Les ammoniums quaternaires - Le Point Vétérinaire n° 388 du 01/09/2018
Le Point Vétérinaire n° 388 du 01/09/2018

TOXICOLOGIE

Fiche toxicologie

Auteur(s) : Martine Kammerer

Fonctions : CAPAE-Ouest, Oniris,
101, route de Gachet, 44300 Nantes
capaeouest@oniris-nantes.fr
Tél. : 02 40 68 77 40

Très présents dans de nombreux produits à usage domestique, les ammoniums quaternaires sont notamment responsables de fréquentes intoxications par léchage chez les chats.

Le toxique

Les ammoniums quaternaires sont des dérivés organiques de l’ion ammonium NH4+, disponibles sous forme de sels, tels que les chlorures de benzalkonium, de cétrimonium ou de didécyldiméthylammonium. Ils sont faciles à identifier grâce à la terminaison “onium”. Ce sont des agents tensio-actifs, ce qui leur confère des propriétés mouillantes, émulsionnantes et détergentes. En raison de leur caractère cationique, ils sont, de plus, capables de s’immiscer dans les phospholipides membranaires, d’où un effet biocide qui trouve des applications dans des usages très variés :

- antiseptique, souvent en association avec la chlorhexidine (Mercryl®(1), par exemple) ou dans les produits d’hygiène bactéricides ;

- désinfectant, pour toutes surfaces, donc très présents dans les produits ménagers qui annoncent cette propriété ;

- muscicide, c’est-à-dire antimousse pour les toitures, les terrasses, les murs, etc. ;

- algicide, en particulier pour les piscines ;

- antigerme pour les pommes de terre.

Par ailleurs, leur charge positive permet de neutraliser l’électricité statique des tissus, ils entrent donc dans la composition des adoucissants textiles.

Espèces concernées

En raison de ces utilisations diverses, ces produits sont très présents dans l’environnement domestique, et les animaux de compagnie peuvent donc y être exposés accidentellement de façon très banale. Le danger est accentué par l’attirance qu’ils exercent sur l’espèce féline. Le chat est en effet attiré par l’odeur des ammmoniums quaternaires, et les appels aux centres antipoison décrivant un animal qui lèche consciencieusement la terrasse après application du traitement antimousse ou le plan de travail de la cuisine venant d’être nettoyé avec un “détergent-désinfectant” sont très fréquents.

Tableau clinique

Le tableau clinique qui s’ensuit reflète l’action caustique de ces substances sur les muqueuses et sa gravité est fonction de la concentration du produit. Si le chat a léché une surface traitée, l’atteinte est principalement buccale : dans les heures qui suivent apparaissent une hypersalivation, un érythème lingual, puis une glossite avec œdème, destruction des papilles, puis apparition d’ulcères sur la partie antérieure (photo). Les lésions sont douloureuses, l’animal est abattu, anorexique, et présente souvent une hyperthermie précoce marquée (> 40 °C). Si l’exposition résulte plutôt de l’ingestion d’un liquide, les manifestations reflètent surtout l’atteinte gastrique, et des vomissements sont alors observés. Lors de projection oculaire, les lésions peuvent être sévères, avec kératoconjonctivite et uvéite.

Traitement

Le traitement repose d’abord sur un rinçage abondant et prolongé de la cavité buccale ou des yeux. Le praticien ne doit pas faire vomir l’animal, pour ne pas exposer une nouvelle fois l’œsophage au produit caustique. Le charbon activé n’est pas conseillé, mais un pansement gastrique doit être administré, et, si besoin, un inhibiteur de la pompe à protons. Le recours aux analgésiques est également recommandé car la douleur est importante. La corticothérapie est controversée. L’antibiothérapie n’est pas forcément indispensable, elle doit être raisonnée au cas par cas. Le choix se porte de préférence sur un antibiotique à élimination salivaire, tel que la spiramycine.

Lors d’anorexie persistante, une prise en charge nutritionnelle est indispensable, par voie parentérale ou par la pose d’une sonde d’alimentation. Elle est en général de courte durée, car le rétablissement est le plus souvent rapide.

Pronostic

Bien que les symptômes soient souvent marqués et les lésions buccales parfois impressionnantes, le pronostic est en général favorable si le traitement est mis en place rapidement. Des cas mortels sont cependant signalés lorsque les voies respiratoires ont été touchées.

  • (1) Médicament à usage humain.

Conflit d’intérêts

Aucun.

EN SAVOIR PLUS

- Bates N, Edwards N. Benzalkonium chloride exposure in cats: a retrospective analysis of 245 cases reported to the Veterinary Poisons Information Service (VPIS). Vet. Rec. 2015;176 (9):229.

- Kore AM, Kiesche-Nesselrodt A. Toxicology of household cleaning products and disinfectants. Vet. Clin. North Am. Small Anim. Pract. 1990;20 (2): 525-537.

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