DERMATOLOGIE
Cas clinique
Auteur(s) : Thomas Brément*, Patrick Bourdeau**, Vincent Bruet***
Fonctions :
*École nationale vétérinaire,
agroalimentaire et de l’alimentation
de Nantes Atlantique-Oniris
Unité DPMA,
Atlanpôle La Chantrerie
BP 40706
44307 Nantes Cedex 3
Dans un contexte allergique, le traitement d’une otite externe inclut en premier lieu la gestion de la cause sous-jacente. Puis, l’observance se révèle être un point clé pour obtenir un succès thérapeutique.
Les otites externes chez le chien représentent 4 % des consultations générales et jusqu’à 20 % des consultations de dermatologie, et sont associées dans la moitié des cas à la présence de levures du genre Malassezia [1, 10, 12, 15]. L’observance est un point clé du succès thérapeutique lors d’otite. Ce cas clinique décrit la gestion d’une otite aiguë associée à Malassezia avec un gel auriculaire rémanent.
Une chienne setter anglais de 6 ans est présentée en consultation au service DPMA du CHUV Oniris pour un prurit auriculaire apparu 1 semaine auparavant (photo 1). Elle est également suivie pour une hypersensibilité aux piqûres de puces et une dermatite atopique évoluant depuis 5 ans. L’animal a un historique de pyodermite récidivante et de dermatites pyotraumatiques à répétition. De nombreuses consultations chez son vétérinaire traitant et deux consultations auprès de spécialistes en dermatologie ont permis d’établir un diagnostic de dermatite par hypersensibilité aux piqûres de puces (DHPP) et de dermatite atopique canine évoluant concomitamment. Ni un régime d’éviction strict, ni une hyposensibilisation n’ont permis la résolution clinique. Les tentatives de contrôle mises en place par les vétérinaires précédents reposent sur un traitement antiparasitaire mensuel de l’animal (spinosad ou afoxolaner) et de son environnement (spray à base de perméthrine, butoxyde de pipéronyl et pyriproxyfène), un traitement antiprurigineux (prednisolone) et plusieurs antibiothérapies (molécules et durées variées) associées à des shampooings anti-infectieux hebdomadaires à base de chlorhexidine et de miconazole. Le jour de la consultation (J0), la chienne est sous traitement antiprurigineux (oclacitinib). Il s’agit du premier épisode d’otite selon le propriétaire.
À J0, l’examen otoscopique révèle une atteinte auriculaire bilatérale modérément prurigineuse, caractérisée essentiellement par de l’érythème sans que la membrane tympanique soit touchée. Le réflexe audito-podal est négatif. Le score OTIS-3 total est de 6 pour les deux oreilles (encadré et tableau 1).
Des écouvillons auriculaires pour un examen cytologique et des prélèvements de cérumen par curetage pour une recherche directe d’acariens sont réalisés pour explorer une hypothèse d’otite parasitaire et évaluer l’importance d’une prolifération fongique ou bactérienne. La cytologie montre de très nombreuses levures du genre Malassezia sp. : 30 à 50 par champ observé (x 100). Aucune bactérie ni aucun parasite ne sont observés.
Le diagnostic d’otite aiguë (survenue récente) bilatérale associée à Malassezia est établi.
La multiplicité des traitements déjà en place pour contrôler l’état allergique de la chienne (antiparasitaires, gestion de l’environnement, antibiotiques, shampooings) représentant une contrainte pour le propriétaire, ce dernier souhaite une thérapeutique simple à réaliser et peu contraignante pour gérer l’otite. Un gel auriculaire associant du florfénicol, de la terbinafine et de l’acétate de bétaméthasone (Osurnia®, Elanco Animal Health) est prescrit. Le protocole comprend :
– un nettoyage des deux oreilles à J0 avec un nettoyant auriculaire céruminolytique et antiseptique à base d’acide salicylique, de tris-EDTA, de PCMX, de docusate sodique et de propylène glycol (Surosolve®). Ce nettoyage manuel est réalisé par nos soins à l’issue de la consultation en remplissant chaque conduit auditif avec du nettoyant, puis en les massant avant de laisser l’animal secouer la tête pour évacuer les débris ainsi détachés et de retirer l’excédent de cérumen à l’aide d’une compresse ;
– une première application d’Osurnia® dans chaque oreille par le vétérinaire à J0 ;
– une seconde application d’Osurnia® dans chaque oreille par le vétérinaire en consultation 7 jours plus tard (J7).
Il est demandé au propriétaire de ne rien appliquer d’autre dans les oreilles de l’animal durant les 3 semaines qui suivent la première administration d’Osurnia®. Une consultation de contrôle est prévue 3 semaines après J0.
Lors de la consultation de contrôle (J21), le prurit auriculaire a disparu. L’examen otoscopique révèle une nette amélioration clinique. Un érythème modéré et du cérumen en très faible quantité persistent dans l’oreille gauche (photos 2a et 2b et 3a à 3c). Le score OTIS-3 global pour les deux oreilles est de 2. Aucune levure du genre Malassezia sp. n’est observée dans l’oreille droite, et l’oreille gauche en recèle très peu (6 dans les 20 champs analysés [x 100]) (photos 4a et 4b). Un nettoyant auriculaire associant de l’acide salicylique, de l’acide lactique, de l’acide oléique, de la glycérine et du propylène glycol (Otoclean®) est prescrit. Afin de déterminer une fréquence d’administration acceptable pour le propriétaire tout en prévenant les récidives, le nettoyage est conseillé à des intervalles progressivement croissants (une fois par semaine pendant 15 jours, puis une fois tous les 15 jours pendant 1 mois).
Trois mois après la fin du traitement, la chienne ne présente plus aucun signe de récidive d’otite et continue d’être suivie pour ses hypersensibilités.
Les otites externes chez le chien représentent 4 % des consultations générales en France et entre 10 et 15 % des motifs de consultation au sein d’un service de dermatologie [1, 10, 15]. Au service DPMA d’Oniris, elles représentent environ 20 % des motifs de consultation. En revanche, le diagnostic d’otite en fin de consultation dans le service est beaucoup plus fréquent (40 %, données du service). Malassezia pachydermatis est une levure très fréquemment isolée lors d’otite externe chez le chien [5, 6, 8, 11, 12]. Dans nos locaux, elle est observée seule dans 50 % des cas et elle est associée à des bactéries dans 14,9 % des cas (données du service). Facteur secondaire d’otite, elle se multiplie à la faveur d’une cause primaire sous-jacente. De plus, cette levure peut être un facteur d’entretien d’une otite en l’absence de traitement. L’étiopathogénie des otites externes est complexe et multifactorielle, et il est possible de distinguer plusieurs facteurs d’otite, rappelés dans la classification PSPP (facteurs primaires, secondaires, prédisposants et perpétuants) (tableau 2) [9]. Les facteurs primaires sont responsables de l’atteinte initiale du conduit auditif. Les facteurs secondaires sont principalement les surinfections bactériennes et/ou fongiques. Les facteurs prédisposants favorisent l’apparition de la maladie sans en être à l’origine stricto sensu. Les facteurs perpétuants (ou d’entretien) ralentissent, voire empêchent la guérison, même si les facteurs primaires et secondaires sont correctement pris en charge.
Après la mise en place d’un traitement, un suivi est indispensable pour objectiver la guérison clinique et cytologique, et prendre en charge la cause primaire ainsi que les facteurs d’entretien. Il n’existe pas toujours une corrélation entre les évolutions clinique et cytologique. Ces deux critères doivent donc être évalués à chaque suivi afin de limiter au minimum le risque de récidive ou de chronicité. La sensibilité de l’écouvillonnage à détecter Malassezia étant moyenne, un risque reste possible malgré ces précautions. Dans une étude comparant l’observation des Malassezia par cytologie et par culture fongique, 23 % des prélèvements contiennent un faible nombre de Malassezia à la cytologie, mais de nombreuses unités formant colonies (UFC) à la culture, avec une corrélation des deux techniques d’analyse supérieure pour des prélèvements riches [3]. En cas de faible nombre de Malassezia à la cytologie, il peut donc être intéressant de recourir à la culture pour évaluer leur prolifération au sein du conduit auditif [3].
Si les résolutions clinique et cytologique de l’épisode d’otite sont à rechercher, la prise en charge repose surtout sur la gestion de la cause sous-jacente, dans ce cas une dermatite atopique. En effet, les dermatites allergiques représentent la principale cause et le facteur de persistance d’une inflammation du conduit auditif [16]. Il convient donc d’éviter le recours unique à un traitement symptomatique, au risque d’être confronté à des rechutes systématiques et fréquentes.
Les propriétaires sous-estiment fortement la durée, donc la contrainte, d’un traitement auriculaire qu’il s’agisse d’une otite ancienne ou récente [4]. L’expérience montre que, lors d’otite, l’observance est un point clé du succès thérapeutique. Or les spécialités pharmaceutiques disponibles chez le chien requièrent une fréquence d’application souvent élevée, variant d’une ou deux fois par jour pendant une à plusieurs semaines selon les autorisations de mise sur le marché et la présentation clinique. Des laboratoires développent actuellement des spécialités de durée d’action plus longue et de fréquence d’application réduite, ou bien des présentations galéniques facilitant l’application ou offrant une rémanence plus longue du principe actif (canules, volume fixe délivré, gels selon les cas, etc.). Boda et coll. ont comparé l’observance de deux traitements auprès de propriétaires de chiens atteints d’une otite externe aiguë [2]. Ils ont montré que l’observance a été significativement meilleure dans le groupe traité avec une présentation sous forme de flacon-pompe délivrant une dose unique (78,9 %), comparativement au groupe traité par l’instillation d’une quantité précise de gouttes (21,1 %). Cette étude montre donc que l’observance est directement liée à la simplicité du protocole thérapeutique, ce qui illustre l’intérêt d’un produit rémanent dans le traitement des otites externes.
Le produit utilisé dans ce cas (Osurnia®) est un gel auriculaire indiqué dans le traitement de l’otite externe aiguë et des manifestations aiguës des otites externes récidivantes associées à la présence de Staphylococcus pseudintermedius et de Malassezia pachydermatis. Aucune information pour son utilisation lors d’otites purulentes n’est disponible.
Une étude a démontré son efficacité dans le traitement des otites externes aiguës ou chroniques associées à Malassezia chez le chien dans près de 65 % des cas [7]. Cette spécialité pharmaceutique contient du florfénicol, de la terbinafine et de l’acétate de bétaméthasone inclus dans un gel hautement visqueux qui permet une bonne répartition du produit au sein du conduit auditif. Cette galénique permet de maintenir les concentrations de terbinafine à un niveau trois fois supérieur à la concentration minimale inhibitrice dans les Malassezia pendant au moins 35 jours après la deuxième application (effectuée 7 jours après la première) [14]. Chez le chien, lors d’otite externe, le choix d’un produit traitant repose souvent sur la puissance du glucocorticoïde. Cependant, certains contextes nécessitent de réfléchir davantage sur la qualité de l’observance. Dans le cas décrit, l’inflammation des conduits auditifs étant modérée, l’utilisation d’un glucocorticoïde de classe I (action anti-inflammatoire faible) aurait probablement suffi, mais, devant la contrainte ressentie par le propriétaire à l’idée d’un traitement quotidien, le choix s’est porté sur Osurnia®.
Les Malassezia sont des facteurs secondaires d’otite. Dans ce cas, l’otite s’inscrit vraisemblablement dans un contexte allergique. L’utilisation d’un gel rémanent a été motivée par le souhait du propriétaire de limiter les manipulations chez sa chienne, déjà prise en charge pour sa dermatite atopique et son hypersensibilité aux piqûres de puces. La mise en place du traitement a permis une guérison clinique rapide sans manipulation par le propriétaire.
T. Brément : résidanat en partie financé par le laboratoire Elanco France.
Le score OTIS-3 est une grille de notation permettant l’évaluation de la gravité d’une otite et le suivi clinique à partir d’une échelle semi-quantitative (de 0 [nul] à 3 [sévère]). Il prend en compte quatre paramètres touchant les parois du conduit auditif : l’érythème, l’épaississement, la présence d’érosions ou d’ulcères et l’exsudat (cérumen, pus). Un score global supérieur ou égal à 4 (sur 12) distingue une oreille malade d’une oreille saine (score global inférieur ou égal à 3) avec une sensibilité de 91,1 % et une spécificité de 100 % [13].
→ Les otites externes chez le chien représentent 4 % des cas reçus en consultation générale, 7 % hors consultations vaccinales.
→ 50 % des propriétaires n’ont pas conscience de la présence d’une otite chez leur chien.
→ Une prolifération de levures du type Malassezia pachydermatis est retrouvée dans 50 % des cas lors d’otite externe chez le chien.
→ L’observance est un point clé du succès thérapeutique lors d’otite externe.
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