Antithyroïdiens de synthèse : étude des effets indésirables - Le Point Vétérinaire n° 377 du 01/07/2017
Le Point Vétérinaire n° 377 du 01/07/2017

ENDOCRINOLOGIE FÉLINE

Dossier

Auteur(s) : Carole Keryvin*, Élisabeth Bégon**, Myriam Burger***, Yassine Mallem****

Fonctions :
*Clinique vétérinaire des Rivières
87, rue de la Châtaigneraie 35600 Redon
**Anses-ANMV,
département pharmacovigilance,
8, rue Claude-Bourgelat, CS 70611,
35306 Fougères Cedex
***LDHVet, Oniris,
Atlanpole La Chantrerie, route de Gachet,
CS 40706, 44307 Nantes Cedex 3
****École nationale vétérinaire,
agroalimentaire et de l’alimentation,
La Chantrerie, Nantes-Atlantique

Les effets secondaires des antithyroïdiens sont souvent transitoires, modérés et peu fréquents, mais certains peuvent nécessiter l’arrêt du traitement.

L’hyperthyroïdie féline est une maladie systémique dont les signes cliniques sont induits par la thyrotoxicose. Elle représente la première endocrinopathie chez le chat et touche majoritairement les animaux âgés de plus de 10 ans. Les signes d’appel sont un amaigrissement associé à une polyphagie, une polyuro-polydipsie (PUPD), des troubles digestifs (vomissements, diarrhée), cardiaques (tachycardie, souffle cardiaque) et la palpation d’un ou de plusieurs nodules thyroïdiens de part et d’autre de la trachée (photo 1). Le diagnostic de certitude repose sur la mesure de la concentration basale en hormones thyroïdiennes circulantes (T4 totale et/ou T4 libre).

1 Options thérapeutiques possibles

Actuellement, quatre options thérapeutiques sont proposées : la radiothérapie, la thyroïdectomie, l’alimentation carencée en iode et les antithyroïdiens de synthèse. Si la radiothérapie est le traitement de référence, elle est en revanche peu utilisée en pratique, en raison de son coût et du peu de structures vétérinaires qui la proposent en France.

Dans la mesure où la radiothérapie et la thyroïdectomie sont des traitements irréversibles, il convient de s’assurer de l’absence d’une maladie rénale chronique sous-jacente susceptible de se révéler à la suite de la mise en place du traitement.

Le régime carencé en iode (Prescription Diet y/d®, Hill’s) semble apporter des résultats satisfaisants quant à l’évolution clinique, associés à une baisse de la thyroxinémie pour plus de la moitié des individus, et n’induit pas d’effet indésirable [3]. Cependant, l’observance (alimentation exclusive) reste le point limitant de cette option thérapeutique.

Les antithyroïdiens de synthèse représentent le traitement le plus utilisé en France, en raison de leur coût moindre à court terme et de leur facilité d’accès et d’emploi. Ils comportent deux représentants correspondant à trois médicaments autorisés en France lorsque cette étude a été réalisée : le thiamazole (Félimazole®, Thiaféline®) et un de ses précurseurs, le carbimazole (Vidalta®). Cependant, la contrainte majeure de ce traitement est l’administration quotidienne ou biquotidienne, sous forme de comprimés. L’observance n’est par conséquent pas toujours optimale. De plus, ces médicaments présentent un certain nombre d’effets indésirables (encadré 1 complémentaire sur lepointveterinaire.fr). Depuis mars 2017, une nouvelle présentation de thiamazole qui a obtenu son autorisation de mise sur le marché (AMM) en avril 2016 est commercialisée en France (Apelka®) : il s’agit d’une solution buvable.

Le choix du traitement se fait donc au cas par cas, en fonction des souhaits des propriétaires en termes de coût et de motivation, et de la facilité à médicaliser l’animal.

2 Études des effets indésirables

Comme pour tout médicament, les essais nécessaires pour l’obtention de l’AMM ont été réalisés sur une population de référence restreinte. Or l’hyperthyroïdie concerne les chats gériatriques, dont les fonctions physiologiques et le métabolisme sont altérés et qui présentent fréquemment des maladies intercurrentes. Des effets indésirables inattendus, ou bien connus mais dont la fréquence ou la gravité ne sont pas prévisibles, peuvent survenir chez ces individus plus fragiles.

La pharmacovigilance vétérinaire, organisée au niveau national par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail et l’Agence nationale du médicament vétérinaire (Anses-ANMV), a pour rôle de surveiller les effets indésirables et le rapport bénéfice/risque associés à un médicament après sa mise sur le marché, et de prendre les mesures qui en découlent, comme de compléter et/ou de rectifier le tableau des effets indésirables du résumé des caractéristiques du produit (RCP), en précisant leur fréquence d’apparition. La pharmacovigilance permet de connaître la tolérance du médicament après sa mise sur le marché.

Objectifs

Afin de recenser les effets indésirables et les manques d’efficacité associés à l’utilisation du thiamazole et du carbimazole, et de déterminer quelle conduite adopter, deux études distinctes et complémentaires ont été menées : l’une auprès de l’ANMV qui enregistre et évalue les déclarations de pharmacovigilance et l’autre auprès du laboratoire LDHVet situé à l’école vétérinaire Oniris, à Nantes, qui assure, entre autres, les diagnostics et suivis cliniques et biologiques de plus de 1 000 chats hyperthyroïdiens par an.

Matériel et méthodes

Pour chaque cas retenu dans ces deux études, les données épidémiologiques (race, sexe, âge de l’animal), les renseignements sur le traitement médical utilisé (molécule, dose et rythme d’administration), et les caractéristiques du ou des effets indésirables suspectés (délai d’apparition, description de l’effet indésirable, évolution) ou du manque d’efficacité sont détaillés. Avec l’ensemble de ces informations, une imputation est attribuée à chaque cas (l’ANMV a imputé ses propres cas et une imputation a été attribuée à ceux du LDHVet selon les recommandations du système ABON) (encadré 2). L’imputation correspond à une évaluation du lien de causalité entre le médicament antithyroïdien utilisé et les signes cliniques observés.

Ainsi, les cas imputés A et, dans une moindre mesure, les cas imputés B décrivent des effets indésirables déjà connus et le plus souvent cités dans le RCP. Ces cas permettent d’affiner au cours du temps la fréquence d’apparition de l’effet indésirable. À l’inverse, les cas O/ O1, difficiles à exploiter individuellement, permettent de décrire des effets indésirables jusqu’alors non répertoriés s’ils font l’objet de plusieurs déclarations.

En plus des effets indésirables, ces deux études ont recensé les manques d’efficacité du traitement antithyroïdien, c’est-à-dire une persistance des signes cliniques de l’hyperthyroïdie malgré une normalisation de la thyroxinémie.

Ainsi, au total 91 dossiers ont été sélectionnés pour l’étude de l’ANMV, dont 4 de manque d’efficacité, et 103 dossiers pour celle du LDHVet, dont 16 de manque d’efficacité.

3 Résultats

Analyse comparative des deux études

Les effets indésirables recensés dans l’étude du LDHVet et dans celle de l’ANMV sont les mêmes, mais leurs fréquences d’apparition sont très différentes. Ils sont le plus souvent connus et notifiés dans le RCP des médicaments à base de carbimazole et de thiamazole [1]. En revanche, leurs modalités de survenue sont bien distinctes entre les deux études.

→ Les cas du LDHVet recensent surtout des effets indésirables d’apparition progressive et insidieuse, détectés fortuitement lors des contrôles cliniques et biologiques réalisés dans le cadre du suivi du chat hyperthyroïdien.

Les cas de l’ANMV recensent surtout des effets indésirables d’apparition brutale et/ou graves, ou non connus jusqu’alors, qui engendrent une consultation chez le vétérinaire. Ce constat illustre les limites d’un système de déclaration “passif” : spontanément, le praticien déclare plus volontiers un effet indésirable apparu brutalement et peu de temps après l’instauration d’un traitement, tandis que les effets indésirables moins visibles ou survenant à long terme sont déclarés plus rarement car le lien potentiel avec un médicament administré est moins évident. L’analyse simultanée de ces deux bases de données permet de réaliser une étude plus exhaustive des effets indésirables.

Les effets indésirables associés aux antithyroïdiens de synthèse surviennent le plus souvent au cours des 3 premiers mois de traitement. Ils sont généralement modérés et transitoires, bien que certains puissent être plus graves.

Troubles rénaux

L’effet indésirable le plus souvent répertorié auprès du LDHVet et cité dans quelques déclarations de l’ANMV est l’augmentation plasmatique des paramètres rénaux, l’urémie et la créatininémie : 58,8 % des effets indésirables dans l’étude du LDHVet et 5,1 % dans celle de l’ANMV, soit 92/194 (47 %) pour les deux études. Cette augmentation est citée dans le RCP du carbimazole, mais pas dans celui du thiamazole [1]. Elle apparaît au cours du premier mois de traitement dans plus de la moitié des cas. La majorité des cas de l’étude du LDHVet se situe au stade 1 de la classification IRIS avant la mise en place du traitement. La proportion d’animaux situés dans les stades 2 et 3 augmente avec la mise en place du traitement. Cependant, aucun cas n’atteint le stade 4 (figure).

L’hyperthyroïdie féline, par sa production en excès d’hormones thyroïdiennes aux effets b adrénergiques, favorise l’augmentation de la contractilité cardiaque du cœur, donc du débit cardiaque, à l’origine d’une hypertension artérielle. Lors d’hyperthyroïdie, une élévation de la perfusion rénale associée à une hausse du débit de filtration glomérulaire peut entraîner la progression insidieuse d’une maladie rénale chronique sous-jacente. Lors de la mise en place d’un traitement antithyroïdien, la diminution de la thyroxinémie entraîne une baisse du débit de filtration glomérulaire. L’urémie et la créatininémie augmentent alors par défaut d’élimination et la maladie rénale sous-jacente est mise en évidence. Ainsi, plutôt qu’induire une insuffisance rénale chronique, les antithyroïdiens de synthèse révèlent une insuffisance rénale déjà existante, voire l’aggravent [5]. Ce phénomène est aussi constaté avec la radiothérapie et la thyroïdectomie de façon irréversible. C’est la raison pour laquelle il est conseillé de traiter préalablement l’animal avec les antithyroïdiens de synthèse pendant 1 mois, pour vérifier l’innocuité d’un traitement irréversible de l’hyperthyroïdie pour la fonction rénale. La mise en place d’un traitement antithyroïdien aux doses recommandées révèle une maladie rénale chronique sous-jacente dans 30 % des cas [5]. Dans les deux études, lorsque l’évolution a été renseignée, les paramètres rénaux diminuaient parfois légèrement si la dose d’antithyroïdien était elle-même diminuée, voire le traitement arrêté, mais ces paramètres ne revenaient pas dans les valeurs initiales pour autant. Il semblerait donc que l’aggravation de l’insuffisance rénale chronique sous-jacente soit un effet indésirable irréversible.

Troubles hépatiques

La deuxième catégorie d’effets indésirables la plus souvent rapportée au LDHVet (18,4 % des effets indésirables) et décrite dans les déclarations de l’ANMV (4 %) est l’atteinte hépatique associée au traitement antithyroïdien. Celle-ci, caractérisée par une augmentation des activités enzymatiques alanine aminotransférase (Alat) et phosphatase alcaline (PAL), apparaît dans le premier mois de traitement pour 75 % des cas, selon l’étude faite des déclarations de pharmacovigilance de l’ANMV et dans les 2 mois pour 50 % des chats de l’étude LDHVet. Deux formes de toxicité doivent être distinguées. L’une est modérée et découverte le plus souvent fortuitement lors d’un contrôle biochimique : c’est la plus fréquente. Elle est transitoire et disparaît le plus souvent spontanément, sans modification du traitement antithyroïdien. L’autre forme, plus rare, est caractérisée par une toxicité vraie, c’est-à-dire une augmentation importante des activités PAL et/ou Alat associée à un sérum ictérique et à une atteinte de l’état général (vomissements, ictère).

Une augmentation de l’activité Alat (jusqu’à 300 à 400 UI/l) est banale lors du diagnostic de l’hyperthyroïdie, les hormones thyroïdiennes induisant cette enzyme. C’est l’absence de diminution de cette activité enzymatique malgré le traitement aux antithyroïdiens et la normalisation de la thyroxinémie qui doit faire suspecter une toxicité hépatique du médicament.

Troubles systémiques

Les troubles systémiques sont ceux qui ne peuvent pas être liés à un organe ou à un appareil en particulier. C’est la classe d’effets indésirables la plus représentée dans l’étude de l’ANMV (36,1 % des effets indésirables). Ils représentent la troisième catégorie la plus citée dans l’étude des dossiers du LDHVet (8,8 %). Ces effets indésirables sont semblables dans les deux études (tableau). Ils accompagnent le plus souvent un tableau clinique où une ou plusieurs fonctions physiologiques sont atteintes. Il est par conséquent difficile d’interpréter ces troubles systémiques pris isolément. Le RCP du thiamazole cite l’anorexie, la dysorexie et la léthargie [1]. Celui du carbimazole ajoute à ces trois signes cliniques la PUPD, la déshydratation, l’amaigrissement, l’hyperthermie et la mort.

Troubles digestifs

Les troubles digestifs représentent respectivement les troisième et quatrième catégories d’effets indésirables dans les études faites auprès de l’ANMV (12,3 %) et du LDHVet (7,4 %). Les vomissements (56 % des effets indésirables digestifs dans l’étude de l’ANMV et 63 % dans celle du LDHVet) et les diarrhées (15 % et 27 % respectivement) sont les signes les plus souvent cités. Ces deux effets indésirables sont recensés à la fois dans les articles publiés et dans les RCP [1]. Dans de rares cas, des saignements gastro-intestinaux (hématémèse, diarrhée hémorragique, hémorragies du tractus digestif) sont observés, lors de l’utilisation du carbimazole uniquement. Ils sont cités dans le RCP correspondant [1].

Troubles hématologiques et lymphatiques

L’ANMV a recensé des troubles hématologiques et lymphatiques (13,4 %) qui ne sont pas cités dans l’étude du LDHVet, probablement parce que les numération et formule sanguines sont rarement réalisées lors des contrôles de chats hyperthyroïdiens. L’anémie (35 %) est le signe le plus représenté dans cette catégorie, avec parfois des saignements associés (hématémèse, hémothorax, hémorragies diverses). Une thrombopénie et des anomalies de la lignée leucocytaire ont aussi été déclarées : leucopénie, neutropénie, lymphopénie, lymphocytose, neutrophilie, éosinophilie. Aucune atteinte de la lignée monocytaire n’a été déclarée. Enfin, une lymphadénopathie a été citée dans un cas. Ces effets indésirables représentent une très faible proportion (< 5 %) de l’ensemble des effets indésirables déclarés auprès de l’ANMV. Ils sont tous cités dans les RCP du thiamazole et du carbimazole [1].

Prurit facial

Le prurit facial, peu fréquent, est cependant à noter car il a été cité à la fois dans l’étude du LDHVet (deux cas, 1,5 % des effets indésirables) et dans celle de l’ANMV (dix cas, 3,6 % des effets indésirables). Il survient dans les premiers mois du traitement. Il est souvent très intense, caractérisé par des lésions de grattage. Il concerne le plus fréquemment la tête, le cou et les oreilles, avec une extension possible au reste du corps (léchage intensif) par la suite, et s’accompagne de lésions dermatologiques secondaires (érythème, dermatite, ulcération cutanée, présence de croûtes, etc.). Cet effet indésirable est lui aussi cité dans les RCP du thiamazole et du carbimazole, ainsi que dans les publications [1, 4].

Autres effets indésirables

D’autres effets indésirables ont été recensés dans de rares cas auprès de l’ANMV, notamment des troubles neurologiques et respiratoires. L’ataxie est le signe neurologique le plus souvent décrit, aussi bien avec le thiamazole qu’avec le carbimazole. Elle est citée dans le RCP du carbimazole, mais pas dans celui du thiamazole [1]. Des convulsions, des crises d’épilepsie et des pertes de connaissance ont été parfois déclarées auprès de l’ANMV, mais ne sont pas décrites dans les RCP. Une surveillance toute particulière et une déclaration de ces effets indésirables sont indispensables.

Des troubles respiratoires ont été rapportés, tels qu’une dyspnée ou une tachypnée. Ils sont énoncés dans le RCP du carbimazole, mais pas dans celui du thiamazole [1].

Des troubles du comportement (égarement, anxiété, vocalises, agressivité), ainsi que des anomalies cardiaques ont été cités, mais il semble peu probable que le traitement antithyroïdien en soit responsable au vu de l’imputation attribuée à ces cas. Ils ne sont pas cités dans les RCP.

Manque d’efficacité

Un certain nombre de cas de manque d’efficacité (persistance des signes cliniques d’hyperthyroïdie malgré une normalisation de la thyroxinémie) ont été répertoriés (vingt cas au total dans les deux études, soit 10 %). Les signes cliniques rapportés sont la léthargie, l’amaigrissement, la polyphagie, la PUPD, les vomissements, la diarrhée et les troubles cardiaques.

Cependant, la présence de maladies intercurrentes rend difficile l’interprétation de l’origine de ces signes cliniques. L’exemple le plus marquant est l’insuffisance rénale chronique concomitante, caractérisée notamment par un amaigrissement, une léthargie, une PUPD et des vomissements.

4 Quel suivi adopter ?

Le traitement de l’hyperthyroïdie par les antithyroïdiens de synthèse est un défi pour plusieurs raisons : tout d’abord, l’administration quotidienne (carbimazole), voire biquotidienne (thiamazole), de comprimés per os peut compromettre l’observance. De plus, le suivi régulier de l’animal est parfois contraignant pour le propriétaire. Enfin, les animaux traités sont âgés et leur métabolisme peut être altéré, notamment en présence de maladies intercurrentes. Tous ces facteurs font que la réponse au traitement médical est variable d’un animal à l’autre. C’est pourquoi un suivi à la fois clinique et biologique régulier est indispensable. Les effets indésirables apparaissant le plus souvent au cours des 3 premiers mois de traitement, le suivi doit être d’autant plus rigoureux durant cette période.

Lors de la mise en place du traitement, il convient d’indiquer au propriétaire les objectifs et les contraintes de celui-ci, l’importance de son observance, l’apparition d’éventuels effets indésirables et, enfin, le suivi nécessaire de l’animal. Une évaluation des fonctions rénale (urémie, créatinémie et phosphatémie) et hépatique (activités Alat et PAL) doit être réalisée au moment du diagnostic. Le thiamazole et le carbimazole sont des inhibiteurs enzymatiques de la synthèse de T3 et de T4(1).

Comme seule la synthèse est affectée, et non la libération des hormones thyroïdiennes, les effets cliniques des antithyroïdiens n’apparaissent qu’une fois les réserves des hormones thyroïdiennes régulées, soit quelques semaines après le début du traitement. Ainsi, un premier contrôle à la fois clinique et biologique est conseillé 3 semaines après la mise en place du traitement, délai au-delà duquel une amélioration clinique de l’animal est décelée (photo 2). Un contrôle à 1 mois, puis à 3 mois est ensuite recommandé, pour vérifier la bonne tolérance et l’efficacité du traitement, et pour adapter la dose. Ensuite, si l’état tant clinique que biologique de l’animal est satisfaisant, un suivi tous les 6 mois est suffisant.

À chaque contrôle, il est recommandé de faire le point avec le propriétaire sur l’observance et la tolérance du traitement. Ensuite, il convient de réaliser un examen clinique rigoureux associé, si possible, à une mesure de la pression artérielle. Des dosages de la thyroxinémie, de la créatininémie et de l’activité Alat doivent être réalisés a minima à chaque contrôle, pour suivre respectivement l’évolution de l’hyperthyroïdie, et des fonctions rénale et hépatique. De plus, il est conseillé d’effectuer au moins une numération et une formule sanguines au cours des 3 premiers mois pour surveiller l’apparition d’éventuelles anomalies hématologiques. Enfin, si des effets indésirables surviennent, il convient de réaliser les examens complémentaires requis au cas par cas.

5 Conduite à tenir en présence d’effets indésirables

Avant toute chose, il est indispensable de déclarer les effets indésirables ou les manques d’efficacité, soit auprès de l’ANMV par courrier postal ou via le portail de télédéclaration disponible sur https://pharmacovigilance-anmv.anses.fr, soit en appelant le Centre de pharmacovigilance vétérinaire de Lyon au 04 78 87 10 40.

La plupart des effets indésirables associés au traitement par les antithyroïdiens de synthèse sont modérés et transitoires. Il convient cependant de les traiter au cas par cas.

Lors d’insuffisance rénale

Lors d’apparition clinique et biologique d’une insuffisance rénale chronique, l’objectif est de trouver le meilleur compromis pour le confort de l’animal. Dans certains cas, l’insuffisance rénale se stabilise après quelques mois de traitement antithyroïdien, mais, dans d’autres, elle ne cesse de s’aggraver. Dans ce dernier cas de figure, il convient de commencer par diminuer la dose d’antithyroïdien. Dans les formes sévères, l’arrêt du traitement est requis. Lorsqu’une hypercréatininémie est mise en évidence, il est conseillé d’évaluer plus précisément la fonction rénale (mesures de la calcémie, de la phosphatémie, de la kaliémie, de l’albuminémie et de la protéinémie, analyse d’urine).

Lors de troubles hépatiques

Les hormones thyroïdiennes induisant une augmentation de l’activité Alat, il s’agit de s’assurer de leur diminution après la mise en place du traitement. En revanche, en cas d’hépatotoxicité vraie (persistance ou aggravation d’une activité Alat élevée malgré le traitement antithyroïdien et la normalisation de la thyroxinémie), il est recommander de diminuer les doses d’antithyroïdiens, voire de les interrompre. Le “rechallenge”, c’est-à-dire la reprise du traitement antithyroïdien après disparition des effets indésirables, est déconseillé dans ce cas car l’hépatotoxicité réapparaît et est le plus souvent plus sévère.

Lors de troubles systémiques

Les troubles systémiques et digestifs doivent être traités au cas par cas selon la gravité des effets observés. Dans les rares cas où aucune amélioration n’est décelée, le traitement antithyroïdien est arrêté.

Concernant le prurit facial, la réponse aux corticoïdes est variable [4]. Il est conseillé d’interrompre le traitement antithyroïdien assez rapidement en l’absence d’amélioration.

Quand l’arrêt du traitement par l’antithyroïdien de synthèse est nécessaire, il est alors intéressant d’envisager une alimentation carencée en iode. Cette option thérapeutique offre de bons résultats si l’exclusivité de l’alimentation est respectée (chat sans accès à l’extérieur et ne recevant pas d’à-côté) [3]. Une autre possibilité est d’associer une faible dose d’antithyroïdien de synthèse et cette alimentation carencée en iode, en réalisant des contrôles rapprochés au début.

Quand pratiquer un traitement définitif ?

Si des effets indésirables apparaissent, mais que la fonction rénale est stable après 3 mois d’antithyroïdiens, il est alors envisageable d’opter pour un traitement définitif, à savoir la radiothérapie ou la thyroïdectomie. En pratique, la radiothérapie est peu réalisée en France, en raison de son coût et par manque de structures qui offrent cette option thérapeutique. La thyroïdectomie nécessite, quant à elle, une certaine expérience de la part du chirurgien en raison des structures anatomiques proches de la thyroïde, notamment les glandes parathyroïdes (risque d’hypo­parathyroïdie iatrogène) et le nerf récurrent laryngé. Il est conseillé de réaliser une scintigraphie préalable pour visualiser le ou les nodules thyroïdiens et localiser un éventuel tissu ectopique. Néanmoins, cette option thérapeutique peut être intéressante lorsque l’animal est difficile à traiter ou chez un chat très âgé qui présente un nodule thyroïdien à la palpation(1).

Conclusion

Si les antithyroïdiens de synthèse semblent être le traitement de choix en première intention lors d’hyperthyroïdie féline, ils présentent néanmoins certaines contraintes (administration per os quotidienne et à vie rendant l’observance délicate) et quelques effets indésirables qu’il convient de connaître. Les principaux d’entre eux sont l’insuffisance rénale chronique, la toxicité hépatique, la léthargie, l’anorexie, les troubles hématologiques et digestifs. La plupart sont modérés et transitoires, mais il convient de réaliser un suivi clinique et biologique rigoureux et régulier de l’animal, notamment au cours des premiers mois de traitement pour l’adapter si besoin, voire opter pour une autre solution thérapeutique.

Article rédigé d’après Keryvin C. La pharmacovigilance des antithyroïdiens de synthèse : étude rétrospective de 194 cas. Thèse de doctorat vétérinaire. Faculté de médecine de Nantes, Oniris, École nationale vétérinaire, agroalimentaire et de l’alimentation Nantes-Atlantique. 2016:264p.

  • (1) Voir figure dans l’article “L’hyperthoïdie féline : une gestion au cas par cas” de L. Jaillardon, dans ce numéro.

Références

  • 1. Anses. Index des médicaments vétérinaires autorisés en France [en ligne]. Disponible sur : http://www.ircp.anmv.anses.fr/index.aspx
  • 2. European Medicines Agency. Recommendation on harmonising the approach to causality assessment for adverse events to veterinary medicinal products [en ligne]. Disponible sur : http://www.ema.europa.eu/docs/en_GB/document_library/Scientific_guideline/2013/10/WC500152655.pdf
  • 3. Pavageau A. Essai d’évaluation du traitement de l’hyperthyroïdie féline par un aliment désiodé (Y/D Hill’s). Étude rétrospective (2011-2015) à partir de 211 cas cliniques. Thèse de doctorat vétérinaire, Faculté de médecine, Nantes. Oniris, École nationale vétérinaire, agroalimentaire et de l’alimentation Nantes-Atlantique. 2015:136p.
  • 4. Perterson ME, Kintzer PP, Hurvitz AI. Methimazole treatment of 262 cats with hyperthyroidism. J. Vet. Intern. Med. 1988;2(3):150-157.
  • 5. Scott-Moncrieff JCR. Feline hyperthyroidism. In: Feldman EC, Nelson RW, Reusch CE et coll. Canine and feline endocrinology. 4e ed. Saunders Elsevier, St Louis. 2015:136-195.

Conflit d’intérêts

Aucun.

ENCADRÉ 2
Description du système ABON

Le système ABON évalue le lien de causalité entre le médicament incriminé et les signes cliniques observés. Une imputation A caractérise un lien de causalité probable, B un lien possible, O correspond à un dossier non classable par manque d’information pertinente, O1 (subdivision du O) à un dossier non conclusif, non par manque d’information, mais parce que l’effet indésirable n’a pas été décrit jusqu’alors.

Enfin, N représente un lien improbable, c’est-à-dire qu’une cause autre que le médicament est responsable de l’apparition des signes cliniques.

D’après [2].

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