Dexmédétomidine en microdose lors d’anxiété/phobie chez le chien - Le Point Vétérinaire n° 390 du 01/11/2018
Le Point Vétérinaire n° 390 du 01/11/2018

COMPORTEMENT

Thérapeutique

Auteur(s) : Marylène Omont*, Yassine Mallem**

Fonctions :
*École nationale vétérinaire, agroalimentaire
et de l’alimentation
de Nantes Atlantique-Oniris
Atlanpôle La Chantrerie
BP 40706
44307 Nantes Cedex 3
**Auteur-coordinateur

La dexmédétomidine peut être utilisée à dose subsédative par voie buccale, pour le traitement à domicile des phobies associées aux bruits chez le chien.

La dexmédétomidine est un agent sédatif, myorelaxant et analgésique de la famille des agonistes a2-adrénergiques, largement utilisé en médecine vétérinaire en prémédication, en contention chimique et en sédanalgésie [2, 3, 7]. Son usage à dose subsédative par voie buccale a été étudié chez le chien pour la prise en charge à domicile des phobies simples dont le stimulus phobogène est bien identifié. Environ 1 chien sur 3 présenterait une anxiété aiguë face à des bruits comme les feux d’artifice ou les coups de tonnerre [1].

Propriétés pharmacodynamiques

La dexmédétomidine est un agoniste sélectif et puissant des récepteurs α2-adrénergiques. Elle diminue la libération de noradrénaline à partir des neurones noradrénergiques et inhibe le système orthosympathique [6]. Son effet est dose-dépendant. Une diminution de la concentration en noradrénaline dans le système nerveux central contribue à diminuer la peur et l’anxiété [7].

Propriétés pharmacocinétiques

Lors des études pharmacocinétiques sur les chiens, la biodisponibilité moyenne à la suite d’une administration via la muqueuse buccale de la dexmédétomidine était de 28 %, contre 100 % par voie intraveineuse [3]. Cette faible biodisponibilité s’explique par un métabolisme de premier passage hépatique élevé et par le fait que le chien avale une partie de la dose, qui est ainsi perdue.

La dose recommandée par voie buccale est de 125 µg/m2, les concentrations maximales sont observées environ une demi-heure après l’administration. La dexmédétomidine est éliminée par biotransformation, principalement dans le foie, avec une demi-vie de 0,5 à 3 heures après l’administration buccale chez le chien. Les métabolites sont inactifs [5].

Efficacité clinique

Korpivaara et coll. ont mené une étude prospective, randomisée et en double aveugle sur 182 chiens présentant une anxiété aiguë lors des feux d’artifice [4]. Tous les chiens étaient en bonne santé ou avaient une maladie systémique stable, et avaient précédemment souffert de peur lors des feux d’artifice. Quatre-vingt-neuf chiens ont reçu de la dexmédétomidine et 93 chiens un placebo, les groupes étant homogènes. L’efficacité du traitement a été évaluée par les propriétaires, 2 heures après l’administration du traitement, grâce à une grille d’évaluation précédemment explicitée par un vétérinaire.

L’efficacité globale du traitement administré par voie buccale a été évaluée bonne à excellente pour 72 % des chiens ayant reçu de la dexmédétomidine, contre 37 % des chiens recevant un placebo, avec une différence hautement significative (P < 0,0001). De plus, l’étude a montré que les chiens traités par la dexmédétomidine exprimaient de manière significative moins de signes de peur et d’anxiété que le groupe témoin, selon l’évaluation des propriétaires [4]. Le traitement était administré 1 heure avant le stimulus phobogène. La plupart des chiens (> 85 %) ont gardé un état de vigilance compatible avec l’activité du propriétaire.

Utilisation pratique

La dexmédétomidine est commercialisée en France sous forme de solution injectable (Dexdomitor®) ou sous forme de gel buccal à la concentration de 0,1 mg/ml (Sileo®). Seule cette dernière forme galénique est adaptée à l’administration par le propriétaire au domicile. Le produit doit être appliqué sur la muqueuse buccale, entre la joue et les gencives du chien, à une dose de 125 µg/m2. La seringue orale Sileo® permet une utilisation par doses de 0,25 ml. Le gel buccal ne doit pas être avalé, sous peine d’être inefficace. Afin d’éviter un surdosage accidentel, l’utilisation de la seringue doit être soigneusement expliquée au propriétaire [10].

L’administration peut être renouvelée au bout de 2 heures lors de persistance de l’événement anxiogène. Le produit peut être appliqué jusqu’à cinq fois, pour un même événement, d’après le résumé des caractéristiques des produits de la spécialité. Lors des études cliniques, cela n’a pas montré d’augmentation des effets secondaires [4].

Les principaux effets secondaires à la dose recommandée sont la sédation, les vomissements et l’incontinence urinaire. Ces effets secondaires sont transitoires [3, 9].

Cette spécialité ne doit pas être administrée à des animaux présentant une insuffisance cardiaque ou une affection systémique sévère (animaux classés ASA(1) III ou IV).

  • (1) Score établi par l’American society of Anesthesiologists.

Conflit d’intérêts

Aucun.

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