Solutions alternatives au colostrum maternel - Le Point Vétérinaire n° 381 du 01/12/2017
Le Point Vétérinaire n° 381 du 01/12/2017

NÉONATALOGIE

Dossier

Auteur(s) : Aurélie Fournier*, Hanna Mila**, Sylvie Chastant-Maillard***

Fonctions :
*NeoCare, IHAP, reproduction, université
de Toulouse, Inra, ENVT, 23, chemin des Capelles,
BP 87614, 31076 Toulouse Cedex 03
**NeoCare, IHAP, reproduction, université
de Toulouse, Inra, ENVT, 23, chemin des Capelles,
BP 87614, 31076 Toulouse Cedex 03
***UMR Inra/ENVT 1225 IHAP,
université de Toulouse, INP-ENVT, Toulouse
s.chastant@envt.fr

La création d’une banque de colostrums félins est une solution alternative adéquate à la tétée de colostrum maternel, mais sa mise en pratique reste délicate. D’autres options sont étudiées

Outre lors de production insuffisante, de nombreuses situations requièrent une solution alternative au colostrum : mort ou absence de la mère, rejet des chatons par celle-ci, portée de grande taille, chaton trop faible pour téter, prévention de l’isoérythrolyse néonatale [3]. Un substitut colostral doit assurer à la fois les apports énergétique et immunologique nécessaires à la survie et la croissance du chaton.

1 Banque de colostrums félins

L’idéal serait de donner au chaton accès à du colostrum élin et à des soins maternels, par l’adoption par une emelle en lactation de groupe sanguin compatible et produisant encore du colostrum, c’est-à-dire ayant mis bas dans les 24 à 48 heures. Cependant, cette solution est difficile en pratique. La création d’une banque de colostrums congelés permet de se soustraire à cette contrainte de temps.

Une chatte du groupe sanguin A est traite le deuxième jour post-partum, pour laisser aux chatons de sa portée le temps d’assurer leur transfert passif d’immunité, mais avant que la concentration en immunoglobulines (Ig) G n’ait trop chuté. Le colostrum est collecté dans des tubes en plastique après nettoyage de la peau à la chlorhexidine. La décongélation doit être effectuée à 37 °C, de préférence au bain-marie ou au chauffe-biberon, le four traditionnel et le four à micro-ondes étant à bannir. L’administration est ensuite réalisée à l’aide d’un biberon ou par sondage œsophagien (photo). Actuellement, il s’agit de la meilleure solution alternative au colostrum maternel, apportant énergie et immunité. Cependant, la quantité à administrer reste indéterminée et la traite dépend de la coopération de la mère. Pour ces raisons, cette méthode peut également être délicate à mettre en œuvre.

L’adoption par une femelle en lactation est intéressante pour l’apport nutritionnel et les soins maternels, mais ne permet aucun transfert significatif d’IgG [1, 5]. De même, malgré un apport énergétique suffisant (1,2 kcal/ml), les laits maternisés sont dépourvus d’Ig félines.

2 Administration de sérum félin

Le sérum de chat, source d’Ig homospécifiques mais d’apport énergétique minime, a été testé par différentes voies d’administration : per os (PO), sous-cutanée (SC), intrapéritonéale (IP). Son administration par voie parentérale (d’un minimum de 360 mg d’IgG, soit entre 15 et 30 ml de sérum) permet d’obtenir un pic de concentration d’IgG sériques supérieur à 9 g/l chez des chatons privés de colostrum [2, 4]. Cependant, le taux minimal d’IgG sériques nécessaire à la protection d’un chaton nouveauné est inconnu et l’obtention de sérum félin reste difficile. Les donneurs doivent être compatibles avec le groupe sanguin du chaton et testés pour le virus de l’immunodéficience éline (FIV) et le virus leucémogène félin (FeLV). De plus, le prélèvement nécessite une tranquillisation, voire une anesthésie des donneurs, dans des conditions stériles, pour la collecte d’un important volume sanguin (25 ml de sang pour un chaton de 100 g). Ainsi, le prélèvement chez un chat adulte ne permettrait de traiter que deux chatons. Les risques infectieux associés à cette procédure sont également élevés pour le nouveau-né. La voie PO semble permettre l’acquisition d’une immunité passive significative, même si le taux d’absorption apparent (15 %) et la durée de vie des IgG (5 à 6 jours) sont bien inférieurs à ceux obtenus par la voie SC (22 % et 10 à 13 jours respectivement).

3 Apport d’immunoglobulines d’autres espèces

Une source hétérologue d’immunoglobulines, plus facile d’approvisionnement, a également été étudiée : une préparation commerciale d’IgG équines purifiées. Ces IgG équines permettent d’obtenir un pic de concentration d’IgG sériques similaire à celui d’une source homospécifique chez le chaton, mais elles sont inefficaces en termes d’activité phagocytaire in vitro. Les IgG équines ne conféreraient pas une immunité efficace au chaton [2].

L’administration de colostrum bovin (ou équin), facile d’approvisionnement, serait une autre source hétérologue d’immunoglobulines dont l’apport d’antitrypsines conviendrait à une administration PO. Cette source permettrait une protection à la fois systémique et locale, ainsi que l’apport de facteurs de croissance et d’hormones, mais son intérêt nutritionnel et immunologique n’a pas été évalué chez le chaton.

Une autre source d’Ig disponibles en grande quantité est envisageable : les IgY (Y pour yolk) issues du jaune d’œuf de poules immunisées contre des antigènes félins. L’intérêt de leur administration dès la naissance reste à évaluer. Les IgY, sous forme de poudre d’œuf, n’apporteraient que l’immunité (potentiellement féline), mais, mélangées à du lait maternisé, elles représenteraient un substitut apportant immunité spécifique et énergie. Des IgY dirigées contre des agents pathogènes canins dans un substrat de lait maternisé enrichi en énergie sont déjà disponibles pour le chiot nouveau-né (Puppy ProTech®, Royal Canin) [6].

Conclusion

À l’heure actuelle, il n’est pas possible de proposer un réel substitut colostral pour les chatons, qui couvrirait à la fois leurs besoins énergétiques et immunologiques. En l’absence de colostrum, il convient d’avoir recours au lait maternisé, de façon à couvrir les besoins énergétiques du chaton, dans la mesure où ces apports vont permettre ensuite à l’immunité non spécifique de défendre l’organisme contre les invasions de pathogènes. Le chaton n’ayant pas bénéficié de colostrum doit être maintenu dans des conditions environnementales irréprochables, en termes d’hygiène et de température.

Références

  • 1. Claus MA, Levy JK, MacDonald K, et coll. Immunoglobulin concentrations in feline colostrum and milk, and the requirement of colostrum for passive transfert of immunity to neonatal kittens. J. Feline Med. Surg. 2006;8:184-191.
  • 2. Crawford PC, Hanel RM, Levy JK. Evaluation of treatment of colostrum-deprived kittens with equine IgG. J. Am. Vet. Med. Assoc. 2003;8 (43):969-975.
  • 3. Giger U, Casal ML. Feline colostrum – Friend or foe: maternal antibodies in queens and kittens. J. Reprod. Fert. Suppl. 1997;51:313-316.
  • 4. Levy JK, Crawford PC, Collante WR, et coll. Use of adult cat serum to correct failure of passive transfer in kittens. J. Am. Vet. Med. Assoc. 2001; 219 (10):1401-1405.
  • 5. Little S. Playing mum: successful management of orphaned kittens. J. Feline Med. Surg. Clin. Pract. 2013;15:201-210.
  • 6. Mila H, Grellet A, Mariani C et coll. Natural and artificial hyperimmune solutions: impact on health in puppies. Reprod. Domest. Anim. 2017;52 (Suppl 2):163-169.

Conflit d’intérêts

Hanna Mila et Sylvie Chastant-Maillard sont deux co-inventeurs du brevet qui couvre le produit PuppyProTech®.