Le pimobendane, utile pour prolonger le stade préclinique lors de maladie valvulaire mitrale dégénérative chez le chien - Le Point Vétérinaire n° 378 du 01/09/2017
Le Point Vétérinaire n° 378 du 01/09/2017

CARDIOLOGIE

Thérapeutique

Auteur(s) : Hélène Rose

Fonctions : 11-15 Quai de Dion-Bouton
92800 Puteaux

Les résultats de l’étude EPIC, menée pendant 5 ans dans 36 centres vétérinaires, montrent l’intérêt du pimobendane pour prolonger la période précédant l’apparition de signes cliniques d’insuffisance cardiaque congestive gauche lors de maladie valvulaire mitrale dégénérative.

Cet article résume l’étude présentée par Adrian Boswood (Royal Veterinary College, au Royaume-Uni) et Jens Häggström (Université d’Uppsala, Swedish University of Agricultural Sciences, en Suède), lors du symposium de cardiologie organisé le 14 avril dernier par le laboratoire Boeringher Ingelheim, promoteur de l’étude. Une clause du contrat des collaborateurs principaux leur a garanti le droit de publier quel que soit le résultat. L’article rapporte ensuite certaines précisions apportées lors des échanges avec l’assistance.

L’hypothèse de travail de cet essai clinique prospectif randomisé, en aveugle, s’est fondée sur des études antérieures, qui ont montré que la prise de pimobendane, inotrope positif et vasodilatateur, est associée à une réduction de la taille du cœur. Les auteurs ont donc supposé que cette molécule pourrait être bénéfique lors de stade préclinique de maladie valvulaire mitrale dégénérative (encadré).

Présentation de l’étude

Matériel et méthodes

Le recrutement a été effectué dans 36 centres : 18 aux États-Unis, 2 au Japon, et 16 en Europe, dont 3 en France. Pour disposer d’une puissance statistique significative, 360 chiens âgés de 6 ans ou plus et pesant entre 4,1 et 15 kg ont été recrutés. 354 ont effectivement participé au protocole.

Les critères d’inclusion comprenaient un souffle systolique d’intensité ≥ 3/6, des signes radiologiques de cardiomégalie (indice de Buchanan > 10,5) et des anomalies visibles à l’échographie cardiaque : lésions valvulaires mitrales, régurgitation mitrale (en mode Doppler couleur), dilatation de l’atrium gauche (rapport atrium gauche/aorte ≥ 1,6) et du ventricule gauche (diamètre interne du ventricule gauche en diastole normalisé ≥ 1,7). Les principaux critères d’exclusion étaient l’administration préalable de médicaments à effet cardio-vasculaire prédéfinis et la présence de signe évocateur d’une autre maladie cardiaque.

De manière randomisée et à l’aveugle, les chiens ont été répartis en deux groupes de taille égale. Les chiens du premier groupe ont reçu une dose de pimobendane de 0,4 à 0,6 mg/kg/j, en deux prises quotidiennes, les chiens de l’autre groupe recevant un placebo, selon les mêmes modalités d’administration.

Le critère d’évaluation principal de l’étude était le temps écoulé jusqu’à l’apparition de signes cliniques d’insuffisance cardiaque congestive (ICC) gauche (avec contrôle des dossiers par deux membres d’un comité d’évaluation composé de cinq spécialistes), à l’euthanasie en raison de troubles d’origine cardiaque, ou à la mort présumée d’origine cardiaque (deux manifestations peu fréquentes mais importantes de maladie valvulaire dégénérative, connues chez les chiens en stade B2). D’autres causes de suspension du protocole ont été définies comme critères secondaires d’évaluation, utilisés pour déterminer le temps jusqu’au premier événement (toux, ICC droite, syncopes).

Résultats

→ Les groupes étaient équilibrés pour toutes les variables initiales, à l’exception de la race et de la note d’état corporel. La dose médiane reçue pour le groupe pimobendane était de 0,49 mg/kg/j, en deux prises.

162 chiens ont atteint le critère d’évaluation principal, sans différence statistique entre les groupes. La durée médiane estimée jusqu’à ce critère était de 1 228 jours (intervalle de confiance [IC] à 95 % : 856 à non calculable) dans le groupe pimobendane, et de 766 jours dans le groupe placebo (IC à 95 % : 667 à 875 jours), soit une différence de 15 mois environ (figure).

Le temps médian jusqu’au premier événement était de 640 jours (IC à 95 % : 555 à 753 jours) pour le groupe pimobendane, et de 406 jours (IC à 95 % : 316 à 527 jours) dans le groupe placebo P < 0,0001).

→ Parmi les 32 variables de base évaluées individuellement, 16 ont démontrées une association avec le temps jusqu’au critère principal (P > 0,2) et ont été incluses dans une analyse multivariée.

→ La même proportion de chiens a présenté des effets indésirables dans les deux groupes, sans différence significative de type et de sévérité.

Discussion

L’essai a été arrêté à la suite de l’analyse intermédiaire planifiée (durée totale de collecte des données : 90 % de celle prévue) pour des raisons éthiques, les chances du groupe placebo se révélant moindres que celles du groupe pimobendane.

→ L’inclusion des euthanasies pour trouble cardiaque et des morts présumées d’origine cardiaque dans le critère d’évaluation principal visait à prendre en compte les effets potentiellement néfastes du traitement. Ceci a concerné un petit nombre de chiens, respectivement 11 et 17, sans différence statistique significative entre les deux groupes. La constitution de grandes cohortes randomisées diminue probablement l’impact des facteurs liés aux propriétaires (perception de la qualité de vie et demande d’euthanasie, respect du protocole et compliance au traitement, etc.).

→ Dans le groupe placebo, les résultats avant l’apparition de signes cliniques d’ICC ont été très similaires à ceux d’autres études. L’essentiel de l’effet observé du pimobendane, dont l’administration s’est révélée sûre et bien tolérée, semble pouvoir être attribué au retard dans l’apparition des signes d’ICC. Une fois le critère principal atteint, tous les chiens ont reçu du pimobendane, associé éventuellement à d’autres traitements, qui n’étaient alors plus contrôlés.

→ Le recrutement des chiens sur plusieurs continents, par 36 investigateurs, et le nombre de chiens inclus dans l’étude, de races et de formats typiques de ceux majoritairement affectés par la MVD, permettent de généraliser les résultats de l’étude aux chiens présentant une hypertrophie cardiaque (répondant aux critères échographiques cités) secondaire à une MVD préclinique de stade B2, associée à un souffle systolique d’intensité ≥ 3/6.

Conclusion

L’administration de pimobendane, en l’absence de traitement cardio-vasculaire concomitant, a permis un prolongement médian de 15 mois environ de la période préclinique, avec une bonne tolérance. Cet allongement de la période préclinique est pertinent au niveau clinique, et important pour les propriétaires.

Échanges avec l’assistance

À propos de l’étude

→ Tous les animaux suivis dans l’étude ont été comptabilisés dans le temps jusqu’au premier événement, et la différence entre le groupe traité et le groupe placebo est toujours significative.

→ Les différences de poids relevées dans l’essai n’ont pas été pertinentes lors de l’analyse multivariée. Le pronostic global des cavaliers king charles (la race la plus représentée dans l’étude) est similaire à celui des autres races : la maladie progresse à la même vitesse, avec la même gravité, mais elle touche des animaux plus jeunes. À l’avenir, une étude sur les différences de génotypes serait probablement intéressante.

À propos de la prescription de pimobendane

→ Selon les pays, les recommandations varient concernant l’administration du pimobendane lors ou hors d’un repas. Il est probable que l’administration simultanée diminue très légèrement la biodisponibilité, mais le plus important est la régularité du traitement.

→ L’échographie semble avoir une place primordiale dans l’évaluation initiale des chiens, même si les critères recueillis auprès des propriétaires sont probablement à affiner. À la suite de l’étude, les auteurs se sont demandé si tous les chiens suspects à l’auscultation auraient besoin d’une échographie, et leur réponse est affirmative. Lors de suivi uniquement par radiographie, l’important est de surveiller l’évolution de l’indice de Buchanan (pour lequel il existe des variations physiologiques selon les espèces), mais cet indice, bien que très spécifique, est peu sensible. Fonder la prescription de pimobendane ou non uniquement sur l’auscultation et les clichés radiographiques ne semble donc pas approprié. Les mesures échographiques de la taille du cœur sont plus précises, même si elles nécessitent un placement adéquat des repères pour ne pas induire d’erreur par excès. Pour ne pas multiplier les coûts pour le propriétaire, une échographie suivant les critères établis dans l’étude EPIC (échographie 2D par abord parasternal droit) pourrait être proposée en première intention.

→ Interrogés sur l’administration du pimobendane pour les stades C et D, les conférenciers ont indiqué que lors de résistance, ils augmentent la dose jusqu’à la limite maximale prévue par l’autorisation de mise sur le marché, et revoient scrupuleusement l’ensemble de la gestion du traitement, y compris la manière effective dont les propriétaires administrent les médicaments. Toute autre pratique, non fondée sur des preuves, engage la responsabilité individuelle du prescripteur.xxx

Conflit d’intérêts

Aucun.

ENCADRÉ
Rappels sur la maladie valvulaire mitrale dégénérative

La classification de l’American College of Veterinary Internal Medicine (ACVIM) définit quatre stades pour la maladie valvulaire mitrale dégénérative : de A, animal sain mais à risque, à D, animal présentant une insuffisance cardiaque réfractaire au traitement. Le stade B concerne des chiens présentant des signes de régurgitation mitrale, sans signe d’insuffisance cardiaque congestive (ICC). Ce stade est lui-même divisé en deux. Au stade B1, précoce, les chiens ne présentent aucun signe d’hypertrophie cardiaque. Au stade B2, une hypertrophie cardiaque est présente, pour compenser la surcharge volumique, mais les chiens n’ont pas de signe d’ICC. Il n’existe pas de consensus pour le traitement de ces animaux en stade B2, même s’ils sont souvent placés sous inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine. Des études précédentes ont montré une médiane de 27 mois avant l’apparition de signes cliniques d’ICC chez ces chiens.

Source

Boswood A, Häggström J, Gordon SG et coll. Effect of pimobendane in dogs with preclinical myxomatous mitral valve disease and cardiomegaly : the EPIC study – A randomized clinical trial. J. Vet. Intern. Med. 2016;30 (6):1765-1779.

Pour la traduction française, contacter le laboratoire Boehringer Ingelheim.

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