CARDIOLOGIE BOVINE
Article de synthèse
Auteur(s) : Hélène Casalta*, Claire Couffin**, Calixte Bayrou***, Salem Djebala****, Kamal Touati*****, Arnaud Sartelet******
Fonctions :
*Clinique vétérinaire universitaire
et Département clinique
des animaux de production,
Faculté de médecine vétérinaire,
université de Liège, quartier Vallée,
2 - B42, avenue de Cureghem, 7A-D,
4000 Sart-Tilman, Liège, Belgique
Une étude rétrospective a été réalisée sur 23 bovins pour analyser les différents moyens diagnostiques et thérapeutiques lors de péricardite. Le drainage péricardique est une alternative intéressante à la péricardiostomie dans certains cas.
La péricardite est une inflammation du péricarde qui s’accompagne généralement de la formation d’un épanchement au sein de la cavité péricardique et résulte en l’apparition d’une insuffisance cardiaque [1]. Malgré son caractère sporadique, il s’agit de l’une des affections cardiaques les plus fréquentes chez le bovin, avec un pronostic vital et économique sombre [6].
Une dizaine de bovins adultes par an sont référés à la clinique vétérinaire universitaire (CVU) de Liège pour une suspicion d’atteinte cardiaque. Le diagnostic est souvent établi grâce à l’examen clinique réalisé par le vétérinaire traitant, et l’animal est référé pour confirmer le diagnostic et mettre en place un traitement chirurgical, quand cela est possible.
L’objectif de cet article est de synthétiser les moyens diagnostiques et thérapeutiques disponibles pour le praticien vétérinaire, ainsi que leur pertinence dans le cadre de la gestion d’un cas de péricardite chez un bovin, sur la base d’une étude rétrospective de 23 cas observés entre septembre 2013 et décembre 2016 à la CVU de Liège, et de les discuter avec les données publiées.
Chez le bovin, la cause de péricardite la plus fréquemment rencontrée est un traumatisme résultant de l’extension d’une réticulo-péritonite traumatique dans laquelle le corps étranger, après avoir traversé la paroi du réseau, le péritoine et le diaphragme, pénètre dans la cavité péricardique, voire le myocarde (figure 1) [1]. L’origine de la péricardite traumatique a été identifiée à l’autopsie dans plus de 50 % des cas référés à la CVU. Les corps étrangers principalement retrouvés à la CVU sont des débris d’armature de pneus utilisés pour recouvrir les silos (photo 1).
Dans de plus rares cas, la péricardite est secondaire à l’extension d’une pneumonie, d’une pleurésie ou d’une septicémie, les signes cliniques rapportés étant alors ceux de la maladie primaire ou liés au choc septique [4, 6, 10].
Des cas de péricardite associés à des phénomènes néoplasiques ont également été décrits dans les publications. L’origine tumorale est rarement identifiée sur le terrain, mais des cas de mésothéliome péricardique ont été rapportés exceptionnellement [10]. Les masses cardiaques liées à un lymphosarcome comme stade terminal de l’infection par le virus de la leucose bovine enzootique sont une origine possible mais peu probable au vu des statuts indemnes de la Belgique et des pays de l’Europe de l’Ouest. Toutefois, des cas de leucose sporadique avec des masses cardiaques (au niveau de l’oreillette droite) ont été décrits en France. Enfin, un cas dans notre étude n’a pu être classé parmi ces causes possibles et pourrait faire partie des quelques cas de péricardite idiopathique aseptique récemment décrits. Cette affection est rare et repose sur un diagnostic d’exclusion, mais son pronostic semble plus favorable que pour les précédentes causes de péricardite.
Aucune prédisposition de race n’a été mise en évidence [1]. Il semblerait que la péricardite soit plutôt une affection de l’adulte, ce qui est à lier à une plus grande probabilité d’ingestion de corps étrangers au cours de la saison de pâture ou lors d’une alimentation à base d’ensilage, et à une moins grande sensibilité de la bouche aux objets piquants, contrairement aux jeunes animaux. Elle touche particulièrement les vaches autour du part [1]. Dans notre étude, 14 vaches sur 22 étaient gestantes et 5 avaient vêlé moins de 1 mois avant leur arrivée à la CVU. Cela s’expliquerait par le volume important d’un utérus gravide et par la pression qu’il exerce sur les préestomacs en fin de gestation. Un seul mâle a été référé à la CVU. Cela est probablement lié à la proportion plus faible de mâles dans les élevages et à leur plus courte longévité dans les fermes puisque, hormis les taureaux de saillie, ils sont abattus vers l’âge de 18 mois.
Dans la majorité des cas, la péricardite se manifeste en premier lieu par l’apparition de signes cliniques non spécifiques tels qu’une chute de production laitière, un abattement, une dysorexie et une hyperthermie. Le diagnostic est souvent fortement suspecté à la ferme. Onze bovins sur les 23 ont été référés pour une suspicion de réticulo-péricardite traumatique et les autres pour des symptômes généraux (abattement, hyperthermie) d’origine indéterminée. Les bovins sont souvent référés après l’échec d’un traitement médical initial ou en raison de la présence de signes de décompensation cardiaque (œdème, turgescence des jugulaires et auscultation cardiaque modifiée).
À leur arrivée, 12 des 23 animaux présentaient un abattement. L’examen à distance a révélé une respiration anormale chez 13 bovins (11 en tachypnée et 2 en dyspnée), la présence d’une turgescence jugulaire dans 17 cas, d’un pouls jugulaire pathologique dans 8 cas et d’un œdème (de l’auge et/ou du fanon et/ou une ascite) dans 6 cas (photos 2 et 3, figure 2). L’examen du système cardio-vasculaire a mis en évidence un pouls faible (palpé à l’artère faciale) chez 9 bovins, une tachycardie à l’auscultation cardiaque chez 17 individus, ainsi que des bruits cardiaques anormaux chez 16 animaux ; un assourdissement de ces bruits a été perçu chez 4 d’entre eux, des bruits liquidiens ont été entendus chez 9 bovins et ces deux modifications étaient concomitantes chez 3 animaux. Aucun souffle cardiaque n’a été repéré, mais des arythmies ont été détectées dans 6 cas (figure 3).
Enfin, les animaux atteints d’une péricardite d’origine traumatique peuvent également manifester des signes de douleur : démarche raide, dos arqué, coudes en abduction, bruxisme, fasciculations musculaires, plaintes à l’expiration ou à la percussion thoracique, tests du garrot, du bâton et de descente d’un plan incliné positifs [5].
Lors de signes cliniques d’insuffisance cardiaque droite, un nombre limité de maladies font partie du diagnostic différentiel. Chez le bovin adulte, en plus de la péricardite, une endocardite bactérienne (principalement de la valvule tricuspide), une insuffisance cardiaque droite à la suite d’une affection respiratoire chronique (cœur pulmonaire), ou, plus rarement, une cardiomyopathie dilatée d’origine génétique ou carentielle (vitamine E et sélénium) et un lymphome cardiaque peuvent être suspectés. Des causes extracardiaques responsables de gêne au retour veineux donnant les mêmes signes cliniques qu’une péricardite, comme les abcès médiastinaux ou péri-péricardiques, peuvent également être incriminées.
Quelle que soit la cause de la péricardite, une hyperfibrinogémie est fréquemment rencontrée [9]. Dans notre étude, 14 animaux sur 23 présentaient un taux supérieur ou égal à 8 g/l (estimation en prenant la différence entre les protéines totales plasmatiques et sériques au réfractomètre, No : fibrinogène estimé < 6 g/l), avec une moyenne de 10,5 g/l mettant en évidence un phénomène inflammatoire aigu, mais sans en préciser l’origine.
Un temps de coagulation au test au glutaraldéhyde (Bovi-Y-test®, NBVC) inférieur à 3 minutes a été observé chez 10 des 12 bovins testés [20]. Ce résultat confirme une inflammation aiguë sévère avec une forte augmentation du fibrinogène, mais peut également être l’indicateur d’un phénomène inflammatoire chronique avec élévation des γ-globulines en plus du fibrinogène [9].
Aucune analyse hématologique n’a été réalisée dans cette étude pour des raisons économiques. Lors de péricardite, une leucocytose neutrophilique et une lymphocytopénie sont généralement observées. Une monocytose ou une anémie modérée peuvent également être notées [13].
Les marqueurs cardiaques dont le dosage sanguin est disponible chez les bovins sont l’isoenzyme 1 de la lactate déshydrogénase (LDH-1), la créatine phosphokinase myocardial bound (CPK) et les troponines cTnI [19]. Une augmentation de ces protéines chez les bovins atteints de péricardite traumatique a été observée dans deux études, en 2007 et en 2008, confirmant les résultats obtenus chez le chien et chez l’homme [10, 19]. Toutefois, ces marqueurs ne sont pas spécifiques d’une affection cardiaque en particulier et leur dosage permet surtout d’évaluer la gravité des lésions myocardiques, plutôt que de confirmer le diagnostic de péricardite [19]. Ces tests ne sont pas disponibles sur le marché français.
L’échographie du cœur est réalisée sur animal debout, idéalement à gauche et à droite entre le troisième et le sixième espace intercostal, sur une surface propre et tondue, avec de préférence une sonde sectorielle de 2 à 3,5 mHz. Cependant, une sonde linéaire (5 mHz) utilisée pour la gestion de la reproduction peut être utile et donner une indication du contenu. Il est possible de tirer le membre antérieur ipsilatéral vers l’avant pour faciliter la manœuvre. L’échographie a été réalisée chez 20 bovins dans cette étude et a permis de mettre un épanchement péricardique en évidence dans tous les cas, avec des dépôts de fibrine chez 7 animaux. L’aspect de l’épanchement à l’échographie peut affiner le diagnostic quant au type de péricardite, la présence de pus ou de fibrine et des poches de gaz produites par les bactéries rendent le liquide observé hétérogène avec des zones hyperéchogènes (fibrine, bulles de gaz, etc.) (photo 4) [7].
Lorsqu’une origine traumatique est suspectée, il est utile d’étendre l’échographie à la région abdominale afin de préciser le pronostic, des lésions en regard de la jonction réseau-rumen assombrissant souvent celui-ci. Dans les 14 cas où cet examen a été réalisé, il a permis de mettre en évidence une réticulite (épaississement ou irrégularité de la paroi du réseau) et/ou une péritonite localisée (dépôts de fibrine et/ou présence d’un amas hétérogène ou hyperéchogène à la jonction réseau-rumen), et une diminution de l’intensité et de la fréquence des contractions du réseau (photo 5).
La péricardiocentèse peut être effectuée à gauche ou à droite, en regard du quatrième ou du cinquième espace intercostal à hauteur de la pointe du coude ou quelques centimètres dorsalement à celle-ci, le site de ponction pouvant être précisé et sécurisé grâce à l’échocardiographie. Elle est réalisée au moyen d’un cathéter 14 G ou 16 G, ou d’une aiguille spinale de 15 cm après asepsie chirurgicale du site de ponction [16]. Elle permet d’évaluer l’aspect macroscopique de l’épanchement du liquide récolté et de préciser la nature de la péricardite. En effet, le liquide est purulent et nauséabond lors de péricardite septique, et séreux ou hémorragique en cas de lymphome cardiaque ou de péricardite idiopathique aseptique.
Dans notre étude, sur 9 péricardiocentèses effectuées, 8 ont mis en évidence la présence d’un liquide d’épanchement. Une culture à la fois aérobie et anaérobie a été réalisée chez 4 animaux, révélant la présence de Trueperella pyogenes (2 cas), d’Escherichia coli (1 cas), de Streptococcus uberis (1 cas), d’une flore mixte variable fréquente lors d’extension de la réticulite traumatique et l’absence d’agent pathogène dans 1 cas. La présence de Mannheimia haemolytica, de Pasteurella multocida, d’Histophilus somni ou de Mycoplasma bovis suggère en revanche une origine pulmonaire ou pleurale [16].
Un traitement médical a été mis en place par le vétérinaire référent dans 20 cas, uniquement à base d’antibiotiques sans culture préalable et/ou d’anti-inflammatoires. L’antibiothérapie est fortement préconisée en cas de péricardite septique, en se fondant de préférence sur les résultats de la culture et de l’antibiogramme. Afin de limiter le phénomène inflammatoire exsudatif et de gérer la douleur, un traitement anti-inflammatoire, le plus souvent non stéroïdien, est instauré. Dans ce cas rapporté, 18 bovins sont concernés [6].
L’administration d’un aimant est également recommandée lors de suspicion de péricardite, comme dans le cas de 2 bovins de cette étude. Cependant, la nature du corps étranger et les lésions chroniques présentes au moment de son administration peuvent être une cause d’échec de ce traitement.
Un traitement spécifique de l’insuffisance cardiaque peut être administré. L’inosine (Tonarsyl®, Vétoquinol, 2,5 à 5 mg/kg, par voie intraveineuse [IV]), seul agent inotrope positif possédant une limite maximale de résidus (LMR), peut être utilisée seule ou en association avec un diurétique, mais son efficacité clinique n’a pas été démontrée, l’altération de la contractilité du cœur intervenant lors de cardiopathie de stade très avancé, donc au pronostic sombre [22]. L’usage de diurétiques est déconseillé par certains auteurs, argumentant que la diminution de la précharge chez des animaux dont le retour veineux est déjà compromis favorise le risque de tamponnade cardiaque [17].
Dans notre étude, 13 bovins n’ont pas reçu d’autres traitements que la prescription médicale du vétérinaire référent. Parmi ces animaux, 9 ont été euthanasiés en raison de l’avancement de la maladie et de la gravité des signes cliniques, donc du mauvais pronostic, et 4 sont retournés dans leur ferme à la demande de l’éleveur afin d’y être abattus (surtout dans la race blanc-bleu-belge [BBB]) après le respect des délais d’attente, malgré la recommandation d’euthanasie.
Bien qu’une amélioration clinique temporaire soit souvent observée, aucun exemple n’a été relevé dans les articles publiés de succès thérapeutique obtenu à long terme par traitement médical seul lors de péricardite. Ce dernier est donc administré de manière palliative afin de tenter de prolonger le pronostic vital à court terme ou en complément d’une stratégie thérapeutique chirurgicale [10].
Différentes techniques chirurgicales sont décrites dans les publications, qui visent à drainer l’épanchement péricardique. Leur facilité de mise en œuvre, leur coût et leur efficacité sont variables [1]. La laparotomie par le flanc gauche afin de traiter la réticulo-péritonite, associée à la ruminotomie permettant de retirer le corps étranger fait partie des traitements adjuvants, mais n’est pas abordée dans cet article. Cette prise en charge est discutable dans ces cas chroniques.
Quelle que soit la technique choisie, l’opération est réalisée sur animal debout, le membre antérieur tiré vers l’avant afin de dégager les quatrième et cinquième espaces intercostaux. Le site chirurgical se situe le plus souvent à gauche de l’animal. Toutefois, l’auscultation cardiaque et l’échocardiographie peuvent motiver le chirurgien à intervenir à droite si l’épanchement péricardique est plus important de ce côté. Une asepsie chirurgicale est réalisée sur un carré de 50 cm de côté, centré sur la cinquième côte, et la peau de la partie caudale du coude et du triceps est donc incluse dans la zone [23] (photo 6).
Une prémédication à base d’antibiotiques (pénicilline-procaïne, 20 000 UI/kg, par voie intramusculaire [IM]) et d’anti-inflammatoires (méloxicam, 0,5 mg/kg IV) doit être mise en place, et il convient de placer l’animal sous fluidothérapie isotonique (NaCl 0,9 %, Ringer lactate, 5 à 10 ml/kg/h) afin de minimiser le risque de tamponnade cardiaque lors du drainage de l’épanchement péricardique [23].
Cette technique est sûre, peu coûteuse et facile à réaliser.
Un cathéter d’environ 15 cm de longueur est nécessaire, un cathéter 14 G (2 x 160 mm) est donc généralement utilisé. À la CVU, un drain thoracique de 28 à 30 Fr et de 28 cm de longueur est utilisé (Vygon®) (photo 7).
L’asepsie est réalisée comme cela a été décrit précédemment et une anesthésie locale en regard du site de ponction est effectuée avec 5 ml d’anesthésique local (procaïne 2 %).
Le cathéter, éventuellement relié à un robinet à trois voies ou à une seringue, est introduit sous la peau 2 cm ventralement au site de ponction choisi. Il est ensuite dirigé dorsalement et chemine sous la peau jusqu’au site de ponction afin de réaliser un processus de “tunnelisation” permettant de prévenir l’entrée d’air dans la cavité pleurale. Une ponction des muscles intercostaux et de la plèvre est réalisée, puis le cathéter est avancé prudemment de quelques millimètres jusqu’au péricarde, la canule adoptant alors des mouvements rythmés sur les battements cardiaques. Si le cathéter est introduit trop profondément et qu’il traverse le myocarde, du sang en nature est obtenu et il convient alors de le reculer délicatement de 1 ou de 2 cm jusqu’à ce que le liquide péricardique s’écoule. Le mandrin est alors retiré, et le liquide s’écoule alors spontanément ou est aspiré au moyen de la seringue stérile ou d’un aspirateur chirurgical. Un rinçage abondant est ensuite pratiqué au moyen de sérum physiologique tiède ou d’une solution de chlorhexidine diluée à 0,05 % instillé puis réaspiré. L’opération s’arrête lorsque l’aspiration ne permet plus d’obtenir qu’un liquide semblable à celui injecté [23]. Lors de drain thoracique, la peau est ponctionnée avec une lame de 11.
Le drain est retiré après un seul rinçage ou laissé en place, dans le cas où l’animal peut être hospitalisé pour effectuer des rinçages quotidiens.
Au cours de l’étude, le drainage péricardique a été réalisée chez 8 bovins BBB en fin de gestation, leur masse musculaire importante ne permettant pas d’effectuer de péricardiotomie ni de péricardiostomie avec un résultat satisfaisant à court terme.
Cette technique chirurgicale est plus difficile à réaliser que la précédente, mais elle permet d’accéder directement à la cavité péricardique qui est alors drainée et débridée manuellement.
L’intervention est centrée sur la cinquième côte gauche (parfois la sixième côte gauche ou l’hémithorax droit) [23]. Une asepsie est réalisée, ainsi qu’une anesthésie locale traçante le long du bord caudal de la cinquième côte, sur une longueur de 15 à 20 cm dorsalement à la jonction chondro-costale et jusqu’à celle-ci. Les espaces intercostaux adjacents peuvent également être anesthésiés.
L’intervention chirurgicale débute par une incision de la peau sur une longueur de 15 à 20 cm, le long de la cinquième côte en direction ventrale jusqu’à la jonction chondro-costale. Le muscle dentelé ventral et les muscles intercostaux sont ensuite incisés, puis réclinés cranialement et caudalement.
Deux techniques de section de la côte existent. Celle qui permet de prévenir la rupture du vide pleural et l’apparition d’un pneumothorax nécessite d’inciser et de récliner le périoste costal sur toute la circonférence de la côte avant de sectionner son extrémité proximale grâce à une scie-fil [23]. La côte est ensuite sciée distalement ou désarticulée manuellement au niveau de la jonction chondro-costale. Le péricarde, la plèvre et le périoste sont alors suturés avec du fil résorbable monofilament monté sur une aiguille à section ronde, au moyen de multiples points simples le long d’une ellipse d’environ 7 cm de long sur 5 cm de large [23]. Cette étape peut être facilitée par la présence d’adhérences préexistantes entre la plèvre et le péricarde ou, à l’inverse, compliquée dans les cas où le péricarde est rendu friable par le processus inflammatoire ou lorsqu’il est éloigné de la plèvre pariétale [23].
La plèvre, le péricarde et le périoste sont ensuite incisés sur une longueur permettant le passage de la main du chirurgien, au centre de l’ellipse. La cavité péricardique est alors vidangée, les adhérences sont débridées et les amas de fibrine éventuels retirés. L’exploration de la cavité péricardique peut également permettre d’identifier et d’extraire un corps étranger [23]. L’espace péricardique est ensuite abondamment rincé jusqu’à l’obtention d’un liquide clair. Un drain peut être mis en place, puis les différentes couches sont suturées une à une par des surjets simples (en veillant à faire passer le drain en dehors des lignes de suture) au moyen d’une aiguille à section ronde et de fil résorbable pour le péricarde et les muscles, et d’une aiguille triangulaire et de fil irrésorbable pour la peau.
Les soins postopératoires sont les mêmes qu’en cas de drainage péricardique, et la complication principale est la rupture du vide pleural et l’apparition d’un pneumothorax. Toutefois, le médiastin des bovins n’étant pas fenestré, le pneumothorax est unilatéral et une compensation est possible. Plus rarement, une hémorragie par lésion d’un vaisseau coronaire et un collapsus vasculaire peuvent survenir [23].
Cette méthode chirurgicale est similaire à celle de la péricardiotomie, sauf que le péricarde et la plèvre sont marsupialisés aux muscles et à la peau de la paroi thoracique. La plaie se referme par seconde intention.
Après avoir suivi les étapes décrites précédemment et sectionné la côte, une première suture (aiguille ronde, fil résorbable) est réalisée qui comprend le péricarde, la plèvre et le périoste, permettant de préserver le vide pleural, puis une seconde suture, la marsupialisation à proprement parler, fixe le péricarde/périoste à la peau (figure 4) [23]. Après drainage et rinçage de l’espace péricardique, la plaie est laissée ouverte et du miel en grande quantité peut être ajouté dans la cavité.
Les soins postopératoires sont les mêmes qu’en cas de péricardiotomie. Les complications sont également identiques, mais le risque d’infection de la plaie est plus élevé.
Au sein de la CVU, la péricardiostomie est préférée à la péricardiotomie car, l’accès à l’espace péricardique étant maintenu du fait de la marsupialisation, elle permet de réitérer le débridement de la cavité en phase postopératoire, empêchant l’accumulation de fibrine qui altère l’efficacité des rinçages et des drainages. Ces deux techniques sont difficiles à mettre en œuvre chez la race BBB en raison de son caractère hypermusclé et du risque encouru lors de cette chirurgie. Sur les 10 animaux qui ont bénéficié d’un traitement chirurgical, 2 de race prim’holstein ont subi une péricardiostomie.
Une revue des publications concernant le traitement chirurgical des péricardites reprend 13 articles dont 10 sur la péricardite traumatique (tableau). Dans ces 10 derniers articles, 42 bovins ont subi un traitement chirurgical dont 7 un drainage péricardique, 19 une péricardiotomie sous anesthésie générale ou locorégionale et 16 une péricardiostomie sous anesthésie générale ou locorégionale. Le taux de survie à court et/ou à long terme est de 1 sur 7 pour le drainage, de 2 sur 19 pour la péricardiotomie et de 6 de 16 pour la péricardiostomie.
Dans notre étude rétrospective, sur les 8 bovins ayant subi un drainage péricardique, 5 ont été euthanasiés dans la première ou la seconde semaine suivant l’intervention chirurgicale en raison de la dégradation de leur état clinique. Les 3 derniers ont quitté la clinique dans les 2 à 3 semaines postopératoires, après une amélioration de leur état général. Deux de ces vaches ont présenté un rétablissement complet et ont pu mettre bas d’un veau vivant à terme. L’une d’elles a été réformée 11 mois après sa sortie de la clinique pour des troubles locomoteurs sans lien avec l’affection cardiaque et l’autre est toujours vivante (et à nouveau gestante) 14 mois après son traitement. Chez cette dernière, le vétérinaire qui a réalisé la césarienne 6 mois après la sortie de l’animal n’a pu détecter aucun signe de péritonite ni aucun corps étranger en regard de la jonction réseau-rumen. L’origine de la péricardite chez cette vache, pour laquelle la culture bactérienne réalisée sur le liquide d’épanchement péricardique était revenue négative, reste donc incertaine. Le troisième animal traité par drainage ne s’est pas rétabli. Le part a été déclenché 6 jours après sa sortie et, bien que la césarienne se soit déroulée sans encombre, la vache est morte 10 jours plus tard.
Sur les 2 animaux traités par péricardiostomie, l’un a été euthanasié le lendemain de la chirurgie en raison d’un mauvais état clinique, l’autre a quitté la CVU le huitième jour postopératoire après qu’une amélioration de son état général a été notée. La vache s’est rapidement dégradée après son retour à la ferme. Chez ces 2 animaux, les résultats des examens complémentaires et l’aspect du cœur pendant l’intervention faisaient fortement suspecter une cause traumatique. Les péricardites constrictives peuvent conduire à une détérioration après une amélioration jusqu’à 1 mois postopératoire.
Au cours de l’étude rétrospective menée à la CVU-Liège, l’origine traumatique a été confirmée par un examen nécropsique chez 12 des 14 bovins euthanasiés avec ou sans traitement, mais en l’absence de lésion réticulaire, la cause de la péricardite fibrineuse observée dans un des cas reste inconnue. Le corps étranger retrouvé chez les 12 animaux (dont 8 avaient préalablement reçu un aimant) était un fil de fer métallique planté dans le myocarde pour 10 d’entre eux et fixé sur l’aimant dans le réseau pour les 2 autres cas. Une origine septicémique est soupçonnée dans un cas.
La péricardite est une affection cardiaque redoutée du vétérinaire en raison de son pronostic sombre et d’échecs thérapeutiques fréquents. Son diagnostic repose essentiellement sur la présence de signes cliniques pathognomoniques, mais des examens complémentaires faciles à mettre en place sur le terrain sont disponibles. Ils permettent notamment de déterminer la cause de la péricardite et d’apporter des informations quant à la gravité de l’affection afin d’orienter la décision thérapeutique. Des paramètres sanguins permettent également de mettre en évidence un phénomène inflammatoire sévère et/ou chronique, mais ils ne sont pas spécifiques de la péricardite et leurs valeurs pronostiques n’ont encore jamais été étudiées dans le cadre de cette maladie chez le bovin.
La péricardiostomie est le traitement privilégié lors de péricardite chez le bovin. Toutefois, sa réalisation est plus complexe que le drainage péricardique, son coût plus important et sa faisabilité chez des bovins allaitants compromise par l’épaisseur de la couche musculaire présente sur la paroi thoracique. Le drainage péricardique peut ainsi constituer une solution alternative thérapeutique plus facile à réaliser et moins onéreuse. Dans notre étude, la taille de l’échantillon utilisé et le nombre restreint d’animaux traités chirurgicalement ne nous permettent pas de tirer de conclusion objective sur l’efficacité de ces deux techniques. Cependant, l’obtention de résultats favorables à long terme et la rémission complète observée chez 2 animaux constituent des éléments encourageants pour l’éleveur et le vétérinaire désireux de mettre en place une stratégie curative.
La prévention repose principalement sur la mise en place d’un aimant chez tous les bovins à risque. De plus, à la suite du décret n° 2015-1003 du 18 août 2015, depuis le 1er octobre 2015, les éleveurs ne sont plus considérés comme des valorisateurs de pneus. L’utilisation d’autres systèmes comme des sacs ou des boudins remplis de sable ou de cailloux pour la confection des silos de fourrage permettrait de diminuer les risques.
Aucun.
→ Lors de suspicion d’une péricardite, l’échocardiographie reste l’examen complémentaire idéal et utilisable sur le terrain pour confirmer le diagnostic.
→ Malgré un pronostic vital et économique sombre, la chirurgie est le traitement de choix.
→ Le choix entre un drainage thoracique et une péricardiotomie/stomie s’effectue selon la conformation de l’animal, mais également l’origine de l’épanchement (septique/aseptique), ainsi que la possibilité de soins postopératoires.
→ La prévention des réticulo-péritonites dues à des corps étrangers métalliques permet de diminuer le risque de péricardite chez le bovin adulte.
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