ÉTAPE 3 : Validation et interprétation des résultats d’automate - Le Point Vétérinaire n° 376 du 01/06/2017
Le Point Vétérinaire n° 376 du 01/06/2017

EN 10 ÉTAPES

Auteur(s) : Laetitia Piane*, Catherine Trumel**

Fonctions :
*Équipe de biologie médicale-histologie, Crefre, université
de Toulouse, Inserm-UPS-ENVT,
31400 Toulouse

La réalisation d’un hémogramme de référence chez un animal sain est essentielle pour valider les résultats obtenus selon le type d’automate utilisé. Plusieurs exemples et un cas clinique illustrent les anomalies les plus fréquentes.

Il peut exister autant de différences entre deux lymphocytes qu’entre un chihuahua et un dogue allemand. C’est en cela qu’il est parfois difficile pour un automate d’hématologie d’identifier correctement les cellules. Il est donc essentiel de ne pas se fier aux résultats chiffrés sans une analyse consciente des courbes et des nuages de points, l’interprétation des résultats se faisant toujours à la lumière d’un frottis sanguin.

VALIDATION ET INTERPRÉTATION DES RÉSULTATS DES HÉMATIES ET DES PLAQUETTES

Il est nécessaire dans un premier temps de vérifier l’adéquation entre l’hématocrite (Ht) et l’hémoglobinémie (Hb) (l’Hb équivaut environ au tiers de l’Ht) [2]. Pour ce faire, il convient de mesurer la concentration corpusculaire moyenne en hémoglobine (CCMH). Elle doit être inférieure à 39 g/dl. Une CCMH supérieure à 39 est anormale, l’hyperchromie n’existant pas. Ainsi, le résultat d’une CCMH augmentée ne peut être validé et il convient d’en rechercher la cause. La CCMH étant égale au rapport Hb/Ht, elle peut être surestimée en raison soit d’une surestimation de l’Hb, soit d’une sous-estimation de l’Ht. Il convient donc dans un premier temps de regarder la couleur du plasma (l’hémolyse ou la lipémie pouvant influer sur la mesure de l’Hb). Si la couleur du plasma ne présente pas d’anomalie, l’Ht doit être confirmé par la réalisation d’un micro-Ht. D’autres causes, plus rares, peuvent être à l’origine d’erreurs, par exemple lors de leucocytose ou de thrombocytose majeures ou en présence de corps de Heinz (modification de la turbidité du plasma).

Ensuite, les courbes et les nuages de points doivent être contrôlés en fonction de la technique utilisée.

1. Automates à variation d’impédance

En variation d’impédance, pour être validée, la courbe des hématies doit partir de la ligne de base et y revenir en formant une montagne. Cette courbe doit se superposer à celle d’un animal sain.

Lors d’anémie régénérative ou de réticulocytose, les réticulocytes étant plus gros que les hématies matures, la courbe présente un élargissement ou un épaulement sur la droite. À l’inverse, lors d’anémie microcytaire ou de microcytose/poïkilocytose, les hématies (ou les fragments d’hématie) étant plus petites que les hématies matures, un épaulement ou un déplacement sur la gauche de la courbe est observé (figure 1).

Pour être validé, l’histogramme des plaquettes doit démarrer de zéro et y retourner en formant une montagne. Cette courbe doit se superposer à celle d’un animal sain.

Une erreur est suspectée lorsque la courbe d’impédance ne revient pas à zéro. Cela peut, par exemple, s’observer en présence d’agrégats plaquettaires, de macroplaquettes ou de microcytose (figure 2). Lors de microcytose, la courbe des hématies peut être très fortement déplacée vers la gauche et se retrouver sur le graphique des plaquettes. La fin de la courbe des plaquettes se superpose avec le début de celle des hématies et ne revient pas à zéro. Il en résulte ainsi des erreurs de comptages des hématies et des plaquettes [2].

2. Automates à cytométrie en flux

En cytométrie en flux, pour être validés, les nuages de points des hématies et des plaquettes doivent être distincts les uns des autres et se superposer aux nuages de points d’un animal sain. Pour être validé, le nuage de points des réticulocytes doit être distinct du nuage de points des plaquettes sur la droite du graphique. Il doit former une “queue de comète” en continuité avec le nuage de points des hématies et se superposer au nuage de points d’un animal sain.

Une erreur est suspectée dès lors que les nuages de points ne sont pas séparés bien distinctement les uns des autres ou lorsque le nuage de points des réticulocytes ne forme pas une “queue de comète” de densité décroissante, ou qu’il est en discontinuité avec le nuage de points des hématies.

Par exemple, lors d’anémie microcytaire ou de microcytose/poïkilocytose, le nuage de points des hématies peut fusionner avec celui des plaquettes (l’axe des ordonnées représentant le volume cellulaire) (figure 3).

Lors d’anémie régénérative ou de réticulocytose, les réticulocytes contenant plus d’acide ribonucléique (ARN), un nuage de points en “queue de comète” de densité décroissante et en continuité avec le nuage de points des hématies est visible. Plus les réticulocytes sont jeunes, plus ils possèdent d’ARN et plus ils sont situés sur la droite du nuage de points des réticulocytes. Plus ils sont vieux, moins ils contiennent d’ARN et plus ils sont proches des hématies. Au sein d’une population de réticulocytes, le processus de maturation est permanent, ce qui permet d’expliquer cette “queue de comète” en continuité avec le nuage de points des hématies. Lorsque le nuage de points des réticulocytes n’est pas en continuité avec celui des hématies, il ne s’agit pas de réels réticulocytes. Il est alors possible de suspecter la présence de cellules anormales (par exemple, une leucémie aiguë) ou d’hématies parasitées (par exemple, des piroplasmes) [1]. Le comptage des réticulocytes est alors erroné et l’anémie peut être faussement considérée comme régénérative. Il convient donc de vérifier sur le frottis sanguin le caractère régénératif ou non de l’anémie et/ou de réaliser un comptage manuel des réticulocytes à l’aide d’une coloration spécifique (nouveau bleu de méthylène ou bleu de Crésyl brillant, par exemple).

Lors d’anémie régénérative, il peut également arriver que le nuage de points des plaquettes ne soit pas correctement séparé de celui des réticulocytes, par exemple en présence de macroplaquettes, ce qui peut entraîner une surestimation ou une sous-estimation de la numération des plaquettes ou des réticulocytes.

3. Analyse quantitative du buffy coat

Avec l’analyse quantitative du buffy coat, pour valider les résultats des hématies, le trait de séparation doit être bien placé en regard du point d’inflexion de la courbe d’ADN (trait gras) entre les hématies et les granulocytes.

Lors d’anémie régénérative, par exemple, des réticulocytes (voire des érythroblastes) sont présents dans le sang circulant. Les réticulocytes contiennent de l’ARN et les érythroblastes de l’ADN, ce qui entraîne une élévation des courbes d’ARN et d’ADN qui vont se dissocier. Lors d’érythroblastose, l’automate a très souvent des difficultés à faire la séparation avec les granulocytes et ne donne pas de résultats chiffrés, ou met une alarme (figure 4).

Pour pouvoir valider les résultats des plaquettes, les traits de séparation doivent être bien placés en regard du point d’inflexion descendant de la courbe d’ADN entre lymphocytes/monocytes et plaquettes, puis de la courbe d’ARN entre plaquettes et plasma.

Les agrégats plaquettaires peuvent apparaître sous la forme d’un pic d’ARN tout à gauche du tracé lorsqu’ils se retrouvent au-dessus du flotteur, ou sous la forme d’une trémulation de la ligne d’ARN ou d’ADN lorsqu’ils se répartissent dans tout le tube. L’automate indique alors la présence de ces agrégats soit par un “>”, soit par une alarme.

VALIDATION ET INTERPRÉTATION DES RÉSULTATS DES LEUCOCYTES

1. Automates à variation d’impédance

En variation d’impédance, pour être validée, la courbe des leucocytes doit partir de la ligne de base et y revenir en formant deux montagnes séparées par une vallée. Elle doit également se superposer à la courbe d’un animal sain.

En présence de neutrophiles jeunes ou toxiques, la courbe des neutrophiles peut être arrondie et élargie, voire s’étendre au-delà des 300 fl en regard de la zone des éosinophiles pour certains automates (figure 5).

La première montagne correspond à la population des lymphocytes chez un animal sain, mais lorsque des érythroblastes ou des agrégats plaquettaires de la taille des lymphocytes sont présents, ils sont comptés comme des lymphocytes.

Lors de leucémie aiguë, en présence de lymphocytes ou de monocytes réactionnels, une mauvaise séparation des différentes populations peut être observée. Des cellules blastiques apparaissent également parfois dans la zone des éosinophiles.

Les petits agrégats plaquettaires peuvent aussi être comptés en leucocytes par impédance et interférer avec les courbes, et générer des signaux anormaux en se superposant aux lymphocytes, aux monocytes ou aux granulocytes en fonction de la taille des agrégats.

2. Automates à cytométrie en flux

En cytométrie en flux, pour être validés, les nuages de points des différentes sous-populations de leucocytes doivent être distincts les uns des autres, et également se superposer aux nuages de points d’un animal sain.

Une erreur est suspectée lorsque les nuages de points ne sont pas nettement séparés et/ou qu’ils ne peuvent se superposer au graphique d’un animal sain (figure 6). Ainsi, en présence de band cells, le nuage des neutrophiles a une fluorescence plus importante et vient fusionner avec celui des lymphocytes avec certains automates (Sysmex XT 2000iV, Procyte, Idexx), qui peuvent alors mentionner leur présence. Dans ce cas-là, la formule sanguine est fausse et doit être appréciée à l’aide de la lecture d’un frottis sanguin.

3. Analyse quantitative du buffy coat

Avec l’analyse quantitative du buffy coat, pour pouvoir valider les résultats des leucocytes, les traits de séparation doivent être bien placés en regard du point d’inflexion entre les hématies et les granulocytes, entre les granulocytes et les lymphocytes/monocytes et entre les lymphocytes/monocytes et les plaquettes (figure 7).

APPLICATION PRATIQUE

Un chiot american staffordshire terrier de 3 mois est présenté en consultation pour une diarrhée. Un hémogramme est réalisé et passé dans deux automates d’hématologie, un automate à variation d’impédance (VetABC plus, Scil) et un automate à cytométrie en flux (Procyte, Idexx).

1. Résultats chiffrés, graphiques et frottis sanguin

Variation d’impédance

Les résultats obtenus avec l’automate à variation d’impédance mettent en évidence une anémie normocytaire normochrome, une thrombocytose et une leucocytose neutrophilique avec une lymphocytose, une monocytose et une éosinophilie (tableau 1). Les courbes obtenues sont analysées (figure 8).

Cytométrie en flux

Les résultats obtenus avec l’automate à cytométrie en flux mettent en évidence une anémie normocytaire limite hypochrome régénérative, une thrombocytose et une leucocytose neutrophilique avec une lymphocytose et une monocytose (tableau 2). L’automate fait mention de la présence de band cells. Les nuages de points obtenus sont analysés (figure 9).

Analyse du frottis sanguin

Le frottis sanguin a confirmé le caractère régénératif de l’anémie (polychromatophilie marquée) et mis en évidence la présence d’une population d’hématies de petite taille et hypochromes. Une leucocytose neutrophilique et une monocytose associées à la présence de band cells sont également observées. La thrombocytose est confirmée et le comptage manuel donne une numération à 630 x 103 plaquettes/µl (photos 1a à 1d).

2. Interprétation des résultats

Variation d’impédance

Le frottis n’a pas montré d’agrégats plaquettaires ni de macroplaquettes, mais une population d’hématies de petite taille a été observée, ce qui explique pourquoi la courbe des plaquettes ne revient pas à zéro et pourquoi la courbe des hématies est déplacée sur la gauche. La numération plaquettaire a été surestimée (selon le comptage manuel) et la numération des hématies probablement sous-estimée, mais l’interprétation de l’anémie ne s’en trouve pas modifiée (en se référant à l’hémoglobinémie et au volume globulaire moyen).

L’automate mentionne une éosinophilie qui n’a pas été confirmée par le frottis sanguin. En revanche, ce dernier a mis des band cells en évidence.

Cytométrie en flux

L’observation d’hématies de petite taille concorde avec la descente du nuage de points des hématies vers celui des plaquettes et la polychromatophilie confirme le caractère régénératif de l’anémie.

L’automate avait suspecté la présence de band cells qui se traduit par un nuage des neutrophiles qui monte et fusionne avec celui des lymphocytes. Le résultat de la cytométrie en flux aboutit à une surestimation de la numération des lymphocytes (fausse lymphocytose) et des monocytes et à une sous-estimation de la numération des neutrophiles.

Conclusion

Pour pouvoir valider les résultats chiffrés donnés par un automate, il convient de s’assurer que les courbes et/ou les nuages de points se superposent à ceux d’un animal sain. Il est donc important de réaliser un hémogramme témoin pour chaque espèce afin de s’y référer systématiquement. Si les courbes ou les nuages de points ne sont pas validés, il est nécessaire de réaliser un frottis sanguin pour déterminer les anomalies vraies et apprécier la morphologie des cellules.

Références

  • 1. Piane L, Young KM, Giraud L et coll. Spurious reticulocyte pro les in dogs with large form babesiosis: a retrospective study. Vet. Clin. Pathol. 2016;45:598-603.
  • 2. Weiss DJ, Tvedten H. The complete blood count, bone marrow examination and blood banking. In: Willard MD, Tvedten H. Small animals clinical diagnosis by laboratory methods. 5th ed. Saunders Elsevier, St Louis, Missouri. 2012:12-37.

Conflit d’intérêts

Aucun.

Points forts

→ Pour valider les résultats chiffrés de l’automate, il convient de toujours comparer les graphiques et les nuages de points à ceux d’un animal sain.

→ Lorsque la courbe d’impédance des plaquettes ne revient pas à zéro, la numération ne peut pas être validée, et la présence d’agrégats plaquettaires, de macroplaquettes ou de petites hématies doit être recherchée.

→ Avec un automate à cytométrie en flux, lors de band cells ou de neutrophiles toxiques, le nuage de points des neutrophiles peut monter et fusionner avec celui des lymphocytes, entraînant une surestimation de la numération des lymphocytes et une sous-estimation de la numération des neutrophiles.

→ Lors d’anémie régénérative, l’analyse quantitative du buffy coat ne permet pas toujours de faire la différence entre les granulocytes et les réticulocytes ou les érythroblastes.

→ Dans tous les cas, il convient de réaliser un frottis sanguin pour confirmer les résultats d’automate ou déceler les éventuelles erreurs de la machine.

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