Ataxie postérieure chez un bouledogue français - Le Point Vétérinaire n° 391 du 01/12/2018
Le Point Vétérinaire n° 391 du 01/12/2018

NEUROLOGIE

Quel est votre diagnostic ?

Auteur(s) : Magdalena Olender, Antoine Bernardé

Fonctions : Centre hospitalier vétérinaire Saint-Martin
Unité chirurgicale
74370 Saint-Martin-Bellevue

Présentation clinique

un bouledogue français femelle stérilisé de 5 ans est présenté pour des difficultés locomotrices postérieures évoluant depuis 2 mois. L’examen orthopédique des quatre membres n’a révélé aucune anomalie. L’examen à distance montre une ataxie proprioceptive et une parésie ambulatoire de type motoneurone central des membres pelviens. Les membres thoraciques sont sans anomalie. L’examen rapproché met en évidence des déficits du placer proprioceptif des deux membres pelviens. Les réflexes médullaires de ces derniers (réflexes de retrait et patellaires) sont normaux, comme ceux des deux membres thoraciques. Aucune douleur à la palpation et à la manipulation de la colonne n’est identifiée. Ces différentes anomalies sont caractéristiques d’une atteinte du motoneurone central entre les segments médullaires T3-L3. Pour l’identifier, un examen tomodensitométrique avec myélographie (myéloscanner) est réalisé (photos 1 et 2).

Description des images tomodensitométriques

→ Les images de scanner montrent un élargissement de l’espace sous-­arachnoïdien en région T6-T9 dorsale, avec une rétention du produit de contraste (flèches vertes). La moelle est comprimée dorsalement en regard de cette anomalie. Plusieurs malformations vertébrales sont visibles, surtout en région T3-T8 (flèches rouges).

Interprétation

→ Le myéloscanner objective la présence d’un diverticule sous­arachnoïdien (DSA) dorsal en regard de l’espace intervertébral T6-T9, à l’origine d’une compression médulaire dont la localisation est en cohérence avec les signes cliniques.

DISCUSSION

“Diverticule” est la terminologie correcte pour ce type de lésions. Sans tissu épithélial interne, ce n’est pas un kyste [1, 2]. Le DSA représente la seconde cause de myélopathie chez les bouledogues français (11,3 % ; hernies discales 70 %), plutôt en région thoracolombaire chez cette race et à proximité de malformations vertébrales ou de hernies discales. Les races prédisposées sont les rottweilers, les carlins et les bouledogues français [1-3, 5].

Les diverticules proviennent d’adhérences entre les deux méninges limitant l’espace sous-arachnoïdien, qui provoquent une accumulation du liquide céphalo-rachidien et une dilatation focale avec compression progressive de la moelle épinière. Contrairement à une hernie discale, le dysfonctionnement est en général modéré (parésie plutôt que paralysie), la moelle “s’habituant”. Un traitement conservateur peut être envisagé en première intention (physiothérapie, repos rachidien, corticothérapie). En cas de douleur (rare), des protocoles d’analgésie avec des opioïdes ou de la gabapentine sont proposés [3]. Les résultats sont aléatoires (30 % d’amélioration, 30 % de stabilité, 40 % de détérioration) [4, 5]. Le traitement est chirurgical (plusieurs protocoles : fenestration du DSA par durotomie, marsupialisation du DSA par durectomie ou mise en place d’un bypass vers la cisterna magna) [1, 2, 4, 5]. Peu d’études évaluent l’intérêt du traitement chirurgical versus palliatif (exemple : une étude de 46 cas traités chirurgicalement [sur 96] ; amélioration, aucune amélioration, aggravation dans respectivement 81 %, 3 % et 16 % des cas) [4, 5]. La durectomie associée à un retrait des adhérences entre la pie-mère et l’arachnoïde, sur le pôle caudal du diverticule, semble présenter le meilleur taux de progrès (86 %) [5]. La réussite de ces traitements serait liée à l’âge (meilleure avant 3 ans) et la durée des signes (avant 4 mois d’évolution) [2, 4]. L’amélioration à court terme ne garantit pas le résultat à long terme.

Références

  • 1. Cook LB, da Costa RC. Cystic abnormalities of the spinal cord and vertebral column. Vet. Clin. Small Anim. 2016;46:277-293.
  • 2. Lowrie ML et coll. Extramedullary spinal cysts in dogs. Vet. Surg. 2014;43:650-662.
  • 3. Mauler DA et coll. Signalment, clinical presentation, and diagnostic findings in 122 dogs with spinal arachnoid diverticula. J. Vet. Intern. Med. 2014;28:175-181.
  • 4. Mauler DA et coll. Spinal arachnoid diverticula: outcome in 96 medically or surgically treated dogs. J. Vet. Intern. Med. 2017;31:849-853.
  • 5. Teychené-Coutet A, Moissonnier P. Les diverticules arachnoïdiens chez le chien : étude bibliographique et étude rétrospective de 70 cas présentés à l’ENVA, aspects épidémiologique et chirurgical. Université Paris-Est Créteil, École nationale vétérinaire d’Alfort. 2016:38-43.

Conflit d’intérêts

Aucun.

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