Anatomie et affections des glandes salivaires - Le Point Vétérinaire n° 379 du 01/10/2017
Le Point Vétérinaire n° 379 du 01/10/2017

CHIRURGIE ORL

Dossier

Auteur(s) : Antoine Bernardé

Fonctions : Centre hospitalier vétérinaire
Saint-Martin
74370 Saint-Martin-Bellevue

La classique “grenouillette” n’est pas la seule affection des glandes salivaires, leur nombre et leur anatomie complexe multiplient les tableaux cliniques. Les sialocèles représentent la majorité de ces atteintes.

Les glandes salivaires, sous le contrôle du système nerveux autonome, produisent la salive qui a pour fonctions de lubrifier l’aliment ingéré et de faciliter sa déglutition, de favoriser le nettoyage de la cavité buccale, d’y réduire la croissance bactérienne et de protéger la surface muqueuse. Chez les carnivores, l’α-amylase salivaire ne joue pratiquement aucun rôle dans la digestion des carbohydrates. Accessoirement, la production salivaire intervient dans la thermorégulation, son évaporation produisant un rafraîchissement oral [2, 11, 17, 20].

La chirurgie des glandes salivaires est essentiellement excisionnelle. Les principales indications sont les mucocèles salivaires, appelées aussi sialocèles, affectant les chiens, et rarement les chats et les furets. Les néoplasies des glandes salivaires, ainsi que certaines formes de sialo-adénites sont également des indications chirurgicales, sous certaines conditions [2, 5, 11, 13, 15, 17, 20, 22].

1 Anatomie

Situées au carrefour de très nombreuses structures, les glandes salivaires sont multiples et ont une anatomie précise qu’il est essentiel de connaître avant d’envisager une intervention chirurgicale. Le chien et le chat présentent quatre paires de glandes majeures : mandibulaires et sublinguales (ces deux paires intimement accolées à l’angle de la mandibule), parotides et zygomatiques [2, 8, 11, 17] (figure). Ces glandes sont localisées à distance de la cavité buccale, et y drainent leurs sécrétions via des canaux spécifiques. Des glandes salivaires mineures, constituées de petits amas de cellules salivaires, produisent et déversent chacune une petite quantité de salive directement dans la cavité orale, pour maintenir la muqueuse humide. Ces glandes mineures incluent les glandes buccales, labiales, linguales, tonsillaires, palatines et molaires. Ces dernières sont plus développées chez le chat, situées superficiellement à l’angle médial de la mandibule. Les glandes salivaires mineures sont sans importance clinique chez le chien. La glande molaire a été impliquée dans l’évolution d’une sialocèle localisée chez le chat [13].

Glande mandibulaire

La glande mandibulaire (ou sous-maxillaire) est large et ovoïde, palpable, et intimement accolée à la portion monostomatique de la glande sublinguale. Elle se trouve exactement à la bifurcation jugulaire, à l’angle formé par la confluence des veines linguo-faciale et maxillaire formant la veine jugulaire externe. Elle est ventrale et caudale par rapport à la glande parotide, bordée ventralement par le nœud lymphatique mandibulaire, médialement par le larynx et le nœud lymphatique rétropharyngien médial, et rostralement par la première partie de la glande sublinguale avec laquelle elle partage la capsule, si bien qu’initialement ces deux glandes semblent n’en faire qu’une. Le canal mandibulaire, décrit par l’anatomiste anglais Thomas Wharton en 1656 et portant son nom, sort médio-rostralement de la glande, traverse la portion monostomatique de la glande sublinguale, puis chemine médialement au canal de la glande sublinguale entre le masséter et le muscle digastrique, médialement au rameau horizontal de la mandibule, pour s’ouvrir par une papille (caroncule sublinguale) latéralement au frein de la langue [2, 11, 17, 20].

Glande sublinguale

La glande sublinguale est divisée en deux parties, mono­stomatique et polystomatique. La portion la plus développée en volume de la glande monostomatique est accolée cranialement à la glande mandibulaire, avec laquelle elle partage sa capsule entourant l’origine de son canal. Rostralement, le long du canal, sont répartis de petits îlots de glandes, qui forment la glande sublinguale polystomatique, chaque îlot ayant son ouverture propre sur le canal commun. Le canal propre de la glande sublinguale chemine le long du canal mandibulaire et s’ouvre au niveau du frein de la langue par un orifice séparé situé juste caudalement à celui de la glande mandibulaire dans 70 % des cas et par un orifice commun dans 30 % des cas. La portion polystomatique de la glande sublinguale peut être manquante chez le chat [2, 8, 11, 17, 20].

Glande parotide

La glande parotide, de forme triangulaire, est située superficiellement à la portion verticale du conduit auditif externe. Ses limites sont difficiles à distinguer par palpation. Elle est bordée rostralement par le muscle masséter et l’articulation temporo-mandibulaire, caudalement par les muscles sternomastoïde et cléidocervical, ventralement par la glande mandibulaire, et, superficiellement, par le muscle parotido-auriculaire et le platysma. D’importantes structures passent profondément à la glande parotide : artère et veine temporales superficielles, artères carotide externe et maxillaire, veine maxillaire, nerf facial. La topographie de ces structures vasculo-nerveuses, intimement associée à la glande parotide et à sa capsule, est similaire chez le chien et le chat, à l’exception de la veine maxillaire, laquelle passe ventralement à la glande parotide chez le chien tandis qu’elle la traverse chez le chat. La glande elle-même est vascularisée par l’artère parotide, une branche de l’artère carotide externe, qui se connecte à la glande sur sa face médiale en région ventrale du conduit auditif externe. D’autres petites artérioles, issues des tissus environnants, participent à son irrigation. Le retour veineux est assuré principalement via les veines temporales superficielles et auriculaires. Les canaux lymphatiques parotidiens drainent principalement dans le nœud rétropharyngien médial. Le canal de la glande parotide (ou canal de Sténon) est formé de la convergence de deux ou trois canaux issus du bord rostro-ventral de la glande. Il longe latéralement le tiers ventral du muscle masséter, auquel il est fermement attaché. Il s’ouvre dans la cavité buccale par une petite papille située à hauteur de la carnassière supérieure ou un peu en arrière, au-dessus de la quatrième prémolaire. Des glandes parotides accessoires peuvent être situées le long du trajet du canal de Sténon [2, 11, 17, 20].

Glande zygomatique

La glande zygomatique, appelée aussi glande buccale dorsale, est située ventralement au globe oculaire et médialement à la marge craniale de l’arcade zygomatique. Elle présente plusieurs canaux, dont le principal s’abouche latéralement à la première (M1) ou à la deuxième molaire (M2), caudalement à la papille parotidienne. La glande zygomatique est vascularisée par une branche de l’artère infra-orbitaire et drainée par la veine faciale profonde. Ses canaux lymphatiques drainent dans le nœud rétropharyngien médial [2, 5, 11, 13, 17, 20, 22].

2 Affections sans traitement chirurgical

Sialo-adénose

La sialo-adénose consiste en un empâtement ou en un œdème, non inflammatoire, des glandes salivaires mandibulaires, dont la cause est inconnue. Les signes cliniques sont variables, incluant une hypersalivation, des raclements de gorge, une dysphagie, d’apparition souvent aiguë. La palpation des glandes démontre leur élargissement, le plus souvent symétrique, sans douleur marquée. Leur examen histologique ne révèle aucune modification spécifique. Le diagnostic est fondé sur l’exclusion d’autres causes, tant chez le chien que chez le chat. Ni l’excision des glandes affectées, ni l’antibiothérapie, ni la corticothérapie n’apportent une amélioration. Le traitement consiste en l’administration de phénobarbital (1 à 2 mg/kg, deux fois par jour), qui procure un bénéfice rapide en quelques jours. Cependant, le traitement est parfois nécessaire à vie. La réponse au phénobarbital et des études électro-encéphalographiques sont en faveur d’une origine limbique de la sialo-adénose [17].

3 Affections avec traitement chirurgical possible

Sialo-adénite et sialométaplasie nécrosante

Les glandes salivaires peuvent développer des affections inflammatoires non néoplasiques, dont certaines conduisent à une nécrose accompagnée ou non de métaplasie. Les signes cliniques sont très voisins de ceux de la sialo-adénose, à ceci près que la palpation des glandes est douloureuse, et l’animal fébrile, léthargique, anorexique et souvent affecté de vomissements. Les terriers semblent prédisposés à ces affections.

La cytologie n’est pas diagnostique. L’histologie révèle des infarctus avec une nécrose lobulaire, une métaplasie squameuse et une hypertrophie de l’épithélium ductal.

Des anomalies gastro-œsophagiennes étant souvent associées à la sialo-adénite, une origine vagale a été suggérée. Une réponse au phénobarbital a également été rapportée, ce qui étaye l’hypothèse selon laquelle une épilepsie limbique en serait à l’origine, comme pour la sialo-adénose, qui pourrait être la forme non compliquée de la même maladie. Selon certains auteurs, l’excision chirurgicale des glandes affectées ne résout pas l’ensemble des signes cliniques, pas plus qu’une association corticostéroïde-antibiotique [17]. Cependant, ce postulat ne correspond pas à notre expérience, puisque, dans les rares cas rencontrés, toujours chez des terriers, l’excision chirurgicale des glandes mandibulaires affectées a toujours permis à l’animal de recouvrer vitalité et appétit en quelques jours. L’œsophagite et la gastrite associées justifient des traitements adjuvants antiacides. Tous les cas de sialo-adénite nécrosante que nous avons rencontrés concernaient les glandes mandibulaires, toujours de façon bilatérale, chez des terriers (jack russell, welsh ou fox).

4 Affections avec traitement chirurgical

Néoplasies

Les tumeurs primitives des glandes salivaires sont rares, avec une incidence de 0,17 %, et concernent essentiellement les glandes mandibulaires ou parotides. Histologiquement, elles sont majoritairement d’origine épithéliale. Les adénocarcinomes et carcinomes acineux sont les plus représentés [9, 10, 19, 24].

Les animaux affectés présentent une grande variété de signes cliniques, incluant une déformation unilatérale, en région cervicale antérieure ou maxillaire, ou bien à la base de l’oreille, ou une déviation du globe oculaire. Une sialorrhée et une dysphagie peuvent être observées.

Une étude rapporte que 39 % des chats et 17 % des chiens présentent une invasion des nœuds lymphatiques satellites, et respectivement 16 % et 8 % une dissémination métastatique distante, au moment du diagnostic. Une dissémination périglandulaire est rapportée, mise en évidence par tomodensitométrie (CT-Scan) avec contraste ou par imagerie par résonance magnétique (IRM) [9].

L’évaluation diagnostique de ces animaux inclut la cytologie ou l’histologie (masse et nœud lymphatique satellite), l’imagerie de la masse et un bilan d’extension (CT-Scan ou IRM préférés à la radiographie). Un bilan sanguin et l’ultrasonographie abdominale complètent l’évaluation si ces examens sont indiqués par la clinique. L’IRM et le CT-Scan sont particulièrement utiles pour la planification chirurgicale, en cas d’invasion locale [3, 9, 10, 19, 24]. Le traitement chirurgical consiste en l’excision de la glande incriminée et des nœuds lymphatiques satellites.

Sialolithiase

La sialolithiase est rarement rapportée, chez le chien comme chez le chat. Elle concernerait plus souvent le canal parotidien, bien qu’elle ait été également décrite aux canaux mandibulaires et sublinguaux. Les calculs sont composés de calcium, d’oxalate, de phosphate, de magnésium, de carbonate, d’ammonium ou bien d’agrégats non minéraux protéinés, supposés provenir de la desquamation des conduits salivaires. Si la sialolithiase obstrue le canal parotidien, l’animal affecté présente une sialocèle parotidienne consistant en un gonflement de l’aspect latéral de la face, indolore ou inconfortable à la palpation, permanent ou non. Le diagnostic est occasionnellement réalisé à partir de la palpation ou de la radiographie, mais la tomodensitométrie démontre de bien meilleures sensibilité et spécificité de détection [2, 11, 17].

Sialocèles

DÉFINITION ET/OU ORIGINE

Les sialocèles (sialocœles) sont des mucocèles (ou mucocœles) salivaires(1).

Il s’agit d’une affection non pas d’une glande salivaire, comme cela a été souvent dit ou écrit, mais du canal excréteur de cette glande, rencontrée occasionnellement chez le chien, rarement chez le chat ou le furet [2, 5, 8, 11, 13, 15, 17, 20, 22]. Elle se définit comme une accumulation de salive à proximité d’une glande salivaire fonctionnelle ou de son canal, ce dernier ne permettant plus l’acheminement de la salive produite vers la cavité buccale. Il en résulte une collection salivaire, délimitée par les tissus connectifs enflammés, formant une poche ou plusieurs logettes coalescentes. Il ne s’agit pas à proprement parler de kystes.

Le couple glande mandibulaire-glande sublinguale et leurs canaux sont le plus souvent concernés. Les glandes parotide et zygomatique, et leurs canaux respectifs le sont beaucoup plus rarement [5, 6, 8, 15, 17, 18, 22].

L’origine de la sialocèle est rarement déterminée. La cause la plus fréquente semble être un traumatisme sur le canal de la glande (traumatisme direct, piqûre d’insecte, morsure de congénère) [21]. Des corps étrangers (épines, épillets), des sialolithes et la dirofilariose ont été également incriminés [12, 17]. Bien que largement suspectée, l’origine traumatique n’a été objectivée que dans 16 % des cas [1]. Une prédisposition de certaines races (berger allemand, caniche, teckel, silky terrier australien) a été rapportée [1, 2, 10-12, 17].

SÉMIOLOGIE

Le tableau clinique est assez univoque, dépendant toutefois de la glande salivaire incriminée et de la localisation de l’accumulation salivaire. Plusieurs sialocèles sont décrites : cervicale, sublinguale, pharyngienne, parotidienne ou zygomatique. Dans une étude rétrospective sur 60 cas, la mucocèle était cervicale dans 42 cas (70 %), sublinguale dans 4 cas (7 %), pharyngienne dans 4 cas (7 %), indéterminée dans 1 cas et multiple dans 9 cas [1].

Sauf surinfection, une sialocèle se présente comme un gonflement fluctuant, non douloureux, d’apparition progressive, sans répercussion sur l’état général. Cette collection de salive s’accompagne rarement de répercussions fonctionnelles, digestives ou respiratoires (dysphagie, dyspnée). La plus remarquable et potentiellement dangereuse est la mucocèle pharyngienne dont l’expansion peut entraîner une obstruction laryngée à l’origine d’une dyspnée inspiratoire quelquefois sévère. En cas de surinfection, le plus souvent iatrogène à la suite de ponctions, la masse devient douloureuse à la palpation, tuméfiée et rouge, évoquant un abcès [2, 5, 11, 13, 17].

DESCRIPTIONS SPÉCIFIQUES

→ La sialocèle cervicale, communément dénommée “grenouillette”, est la plus courante. Elle se caractérise par un gonflement latéralisé (à droite ou à gauche) en région cervicale craniale, autour du couple glande mandibulaire-glande sublinguale dont elle est issue. Lorsque la collection salivaire devient volumineuse, elle tend à se collecter plus ventralement par gravité et la détermination du côté affecté peut alors s’avérer délicate (photo 1). Un moyen simple consiste alors à placer l’animal en décubitus dorsal, le gonflement se déplaçant du côté atteint. Hormis le gonflement constaté par le propriétaire de l’animal, la sialocèle cervicale n’entraîne le plus souvent aucune répercussion sur les performances digestives ou respiratoires de l’individu [1, 2, 11, 17, 21].

→ La sialocèle sublinguale est la deuxième forme la plus commune de sialocèle canine. Elle semble être la plus courante parmi les rares cas de sialocèle rencontrés chez les chats [5, 13, 17, 22]. Elle est aussi dénommée “ranula”. Un gonflement est noté sous la langue, latéralement à son frein et à sa racine, ce gonflement pouvant gagner l’espace intermandibulaire ventral (photos 2 et 3). Une déviation de la langue est parfois observée, du côté opposé à la poche. Une salivation excessive (pseudo-sialorrhée), des mâchonnements, des difficultés de préhension et de mastication complètent habituellement le tableau clinique. Des saignements buccaux peuvent survenir par traumatisme direct de la ranula lors de la mastication [2, 11, 17]. Chez le chat, une asthénie et une anorexie ont été associées à des sialocèles sublinguales [13]. Un même individu peut développer conjointement des sialocèles cervicale et sublinguale, homolatérales : une pression exercée sur la collection salivaire cervicale augmente généralement le volume de la collection salivaire sublinguale, et réciproquement, ce qui suggère que les deux sialocèles ont la même origine, le couple glande mandibulaire-glande sublinguale, la différence entre elles siégeant dans la localisation de l’épanchement.

→ La sialocèle pharyngienne, rencontrée dans 1 cas sur 15, résulte également d’une atteinte du ou des canaux du couple glande mandibulaire-glande sublinguale homolatérales. Une dilatation de la paroi pharyngée forme une poche, le plus souvent fluctuante et molle, juste en arrière du pilier latéral du palais mou et de l’amygdale, et juste en avant de l’épiglotte (photo 4). En raison de la faible compliance des tissus environnants, la sialocèle pharyngienne se présente quelquefois sous la forme d’une dilatation ferme et rigide si la salive accumulée y est sous pression (photo 5). Le diagnostic différentiel est alors plus délicat, la masse pouvant être confondue avec une néoformation tumorale [2, 5, 6, 8, 11, 13, 15, 17, 20-22].

→ Les sialocèles zygomatique et parotidienne sont les deux formes les plus rares de sialocèle, chacune tirant son nom de la glande salivaire dont elle dérive. La sialocèle zygomatique peut provoquer une exophtalmie et un strabisme par déviation du globe oculaire accompagnés d’un chémosis sur la paupière inférieure. La sialocèle parotidienne donne une collection molle fluctuante et indolore en regard de la glande parotide, à l’aplomb de la portion verticale du conduit auditif externe (photo 6) [1, 4, 7, 12, 14, 16-18].

DIAGNOSTIC

Le diagnostic repose tout d’abord sur le recueil des commémoratifs et l’examen clinique. Pour les sialocèles extériorisées, cervicale, zygomatique et parotidienne, les commémoratifs rapportent un gonflement d’apparition progressive, sur quelques jours à quelques semaines, en régions rétromandibulaire, infra-orbitaire et auriculaire, respectivement. Généralement, cette “poche” est molle, indolore à la palpation, évoquant une collection liquidienne. Une dysphagie peut être rapportée en cas de sialocèle sublinguale ou pharyngienne, une dyspnée inspiratoire dans la forme pharyngienne uniquement. Enfin, le motif de consultation peut être une déviation du globe oculaire en cas de sialocèle zygomatique. Le diagnostic de certitude repose sur la paracentèse de la collection [1, 2, 11, 17, 20].

→ La paracentèse constitue le premier examen complémentaire de choix. Facile et rapide à exécuter, elle permet de confirmer ou non la présence de salive. Elle doit être réalisée sous des conditions aseptiques pour prévenir toute contamination bactérienne. Une seringue de 5 ou de 10 ml, avec une aiguille de fort calibre (jaune ou rose), est utilisée, en ponctionnant directement dans la poche liquidienne, au besoin stabilisée manuellement et comprimée pour en augmenter la pression interne. Le liquide aspiré est examiné macroscopiquement : il est clair, jaunâtre ou teinté de sang et rouge, mais sa principale caractéristique est qu’il est filant et d’une viscosité compatible avec de la salive (photos 7a et 7b). Une coloration révélant la mucine avec de l’acide périodique de Schiff (PAS) ou un dosage de l’amylase pourrait aider le clinicien à caractériser la collection salivaire dans les cas douteux [1]. Ces tests ne sont toutefois qu’exceptionnellement, sinon jamais, nécessaires. Lors de turbidité augmentée, une surinfection peut être suspectée, et un examen cytologique d’un étalement coloré du liquide prélevé met alors en évidence des neutrophiles dégénérés et des bactéries intracellulaires [2, 7, 17].

→ Aucun examen sanguin n’est diagnostique d’une sialocèle. Les numération et formule sanguines peuvent révéler une leucocytose neutrophilique en cas de surinfection [11, 17].

→ L’imagerie médicale est rarement nécessaire pour établir le diagnostic de sialocèle cervicale, sublinguale ou pharyngienne, dont les présentations cliniques sont assez univoques. Elle est, en revanche, souvent requise lors de sialocèle parotidienne ou zygomatique, montrant la présence d’une collection liquidienne à proximité de la glande correspondante, dont la paracentèse se révèle ensuite concluante. La tomodensitométrie (examen scanner) et l’IRM (imagerie par résonance magnétique nucléaire) sont nettement plus sensibles que la radiologie pour cette indication (photo 8). Ces moyens d’imagerie présentent également un intérêt dans la recherche d’un corps étranger, de sialolithes, d’une néoplasie, ou pour définir les rapports anatomiques de la sialocèle et de la glande salivaire concernée avec les structures environnantes [3, 9, 10, 19, 23, 24]. La sialographie (injection de produit de contraste iodé dans le canal de la glande après cathétérisme de la papille concernée) est abandonnée. Techniquement difficile à réaliser, elle n’apporte aucune donnée supplémentaire dans le diagnostic et l’approche thérapeutique des sialocèles [1, 17].

DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL

Le diagnostic différentiel inclut toutes les causes possibles de masses se développant autour des glandes salivaires. En raison de leur fréquence, les abcès, les hématomes et les granulomes, rencontrés en regard de la face, notamment à la suite de la présence d’un corps étranger, sont à éliminer en premier lieu. Les lésions non chirurgicales des glandes salivaires, les néoplasmes primaires ou métastatiques des nœuds lymphatiques mandibulaires font également partie du diagnostic différentiel. Hormis les kystes salivaires congénitaux, il est exceptionnel qu’une de ces affections s’accompagne d’une collection liquidienne de nature salivaire à proximité de la glande, si bien qu’une paracentèse positive est assez univoque et pratiquement pathognomonique d’une sialocèle. Cependant, des néoplasmes salivaires, notamment parotidiens, ont pu être occasionnellement associés à des sialocèles chez le chien. Il est donc recommandé de soumettre la glande salivaire excisée à un examen histologique en cas de doute quant à son intégrité [1, 3, 9, 17].

Conclusion

Les principales indications de la chirurgie des glandes salivaires sont les sialocèles, plus rarement les néoplasies, ainsi que certaines formes rebelles de sialo-adénites nécrosantes rencontrées chez les terriers(2). Le diagnostic des sialocèles repose essentiellement sur la paracentèse, qui en est l’acte diagnostique le plus souvent décisif, mais qui ne peut constituer en aucun cas un traitement curatif. L’acte chirurgical requiert une connaissance précise de l’anatomie régionale, clé de la réussite optimale de ce traitement.

  • (1) Comme tous les mots se terminant par “cèle” (ou “cœle”), il s’agit de termes féminins.

  • (2) Voir l’article “Chirurgie des glandes salivaires” du même auteur, dans ce numéro.

Références

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Conflit d’intérêts

Aucun.

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