Réalisation d’une attelle de Thomas modifiée chez le bovin - Le Point Vétérinaire expert rural n° 377 du 01/07/2017
Le Point Vétérinaire expert rural n° 377 du 01/07/2017

ORTHOPÉDIE DES BOVINS

Conduite à tenir

Auteur(s) : Céline Maquet*, Hélène Casalta**, Kamal Touati***, Arnaud Sartelet****, Salem Djebala*****

Fonctions :
*Clinique des ruminants, département
clinique des animaux de production,
Quartier Vallée 2, B42,
avenue de Cureghem, 7A-D,
4000 Liège, Belgique
**sdjebala@ulg.ac.be

L’attelle de Thomas modifiée est un dispositif en métal associé à de la résine. Elle peut être mise en place à la ferme à la condition de respecter les étapes de réalisation et de disposer d’aides.

Les fractures des membres représentent environ 10 % des consultations de la clinique des animaux de production de l’université de Liège. Elles sont occasionnées par la traction forcée lors des vêlages dystociques, le piétinement des veaux par la mère ou les bovins adultes. Les os les plus touchés sont le métacarpe et le métatarse, puis le fémur et, enfin, le tibia [1]. Dans la race blanc-bleu-belge (BBB), la fréquence des fractures augmente aux mois d’avril, de mai et de juin, période de la première mise en pâture des jeunes animaux. Le transport, l’écornage et le piétinement par les adultes sont également rapportés, et la fracture du tibia représente plus 50 % des cas de fracture [3].

Les traitements des fractures incluent le confinement du bovin dans un box, l’immobilisation externe par un plâtre combiné à une attelle ou par des fixateurs externes, ou encore des fixations internes (essentiellement les broches centro-médullaires et les plaques vissées) [2-4, 6].

Parmi les différentes méthodes d’immobilisation externe, l’attelle de Thomas combinée à un plâtre est celle de choix dans le traitement des fractures du radius, de l’ulna et du tibia. Le coût de cette intervention est faible (environ 1 €/kg de poids vif) et le taux de succès élevé (il avoisine les 70 %) [2, 3]. La guérison serait complète dans 53 % des cas, une légère boiterie, observée dans 18 % des cas, et les échecs du traitement représentent 29 % des cas [3].

L’attelle de thomas modifiée est une attelle en métal ­combinée avec de la résine. Pour réaliser cette technique dans une ferme, le vétérinaire doit être expérimenté, et disposer d’un soudeur qualifié et d’au moins deux aides. L’animal n’est pas obligatoirement anesthésié, mais une myorelaxation est recommandée.

ÉTAPE 1 PRÉCAUTIONS À PRENDRE

L’attelle de Thomas modifiée n’est réalisable que chez les animaux présentant des fractures fermées. Elle ne doit pas être effectuée sur une fracture ouverte, car l’absence d’accès à la plaie entraîne plusieurs complications, telles qu’une infection, une ostéite et une ostéomyélite. L’attelle de Thomas modifiée n’est pas recommandée pour traiter les fractures des membres postérieurs chez les bovins culards (blanc-bleu-belge) dont le poids est supérieur à 300 kg [3].

ÉTAPE 2 PRÉPARATION DE L’INTERVENTION

1. Diagnostic et évaluation de la fracture

Le diagnostic de fracture est établi par inspection du bovin idéalement en position debout afin d’identifier le membre atteint et l’endroit de la blessure. Cependant, dans la plupart des cas, l’examen debout est très risqué pour le bovin, et les animaux sont tranquillisés pour le transport ou rapidement après leur arrivée. Une palpation et une manipulation délicate du membre permettent de localiser et d’estimer le type de fracture, et d’évaluer notamment la présence des plaies cutanées (photos 1 et 2). Des radiographies du membre fracturé précisent le diagnostic, le pronostic et la position des fragments osseux.

2. Préparation du matériel

Le matériel utilisé pour la réalisation de l’attelle est constitué de barres de fer (acier doux de 1 cm de diamètre), d’un matériel de soudure (poste à souder, baguettes de soudure, disqueuse des métaux, barre creuse, marteau, étau et pince) et d’une gaine isolante de tuyau de chauffage (photo 3).

Le matériel pour la réalisation du bandage et la fixation de l’attelle comprend des bandes adhésives (Leukoplast®), de la ouate, du Cambric L® (10 cm x 5 m), une chaussette (filet tubulaire), un fil de cerclage, des bandes de résine (Cellacast®), (10 cm x 3,6 m), des gants, une tondeuse et un seau d’eau chaude (photo 4).

3. Préparation de l’animal

La préparation du bovin commence par une tranquillisation à l’aide d’une injection de 0,2 mg/kg de xylazine (Xyl-M 2 %®) par voie intramusculaire (IM). La tranquillisation doit durer de 1 heure à 1 heure et demie, le temps de préparer l’attelle et de la poser. L’animal est ensuite placé en décubitus latéral, avec le membre fracturé vers le haut. La tranquillisation est suivie de l’administration d’un anti-inflammatoire (méloxicam, Meloxidyl®, 0,5 mg/ kg) par voie sous-cutanée (SC), à répéter après 48 heures, et de vitamine E et de sélénium (Etosol®) par voie IM afin de limiter la douleur et de prévenir la myopathie. Lorsque le membre est souillé, une tonte des poils et un curetage des sabots sont recommandés (photos 5a et 5b).

ÉTAPE 3 RÉALISATION DE L’ATTELLE DE THOMAS

L’attelle de Thomas est composée d’un anneau (cerceau) qui entoure la fesse ou l’épaule du membre fracturé, de deux barres d’appui (dorsale et plantaire/palmaire) et d’une barre de marche (photo 6). Les différentes étapes de la réalisation des attelles pour les membres antérieur et postérieur sont détaillées dans les articles qui suivent(1) : mesure et réalisation de l’anneau, mesure et fixation de la barre d’appui sur le cerceau, réalisation de la barre de marche (base de l’attelle), protection et rembourrage de l’attelle.

ÉTAPE 4 POSE ET FIXATION DE L’ATTELLE SUR LE MEMBRE FRACTURÉ

1. Pose de l’étrier et de la chaussette sur le membre fracturé

L’étrier doit être solide et long. Son rôle, très important, consiste à maintenir le membre fracturé sous tension dans le cadre formé par l’attelle. L’étrier est constitué de bandes de Leukoplast®, posées sur la partie distale du membre (à partir du jarret ou du carpe respectivement pour les membres postérieurs et antérieurs). Afin que l’étrier soit solide, deux couches de Leukoplast® sont recommandées (photo 7). Le membre est couvert ensuite par une chaussette (photo 8).

2. Protection du membre avant la pose de l’attelle

Le membre est protégé par au moins deux couches de ouate, qui doivent bien couvrir la cuisse et surtout le pli de l’aine. La ouate est maintenue en place à l’aide de Cambric®, bien serré autour du membre (photo 9).

3. Fixation de l’attelle sur le membre fracturé

Avant fixation, l’attelle doit être placée correctement sur le membre fracturé (photo 10). Des aides doivent tirer sur le cerceau dorsalement afin que le membre soit bien mis sous tension dans l’attelle, en faisant attention à ne pas écraser les testicules chez le mâle ni la mamelle chez la femelle. L’extrémité distale du membre est fixée à la barre de marche à l’aide de l’étrier (photo 11). La fixation de l’attelle sur le membre fracturé peut être renforcée à l’aide d’un fil de fer. La technique consiste à faire deux trous à l’aide d’une perceuse, au niveau des pinces (extrémités distales du sabot), et à passer à l’intérieur un fil de fer qui permet de fixer le membre sur la base de l’attelle (photos 12a et 12b).

Lorsque l’attelle est fixée sur l’étrier, l’ensemble du membre est immobilisé par plusieurs bandes de résine selon la taille du bovin. Une première bande de résine est placée sur le trait de fracture.

Concernant le membre postérieur, la résine fixe le tarse et le métatarse à la barre d’appui plantaire ; sur la hauteur du jarret, les bandes de résine entourent les deux barres d’appui et, au-dessus du jarret, elles stabilisent le tibia sur la barre d’appui craniale (photo 13).

Sur le membre antérieur, les bandes de résine fixent l’entièreté du membre sur la barre d’appui caudale (photo 14).

4. Précaution à prendre lors de la fixation de l’attelle

Pour éviter de blesser le bovin, il est recommandé de bien rembourrer le membre fracturé, notamment à l’intérieur de la cuisse et dans la région de l’ars pour prévenir le contact entre la résine et la peau. Pour que l’attelle tienne en place pendant la durée de convalescence, il convient que :

– l’étrier soit solide et bien renforcé au niveau de l’extrémité distale du sabot ;

– le sabot soit en contact avec la barre de marche ;

– les bandes de résine serrent bien le membre.

ÉTAPE 5 RECOMMANDATIONS POSTOPÉRATOIRES

Plusieurs soins postopératoires sont recommandés pour réussir la convalescence. Idéalement, le bovin est isolé dans un box clos, propre et peu paillé, ou sur une litière accumulée. L’éleveur doit aider l’animal à se mettre debout jusqu’à ce qu’il soit en mesure de le faire seul. Il surveille aussi que l’attelle ne le blesse pas, notamment au pli de l’aine. Enfin, l’attelle doit être retirée entre 4 à 6 semaines après l’intervention en fonction de l’âge de l’animal (photo 15).

ÉTAPE 6 PRONOSTIC ET COMPLICATIONS

Le pronostic de cette intervention est bon et le succès des traitements avoisine les 70 % [3]. Néanmoins, pour les animaux de conformation extrême, le pronostic est réservé, lié notamment à l’importante atrophie musculaire qui diminue la stabilité du trait de fracture dans l’attelle. Dans ce cas, le renouvellement de l’attelle est recommandé après 10 à 15 jours.

Les complications possibles des attelles combinées à du plâtre sont des lésions et des plaies sur les membres, une contracture des muscles, des ligaments et des capsules articulaires, une dégénérescence du cartilage articulaire ou une mauvaise réduction et une union retardée du trait de fracture.

Les plaies (escarres) par frottement de l’attelle sur la peau sont très fréquentes. L’aine et l’ars sont les sites les plus vulnérables, mais d’autres endroits peuvent être touchés, comme l’abdomen ou le jarret (photos 16a et 16b).

L’arrachement de l’attelle est une complication observée. C’est souvent la conséquence d’une mauvaise fixation sur le membre, notamment lorsque l’étrier est trop fragile ou que l’attelle est trop longue, ou lors d’un confinement inadéquat (fumier trop épais et mou) induisant une traction trop importante sur l’étrier lors du déplacement du bovin.

Les non-unions, également appelées “pseudarthroses”, sont rares et résultent d’une nécrose du tissu osseux due à une forte diminution ou à un arrêt de vascularisation du trait de fracture [6].

D’autres complications surviennent très rarement, comme la nécrose du membre ou du sabot (photo 17). Celle-ci est secondaire à des lésions vasculaires engendrées par la fracture ou un étrier de Leukoplast® trop serré autour du membre.

Conclusion

Le succès du traitement dépend du respect des étapes et des précautions décrites. La maîtrise des techniques de soudure et la présence de suffisamment d’aides pour placer correctement l’attelle sur le membre fracturé sont recommandées. Dans le cas contraire, le traitement se solde par un échec et plusieurs complications peuvent survenir. La réussite du traitement est aussi conditionnée par les soins postopératoires que dispense l’éleveur.

  • (1) Voir les articles “Réalisation d’une attelle de Thomas modifiée pour un membre antérieur” et “Réalisation d’une attelle de Thomas modifiée pour un membre postérieur” des mêmes auteurs, dans ce numéro.

Références

  • 1. Adams S, Fessler J. Treatment of fractures of the tibia and radius-ulna by external coaptation. Vet. Clin. Food Anim. 1996;12:181-198.
  • 2. Baird A, Adams S. Use of the thomas splint and cast combination, walker splint, and spica bandage with an over the shoulder splint for the treatment of fractures of the upper limbs in cattle. Vet. Clin. Food Anim. 2014;30:77-90.
  • 3. Gangl M, Grulke S, Serteyn D et coll. Retrospective study of 99 cases of bone fractures in cattle treated by external coaptation or confinement. Vet. Rec. 2006;158:264-268.
  • 4. Latrach R, Segard E, Frikha M. Cas clinique : traitement d’une fracture du tibia chez un veau par un pansement Robert-Jones associé à des attelles. Rev. Méd. Vét. 2007;158:354-361.
  • 5. St-Jean G, Anderson D. Decision analysis for fracture management in cattle. Vet. Clin. Food Anim. 2014;30:1-10.
  • 6. Vogel S, Anderson D. External skeletal fixation of fractures in cattle. Vet. Clin. Food Anim. 2014;30:127-142. Céline Maquet, Hélène Casalta, Kamal Touati, Arnaud Sartelet, Salem Djebala

Conflit d’intérêts

Aucun.

Points forts

→ L’attelle de Thomas modifiée ne peut être réalisée que pour des fractures fermées des membres antérieurs et postérieurs.

→ Elle peut être utilisée chez tous les bovins, mais elle est déconseillée pour traiter les fractures des membres postérieurs chez les animaux culards de plus de 300 kg.

→ Attelle en métal combinée avec de la résine, sa réalisation en ferme demande la présence d’une personne sachant souder et de deux aides.

→ Le taux de succès est de 70 %.

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