Boiterie postérieure chez un rottweiler de 6 ans - Le Point Vétérinaire n° 385 du 01/05/2018
Le Point Vétérinaire n° 385 du 01/05/2018

ORTHOPÉDIE

Quel est votre diagnostic ?

Auteur(s) : Nora Bouhsina*, Alexis Bertrand**, Marion Fusellier-Tesson***

Fonctions :
*Service d’imagerie médicale, CHUV Oniris,
BP 50707, 44307 Nantes Cedex 03
nora.bouhsina@oniris-nantes.fr
**Service d’imagerie médicale, CHUV Oniris,
BP 50707, 44307 Nantes Cedex 03
alexis.bertrand@oniris-nantes.fr
***Service d’imagerie médicale, CHUV Oniris,
BP 50707, 44307 Nantes Cedex 03
marion.fusellier@oniris-nantes.fr

Présentation clinique

Un chien rottweiler femelle de 6 ans est présenté pour une boiterie du membre pelvien droit avec une suppression d’appui évoluant depuis 15 jours. Aucun épisode de douleur aiguë inaugurale n’est rapporté. L’examen clinique ne révèle aucune autre anomalie. L’examen orthopédique objective cette boiterie et met en évidence une douleur à la palpation et à la mobilisation du grasset droit, ainsi qu’une tuméfaction des tissus mous du grasset et du tiers proximal du tibia. L’examen neurologique est normal. Deux radiographies orthogonales du grasset droit sont réalisées (photos 1 et 2).

Qualité de l’image

La densité, le contraste et la netteté sont bons. Les clichés sont de qualité satisfaisante pour l’interprétation.

Description de l’image

Des lésions d’ostéolyse en mie de pain avec une zone de transition longue et une réaction périostée irrégulière sur le tiers proximal du tibia droit sont notées.

Une fracture fermée médiodiaphysaire oblique longue avec un déplacement médiolatéral de l’about distal du tibia, ainsi qu’une fracture fermée médiodiaphysaire oblique courte avec un déplacement médioproximal de l’about distal de la fibula sont observées, distalement aux lésions osseuses tibiales.

Une tuméfaction des tissus mous en regard du tibia proximal droit ainsi que de la capsule articulaire du grasset droit est également visualisée.

Interprétation

Les images révèlent une double fracture pathologique tibiale et fibulaire droite, consécutive à l’évolution d’une affection agressive localisée au tibia proximal. L’hypothèse prioritaire est un ostéosarcome, vu la présence d’ostéolyse en mie de pain, la localisation et le contexte clinique. Une infection bactérienne (même sans antécédent rapporté de traumatisme) ou une autre cause ne peuvent être exclues. Une biopsie osseuse pour obtenir un diagnostic de certitude a été refusée par les propriétaires, tout comme l’autopsie quand l’animal a été euthanasié.

DISCUSSION

L’ostéosarcome est la tumeur osseuse la plus fréquente chez le chien, notamment de grande race, avec un pic d’incidence vers 18 mois et chez les animaux de plus de 7 ans. S’il n’est pas possible à la radiographie de diagnostiquer avec certitude un ostéosarcome plutôt qu’une autre tumeur osseuse maligne ou qu’une ostéomyélite, certains critères radiographiques sont très évocateurs. En effet, ces lésions ont des localisations préférentielles : humérus et tibia proximaux, radius et fémur distaux. Leur point de départ est généralement métaphysaire, mais l’évolution étant rapide, la lésion peut très vite s’étendre à l’épiphyse et/ou à la diaphyse. Elles ne traversent pas l’articulation (sauf dans les cas les plus avancés). Les lésions osseuses sont caractéristiques du caractère agressif de l’affection avec une réaction périostée spiculée, rayonnante voire amorphe, associée à une ostéolyse en mie de pain ou ponctuée, ainsi qu’une zone de transition longue entre les parties saine et malade, comme ce qui a été observé sur les clichés radiographiques [3].

Enfin, des fractures pathologiques peuvent survenir, comme chez ce rottweiler. Elles semblent être la conséquence de la détérioration des propriétés viscoélastiques de l’os et surviennent alors à l’occasion de traumatismes minimes. Leurs autres causes peuvent être nutritionnelles (régime pauvre en calcium), métaboliques (rétention phosphatée, hyperparathyroïdisme) ou néoplasiques primaires (ostéosarcome) ou métastatiques (carcinome le plus souvent) [1]. Le traitement de choix de l’ostéosarcome est l’amputation chirurgicale précoce associée à de la chimiothérapie.

L’os le plus touché par ces fractures est le fémur, suivi par le tibia et, de moindre manière, l’humérus [2]. Plusieurs facteurs augmentent le risque pour l’animal de présenter cette complication : une douleur croissante, une lésion localisée à la métaphyse proximale, dont la taille est supérieure à 25 mm, une lyse osseuse importante avec atteinte de la corticale.

Références

  • 1. Kirberger RM, McEvoy FJ. Manual of canine and feline muskuloskeletal imaging. 2nd ed. BSAVA. 2016 : 138 p.
  • 2. Rubin JA, Suran JN, Brown DC et coll. Factors associated with pathological fractures in dogs with appendicular primary bone neoplasia : 84 cases (2007-2013). J. Am. Vet. Med. Assoc. 2015 ; 247 : 917-923.
  • 3. Thrall DE. Textbook of veterinary diagnostic radiology. 6th ed. Saunders Elsevier. St Louis. 2016 : 307-308.

Conflit d’intérêts

Aucun.

Abonné au Point Vétérinaire, retrouvez votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr