ZOOTECHNIE ET MALADIES RÉGLEMENTÉES
Questions et réponses
Auteur(s) : Thierry Morin*, Marine Baud**, Joëlle Cabon***, Lénaïg Louboutin****
Fonctions :
*Chef de l’unité pathologies virales
des poissons (PVP),
**Responsable technique biologie
moléculaire santé animale
***Adjointe à la responsable
du Laboratoire national de référence (LNR)
pour les maladies réglementées des poissons
****Responsable du LNR
pour les maladies réglementées des poissons
Agence nationale de sécurité sanitaire
(Anses), laboratoire de Ploufragan-Plouzané,
unité PVP, LNR pour les maladies réglementées
des poissons, technopôle Brest-Iroise,
CS 10070, 29280 Plouzané
La filière piscicole est soumise comme les autres à de multiples agents pathogènes réglementés ou non, susceptibles d’avoir de lourds impacts sanitaires et économiques. Les mesures en cas de foyers sont “classiques”.
Les prémices de la pisciculture française remontent au Moyen Âge. Une activité extensive de production de poissons en étang consistait globalement à améliorer la productivité de l’écosystème aquatique en intégrant, à certaines saisons, une complémentation alimentaire exogène. Ce mode de production, particulièrement adapté pour les cyprinidés (carpes, tanches, gardons), les percidés (perches et sandres), les ésocidés (brochets) ou encore les centrarchidés (black-bass), a été complété au fil des années. Une pisciculture rationalisée et intensive s’est mise en place, qui porte désormais sur plus d’une quinzaine d’espèces de poissons.
La production nationale représente environ 50 000 tonnes par an. Elle est principalement axée sur la truite arc-enciel dont le nom latin est Oncorhynchus mykiss (figure 1). Elle intègre néanmoins une activité de pisciculture marine significative, avec plusieurs écloseries importantes générant presque 100 tonnes d’œufs et de juvéniles par an, dont une bonne partie est destinée à l’export. La région Nouvelle-Aquitaine est particulièrement riche en élevages d’esturgeons, permettant à la France de se positionner au troisième rang mondial pour la production de caviar. L’activité historique d’élevage extensif en étang reste fortement présente sur notre territoire. Elle est principalement orientée vers l’activité de repeuplement (débouché pour environ 70 % de la production annuelle, selon l’Association française des professionnels de la pisciculture d’étang [AFPPE]).
Les agents pathogènes représentent un danger majeur pour la production piscicole. Dans le cadre de la réorganisation des mesures de gestion de l’ensemble des maladies animales en France proposée par l’ordonnance 2011- 862 du 22 juillet 2011, les notions de maladies animales réputées contagieuses (MARC) et de maladies animales à déclaration obligatoire (MADO) ont été remplacées par celle de danger sanitaire. Ces derniers sont répartis en trois catégories (1, 2 et 3). Les dangers de première catégorie sont définis comme les dangers sanitaires « de nature, par leur nouveauté, leur apparition ou persistance, à porter une atteinte grave à la santé publique ou à la santé des animaux à l’état sauvage ou domestique et/ou à mettre gravement en cause, par voie directe ou par les perturbations des échanges commerciaux qu’ils provoquent, les capacités de production d’une filière animale. Ces dangers requièrent, dans un but d’intérêt général, des mesures de prévention, de surveillance ou de lutte rendues obligatoires par l’autorité administrative ».
Actuellement, les agents infectieux classés en catégorie 1 au niveau national pour la filière des poissons d’élevage, mais également listés au niveau européen, sont exclusivement des virus (tableau 1) [2, 5, 6].
La filière est néanmoins soumise à de multiples autres agents pathogènes non réglementés qui peuvent avoir un impact sanitaire et économique sévère. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a publié en France récemment, à la demande du ministère de l’Agriculture, une proposition de hiérarchisation des dangers sanitaires exotiques ou présents en France métropolitaine chez les poissons d’élevage (saisine 2013-SA-0049C datant de 2015 [1]). Ce travail a permis de réaliser un recensement et une évaluation relativement exhaustive de l’ensemble des dangers (virus, bactéries et parasites) présents sur le territoire ou susceptibles d’y être introduits. L’évaluation s’est fondée sur sept domaines de critères (DC) (encadré).
L’ensemble des données bibliographiques et pratiques disponibles ont été prises en compte. Un paramètre d’incertitude a été introduit, reflétant la robustesse et la disponibilité relative des informations.
Figurent en haut de la liste des dangers qui doivent faire l’objet d’une réévaluation régulière : les virus responsables de l’encéphalopathie et de la rétinopathie (nodavirose) ou de l’herpèsvirus de la carpe Koi (KHV). Des bactéries sont également en pole position : celles à l’origine de la flavobactériose et de l’edwardsiellose (tableau 2).
Certains des agents de catégorie 1 des dangers sanitaires ne se retrouvent pas en haut de la hiérarchisation proposée par l’Anses car celle-ci prend en considération l’existence de mesures de lutte et leur efficacité. Cela tend à réduire l’impact des rhabdovirus, par exemple(1).
Le document publié sur le site de l’Anses propose dans ses annexes des fiches détaillées sur chacun des agents pathogènes considérés [1].
Un dispositif est en place au niveau national, comme pour d’autres espèces de production. Il a plusieurs objectifs :
- permettre une détection réactive de tout foyer associé à un danger listé ;
- contrôler le statut officiellement indemne de la France pour le virus de l’anémie infectieuse du saumon ;
- assurer une qualification indemne des zones et des fermes aquacoles (piscicultures, étangs).
Il repose sur trois modalités de surveillance (figure 2). Les prélèvements effectués dans ce cadre sont analysés en première intention par les laboratoires agréés par la Direction générale de l’alimentation (DGAL) : Labocea dans le Finistère, laboratoire départemental vétérinaire de l’Hérault (LDV 34), laboratoire départemental d’analyses du Jura (LDA 39), laboratoire des Pyrénées et des Landes (LPL 40), Labéo dans l’Orne (61), LDA Pas-de-Calais (62), laboratoire vétérinaire départemental de Seine-Maritime (LVD 76). En cas de résultat positif pour la présence d’un virus responsable d’une maladie réglementée, une confirmation est réalisée par le Laboratoire national de référence (LNR) pour les maladies réglementées des poissons, qui est situé à Plouzané (Finistère).
En présence d’un foyer de maladie réglementée, des mesures de police sanitaire sont mises en place conformément à la directive 2006/88/CE, transposée en droit national par l’arrêté du 4 novembre 2008 [3]. Lors de toute suspicion, la direction départementale en charge de la protection des populations (DDecPP) ou la direction départementale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (DDAAF) concernée prend un arrêté préfectoral de mise sous surveillance (APMS) et définit un territoire cohérent où une surveillance événementielle et/ ou ciblée est organisée dans les fermes aquacoles élevant des espèces sensibles.
Après confirmation de l’infection par le LNR, les fermes aquacoles infectées sont mises sous arrêté préfectoral de déclaration d’infection (APDI). Des mesures d’élimination des poissons morts ou présentant des signes cliniques sont prises. Un vide sanitaire renforcé est instauré, lorsque c’est possible, avec des opérations d’assec incluant un nettoyage et une désinfection des bassins.
Une enquête épidémiologique est quasi systématiquement réalisée. Comme pour les autres espèces de production, un bilan des diagnostics positifs et des enquêtes menées est publié chaque année dans le Bulletin épidémiologique santé animale - alimentation [8].
Ainsi, les tendances d’évolution pour chaque maladie réglementée de la filière piscicole sont des éléments accessibles pour le vétérinaire sanitaire qui souhaiterait se tenir informé.
Les dangers sanitaires qui concernent les poissons ne sont pas si différents, dans la manière dont ils sont appréhendés, de ceux des autres espèces de production plus connues de la majorité des confrères.
(1) Voir l’article “Focus sur les rhabdoviroses réglementées des poissons” des mêmes auteurs, dans ce numéro.
Aucun.
Sept domaines de critères (DC) ont été pris en compte dans le recensement et l’évaluation des dangers sanitaires (virus, bactéries et parasites) présents sur le territoire ou susceptibles d’y être introduits, proposés par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail :
- le potentiel de diffusion, de persistance et d’évolution de la maladie ou de l’infection en l’absence d’intervention dans l’espèce considérée ;
- l’impact économique de la maladie ou de l’infection dans les unités épidémiologiques et/ou les filières ;
- l’impact sur la santé humaine ;
- l’impact sociétal ;
- les limites à l’efficacité des mesures de lutte ;
- l’impact de la maladie sur les écosystèmes ;
- et l’impact économique, sociétal et environnemental des mesures de lutte à l’échelon national.
Pour les maladies exotiques (non présentes sur le territoire), un DC supplémentaire a été introduit, visant à estimer la probablité d’introduction en France [1].
→ Une large partie de la production des écloseries françaises est destinée à l’export.
→ Certains des agents classés dangers sanitaires de catégorie 1 (rhabdovirus, vNHI, vSHV) ne se retrouvent pas en haut de la hiérarchisation des dangers proposée par l’Anses car ce travail prend en compte l’existence de mesures de lutte et leur effi cacité.
→ Les fermes aquacoles infectées par une maladie réglementée sont soumises à des mesures d’élimination des poissons morts ou présentant des signes cliniques. Un vide sanitaire renforcé est mis en place, si possible avec des opérations d’assec sur les bassins.