L’éthylène glycol - Le Point Vétérinaire n° 382 du 01/01/2018
Le Point Vétérinaire n° 382 du 01/01/2018

TOXICOLOGIE

Fiche toxicologie

Auteur(s) : Martine Kammerer

Fonctions : CAPAE-Ouest, Oniris, 101, route de Gachet,
44300 Nantes
capaeouest@oniris-nantes.fr
Tél. : 02 40 68 77 40

En cette période hivernale, la possibilité d’une intoxication à l’éthylène glycol doit être présente à l’esprit en présence de symptômes évoquant un état d’ébriété, chez le chien particulièrement, mais aussi chez le chat.

Le toxique

L’éthylène glycol est un liquide sirupeux, bien miscible à l’eau, utilisé comme antigel dans le circuit de refroidissement des véhicules, dans les conduites et les radiateurs de chauffage central, et dans divers systèmes de réfrigération. Il est également présent dans les graisses de montage des pneus, dans les générateurs de fumées pour soirées festives, voire comme solvant de certains produits à usage domestique.

Espèces concernées

L’intoxication peut toucher toutes les espèces, notamment le chien, car la saveur sucrée du produit facilite les accidents. Les chats sont également concernés, attirés peut-être par l’odeur du produit. Outre les accidents fortuits, l’éthylène glycol est parfois utilisé dans des appâts lors d’intoxications malveillantes.

Doses toxiques

Les doses létales sont de l’ordre de 1 à 5 ml/kg selon l’espèce. Il est généralement très difficile d’estimer la dose ingérée, d’autant plus que la concentration de l’éthylène glycol dans le produit est rarement précisée sur l’étiquette.

Pathogénie

L’éthylène glycol est irritant pour la muqueuse digestive, il exerce une action dépressive sur le système nerveux central, son métabolisme conduit à l’apparition de métabolites acides dont l’acide oxalique, qui est néphrotoxique.

Tableau clinique

Le temps de latence est bref, entre 1/2 heure et 2 à 3 heures. L’animal présente d’abord des vomissements et de la soif, puis un état voisin de l’ébriété : ataxie, tremblements, dépression, avec parfois des convulsions. Ces signes nerveux peuvent toutefois être discrets et passer inaperçus si l’animal n’est pas sous surveillance. Environ 24 heures plus tard, les premiers signes d’insuffisance rénale apparaissent : léthargie, vomissements, diarrhée, palpation abdominale douloureuse, avec oligurie, puis anurie. Cela conduit généralement à la mort de l’animal dans les jours qui suivent. Lors d’ingestion d’une dose importante, l’évolution peut être plus rapide, et la mort faire suite à une défaillance cardio-vasculaire.

Examens complémentaires

L’analyse biochimique sanguine est très instructive : une acidose métabolique avec augmentation du trou anionique est d’abord observée, puis une augmentation de l’urémie et de la créatininémie ainsi qu’une hypocalcémie modérée. L’hyperglycémie est fréquente. La numération sanguine montre une leucocytose.

Traitement

Spécifique

La perfusion d’éthanol a pour objectif d’empêcher l’apparition de l’acide oxalique responsable de l’insuffisance rénale. Ce traitement doit être instauré précocément, dans les 6 à 8 heures au plus tard suivant l’ingestion. L’éthanol est dilué à 20 % dans une solution isotonique de chlorure de sodium, puis administré par voie intraveineuse, en injection lente ou en perfusion, à raison de 5 ml/kg. L’injection est renouvelée toutes les 4 à 6 heures pendant 48 heures. L’objectif est de maintenir une alcoolémie de l’ordre de 1 g/l.

Si l’animal ne présente pas encore de troubles nerveux, la dose initiale d’alcool peut être administrée par voie orale, à la même posologie, sous forme d’une boisson alcoolisée.

Éliminatoire

L’administration de charbon activé n’est pas conseillée car il n’adsorbe pas l’éthylène glycol. La fluidothérapie permet de corriger la déshydratation et d’augmenter la diurèse, en faisant attention au risque d’oedème pulmonaire en cas d’oligurie ou d’anurie. Dans ce cas, une dialyse peritonéale est recommandée.

Symptomatique

L’acidose est corrigée par une solution de bicarbonate de sodium à 1,4 %. Si besoin, du diazépam peut être utilisé. L’administration de vitamines B1 et B6 (10 à 100 mg/j par voie intraveineuse lente) semble être bénéfique en favorisant l’élimination des métabolites toxiques.

Diagnostic de laboratoire

→ L’éthylène glycol peut être caractérisé et dosé dans le sang dans les 24 heures qui suivent l’ingestion, et dans l’urine pendant 48 heures. Le toxique peut aussi être recherché dans les vomitats.

→ Les cristaux d’oxalate peuvent être mis en évidence au microscope dans l’urine, ou post-mortem dans le tissu rénal.

Conflit d’intérêts

Aucun.

En savoir plus

– Barthez P. Quel est votre diagnostic ? Intoxication à l’éthylène glycol chez un chien. Point Vét.1992;24 (143): 87-90.

– Bates N. Ethylene glycol poisoning. Companion Animal. 2016;21 (2): 95-99.

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