La dermatose nodulaire contagieuse : actualités (partie 1) - Le Point Vétérinaire expert rural n° 382 du 01/01/2018
Le Point Vétérinaire expert rural n° 382 du 01/01/2018

ÉPIDÉMIOLOGIE

Article de synthese

Auteur(s) : Claude Saegerman*, Kris De Clercq**

Fonctions :
*Département des maladies infectieuses
et parasitaires
Faculté de médecine vétérinaire,
université de Liège
Quartier Vallée 2, avenue de Cureghem 7A,
B42, 4000 Liège, Belgique
**Maladies vésiculaires et exotiques
Division opérationnelle,
Maladies virales, Coda-Cerva
Groeselenberge, 99
B-1180 Uccle, Belgique
claude.saegerman@ulg.ac.be

La situation et l’épidémiologie de la dermatose nodulaire contagieuse, maladie vectorielle transfrontalière hautement contagieuse chez les bovins, sont examinées à la lumière des dernières avancées scientifiques.

La dermatose nodulaire contagieuse (DNC) est une maladie vectorielle et transfrontalière hautement contagieuse chez les bovins qui entraîne des pertes économiques importantes [31]. Pour cette raison, elle figure dans la liste des maladies à déclarer à l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE) et fait partie de celles dont la notification à la Commission européenne et aux États membres est obligatoire (directive 82/894/EEC1, décision 89/162/EEC2). Elle est également classée comme danger sanitaire de première catégorie en France [21]. Un bilan de la situation épidémiologique actuelle de la maladie permet de faire le point sur les propriétés du virus, les espèces hôtes, les voies de transmission, ainsi que sur les moyens de surveillance et de gestion.

La question du risque d’introduction de l’infection en France métropolitaine a également toute son importance et a fait l’objet d’un avis de l’Agence nationale de la sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) en 2017 [4]. Cette question sera traitée dans un second article à paraître.

À la suite de l’introduction de la DNC en Europe en 2014-2015, le nombre de publications scientifiques sur la maladie a drastiquement augmenté. Cette tendance laisse présager l’acquisition de nouvelles connaissances à l’avenir, qui pourront être mobilisées (figure 1).

EXTENSION DES FOYERS DE DNC EN DEHORS DE L’AFRIQUE

Identifiée pour la première fois en Afrique subsaharienne (Gambie) en 1929, la DNC s’est ensuite répandue dans la plupart des pays du continent africain où elle est endémique, ainsi qu’à Madagascar. Elle s’est externalisée du continent africain à partir de 1989 en affectant Israël. En 2012, la maladie est apparue à la frontière nord-est d’Israël. Elle s’est propagée depuis avec une ampleur inégalée à la péninsule arabique et à l’ensemble du Moyen-Orient. Des foyers ont été rapportés au Liban, dans les Territoires autonomes palestiniens, en Jordanie, au Koweït, en Arabie saoudite, en Irak et en Iran. La Turquie a été atteinte en 2013. Puis d’autres foyers se sont succédé assez vite dans la partie septentrionale de Chypre, en Azerbaïdjan, en Arménie et au Kazakhstan. En 2015, la maladie s’est propagée de la Turquie à la Grèce et ensuite dans différents pays des Balkans, en 2016. Depuis 2014, la DNC affecte divers États du continent européen dont la Grèce, la Bulgarie, l’Ancienne République yougoslave de Macédoine (ARYM), la Serbie, le Kosovo, l’Albanie, le Monténégro, le sud de la Russie, l’Azerbaïdjan, le Kazakhstan, l’Arménie et la Géorgie (figure 2) [4, 38, 39]. À l’heure actuelle, il existe un risque élevé que la DNC poursuive sa progression dans la région du Caucase et du sud-est de l’Europe.

Le nombre de foyers de DNC enregistrés dans le système de notification des maladies animales de l’Union européenne (ADNS), de 2014 à 2017, indique une extension géographique importante en 2016 (six pays en plus de la Turquie et de la Grèce), avec de nombreux foyers déclarés la même année (n = 1 127) (tableau 1) [9, 10].

LE VIRUS, LES ESPÈCES HÔTES ET LA PATHOGÉNIE

1. Virus

Le virus de la DNC (DNCV) est un virus enveloppé à ADN à double brin qui appartient au genre Capripoxvirus, au sein de la famille des Poxviridae (photo 1). Au sein du genre Capripoxvirus sont retrouvés le DNCV mais aussi le poxvirus du mouton (Sheeppox) et le poxvirus de la chèvre (Goatpox). Ces deux derniers virus présentent une identité génomique de 96 à 97 % avec le DNCV [37]. La taille moyenne du DNCV est de 294 à 350 nm de long et de 260 à 300 nm de large. Le virus est constitué de trois parties : un core (coque interne épaisse, délimitée par une couche protéique de 5 nm d’épaisseur, dans laquelle se trouvent le génome viral et les protéines virales indispensables aux premières étapes de la réplication), des corps latéraux (structures lenticulaires protéiques situées dans les concavités du core) et des enveloppes (issues des membranes cellulaires et de nature phospho-lipidique) [4].

Le virus prototype de la DNC est la souche Neethling qui a été isolée en Afrique du Sud et qui est utilisée pour la production d’un grand nombre de vaccins vivants atténués commercialisés à travers le monde [2]. L’atténuation de la souche vaccinale Neethling est liée à de nombreuses mutations réparties sur la quasi-totalité du génome [4]. Le DNCV est relativement résistant aux agents physiques et chimiques, en particulier en présence de matières organiques et à basse température. Le virus est sensible à l’éther (20 %), au chloroforme, au formol (1 %) et aux détergents (destruction par le dodécylsulfate de sodium en quelques minutes). Il l’est également au phénol (2 %, 15 minutes), à l’hypochlorite de sodium (2 à 3 %), aux composés iodés (dilution 1:33), au Virkon® (2 %) et aux ammoniums quaternaires (0,5 %) [4].

2. Hôtes

Une espèce peut être qualifiée de sensible (expression clinique de la maladie) et/ou de réceptive (multiplication du virus possible). Les espèces sensibles sont également réceptives, mais des espèces réceptives peuvent ne pas être sensibles. Les bovins, zébus et buffles d’eau sont des espèces sensibles en conditions naturelles. Le taux de morbidité chez les bovins (30,8 %) est significativement plus élevé que chez les buffles d’eau (Bubalus bubalis, 1,6 %) [15]. De par la fréquence de leur atteinte dans l’ensemble des pays reconnus pour être infectés et leur sensibilité, les bovins constituent la source et l’hôte principal du DNCV. Les moutons et les chèvres sont des espèces réceptives, mais aucune évidence épidémiologique n’indique qu’elles jouent un rôle de réservoir du DNCV. Des signes cliniques caractéristiques ont été observés chez des impalas (Aepyceros melampus) et des girafes (Giraffa camelopardalis) infectés expérimentalement avec le virus de la DNC [44]. La maladie a aussi été rapportée chez l’oryx d’Arabie (Oryx leucoryx) [17]. Plus récemment, la présence d’acide nucléique du DNCV a été rapportée dans des échantillons de peau collectés à partir de springbok (Antidorcas marsupialis) en Afrique du Sud [26].

Bien que les petits ruminants domestiques et diverses espèces de ruminants sauvages soient considérés comme des espèces réceptives, ils n’apparaissent pas comme susceptibles de jouer un rôle significatif dans l’épidémiologie de la maladie. Des études sont néanmoins nécessaires pour établir leur rôle réel, et aussi en ce qui concerne les espèces de ruminants sauvages en Europe [4]. L’homme n’est ni sensible ni réceptif [40].

3. Pathogénie

Après une inoculation transcutanée, la généralisation de l’infection passe par les voies lymphatiques puis sanguines (virémie transitoire), pour atteindre le tissu cutanéomuqueux et certains organes internes (principalement les muqueuses digestives, les reins, les testicules). Les titres viraux sont faibles dans la salive, le jetage et le sperme, mais maximaux dans les nodules. La voie intraveineuse semble la plus adaptée pour obtenir une infection généralisée lors d’infections expérimentales.

Les lésions cutanées chez les bovins infectés renferment des concentrations importantes de DNCV (jusqu’à 8,1 à 8,3 log10 UFP/g entre 12 et 15 jours après inoculation) [5]. La quantité de virus est ainsi proportionnelle au nombre de lésions présentes.

MODES DE TRANSMISSION DE LA DNC

1. Une transmission essentiellement vectorielle

Bien que la contamination directe de bovin à bovin soit possible, le DNCV se transmet principalement par des vecteurs, probablement de manière purement mécanique [7, 29, 33]. Une alimentation fréquente et souvent interrompue auprès de plusieurs hôtes est la condition pour que les vecteurs puissent transmettre le virus mécaniquement par leurs pièces buccales des animaux infectés aux animaux naïfs [40]. Presque tous les arthropodes hématophages (mouches d’étable, taons, moustiques et tiques) sont susceptibles de jouer un rôle potentiel dans la propagation du DNCV entre bovins. Stomoxys calcitrans (mouche d’étable) est une espèce de mouche hématophage qui peut transmettre le sheeppox et le goatpox [30]. Des données épidémiologiques indiquent qu’il joue aussi un rôle important dans la dissémination du DNCV dans les troupeaux, mais les résultats expérimentaux sont encore équivoques [22]. Dans des conditions de laboratoire, la transmission n’est pas évidente puisque 200 S. calcitrans nourris à 24 heures d’intervalle sur des bovins virémiques et ensuite sur des bovins en bonne santé n’ont pas permis la transmission du DNCV [8].

La transmission entre troupeaux éloignés et pays éloignés se produit généralement par le biais de mouvements de bovins infectés, mais les vecteurs infectés transportés dans les camions à bestiaux pourraient également introduire le virus dans des populations exemptes de maladie (figure 3) [1, 16]. Les vecteurs peuvent se déplacer sur des distances courtes, moyennes et longues de trois manières différentes (c’est-à-dire par le vent, les camions et les oiseaux). Les mouvements spontanés des insectes ne semblent effectifs que sur de courtes distances. Pour les mouches des étables, Taylor et coll. ont observé que moins de 5 % des insectes marqués capturés ont été recapturés à plus de 5 km de leur lieu de libération [36]. Cependant, ils peuvent être transportés par le vent sur de longues distances et transmettre des agents pathogènes à des fermes situées à plusieurs centaines de kilomètres (comme en Floride [20]). Ces mouches représentent également l’hypothèse principale de la première introduction du DNCV en Israël, en août 1989. En effet, les Stomoxys spp. sont les insectes hématophages les plus communs en Israël et aucun animal vivant n’avait été introduit dans les troupeaux infectés [43].

Récemment, une autre espèce de mouche, Haematobia irritans, a également été suggérée pour être un vecteur potentiel du DNCV en Israël, mais cette proposition ne découle que de l’observation concomitante de populations abondantes de cette mouche et des premiers cas de DNC chez les bovins [22]. Il existe actuellement très peu d’informations sur les vecteurs arthropodes impliqués dans la propagation du DNCV en Europe. La transmission du virus de bovins infectés à des bovins naïfs par des moustiques femelles Aedes aegypti a, quant à elle, été scientifiquement prouvée [25]. Cependant, la distribution géographique de ce vecteur n’inclut pas la France ni les pays limitrophes. Des preuves expérimentales ont été publiées sur la transmission du DNCV par des tiques africaines (Rhipicephalus et Amblyomma spp.) dont les mâles adultes se nourrissent plusieurs fois et changent d’hôtes [24, 27, 28]. La transmission du virus par des tiques vectrices est vraisemblablement mécanique car, pour l’heure, il n’a pas été possible de démontrer la multiplication du virus chez les tiques.

2. Autres modes de transmission à prendre en compte

Dans les régions endémiques en Afrique, les foyers de DNC prennent généralement la forme d’épidémies suivies de plusieurs années d’inactivité [12]. Là où réside le virus entre les différentes survenues de foyers reste inconnu [40]. La transmission iatrogénique (injection à plusieurs animaux sans changer d’aiguille) au sein d’un troupeau ou entre plusieurs troupeaux peut se produire lorsque des bovins présentent des signes cliniques de DNC ou qu’ils sont en incubation [40].

Les animaux infectés excrètent le DNCV dans leur salive et leurs écoulements nasaux et oculaires [5]. Ils peuvent, dès lors, contaminer des sites communs utilisés pour nourrir et abreuver les bovins. Le rôle épidémiologique de cette contamination dans la transmission est cependant encore mal connu.

Le DNCV persiste dans les semences des taureaux infectés. Dès lors, l’accouplement naturel ou une insémination artificielle peut être à la source de l’infection chez les femelles [3]. Il est important de noter que l’injection d’un vaccin renfermant le DNCV atténué a permis de prévenir l’excrétion par les taureaux du virus inoculé dans leur semence [32]. Les vaches gestantes infectées peuvent donner naissance à des veaux présentant des lésions cutanées [34].

SURVEILLANCE DE LA DNC

1. Signes cliniques d’appel de la DNC

Globalement, un animal infecté sur deux (30 à 70 %) présentent des signes cliniques [38]. Après une période d’incubation de quelques jours (4 à 7 jours en conditions expérimentales, mais jusqu’à 5 semaines en conditions naturelles), le tableau clinique est dominé par l’apparition de nodules cutanés de 0,5 à 5 cm de diamètre qui peuvent être éparses ou disséminés sur le corps des bovins (tableau 2, photo 2). Les premiers stades de l’infection et les cas légers peuvent aisément passer inaperçus, même auprès des vétérinaires les plus aguerris.

La détection précoce des animaux infectés et la confirmation rapide en laboratoire constituent les fondements sur lesquels repose le succès de la lutte contre la maladie. Il n’est pas rare qu’un troupeau infecté (“index”) ne soit détecté que lorsque certaines bêtes présentent déjà de multiples nodules cutanés (chacun d’entre eux renfermant de grandes quantités du virus). À ce stade, le virus circule probablement déjà depuis plusieurs semaines au sein du troupeau, ce qui a amplement laissé le temps aux vecteurs hématophages de transmettre la maladie aux troupeaux voisins (en période d’activité vectorielle). Il est dès lors primordial de sensibiliser les acteurs de la filière bovine à la reconnaissance des signes cliniques d’appel pour qu’ils alertent les autorités rapidement. Il s’agit là des vétérinaires des secteurs public et privé (en pratique courante et dans les abattoirs), des éleveurs et des bouviers, des négociants en bétail, des chauffeurs des véhicules transportant le bétail et des inséminateurs. Tous se trouvent dans une position clé pour identifier les animaux infectés dans les exploitations, les abattoirs, les points de collecte et de repos du bétail, et pour informer au plus vite les autorités vétérinaires lors de suspicions cliniques [39].

Différentes capsules vidéo sont actuellement disponibles sur la DNC, concernant en particulier sa présentation clinique(1).

2. Diagnostic différentiel

Le diagnostic différentiel est cliniquement difficile à établir. Dès lors, l’envoi de prélèvements biologiques s’impose (sang, salive, nodule cutané), en vue d’une confirmation du diagnostic par un laboratoire. L’envoi des échantillons doit se faire rapidement (dans les 48 heures), de manière sécurisée et sous le couvert du respect de la chaîne du froid.

Différentes maladies sont à inclure dans le diagnostic différentiel (encadré).

3. Diagnostic de laboratoire

Les tests de laboratoire sont utiles pour confirmer un diagnostic clinique présomptif, mais également lors de l’introduction de la maladie dans un pays pour en connaître l’étendue ou pour déclarer un État indemne après avoir éradiqué la DNC, par le biais de la mise en œuvre d’enquêtes séro-épidémiologiques.

Les tests de diagnostic de confirmation les plus couramment utilisés pour identifier le DNCV sont fondés sur des réactions de polymérisation en chaîne (test PCR) ou l’isolement viral.

Le test sérologique de référence reste le test de séroneutralisation virale (SNV). D’autres peuvent être mis en œuvre tels que le test IPMA et les Elisa qui ont été récemment commercialisés (tableau 3) [18].

Notons, toutefois, que le nombre des anticorps neutralisants commence à augmenter environ 1 semaine après la détection des premiers signes cliniques chez les animaux infectés par le DNCV. Ce niveau atteint un pic 2 à 3 semaines plus tard, puis décroît progressivement. L’immunité à long terme contre le DNCV est essentiellement cellulaire.

MESURES DE CONTRÔLE

Tout programme de lutte ou d’éradication contre une maladie animale repose sur deux principes généraux : le contrôle des troupeaux infectés par l’application de mesures offensives et la protection des troupeaux indemnes d’infection par des dispositifs de prévention [35]. Une identification correcte des troupeaux et des animaux sous surveillance est un prérequis pour s’engager dans un tel programme. Différentes options stratégiques peuvent être adoptées, séparément ou conjointement, d’une part, pour réduire la prévalence à un niveau acceptable (contrôle de la maladie) et, d’autre part, pour éliminer les foyers d’infection cliniques ou subcliniques restants (éradication). La stratégie globale consiste en une ou en plusieurs des étapes suivantes :

– une vaccination obligatoire généralisée de l’ensemble de la population sensible (prophylaxie médicale) ;

– un abattage des animaux reconnus infectés (dépistage/ abattage) combiné à un programme de vaccination sélective, comprenant soit uniquement la sous-classe d’animaux à risque, soit tous les animaux dans une zone limitée selon la prévalence (prophylaxie médico-sanitaire) ;

– un abattage de tous les animaux infectés ou exposés (prophylaxie sanitaire). Une compensation adéquate pour les animaux abattus est une condition incontournable du succès du programme.

Le choix des différentes étapes à mettre en œuvre dépend d»un certain nombre de considérations, parmi lesquelles :

– la réglementation en vigueur ;

– la prévalence de l’infection dans les différentes espèces animales sensibles ;

– la structure et la gestion du secteur de l’élevage ;

– la disponibilité d’un laboratoire national de référence (CIRAD) et de laboratoires régionaux ;

– la capacité des services vétérinaires à assurer le suivi du programme et à contrôler les mouvements de bétail, ainsi que le degré de coopération entre ces services et le secteur privé dans la mise en place d’un tel programme ;

– implication des décideurs politiques et leur volonté de soutenir un effort de longue haleine ;

– la disponibilité des ressources financières et la capacité de mobiliser des fonds supplémentaires ;

– la coordination et la collaboration entre les ministères concernés lors de la planification du programme ;

– le niveau d’implication des organisations agricoles, qui devraient idéalement être convaincues des bénéfices de l’exercice avant le démarrage du programme.

Dans le cas spécifique de la DNC, l’abattage total des animaux du ou des foyers et la mise en place de zones pour réglementer le transport des espèces sensibles sont indispensables, mais, sauf exception, insuffisants pour limiter la propagation du virus. L’utilisation d’insecticides est probablement utile pour contrôler la maladie, bien que les vecteurs mécaniques soient encore mal connus, surtout en Europe [4]. Une autre option est le recours à la vaccination.

VACCINER : UNE OPTION EN PAYS INFECTÉ

Un vaccin idéal doit ne pas induire de virémie, provoquer une forte réponse en anticorps neutralisants et une bonne réponse immunitaire cellulaire (notamment, grâce à la production d’interféron γ), n’engendrer presque aucune trace d’ADN viral dans les organes et, au pire, de très légers effets secondaires (fièvre).

Une liste des principaux vaccins commercialisés est disponible sur le site du Centre de sécurité alimentaire et de santé publique de l’université de l’État de l’Iowa(2). Les vaccins commercialisés dans le monde actuellement sont essentiellement de type vivant atténué, fondés soit sur le virus de la DNC, soit sur le poxvirus du mouton (sheeppox), soit sur le virus de la chèvre (goatpox). Plus récemment, des vaccins inactivés ont vu le jour, fondés sur le DNCV ou le sheeppox [19].

À ce jour, une vaccination à l’aide de vaccins vivants atténués dans les pays affectés par la DNC a été mise en œuvre en application d’une autorisation temporaire en situation d’urgence sanitaire [35]. Un rapport récent de l’Efsa signale qu’en quelques mois plus de 90 % de la population animale en Europe du Sud-Est a été vaccinée avec un vaccin homologue vivant contre la DNC. À partir du moment où la couverture vaccinale a été presque totale, aucun nouveau foyer de DNC n’a été signalé. L’efficacité de la vaccination en Albanie a été estimée à environ 70 % à l’échelle des troupeaux et à 77 % à celle des animaux. En Croatie, des effets secondaires (fièvre, diminution de la production laitière et œdème au point d’injection) ont été observés chez moins de 1 animal sur 1 000 dans les 2 semaines après la vaccination à l’aide d’un vaccin vivant atténué homologue [14].

La durée de l’immunité conférée par la vaccination n’est pas connue avec précision, mais les anticorps neutralisants persistent au moins 2 ans (2 à 5 ans selon les auteurs) après une infection naturelle. Leur titre est maximal 1 mois après l’infection, puis diminue jusqu’au sixième mois, pour se maintenir en plateau jusqu’au dixhuitième mois [42].

Bien que plusieurs équipes de recherche travaillent sur le sujet à travers l’Europe (K. De Clercq, communication personnelle), aucune donnée expérimentale relative à l’innocuité et l’efficacité des vaccins, telle que préconisée, n’est actuellement disponible [4, 9]. De plus, l’usage de vaccins vivants atténués n’est pas sans risques, au regard, par exemple, des effets secondaires résiduels (signes cliniques similaires à ceux de la maladie, mais généralement de moindre ampleur) et/ou d’une contamination de vaccin par un virus indésirable (exemple récent du virus de la fièvre catarrhale ovine) [6, 23]. C’est pour ces raisons que la vaccination est généralement réservée aux pays affectés (et parfois à ceux en bordure de ceux-ci).

Dans le contexte des vaccins contre la DNC, aucune demande d’autorisation de mise sur le marché (AMM) n’a été déposée ni en France, ni auprès de l’Agence européenne des médicaments [4, 39].

Conclusion

Le succès du contrôle et de l’éradication du DNCV repose principalement sur la détection précoce des foyers, une confirmation rapide en laboratoire du diagnostic clinique provisoire et la mise en œuvre précoce de l’abattage sanitaire de tous les animaux du foyer, la vaccination, un contrôle strict des mouvements des animaux, la quarantaine, la désinfection, le contrôle des vecteurs et la mise en place de mesures préventives de biosécurité dans les exploitations et les régions touchées.

Les pays indemnes doivent prendre des mesures de précaution en regard du commerce d’animaux vivants originaires de la zone à risque (régions des Balkans) et développer la recherche pour plus de connaissances sur les vecteurs européens du DNCV, l’efficacité et l’innocuité des vaccins commerciaux en vue de préparer une stratégie de contrôle ou d’éradication de la DNC, si celle-ci devait être introduite.

Références

  • 1. Alemayehu G, Zewde G, Admassu B. Risk assessments of lumpy skin diseases in Borena bull market chain and its implication for livelihoods and international trade. Tropical Animal Health and Production. 2013;45 (5):1153-1159.
  • 2. Alexander RA, Plowright W, Haig DA. Cytopathic agents associated with LSD of cattle. Bull. Epizoot. Dis. Afr. 1957;5: 489-492.
  • 3. Annandale CH, Holm DE, Ebersohn K et coll. Seminal transmission of lumpy skin disease virus in heifers. Transbound. Emerg. Dis. 2013;61 (5):443-448.
  • 4. Anses. Risque d’introduction de la dermatose nodulaire contagieuse en France. Saisine n° 2016-SA-0120. Anses, Maisons-Alfort. 2017:137.
  • 5. Babiuk S, Bowden TR, Parkyn G et coll. Quantification of lumpy skin disease virus following experimental infection in cattle. Transbound. Emerg. Dis. 2008;55 (7):299-307.
  • 6. Bumbarov V, Golender N, Erster O et coll. Detection and isolation of bluetongue virus from commercial vaccine batches. Vaccine. 2016;34 (28):3317-3323.
  • 7. Carn VM, Kitching RP. An investigation of possible routes of transmission of lumpy skin disease virus (Neethling). Epidemiology and Infection. 1995;114 (1):219-226.
  • 8. Chihota CM, Rennie LF, Kitching RP et coll. Attempted mechanical transmission of lumpy skin disease virus by biting insects. Med. Vet. Entomol. 2003;17 (3):294-300.
  • 9. Commission européenne. Directive 2009/9/CE du 10 février 2009 modifiant la directive 2001/82/CE du Parlement européen et du Conseil instituant un code communautaire relatif aux médicaments vétérinaires.
  • 10. Commission européenne. Décision 89/162/CEE du 10 février 1989 complétant les annexes de la directive 82/894/ CEE du Conseil concernant la notification des maladies des animaux dans la Communauté.
  • 11. Conseil de l’Union européenne. Directive 82/894/ CEE du 21 décembre 1982, concernant la notification des maladies des animaux dans la Communauté.
  • 12. Davies FG. Lumpy skin disease of cattle: a growing problem in Africa and the Near East. World. Anim. Rev. 1991;68 (3):37-42.
  • 13. Dilaveris D. Lumpy skin disease (LSD). Vaccination data collection. Standing group of experts on lumpy skin disease in the South East Europe region under the GF-TADs umbrella. 5th meeting (SGE LSD5), Budvva, Montenegro. 19-20 October 2017.
  • 14. EFSA (European Food Safety Authority). Scientific report on lumpy skin disease: I. Data collection and analysis. EFSA Journal. 2017;15 (4):4773,54p.
  • 15. El-Nahas EM, El-Habbaa AS, El-Bagoury GF et coll. Isolation and identification of lumpy skin disease virus from naturally infected buffaloes at Kaluobia. Egypt. Global Vet. 2011;7: 234-237.
  • 16. Gari G, Waret-Szkuta A, Grosbois V et coll. Risk factors associated with observed clinical lumpy skin disease in Ethiopia. Epidemiolog. Infect. 2010;138 (11):1657-1666.
  • 17. Greth A, Gourreau JM, Vassart M et coll. Capripoxvirus disease in an Arabian oryx (Oryx leucoryx) from Saudi Arabia. J. Wildl. Dis. 1992;28 (2):295-300.
  • 18. Haegeman A, Zro K, Sammin D et coll. Investigation of a possible link between vaccination and the 2010 sheep pox epizootic in Morocco. Transbound. Emerg. Dis. 2016;63 (6):e278-e287.
  • 19. Haegeman A, De Leeuw I, De Vleeschauwer A et coll. Lumpy skin disease: an emerging disease? Meeting of the European College of Veterinary Public Health, Liege, Belgium. 3th october 2017.
  • 20. Hogsette JA, Ruff JP. Control of stable flies and horn flies (Diptera: Muscidae) with permethrin tapes applied to tails of beef and dairy cattle. J. Econ. Entomol. 1987;80 (2):417-420.
  • 21. JORF arreté du 29 juillet 2013 relatif a la définition des dangers sanitaires de premiere et deuxieme catégorie pour les especes animales. 2013;187:13832.
  • 22. Kahana-Sutin E, Klement E, Lensky I, et coll. High relative abundance of the stable fly Stomoxys calcitrans is associated with lumpy skin disease outbreaks in Israeli dairy farms. Med Vet Entomol. 2017, 31 (2), 150-160.
  • 23. Katsoulos PD, Chaintoutis SC, Dovas CI, et coll. Investigation on the incidence of adverse reactions, viraemia and haematological changes following field immunization of cattle using a live attenuated vaccine against lumpy skin disease. Transbound Emerg Dis. 2018;65 (1):174-185.
  • 24. Kazarina A, Japina K, Kei š s O et coll. Detection of tick-borne encephalitis virus in I. ricinus ticks collected from autumn migratory birds in Latvia. Ticks Tick Borne Dis., 2015;6 (2): 178-180.
  • 25. Klaus C, Gethmann J, Hoffmann B et coll. Tick infestation in birds and prevalence of pathogens in ticks collected from different places in Germany. Parasitol. Res. 2016;115 (7):2729-2740.
  • 26. Le Goff C, Lamien CE, Fakhfakh E et coll. Capripoxvirus G-protein-coupled chemokine receptor: a host-range gene suitable for virus animal origin discrimination. J. Gen. Virol. 2009;90 (8):1967-1977.
  • 27. Loss SR, Noden BH, Hamer GL et coll. A quantitative synthesis of the role of birds in carrying ticks and tick-borne pathogens in North America. OEcologia. 2016;182 (4):947-959.
  • 28. Lubinga JC, Tuppurainen ES, Coetzer JA et coll. Transovarial passage and transmission of LSDV by Amblyomma hebraeum, Rhipicephalus appendiculatus and Rhipicephalus decoloratus. Exp. Appl. Acarol. 2014;62 (1): 67-75.
  • 29. Magori-Cohen R, Louzoun Y, Herziger Y et coll. Mathematical modelling and evaluation of the different routes of transmission of lumpy skin disease virus. Vet. Res. 2012;43:1.
  • 30. Mellor PS, Kitching RP, Wilkinson PJ. Mechanical transmission of capripox virus and African swine fever virus by Stomoxys calcitrans. Res. Vet. Sci. 1987;43 (1):109-112.
  • 31. Molla W, de Jong MCM, Gari G et coll. Economic impact of lumpy skin disease and cost effectiveness of vaccination for the control of outbreaks in Ethiopia. Prev. Vet. Med. 2017;147:100-107.
  • 32. Osuagwuh UI, Bagla V, Venter EH et coll. Absence of lumpy skin disease virus in semen of vaccinated bulls following vaccination and subsequent experimental infection. Vaccine. 2007;25 (12):2238-2243.
  • 33. Rodhain F. Insects as vectors: systematics and biology. Rev. Sci. Tech. Off. Int. Epiz. 2015;34 (1): 83-96.
  • 34. Rouby S, Aboulsoud E. Evidence of intrauterine transmission of lumpy skin disease virus. Vet. J. 2016;209:193-195.
  • 35. Saegerman C, Hubaux M, Urbain B et coll. Regulatory issues surrounding the temporary authorisation of animal vaccination in emergency situations: the example of bluetongue in Europe. Rev. Sci. Tech. 2007;26 (2):395-413.
  • 36. Taylor DB, Moon RD, Campbell JB et coll. Dispersal of stable flies (Diptera: Muscidae) from larval development sites in a Nebraska landscape. Environ. Entomol. 2010;39 (4):1101-1110.
  • 37. Tulman ER, Afonso CL, Lu Z et coll. The genomes of sheeppox and goatpox viruses. J. Virol. 2002;76 (12):6054-6061.
  • 38. Tuppurainen ESM, Oura CAL. Review: Lumpy skin disease: an emerging threat to Europe, the Middle East and Asia. Transbound. Emerg. Dis. 2012;59 (1):40-48.
  • 39. Tuppurainen E, Galon N. Dermatose nodulaire contagieuse : situation actuelle en Europe et dans les régions voisines et mesures de contrôle nécessaire pour stopper sa propagation dans le sud-est de l’Europe. Commission régionale Europe de l’OIE. 2016:13p.
  • 40. Tuppurainen E, Alexandrov T, Beltrán-Alcrudo D. Lumpy skin disease: a field manual for veterinarians. FAO Animal Production and Health Manual No. 20. Rome. Food and Agriculture Organization of the United Nations (FAO). 2017:60p.
  • 41. Wainwright S, El Idrissi A, Mattioli R et coll. Emergence of lumpy skin disease in the Eastern Mediterranean Basin countries. Empress Watch. 2013;29:1-6.
  • 42. Weiss KE. Lumpy skin disease. Emerging diseases of Animals, FAO Agricultural Studies. 1963;61:179-201.
  • 43. Yeruham I, Perl S, Nyska A et coll. Adverse reactions in cattle to a capripox vaccine. Vet. Rec. 1994;135 (14):330-332.
  • 44. Young E, Basson PA, Weiss KE. Experimental infection of game animals with lumpy skin disease virus (prototype strain Neethling). Onderstepoort J. Vet. Res. 1970;37 (2):79-87.

Conflit d’intérêts

Aucun.

Points forts

→ L’arrivée de la dermatose nodulaire contagieuse (DNC) en Europe en 2014 était un événement prévisible.

→ La DNC est une maladie vectorielle hautement contagieuse chez les bovins, qui entraîne des pertes économiques importantes. L’homme n’y est ni réceptif ni sensible.

→ Des restrictions sont faites au commerce mondial des bovins vivants et de leurs produits en cas d’apparition de la DNC ou de vaccination contre celle-ci.

→ Dans un pays indemne de DNC, la connaissance des signes d’appel de la maladie par les vétérinaires et les éleveurs est primordiale pour l’identifier rapidement, la contrôler et juguler son extension.

→ La DNC est difficile à éradiquer en l’absence de vaccination.

→ Les pays indemnes doivent prendre des mesures de précaution concernant le commerce d’animaux vivants et de produits animaux originaires de la zone à risque (régions des Balkans), et développer la recherche sur les vecteurs ainsi que sur l’efficacité et l’innocuité des vaccins commercialisés en vue de préparer une stratégie de contrôle ou d’éradication de la DNC, si celle-ci devait être introduite.

ENCADRÉ

Diagnostic différentiel

La dermatose nodulaire contagieuse (poxvirus) est a différencier des maladies suivantes :

– la thélite infectieuse bovine a Bo-HV2 ;

– la pseudo-dermatose nodulaire ou maladie d’Allerton (infection cutanée généralisée a Bo-HV2) ;

– la paravaccine (parapoxvirus) ;

– le varron ;

– la leucose bovine enzootique ;

– la tuberculose bovine (forme cutanée) ;

– les piqures d’insectes ;

– l’urticaire et la photosensibilisation ;

– la dermatophilose ;

– la démodécie ;

– la stomatite bovine papuleuse ;

– la besnoitiose ;

– l’onchocercose.

D’après [40]

Abonné au Point Vétérinaire, retrouvez votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr