Étape 2 : Arthroscopie : équipements - Le Point Vétérinaire n° 385 du 01/05/2018
Le Point Vétérinaire n° 385 du 01/05/2018

En 10 étapes

Auteur(s) : Claire Deroy-Bordenave*, Guillaume Ragetly**

Fonctions :
*Centre hospitalier vétérinaire Frégis
43, avenue Aristide-Briand,
94110 Arcueil

L’arthroscopie est une technique mini-invasive d’exploration et de traitement des affections articulaires qui requiert de l’expérience et un équipement spécifique et onéreux.

L’équipement d’arthroscopie est constitué de plusieurs éléments permettant la visualisation en direct de la cavité articulaire et la saisie d’images, l’évaluation des structures intra-articulaires et le traitement des affections détectées. L’instrumentation est donc très spécifique et également onéreuse (tableau).

ARTHROSCOPE

L’arthroscope comprend différentes parties, dont l’entretien est le même que pour tout matériel chirurgical, avec néanmoins quelques particularités pour la stérilisation (encadré).

1. Optique

Trois critères caractérisent l’optique arthroscope : le diamètre, l’angle de visée et la longueur (photo 1).

Diamètre de l’optique

Le diamètre de l’optique correspond au diamètre externe de sa partie tubulaire (sans la chemise). Plusieurs dimensions existent, les diamètres de 1,9, de 2,4 et de 2,7 mm étant les plus utilisés en arthroscopie canine. Le champ de vision est principalement en rapport avec le diamètre de l’arthroscope : plus l’appareil est de grande taille, plus le champ de vision est important.

Les optiques de petit diamètre limitent les traumatismes articulaires et offrent une manipulation plus aisée dans les articulations congruentes, dont l’espace articulaire est réduit. Néanmoins, elles sont plus fragiles, avec une diminution de l’intensité lumineuse dans l’articulation.

Les optiques de large diamètre fournissent une luminosité accrue et leur résistance est plus grande, avec une durabilité plus longue.

Une optique de 1,9 mm est indiquée pour le coude, le tarse et le carpe, tandis qu’un diamètre de 2,4 mm est préféré pour le grasset, l’épaule et la hanche.

Angle de visée (0°, 30° ou 70°)

L’angle de visée correspond à l’angle entre l’axe optique (direction donnée par le corps de l’arthroscope) et l’axe du faisceau lumineux. Ce dernier est toujours orienté du côté opposé à celui de l’arrivée du câble lumineux. L’angle de visée de l’optique a une conséquence directe sur la surface pouvant être explorée par simple rotation du câble de lumière (photo 2). En effet, avec une optique orientée à 30°, la surface articulaire explorée balayée par une simple rotation de l’instrument est supérieure à celle d’un arthroscope dont l’angle est de 0°. De plus, plus l’angle est important, plus cela a une influence sur la distorsion de l’image : avec des optiques de 0 et 30°, la vision des structures selon l’axe optique donné par l’arthroscope est conservée, à la différence d’une optiques de 70°.

Longueur de l’optique

La longueur de l’optique peut être qualifiée de courte (8,5 cm) ou de longue (jusqu’à 13 cm).

L’optique courte permet d’explorer toutes les articulations, à l’exception de la hanche des chiens de très grande taille ou de l’épaule d’un animal dont le recouvrement musculaire est important. Elle peut limiter l’exploration complète d’une articulation (par exemple, difficulté d’examiner le compartiment postérieur du genou chez un grand chien), mais est plus facile à manipuler qu’une optique longue, permettant au manipulateur de poser ses doigts ou sa paume sur l’animal, ce qui stabilise l’arthroscope.

Une optique longue est plus fragile, surtout si elle est de petit diamètre. Un arthroscope court est conseillé pour le coude, le grasset, le tarse et le carpe, tandis qu’un arthroscope long est utilisé pour l’épaule et la hanche.

2. Chemise

La chemise est une protection rigide pour l’optique, utilisée pour éviter que celle-ci ne soit lésée par d’éventuelles contraintes trop importantes. L’optique est donc insérée dans l’articulation toujours via cette chemise qui a plusieurs rôles : guide et protection de l’arthroscope, maintien du port arthroscopique et apport de fluides dans l’articulation.

La chemise est d’abord insérée dans l’articulation à l’aide d’un trocart généralement à pointe mousse. Des trocarts à pointes tranchantes existent, qui facilitent l’introduction, mais susceptibles d’être à l’origine de lésions iatrogènes. Lorsque le trocart est retiré, l’optique est insérée à sa place et verrouillée à la chemise (photos 3a à 3c).

Le diamètre de la chemise dépend directement de celui de l’optique. Il existe des chemises de diamètre volontairement plus grand pour permettre une irrigation plus importante.

3. Caméra, unité de contrôle et écran

L’image est transmise depuis l’oculaire de l’optique jusqu’à un moniteur situé sur la tour d’arthroscopie via une caméra et son unité de contrôle. Cette dernière, reliée à la tête de la caméra par un fil de raccordement, convertit l’image électronique en une image vidéo qui est retranscrite sur l’écran (photos 4a et 4b). La caméra, de petite taille, se fixe à l’oculaire de l’optique (plusieurs systèmes d’attache existent). L’unité de contrôle permet de zoomer et de réaliser la mise au point, la balance des blancs et des captures d’écran. Des systèmes d’acquisition vidéo permettent d’archiver les observations.

Un écran relié à l’unité de contrôle de la caméra permet de retranscrire les images. L’ensemble optique, caméra et écran a beaucoup évolué depuis 10 ans. Les systèmes HD (1 920 × 1 080 pixels) ont amélioré grandement la qualité d’image, donc la chirurgie arthroscopique. De nouveaux dispositifs, appelés 4K, possèdent une résolution quatre fois supérieure (4 096 × 2 180 pixels). Cependant, avec l’avancement de la technologie, donc une meilleure résolution de l’image, le prix de l’instrument aussi est revalorisé.

4. Source de lumière

La source de lumière apporte une luminosité dans l’articulation. Elle est reliée à l’optique par un câble constitué d’un faisceau de fibres optiques qui conduit la lumière au travers du système optique de l’arthroscope (photos 5a et 5b). Plusieurs tailles de câble existent.

Deux types de lumières existent : halogène ou xénon. Cette dernière est la plus utilisée car elle produit une intensité lumineuse et une température de couleur plus importantes, permettant une clarté visuelle accrue et un meilleur rendu des couleurs. Dernièrement, la technologie LED a aussi été décrite.

L’intensité de la lumière peut être réglée sur la tour d’arthroscopie. Il existe des sources de lumière qui ajustent automatiquement l’intensité lumineuse.

Une rupture des fibres optiques à l’intérieur du câble est possible lorsque celui-ci est plié ou roulé de manière trop serrée. Une attention particulière est alors recommandée lors du rangement.

IRRIGATION

Les fluides sont apportés par des tubulures de perfusion connectées à la chemise. Ils peuvent aussi être délivrés par une canule d’irrigation, autre que celle de la chemise, parfois de diamètre beaucoup plus important. Cela permet d’augmenter la quantité de fluides délivrée dans l’articulation (par exemple, pour le traitement d’une arthrite septique, d’une hémarthrose nécessitant de large volume pour éliminer les débris).

Les fluides distendent l’articulation, autorisant ainsi une plus large exploration, et en fournissent une meilleure visibilité par un nettoyage continu de l’optique éliminant les débris et les cristaux intra-articulaires. Un flux constant à travers l’arthroscope, donc au sein de l’articulation, est primordial. De plus, par accroissement de la pression intraarticulaire, l’irrigation minimise les saignements pendant la procédure. Une étude a montré que le Ringer lactate est plus physiologique que les solutions salines pour l’articulation (moindres perturbations de la synthèse chondrocytaire et protéoglycane in vitro) et moins néfaste sur les ménisques [3]. Une irrigation froide permet d’augmenter l’hémostase et de diminuer les traumatismes thermiques lorsque le shaver ou l’électrocautérisation sont utilisés [1].

Le système d’irrigation doit délivrer les fluides selon une pression suffisante pour distendre l’articulation et maintenir le flux, tout en évitant leur extravasation dans les tissus périarticulaires. En effet, une extravasation du liquide d’irrigation complique l’exploration en réduisant l’espace articulaire et pourrait être à l’origine de lésions iatrogènes périarticulaires.

Afin d’apporter une irrigation et un écoulement suffisants, les fluides sont poussés sous pression. Néanmoins, la plupart des études suggèrent une pression initiale de 60 mmHg quelle que soit l’articulation, avec la possibilité de la moduler au cours de la phase peropératoire [4]. Les fluides peuvent être pressurisés par gravité, à l’aide d’une poche de contrepression à perfusion, par exemple lorsqu’un arthroscope de petite diamètre est utilisé (photo 6). L’emploi d’une pompe électrique est préféré, en revanche, lors d’utilisation d’un shaver ou encore d’un arthroscope large dans un grasset.

L’évacuation des fluides d’irrigation (voie de drainage) est possible par une canule de sortie (fenêtrée ou non fenêtrée, flexible ou rigide) ou une aiguille placée dans l’articulation (egress) (photo 7a). Une évacuation adéquate est nécessaire pour maintenir un flux approprié dans l’articulation, permettant ainsi le renouvellement du liquide apporté par la canule d’irrigation. Une attention particulière lors de l’insertion de la canule d’évacuation est requise afin de ne pas provoquer de lésions iatrogènes dans l’articulation (photo 7b). Les fluides d’évacuation tombent généralement sur le sol et peuvent être aspirés par un aspirateur spécifique (photo 8). Des systèmes de réaspiration des fluides connectés à l’egress existent, ou la possibilité de raccorder une tubulure à la canule d’évacuation pour réorienter les fluides dans un sac ou un bac.

TRAVAILLER SOUS ARTHROSCOPIE

1. Instruments classiques

Les instruments interviennent dans les phases diagnostique et thérapeutique de l’arthroscopie (photos 9a et 9b). Un ou plusieurs ports instrumentaux peuvent être utilisés. Certains chirurgiens emploient des canules qui facilitent l’insertion des instruments.

→ Le crochet palpateur permet la palpation des surfaces articulaires (éventuelle détection d’une ostéochondrite disséquante, par exemple), ainsi que la manipulation des tissus au sein de l’articulation (ménisques, flap cartilagineux, fragments osseux). Il permet également d’apprécier la résistance et la consistance du cartilage, ce qui est indispensable pour détecter les chondromalacies et les ostéochondroses. Certains crochets sont gradués afin d’estimer l’étendue des lésions.

→ Les pinces à préhension et les pinces “emporte-pièce” permettent la préhension et l’exérèse de fragments osseux, de lambeaux cartilagineux et de souris articulaires. Plusieurs modèles existent, qui varient en taille, en longueur et en morphologie.

→ Les pinces à biopsies permettent de biopsier (par exemple, membranes synoviales) ou de débrider les tissus mous intra-articulaires (par exemple, membranes synoviales, ménisques).

→ Les curettes articulaires sont utilisées pour élever les fragments osseux et débrider le cartilage et l’os.

→ Des micropicks permettent de réaliser des microfractures de l’os sous-chondral.

→ Les couteaux d’arthroscopie sont utilisés pour traiter les lésions méniscales, réaliser des ténodèses et couper les attaches de tissus mous sur un fragment libre osseux. Des méniscectomies sont également possibles. Il existe différents designs de couteaux, dont le choix dépend de la procédure à effectuer.

2. Instruments motorisés

→ Les shavers sont des instruments permettant de débrider rapidement des tissus durs et mous à l’aide d’une fraise ou d’un couteau motorisé (photos 10a et 10b). La pièce à main du shaver est toujours reliée à une aspiration afin de faciliter la coupe, d’enlever les débris et d’accoler d’éventuels fragments osseux, par exemple sur l’embout. Chaque instrument accepte différents types de couteaux et de fraises selon le geste chirurgical et l’intervention. En effet, les couteaux sont plutôt utilisés pour débrider la membrane synoviale ou des graisses comme le coussinet adipeux, tandis que la fraise est employée pour l’os. Plusieurs vitesses et modes oscillatoires existent et sont choisis en fonction de l’opération.

L’utilisation du shaver doit être contrôlée, via une pédale ou un bouton sur la pièce à main, pour actionner la rotation de l’embout. Un contrôle visuel est requis dans tous les cas pour prévenir des lésions iatrogènes. Celles-ci sont limitées par la constitution même de l’instrument qui rend le couteau ou la fraise effectifs seulement sur une partie de la pièce.

→ Des systèmes d’ablation par radiofréquence ou d’électrocoagulation bipolaire existent également, mais les effets secondaires sur les chondrocytes sont inconnus.

3. Autres matériels

Le matériel d’arthroscopie inclut un équipement de base, comprenant des aiguilles (20 G ou 18 G), des seringues (2 ml, 10 ml et 20 ml) et des lames de bistouri (lame de 11) pour créer les ports, ainsi que des pinces hémostatiques droites pour dilater les ports instrumentaux.

D’autres instruments spécifiques sont disponibles pour des utilisations plus particulières, comme des systèmes d’ancre arthroscopique ou des distracteurs.

Conclusion

En raison de la taille limitée de l’espace articulaire, l’arthroscopie n’est possible qu’avec un équipement adéquat. Plusieurs instruments sont disponibles avec cette approche, à employer selon la finalité du geste chirurgical.

Références

  • 1. Cheng SC, Jou IM, Chern TC et coll. The effect of normal saline irrigation at different temperatures on the surface of articular cartilage : an experimental study in the rat. Arthroscopy. 2004 : 20 ; 55-61.
  • 2. Johnston SA, Tobias KM. Musculoskeletal System. In : Veterinary surgery. 2nd ed. Jonhston & Tobias, eds. Saunders CO, St Louis. 2017 : 1323-1347.
  • 3. Shinjo H, Nakata K, Shino K et coll. Effect of irrigation solutions for arthroscopic surgery on intraarticular tissue : comparison in human meniscus-derived primary cell culture between lactate Ringer’s solution and saline solution. J. Orthop. Res. 2002 ; 20 : 1305-1310.
  • 4. Tuijthof GJ, Dusée L, Herder JL et coll. Behavior of arthroscopic irrigation systems. Knee Surg. Sports Traumatol. Arthrosc. 2005 ; 13 : 238-246.

Conflit d’intérêts

Aucun.

ENCADRÉ
Stérilisation de l’arthroscope

→ La stérilisation de l’optique, de la caméra et du câble se fait à l’aide d’oxyde d’éthylène, d’acide péracétique ou encore de peroxyde d’hydrogène avec une phase plasma. Selon les recommandations du constructeur, certains de ces instruments peuvent maintenant passer à l’autoclave.

→ Le glutaraldéhyde activé est également utilisé couramment pour la caméra, car il permet une stérilisation rapide sans abîmer l’équipement. Néanmoins, le matériel doit être bien rincé pour prévenir des lésions chimiques dans l’articulation.

Points forts

→ L’arthroscopie permet l’inspection de structures articulaires au travers d’un instrument optique.

→ Les arthroscopes de 1,9, de 2,4 et de 2,7 mm à angle de visée de 30° sont communément utilisés chez les animaux de compagnie.

→ L’arthroscope doit toujours être protégé par une chemise.

→ L’irrigation permet une distension de l’articulation et l’élimination des débris pour une meilleure visibilité.

→ Les instruments à visée thérapeutique sont divers et spécifiques.

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