hanche, résection de la tête et du col fémoral.

Une intervention chirurgicale correctrice de hanche du type DOB est conseillée chez des chiens atteints de dysplasie qui ne sont plus en âge d’avoir une symphysiodèse, mais dont le cartilage articulaire est peu ou pas lésé (photo 6) [5, 8]. En effet, une arthrose déjà présente limite l’efficacité de l’intervention sur le long terme, car elle continue de progresser, même si l’instabilité est moins sévère après la DOB. L’arthroscopie est donc une approche idéale pour déterminer quels chiens peuvent bénéficier d’une DOB par rapport à ceux qui ne sont plus candidats en raison des dommages articulaires et pour lesquels un traitement conservateur ou une prothèse de hanche non cimentée sont plus adaptés.

2. Suspicion de tumeur

Lors de lésion agressive impliquant l’articulation de la hanche, une biopsie guidée par arthroscopie (capsule articulaire, tissu présent au sein de l’espace articulaire, et/ou os sous-chondral) permet d’avoir une approche minimalement invasive tout en optimisant la qualité du prélèvement (pour examen histopathologique ou bactériologique).

Cette approche est indiquée pour différencier une tumeur d’une infection articulaire, mais aussi pour identifier le type de tumeur et décider ensuite du traitement adéquat.

3. Fractures

L’exploration de la surface articulaire peut être indiquée pour vérifier la bonne réduction lors de fracture articulaire. Une extraction par arthroscopie est aussi possible lorsque la fracture est fragmentaire ou pour les très rares cas d’ostéochondrose.

Conclusion

Le diagnostic précoce d’une dysplasie de hanche chez le jeune permet la mise en place d’un traitement optimal avec de bons résultats à court et à moyen terme. L’arthroscopie permet une évaluation plus approfondie des lésions cartilagineuses pour confirmer que les candidats à la DOB bénéficieront de cette intervention. L’arthroscopie sert aussi pour les lésions tumorales ou l’exploration d’arthrite septique, de même qu’elle est de plus en plus utilisée pour optimiser la réduction lors de traumatisme articulaire.

  • (1) Voir le dossier “la dysplasie de la hanche chez le jeune chien”, point vét. 2016;365:19-42.

Références

  • 1. Beale BS, Hulse DA, Schulz K et coll. Arthroscopy of the hip. In: Small Animal Arthroscopy. WB Saunders Co, Philadelphia. 2003:97-115.
  • 2. Bernardé A. Juvenile pubic symphysiodesis and juvenile pubic symphysiodesis associated with pectineous myotomy: short-term outcome in 56 dysplastic puppies. Vet. Surg. 2010;39:158-164.
  • 3. Comhaire FH, Snaps F. Comparison of two canine registry databases on the prevalence of hip dysplasia by breed and the relationship of dysplasia with body weight and height. Am. J. Vet. Res. 2008;69:330.
  • 4. Deroy C, Ragetly GR. Diagnostic précoce de la dysplasia de hanche. Point Vét. 2016;365:20-27.
  • 5. Holsworth IG, Schulz KS, Kass PH et coll. Comparison of arthroscopic and radiographic abnormalities in the hip joints of juvenile dogs with hip dysplasia. J. Am. Vet. Med. Assoc. 2005;227:1091-1094.
  • 6. Johnston SA, Tobias KM. Section IV: Musculoskeletal system. In: Veterinary Surgery. 2nd ed. Johnston & Tobias. Saunders CO, St Louis. 2017:964-1019.
  • 7. Saunders WB, Hulse DA, Schulz KS. Evaluation of portal locations and periarticular structures in canine coxofemoral arthroscopy: a cadaver study. Vet. Comp. Orthop. Traumatol. 2004;17:184-188.
  • 8. Vezzoni A, Dravelli G, Vezzoni L et coll. Comparison of conservative management and juvenile pubic symphysiodesis in the early treatment of canine hip dysplasia. Vet. Comp. Orthop. Traumatol. 2008;21:267.

Conflit d’intérêts

Aucun.

Points forts

→ L’arthroscopie de la hanche a le plus souvent un objectif diagnostique.

→ L’indication principale est le diagnostic précoce d’une dysplasie de hanche juvénile afin d’évaluer la présence de lésions cartilagineuses excluant la possibilité de réaliser une double ostéotomie du bassin.

→ Le grand trochanter est le principal repère de la voie d’abord latérale de la hanche.

→ Plusieurs structures anatomiques sont systématiquement évaluées, notamment le ligament rond, la tête fémorale, le cartilage articulaire de l’acetabulum, la fosse acétabulaire, le labrum acétabulaire, le bord acétabulaire dorsal, les récessus et la capsule articulaire craniaux et caudaux.

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