Dyspnée chez une chatte - Le Point Vétérinaire n° 392 du 01/01/2019
Le Point Vétérinaire n° 392 du 01/01/2019

PNEUMOLOGIE

Quel est votre diagnostic ?

Auteur(s) : Delphine Dullin

Fonctions : HOPia, anciennement Clinique vétérinaire Bozon
49, rue des Chantiers
78000 Versailles

Présentation clinique

Une chatte européenne âgée de 9 ans est présentée pour une dysorexie, un abattement et une dyspnée évoluant depuis 4 jours. Son poids actuel est de 3,5 kg (en diminution) et la note d’état corporel de 4/9. L’examen clinique révèle une tachypnée avec discordance, sans bruit respiratoire surajouté. L’auscultation cardiaque, la palpation abdominale et l’examen de la face et des nœuds lymphatiques externes ne présentent pas d’anomalie.

L’examen hémato-biochimique révèle une lymphopénie isolée à : 0,72 × 109/l (valeur usuelle : 0,92 à 6,88 × 109/l).

Un bilan échographique thoracique d’urgence (T-FAST) est réalisé à l’aide d’une sonde microconvexe (photos 1 et 2).

Qualité des images échographiques

→ Les images sont de bonne qualité, bien qu’il existe un flou cinétique périphérique en raison de la tachypnée. La définition et le grain permettent de distinguer relativement nettement les différentes structures.

Description de l’image échographique

→ Contrairement à la normale, le parenchyme pulmonaire est parfaitement visible. De fait, l’artefact de réflexion(1) n’est pas présent. Cela implique le remplacement de l’air pulmonaire par un liquide (œdème, sang, pus) ou une infiltration tissulaire (tumeur, inflammation cellulaire).

→ Le parenchyme pulmonaire est hétérogène, hyperéchogène, hépatisé par endroits et présente un effet de masse venant déformer sa surface de manière multifocale.

→ Un épanchement anéchogène est identifié.

Par ailleurs, l’échographie abdominale ne révèle pas d’anomalie.

Interprétation

Les images échographiques sont évocatrices d’un processus tumoral pulmonaire.

Afin d’identifier la nature de ce tissu, une cytoponction à l’aiguille fine est réalisée à partir de l’espace intercostal le plus contigu à la masse (afin de réduire le risque de pneumothorax). L’analyse cytologique met en évidence une population dense de lymphoblastes monomorphes à nucléoles bien visibles permettant d’établir un diagnostic de lymphome pulmonaire (photo 3).

DISCUSSION

Le diagnostic différentiel de la discordance inclut une atteinte pulmonaire sévère (pneumonie, œdème, fibrose, tumeur, asthme, thromboembolie, torsion de lobe), pleurale (hémothorax, pyothorax, chylothorax, épanchement carcinomateux ou séreux), diaphragmatique (paralysie, hernie, compression par organomégalie abdominale ou ascite) ou encore métabolique (diabète acido-cétosique) [3]. Dans le cas décrit, l’espèce et l’absence de bruits respiratoires adventices orientent vers un épanchement pleural.

L’échographie est plus sensible et plus spécifique que la radiographie pour objectiver un épanchement pleural et une consolidation pulmonaire [1]. Chez le chat, la détection radiographique de l’épanchement pleural est optimale en décubitus latéral, position souvent mal tolérée chez un animal dyspnéique. De plus, en cas d’épanchement pleural volumineux, il est parfois difficile d’apprécier radiographiquement l’aspect des poumons [4]. L’échographie permet aussi la réalisation de prélèvements sous contrôle visuel et un geste thérapeutique d’urgence (drainage) [5].

Le lymphome est un des cancers les plus fréquents chez le chat (33 %). Il peut concerner les poumons de manière primaire ou secondaire. Le lymphome pulmonaire primaire proviendrait d’une multiplication incontrôlée du tissu lymphoïde des muqueuses bronchiques. Il s’agit d’une infiltration péribronchique avec parfois une destruction des murs alvéolaires avec un envahissement massif. Deux opacités radiographiques sont donc majoritairement rencontrées : péribronchique et nodulaire [2]. Cette chatte présente un lymphome pulmonaire nodulaire. L’épanchement pleural est présent dans 13 % des cas de lymphome pulmonaire et pourrait expliquer l’atélectasie (hépatisation) rencontrée [2].

  • (1) L’artefact de réflexion est normalement induit par l’interface hyper-réflective tissu/air et rend impossible la visualisation thoracique au-delà du glissement pleural sur animal sain.

Références

  • 1. Boysen SR, Lisciandro GR. The use of ultrasound for dogs and cats in the emergency room AFAST and TFAST. Vet. Clin. Small Anim. 2013;43:773-797.
  • 2. Geyer NE, Reichle JK, Valdes-Martinez A et coll. Radiographic appearance of confirmed pulmonary lymphoma in cats and dogs. Vet. Radiol. Ultrasound. 2010;51:386-390.
  • 3. Le Boedec K, Arnaud C, Chetboul V et coll. Relationship between paradoxical breathing and pleural disease in dyspneic dogs and cats : 389 cases (2001-2009). J. Am. Vet. Med. Assoc. 2012;240:1095-1099.
  • 4. Lynch KC, Oliveira CR, Matheson JS et coll. Detection of pneumothorax and pleural effusion with horizontal beam radiography. Vet. Radiol. Ultrasound. 2012;53:38-43.
  • 5. Moon Larson M. Ultrasound of the thorax (noncardiac). Vet. Clin. Small Anim. 2009;39:733-745.

Conflit d’intérêts

Aucun.

Abonné au Point Vétérinaire, retrouvez votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr