Le rôle du vétérinaire dans la prise en charge des cas d’animal hoarding - Le Point Vétérinaire n° 375 du 01/05/2017
Le Point Vétérinaire n° 375 du 01/05/2017

PSYCHIATRIE ET MALTRAITANCE ANIMALE

Éthique

Auteur(s) : Pauline Desormière*, Denise Remy**

Fonctions :
*VetAgro Sup, Campus
vétérinaire de Lyon,
1, avenue Bourgelat,
69280 Marcy-l’Étoile

Le vétérinaire joue un rôle essentiel dans cette forme subtile de maltraitance animale. Il devrait aussi contribuer à une sensibilisation sur le sujet.

Dans les deux premiers articles, l’animal hoarding, un syndrome encore peu connu, a été défini et les hypothèses actuelles sur son étiopathogénie ont été résumées. Malgré des études de plus en plus nombreuses et l’intérêt croissant de la médecine psychiatrique pour ce sujet, trop peu de cas sont étudiés et pris en charge par des spécialistes. Cela est préjudiciable pour la gestion des animal hoarders et les récidives sont très fréquentes. Dans ce dernier article, les risques rencontrés pour l’homme et l’animal sont précisés, ainsi que le rôle que peut et doit jouer le vétérinaire. La prise en charge du syndrome de Noé mérite notre attention du point de vue à la fois humain et animal et s’inscrit dans le concept One Health. La gestion optimale de ces cas nécessite une coopération entre les médecins et les vétérinaires et d’autres corps de métier (services de la protection civile, assistants sociaux, policiers, magistrats, etc.).

Les risques liés à l’animal hoarding

Le syndrome de Noé est à l’origine de multiples complications pour les personnes concernées, leur entourage et la communauté  : risques zoonotiques, de blessure par morsure et griffure, liés au désordre dans l’habitation (incendies, présence de nuisibles, nuisances olfactives), négligence de soi (photo 1) [7]. Ce syndrome est également préjudiciable aux animaux possédés. En plus d’un défaut d’entretien et des soins vétérinaires réduits, ils sont atteints régulièrement de troubles du comportement dus à la surpopulation et au manque de sociabilisation [4].

Rôle du vétérinaire dans la gestion pratique des cas d’animal hoarding

Depuis quelques années, la profession vétérinaire a pris conscience de son rôle dans la gestion et la reconnaissance de la maltraitance animale. L’animal hoarding représente une forme subtile et difficile à appréhender de maltraitance animale, pour laquelle nous avons besoin d’être préparés et éduqués. Gary Patronek prévient les praticiens : « Vous devez être prêts à affronter tout et n’importe quoi, vous attendre à l’inattendu. » [6].

En clientèle

Tout vétérinaire a déjà soigné l’un des nombreux chats de Mme X, vieille dame veuve et au style de vie un peu farfelu. Même si le stéréotype d’animal hoarder lui correspond, d’autres personnes peuvent souffrir de ce syndrome et les indices peuvent être subtils et difficiles à interpréter (encadré). En effet, contrairement à la cruauté délibérée, l’intention manifeste de nuire aux animaux est très souvent absente. Certains propriétaires peuvent dissimuler leur “style” de vie sous le couvert de refuges ou d’associations.

Que faire face à une personne souffrant du syndrome étudié ? La question du secret professionnel se pose, comme dans chaque cas de maltraitance animale avérée [2]. Cependant, le vétérinaire peut légitimement et doit informer la direction départementale de la protection des populations des cas dont il a connaissance. Il est alors couvert par l’article L. 203-6 du Code rural et de la pêche maritime : « Le vétérinaire doit informer sans délai l’autorité administrative s’il observe des manquements à la réglementation relative à la santé publique vétérinaire qui pourraient gravement mettre en danger les personnes ou les animaux » [3]. La protection animale fait partie de la santé publique vétérinaire.

Préparation des interventions

La participation des vétérinaires devrait avoir lieu dès les premières étapes lorsqu’un sauvetage est envisagé, pour constater les conditions des animaux sur place et évaluer les risques pour eux et les intervenants (photos 2 et 3). Une intervention planifiée est la clé pour réaliser sans incident ce qui est toujours un défi pour les équipes sur place [6].

Une bonne identification des espèces présentes est importante pour déterminer leur statut juridique, la réglementation qui s’y réfère et pour trouver les refuges capables de les prendre en charge [1]. Des confrères spécialistes des espèces sauvages ou exotiques peuvent être sollicités pour intervenir et du matériel adéquat peut être nécessaire (piège, appât, sarbacane, dispositif de tranquillisation). Lors des interventions, l’objectif principal est de protéger le personnel de possibles agressions par les animaux, et aussi les animaux d’agressions inter- ou intraspécifiques. Toute évasion est également à éviter pour protéger le voisinage. Le personnel doit être en nombre suffisant pour limiter le temps de l’intervention. Il est intéressant d’étudier les différentes zoonoses potentielles selon les espèces présentes et les moyens à mettre en place pour prévenir toute contagion ou propagation.

Sur le terrain

Il est important d’examiner soigneusement chaque animal et de documenter son état dans un dossier médical. Si des animaux sont retrouvés morts, une autopsie est conseillée pour déterminer la cause de la mort. Il convient d’anticiper la question de l’euthanasie pour plusieurs raisons  :

– le plus souvent, les médias sont présents lors de l’intervention, et l’opinion publique peut être choquée par la réalisation de cet acte ;

– les cas d’animal hoarding donnent souvent lieu à des poursuites judiciaires et les animaux saisis constituent des “preuves” ;

– aussi l’euthanasie n’est-elle envisageable que dans des circonstances médicales extrêmes, qui doivent être justifiées. En cas de situations litigieuses, l’avis d’un confrère peut être demandé avant toute euthanasie. La réussite d’une intervention sous-entend que les animaux soient retirés de l’habitation, que les soins médicaux nécessaires leur soient donnés, mais aussi qu’une prise en charge médicale et sociale soit programmée. Des poursuites pénales sont souvent engagées, mais, à elles seules, ne permettent pas la résolution du problème [11]. Les animal hoarders sont des personnes souffrant de troubles psychiatriques graves et, sans prise en charge médicale, il est impossible d’éviter les rechutes.

Des études se sont intéressées à l’adaptation de la stratégie sur le terrain selon les différents types de hoarding. Par exemple, le “soignant débordé” répond plus facilement à une approche douce, orientée sur un plan thérapeutique. Il a le sentiment que la situation est hors de contrôle, et peut être soulagé d’être aidé. À l’opposé, l’“accapareur exploiteur” se trouve dans le déni extrême, et va résister à toute intervention d’une façon très agressive. Celui-ci est moins susceptible d’être intimidé par la possibilité de poursuites et de sanctions pénales [8, 9].

Chaque cas est particulier : la préparation des interventions et la gestion des cas doivent prendre en compte cette hétérogénéité de comportements et de situations.

L’importance d’une sensibilisation

Le syndrome de Noé est un phénomène complexe qui ne se prête pas à des solutions faciles. Des obstacles à la résolution des cas et à la prévention existent à de nombreux niveaux. Le manque de sensibilisation est la première des barrières. Les vétérinaires peuvent contribuer à informer et à faire disparaître cette dernière. Un guide écrit par Patronek explique le rôle des intervenants susceptibles d’agir dans les cas d’animal hoarding [6]. Il serait intéressant d’en créer une version française, en utilisant le savoir-faire des associations confrontées à de nombreux cas, et en synthétisant les avis des différents spécialistes.

Références

  • 1. Arrêté du 11 août 2006 fixant la liste des espèces, races ou variétés d’animaux domestiques. Journal officiel. 2006.
  • 2. Article 226-13. Code pénal. 2000.
  • 3. Article L203-6. Code rural et de la pêche maritime. 2015.
  • 4. Handy GL. Handling animal collectors. Part 2 : Managing a large-scale animal rescue operation. Adopting an abused animal – What you should know. The Humane Society of the United States. 1994.
  • 5. Lockwood R. The psychology of animal collectors. Trends. 1994:18-21.
  • 6. Patronek GJ. Tips for veterinarians involved in removal or rescue of animals from hoarding situations. Center for Animals and Public Policy. 2002:1-6.
  • 7. Patronek GJ. Animal hoarding: its roots and recognition. 2006. http://veterinarymedicine.dvm360.com/animal-hoarding-its-roots-and-recognition
  • 8. Patronek GJ, Loar l, Nathanson JN. Animal hoarding: structuring interdisciplinary responses to help people, animals and communities at risk. Hoarding of Animals Research Consortium. 2006:21-22.
  • 9. Patronek GJ. Animal hoarding: what caseworkers need to know. In: Animal rescue league of Boston mass housing community services conference. 2007:1-3.
  • 10. Reinisch AI. Characteristics of six recent animal hoarding cases in Manitoba. Can. Vet. J. 2009;50(10):1069.
  • 11. Snyder J. Animal hoarding: a multi-disciplinary approach. RSPCA Australia Scientific Seminar, Canberra. 2009:1-6.

Conflit d’intérêts

Aucun.

ENCADRÉ
Situations pour l’identification d’un animal hoarder

→ Consultations répétées d’animaux différents amenés seuls, présentant des signes cliniques de maladies infectieuses liées à une population importante.

→ Animaux très parasités.

→ Incapacité à vacciner annuellement ou à administrer des antiparasitaires.

→ Lors de suivi de maladies chroniques, présentation d’animaux différents.

→ Rendez-vous chez plusieurs confrères, en alternance.

→ Pas ou peu d’indications sur le nombre d’animaux possédés.

→ Prise en charge régulière d’animaux supplémentaires “dans le besoin”.

D’après [5, 10].

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