IMAGERIE MÉDICALE
Dossier
Auteur(s) : Thomas Sibarita*, Juliette Sonet**, Franck Durieux***
Fonctions :
*Centre hospitalier vétérinaire Saint-Martin
275, route Impériale
74370 Saint-Martin-Bellevue
**Service d’imagerie médicale
CHEV VetAgro Sup, campus vétérinaire de Lyon
1, avenue Bourgelat
69380 Marcy-l’Étoile
***Vedim
70, rue Nicolas Margue
Fingig, 4979, Luxembourg
Il convient de choisir le système numérique le plus adapté aux nécessités de la structure. Plusieurs facteurs sont à prendre en compte, tels que le coût, la qualité de l’image et le débit de l’examen.
De nombreux praticiens souhaitent s’équiper d’un système de radiologie numérique ou faire évoluer le système analogique dont ils disposent vers un système numérique. Il est important, avant d’entreprendre un tel investissement, de se renseigner sur les différents systèmes disponibles, leurs avantages et leurs limites, ainsi que leur coût respectif à l’achat et à l’usage, afin de choisir le mieux adapté à son activité.
La principale différence entre les systèmes numériques et les systèmes de radiologie conventionnelle réside dans le procédé de détection des rayons X après leur passage au travers de l’animal (figure 1) [1]. En radiologie conventionnelle (dite argentique), le rayonnement est détecté par une cassette renfermant un couple écran renforçateur/film radiographique. L’écran renforçateur (ou scintillateur) joue le rôle d’intermédiaire en convertissant les rayons X en un rayonnement lumineux (lumière bleue ou verte) venant impressionner le film radiographique, qui n’est en lui-même que peu sensible aux rayons X [1, 2]. Il s’ensuit une étape de développement permettant de révéler l’image ainsi formée et d’obtenir l’image radiographique finale.
La radiologie numérique fait appel à un système de détection numérique des rayons X dont la nature et le fonctionnement varient selon le type de système. Deux grands types de système de radiologie numérique sont disponibles actuellement :
- les systèmes CR (computed radiography), aussi appelés systèmes plaques, utilisant des cassettes capables de stocker une image latente qui est secondairement révélée et numérisée lors d’une étape de lecture ;
- les systèmes DR (digital radiography), communément appelés capteurs plans, permettant la formation quasi immédiate (en quelques secondes) de l’image numérique.
La radiologie numérique permet donc de s’affranchir de l’ensemble des difficultés liées au développement du film radiographique, puisque cette étape est soit entièrement automatisée (système CR), soit absente (système DR). Les contraintes liées au stockage des films radiographiques, à la gestion des produits chimiques de développement et de leurs effluents ainsi qu’à l’utilisation d’une chambre noire sont supprimées [1, 4].
L’image numérique est de qualité globalement supérieure à celle obtenue en radiologie conventionnelle. La qualité de l’image numérique s’évalue via différents critères : la résolution spatiale, la résolution de contraste, l’efficacité quantique de détection (DQE) et la gamme dynamique (tableau 1). Les films de radiographie argentique gardent l’avantage d’une résolution spatiale élevée, mais tendent à être rattrapés par les systèmes numériques sur ce point. En revanche, la radiologie numérique offre une plus large gamme dynamique permettant de visualiser de façon satisfaisante des régions d’épaisseur et de radio-opacité très différentes sur un seul et même cliché, ce qui est impossible avec une radiographie argentique. La gestion de cette gamme dynamique est assurée par la table de correspondance (look-up table). En effet, chaque pixel d’une image numérique peut prendre entre 1 024 (8 bits) et 16 384 (14 bits) nuances de gris différentes. Cette image “brute” doit ensuite pouvoir être affichée sur un écran dont la gamme de gris est nettement plus limitée. Pour ce faire, lors du traitement de l’image, chaque pixel de l’image “brute” se voit attribuer une nouvelle valeur par la table de correspondance en fonction de sa valeur initiale. La façon dont la table de correspondance réalise cette transformation est paramétrable afin d’obtenir le contraste voulu sur l’image finale au moment de l’interprétation. Ainsi, contrairement à une radiographie argentique, l’image numérique n’est pas figée et le praticien dispose de nombreux outils de traitement de l’image lui permettant d’adapter la visualisation de l’image à sa guise ou de corriger d’éventuelles erreurs d’exposition peu importantes (zoom, fenêtrage, etc.) [2].
Le passage au système numérique ne soustrait cependant pas à une pratique radiographique rigoureuse. Un positionnement correct de l’animal et un choix de constantes d’exposition adaptées à la région examinée sont essentiels à l’obtention d’un diagnostic. En général, il n’est pas nécessaire de changer le générateur de rayons X lors du passage au système numérique, à condition que son intensité et son kilovoltage maximaux soient suffisants (par exemple, une intensité maximale trop faible va imposer d’augmenter le temps de pose pour obtenir une exposition correcte, ce qui va être à l’origine d’un flou cinétique sur l’image finale).
La facilité et la rapidité permises par le passage au système numérique ne doivent pas aller à l’encontre des principes de radioprotection (justification, optimisation, limitation). En radiologie numérique, un cliché sous-exposé est facilement reconnaissable et de mauvaise qualité. Au contraire, un cliché surexposé peut produire une image flatteuse. En pratique, cela a pour conséquence une dérive à la hausse des constantes d’exposition, qui est délétère pour l’animal et le personnel soignant. Ce phénomène est appelé “dose creep”.
Les premiers systèmes CR ont été développés dans les années 1980 par Fuji (Tokyo, Japon). Ils reposent sur l’utilisation de cassettes renfermant un écran radio-luminescent à mémoire (ERLM) doté d’une couche sensible composée de fluorohalogénure de baryum dopé à l’europium (BaFBr:Eu2+) et capable de mémoriser une image latente lors de l’exposition aux rayons X. Cette image latente est ensuite révélée, numérisée, puis effacée lors d’un procédé de lecture dans une développeuse numérique spécifique faisant intervenir un laser (photos 1a et 1b). Ce procédé dure en moyenne 1 à 2 minutes. La cassette est ensuite restituée et est à nouveau prête à l’emploi [1, 3].
Ces systèmes CR sont les plus anciens, donc les plus aboutis et les moins onéreux. Ils ont également l’avantage de s’intégrer idéalement au sein d’un équipement de radiologie conventionnelle préexistant. Ils fournissent une qualité d’image équivalente, voire supérieure à celle permise par certains systèmes DR d’entrée de gamme (notamment ceux utilisant une caméra CCD [charge coupled device], ou dispositif à transfert de charge) [5]. Les auteurs s’accordent à dire que le prix d’un système de radiologie est un bon indicateur de sa qualité globale.
Le principal inconvénient de ces systèmes CR est le débit d’examen qu’ils autorisent : le temps nécessaire à la manipulation des cassettes et à leur lecture est un facteur limitant dans l’enchaînement des clichés. Ainsi, le rendement d’un système CR reste nettement inférieur à celui d’un système DR, mais cette différence ne se ressent en pratique que face à un volume important d’examens radiographiques. Le rendement d’un système CR reste néanmoins légèrement supérieur à celui d’un système de radiologie conventionnelle. En revanche, les cassettes nécessitent un minimum d’entretien et de nettoyage afin de prolonger leur durée de vie (jusqu’à plus de 10 000 examens selon les fabricants) [1, 3-5].
En pratique, un système CR haut de gamme est donc un investissement intéressant (moins coûteux qu’un système DR haut de gamme, mais offrant une qualité d’image très satisfaisante), à condition qu’il soit issu d’un fabricant reconnu (avec service après-vente de qualité) et que les contraintes liées à ce type de système (débit d’examen) ne soient pas un facteur limitant pour la structure [5].
Les premiers systèmes DR ont vu le jour dans les années 1990. Il en existe deux catégories : les systèmes DR à détection indirecte et ceux à détection directe (figure 2). La première catégorie utilise un scintillateur à base d’iodure de césium pour convertir les rayons X en lumière visible (photons), qui est elle-même transformée en signal électrique par l’association d’un système optique et d’une caméra CCD (systèmes CCD) ou par une matrice de photodiodes et de transistors à effet de champs (TFT) (systèmes “capteurs plans”) [1, 3, 4].
Les systèmes à détection directe sont capables de convertir directement les rayons X en signal électrique sans passer par une étape de conversion en lumière visible. Ces systèmes font appel aux propriétés physiques d’un matériau dit photoconducteur, le sélénium amorphe. Là encore, ces systèmes sont communément appelés “capteurs plans” (photos 2a à 2c) [1, 3].
Les systèmes DR ne font pas intervenir de cassette. L’image est ainsi générée quelques secondes après l’exposition du détecteur aux rayons X. Ils ont donc l’avantage de permettre un débit d’examens bien supérieur à celui des systèmes CR ou de la radiologie conventionnelle. Les systèmes DR à capteur plan (en détection directe ou indirecte) offrent actuellement la meilleure qualité d’image.
Le principal inconvénient du système DR est son coût. Les systèmes DR à capteur plan sont les plus onéreux. Les systèmes DR à détection indirecte utilisant une caméra CCD sont plus abordables, mais offrent une qualité d’image inférieure (moins bonne DQE), en particulier pour les systèmes anciens et/ou d’entrée de gamme. En revanche, ces systèmes CCD ne permettent pas d’examen en faisceau horizontal ou oblique. L’intégration d’un système DR au matériel préexistant est moins aisée que pour un système CR, mais certains fabricants proposent d’intégrer le détecteur numérique dans la table de radiographie si celle-ci est déjà en place. Enfin, une calibration régulière du capteur plan est nécessaire afin de maintenir une qualité d’image optimale au fil du temps [1, 3, 4].
En pratique, les capteurs plans sont recommandés pour les structures où le volume d’examens radiographiques nécessite un rendement plus élevé et, là encore, les systèmes les plus onéreux sont les plus performants. Il est conseillé d’éviter les systèmes CCD d’entrée de gamme certes moins coûteux, mais aussi moins performants, même par rapport aux systèmes CR. Ces systèmes CCD peuvent être considérés dans le cas particulier d’une structure possédant déjà un capteur plan haut de gamme et souhaitant acquérir un système de radiologie complet (générateur, table et détecteur) supplémentaire d’appoint (tableau 2) [5].
La norme Dicom (digital imaging and communication in medicine) définit un ensemble de standards de création, de stockage, de visualisation et de communication des images médicales entre différents systèmes d’imagerie, quel que soit leur fabricant. Cette norme comprend un format de cliché permettant d’envoyer une image sans altération ni compression de celle-ci, accompagnée de diverses informations relatives à l’animal (nom, âge, sexe, etc.) et aux conditions de réalisation du cliché (date, heure, type d’examen, nom du praticien, etc.). Elle n’est pas obligatoire, mais est universellement reconnue par l’ensemble des professions médicales et des fabricants de matériel de radiologie et s’impose comme un outil indispensable en imagerie médicale vétérinaire. En outre, la norme Dicom est celle utilisée pour la transmission et l’interprétation à distance (téléradiologie) des images. Une image au format Dicom n’est pas compressée ou altérée et renferme l’intégralité de l’information en termes tant de résolution spatiale (nombre de pixels) que de résolution de contraste et de gamme dynamique (ensemble des nuances de gris de chaque pixel). Elle est manipulable et adaptable au besoin lors de l’interprétation, en faisant varier son contraste en modifiant les réglages de la table de correspondance, par exemple. Une image au format JPEG conserve la résolution spatiale, mais ne préserve pas la résolution de contraste et la gamme dynamique. L’image est, en quelque sorte, “figée” et une partie importante de l’information est perdue. Cela peut se révéler très gênant lors de l’interprétation d’examens radiographiques de l’abdomen ou du thorax. Le format JPEG 2000 (.jp2) permet toutefois la compression réversible et sans perte d’information d’une image médicale, tout en réduisant son poids jusqu’à 60 %. Il est donc capital, avant d’acquérir un système numérique, de s’assurer de sa compatibilité vis-à-vis des différentes fonctionnalités Dicom [4, 6].
Le Pacs (picture archiving and communication system) est un système informatique permettant de recueillir et de centraliser à l’échelle d’une structure (clinique, hôpital) l’ensemble des images numériques médicales, et de gérer leur archivage et leur transfert sur demande via un réseau à l’ensemble des postes informatiques de la structure, pour permettre leur visualisation et leur interprétation. Ce système repose sur l’utilisation du format Dicom et permet de sécuriser les images médicales, d’éviter leur perte et de garantir leur disponibilité immédiate en tout point de la structure, tout en limitant le recours au support physique (papier, film). Il est donc indispensable de s’assurer de l’intégration complète au Pacs des divers appareils d’imagerie de la structure afin de pouvoir profiter pleinement des possibilités offertes par le Pacs [4]. En pratique, les structures vétérinaires proposant plusieurs modalités d’examen d’imagerie (radiologie, mais aussi échographie, scanner, etc.), grâce à des systèmes d’imagerie installés dans différentes salles et utilisés par différents intervenants, bénéficient grandement de la mise en place d’un Pacs. Les plus petites structures n’ayant pas nécessairement besoin d’un Pacs sophistiqué doivent néanmoins mettre en place a minima un système de sauvegarde des images (disques durs, par exemple).
Une fois le type de système de radiologie numérique choisi, l’achat des parties matérielle et logicielle du Pacs représente un investissement annexe à ne pas négliger. En particulier, les postes informatiques dédiés à la visualisation et à l’interprétation des radiographies numériques doivent être munis d’écrans spécifiques de qualité médicale (résolution de 2 560 × 2 048 pixels, luminance [> 250 cd/m2] et contraste [> 600 : 1] élevés, antireflet) et placés dans des pièces sombres. Les images numériques peuvent être des fichiers volumineux (environ 12 Mo pour une radiographie numérique). Il est donc important de s’assurer de la stabilité et de la vitesse du réseau de la structure afin de permettre un transfert fluide des images [1, 3].
La première étape lors du passage à la radiologie numérique est de déterminer si la structure vétérinaire souhaite acquérir un système complet ou si elle privilégie d’intégrer un détecteur numérique à une table de radiologie déjà existante. Dans ce second cas, l’achat d’un générateur de rayons X plus adapté (avec un ampérage suffisamment élevé) peut être envisagé. Il convient ensuite de choisir le système numérique le plus adapté aux besoins de la structure en gardant à l’esprit que les capteurs plans à détection directe haut de gamme fournissent la meilleure qualité d’image, mais sont aussi les plus coûteux (leurs tarifs ont cependant nettement baissé ces 10 dernières années). Les systèmes CR haut de gamme proposent une qualité d’image satisfaisante pour un budget plus réduit. Enfin, l’acquisition d’un ou de plusieurs postes dédiés à l’interprétation ainsi que d’un Pacs adapté à la structure peut être envisagée.