Aider les éleveurs à bien écorner - Le Point Vétérinaire expert rural n° 377 du 01/07/2017
Le Point Vétérinaire expert rural n° 377 du 01/07/2017

BIEN-ÊTRE ANIMAL

Fiche

Auteur(s) : Béatrice Mounaix*, Maryse Le Guénic**

Fonctions :
*Institut de l’élevage,
Service Santé et bien-être des ruminants,
Lieu-dit Monvoisin, BP 85225
35652 Le Rheu cedex
**Chambres d’agriculture de Bretagne,
équipe Herbivores Ouest
Avenue Borgnis-Desbordes, BP 398
56009 Vannes Cedex

Les éleveurs sont progressivement formés à écorner dans le respect de leur confort et du bien-être animal.

Dans le cadre du projet AccEC, des formations pratiques à l’écornage des veaux ont été conçues et testées par la chambre d’agriculture de Bretagne, en 2015-2016. Elles sont actuellement déclinées sous d’autres formes et par divers acteurs en Bretagne, et ailleurs en France [1]. Ces formations sont souvent accompagnées par un vétérinaire, notamment pour la prise en charge de la douleur. Par le biais du bouche à oreille, une demande des éleveurs pourrait émerger car un meilleur confort d’intervention leur est promis. Or l’écornage les rebute parfois(1). Les questions aux vétérinaires praticiens sur ce thème pourraient donc devenir plus fréquentes. Un bon écornage requiert une maîtrise de l’analgésie (photo 1). Le vétérinaire, qui prescrit en élevage les médicaments dédiés, encadre et vérifie aussi leur utilisation adaptée. En prenant connaissance des recommandations pratiques qui ont émergé du travail de recherche sur les bonnes pratiques d’écornage, les vétérinaires praticiens en rurale peuvent anticiper un discours maîtrisé et harmonisé vis-à-vis des autres acteurs de la filière (encadrés 1 à 6). Sur ce thème afférant au bien-être animal, les attentes sociétales sont fortes et toute la filière peut y gagner.

  • (1) Voir l’article “Quelle perception et quels progrès après une formation des éleveurs en matière d’écornage ?” de M. Le Guénic, dans ce numéro.

  • (1) www.rmt-bien-etre-animal.fr

    Dose I : 0,05 mg/kg (soit 0,25 ml/100 kg)

    Dose II : 0,1 mg/kg (soit 0,5 ml/100 kg

    Dose III : 0,2 mg/kg (soit 1 ml/100 kg)

    Dose IV : 0,3 mg/kg (soit 1,5 ml/100 kg)

Références

Conflit d’intérêts

Aucun.

ENCADRÉ 1
La contention, plus éthique et plus pratique

→ Pour écorner confortablement un animal, il s’agit avant tout de s’organiser (tableau). Un déroulé en étapes a été testé dans le cadre d’un projet de recherche mené par le réseau mixte technologique (RMT) Bien-être animal (projet AccEC(1)). Dans un premier temps, la tête du veau est immobilisée, ce qui permet d’intervenir plus facilement, plus précisément, plus efficacement et en toute sécurité, à la condition que le dispositif convienne à la taille du veau. Le cornadis est à réserver aux veaux de race laitière. Il doit être solide et de taille adaptée à l’âge. Lui ajouter un anneau ou y fixer un licol peuvent améliorer la contention. La cage est indispensable pour les veaux de race allaitante. Il convient de vérifier sa taille et la capacité d’immobilisation obtenue. Habituer le veau allaitant à y entrer avant l’écornage limite le stress.

→ Une alternative à la contention physique est la sédation à la xylazine, à manier avec précaution : à la dose II, le veau se relève lors de l’application du fer. À la dose III, la sédation est en général suffisante, mais ce dosage nécessite de bien connaître le poids du veau, d’être précis et d’informer les éleveurs sur les risques paradoxaux observables sur des veaux stressés.

ENCADRÉ 2
Le pourquoi du comment écorner

Les animaux écornés sont plus faciles à manipuler et présentent moins de risques de blessures pour l’éleveur et leurs congénères en élevage (par exemple, lors du mélange de lots, de la rentrée en bâtiment), au cours du transport et jusqu’à l’abattoir. Le comportement de compétition a moins d’impact. Tout surcroît de travail lié à une corne qui se casse accidentellement est ainsi évité (gestion de l’hémorragie, surveillance après traitement). En plus des aspects de conduite d’élevage, il s’agit de gérer une cause importante de dépréciation des viandes et des cuirs.

ENCADRÉ 3
Comment inciter les éleveurs à intervenir précocement

Il est recommandé d’intervenir entre 2 et 4 semaines d’âge. Initialement, le bourgeon cornual (cornillon) n’est qu’un amas de cellules dermiques (peau). À la naissance, il est flottant dans la peau, pas encore rattaché à l’os du crâne. Plus ou moins vite selon les individus et les races, il se soude à celui-ci (généralement dans les 2 premiers mois de vie) (photo 2). Par la suite, la corne communique avec le sinus frontal. Elle est vascularisée avec la zone alentour par une artère et une veine spécifiques (dites “cornuales”). Ces vaisseaux sont très actifs dans le jeune âge, et chargés de nourrir le cornillon pour qu’il se développe. La zone du cornillon est innervée et l’animal ressent alors de la douleur qui doit être prise en compte, notamment pendant cette phase de croissance active. Si l’écornage est réalisé chez des veaux de moins de 2 mois (“ébourgeonnage”), le bourgeon est détruit facilement. La cautérisation chimique (pâte caustique) doit être réservée aux très jeunes animaux. Elle doit être utilisée avec précaution pour ne pas brûler l’animal au-delà du cornillon, mais aussi pour éviter que d’autres bovins ne touchent le produit et ne se brûlent (vaches, autres veaux), et pour la sécurité du manipulateur. La cautérisation thermique au brûle-corne est également possible : elle vise à couper l’irrigation du bourgeon, et non à le brûler directement. Elle peut être réalisée à un âge plus avancé, mais se révèle plus difficile et plus risquée à mettre en œuvre au-delà de 2 mois (les complications sont liées à l’ouverture du sinus avec lequel la corne communique au bout de quelques semaines : infections, hémorragies).

ENCADRÉ 4
Gérer la douleur

La réglementation française ne traite pas l’écornage, mais les recommandations du Conseil de l’Europe indiquent que « l’écornage et l’ébourgeonnage des animaux de plus de 4 semaines devront être réalisés sous anesthésie locale ou générale (réalisée par un vétérinaire ou toute autre personne qualifiée) » (comité de la Convention européenne. Recommandations du 21 octobre 1988, article 17). Avant cet âge, l’anesthésie n’est pas obligatoire, mais l’intervention doit être pratiquée « de façon à éviter toute douleur ou angoisse inutile ou prolongée », et « par une personne expérimentée ». La zone du cornillon et de la corne est richement innervée. Intervenir à ce niveau provoque alors une douleur, qui comporte trois composantes sur lesquelles il est possible d’agir : le stress dû aux manipulations (grâce à un sédatif), la sensation de douleur lors de la lésion des tissus de la corne (par un anesthésique) et la douleur inflammatoire après l’écornage (via un anti-inflammatoire) (photo 3) [2].

ENCADRÉ 5
Du bon matériel bien utilisé

La taille de l’embout doit être adaptée au diamètre du cornillon à cautériser, pour ne pas induire une brûlure trop importante. Tirer l’oreille vers l’arrière permet d’éloigner l’artère cornuale et de diminuer le risque d’hémorragie. Lorsque le fer est chaud, il est posé sur le cornillon à la perpendiculaire du crâne en effectuant une rotation de 45° dans les deux sens pour obtenir un anneau de cautérisation uniforme. Le geste dépend du matériel : se former permet de choisir l’équipement adapté à l’âge des animaux et de bien l’utiliser.

Dans tous les cas il est inutile d’appuyer fortement ou de pencher le fer, car cela augmente le risque de saignements. Dix secondes de cautérisation sont nécessaires et suffisantes. Le bourgeon tombe spontanément quelques jours après l’intervention. (photo 4).

ENCADRÉ 6
Vérifier, désinfecter, surveiller

→ La tonte préalable facilite a posteriori l’inspection de l’anneau de cautérisation après l’ébourgeonnage (de plus, elle ralentit l’encrassement du fer et diminue les risques infectieux) (photo 5).

→ En cas de saignement important, la plaie est comprimée à l’aide d’une compresse pendant quelques minutes.

→ Du spray antiseptique est appliqué pour limiter les risques infectieux, mais aussi pour refroidir les tissus cautérisés (placer la bombe au réfrigérateur avant).

→ Dans les jours qui suivent, la plaie est contrôlée, des signes de douleur sont recherchés et l’état du veau est apprécié quotidiennement. Au-delà de l’âge de 2 mois, des sinusites sont possibles, avec l’apparition de pus, un veau qui se frotte la tête ou la garde basse, et qui est apathique, anorexique et fiévreux. Dans tous les cas, il convient d’intervenir rapidement pour maîtriser l’infection.

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