ÉTAPE 2 : Les différents types de machine d’hématologie - Le Point Vétérinaire n° 375 du 01/05/2017
Le Point Vétérinaire n° 375 du 01/05/2017

EN 10 ÉTAPES

Auteur(s) : Laetitia Piane*, Catherine Trumel**

Fonctions :
*Équipe de biologie médicale-histologie, Crefre, université de
Toulouse, Inserm-UPS-ENVT,
31400 Toulouse

La compréhension des techniques employées par les différents analyseurs d’hématologie et de leurs limites est nécessaire à la validation des résultats obtenus et facilite la détection d’éventuelles erreurs.

Il existe trois types d’analyseurs d’hématologie qui utilisent des techniques différentes. Il convient tout d’abord de connaître la technique utilisée, car de la bonne compréhension de celle-ci découlent la validation et l’interprétation des résultats. Les méthodes mises en œuvre en médecine vétérinaire sont la variation d’impédance, la cytométrie en flux et l’analyse quantitative du buffy coat.

VARIATION D’IMPÉDANCE

1. Principe

Dans les automates à variation d’impédance, les cellules analysées sont en suspension dans un bain d’électrolytes et la dilution obtenue passe au travers d’une ouverture qui rejoint deux chambres, l’une contenant une électrode positive et l’autre, une électrode négative (photos 1a à 1c). Lorsque les cellules passent par l’orifice, elles induisent une augmentation de résistance, enregistrée comme une impulsion. Une impulsion est alors comptée comme une cellule et l’intensité de l’impulsion est proportionnelle à la taille de la cellule. Dans l’automate sont présentes deux ou trois cuves dans lesquelles sont effectués successivement : le comptage des hématies et des plaquettes (première cuve), le comptage des leucocytes avec une formule de trois populations (neutrophiles, monocytes, lymphocytes) et le dosage de l’hémoglobine (deuxième cuve), et, éventuellement, le comptage des éosinophiles ou des basophiles (troisième cuve) [5].

2. Courbes obtenues et interprétation

Dans la première cuve, les plaquettes et les hématies sont différenciées par leur volume. Dans la majeure partie des analyseurs, les cellules sont identifiées comme des plaquettes si leur volume varie de 2 fl à environ 20 fl (certains analyseurs ont un seuil supérieur dit “flottant”, qui varie d’un animal à l’autre). Il en résulte la réalisation de deux histogrammes “en cloche” avec le volume des cellules en abscisses et leur nombre en ordonnées (figure 1).

Dans la deuxième cuve, un agent de lyse hypotonique provoque une hémolyse permettant de mesurer l’hémoglobinémie (spectrophotomètre intégré dans l’automate) et de ne compter que les cellules résistantes, principalement les leucocytes. Ceux-ci sont également en partie lysés et leur différenciation est réalisée surtout en fonction de leur noyau. Il en résulte un troisième histogramme représenté par deux “montagnes” séparées par une “vallée”, avec le volume des cellules en abscisses et leur nombre en ordonnées (figure 2). Les cellules les plus petites sont en théorie les lymphocytes et les cellules les plus grandes, les granulocytes. Entre les deux, les monocytes sont évalués approximativement. Avec certains automates, dans la deuxième cuve, l’agent de lyse permet d’identifier une population située à droite de la deuxième montagne, au-delà de 300 fl, correspondant chez l’animal sain aux granulocytes éosinophiles. Avec d’autres automates, une troisième cuve est utilisée avec un agent qui lyse toutes les cellules sauf les basophiles et les éosinophiles, qui sont ainsi comptés.

CYTOMÉTRIE EN FLUX

1. Principe

Dans les grandes lignes, après dilution du prélèvement sanguin et coloration (agents fluorescents, nouveau bleu de méthylène, etc.), les cellules sanguines passent dans une chambre d’écoulement traversée par un faisceau laser. La lumière parvenant sur chaque cellule est partiellement absorbée, mais aussi diffractée. À des angles stratégiques, des capteurs (photodiodes) reçoivent la lumière diffractée et transforment l’énergie lumineuse en message électrique. Ainsi, pour chaque cellule, plusieurs informations électriques sont collectées par le système informatique et il en ressort une véritable carte d’identité avec, par exemple :

– la diffraction à angle droit, c’est-à-dire à 90° (surface cellulaire) ;

– la diffraction dans les faibles angles entre 1 et 3° (volume cellulaire) ;

– la diffraction dans les grands angles entre 4 et 9° (granularité) ;

– la quantité de lumière absorbée ;

– le temps d’illumination, ou temps de passage d’une cellule en regard du faisceau lumineux [5].

Plusieurs automates sont disponibles en médecine vétérinaire mais leur coût les rend parfois inaccessibles au praticien et ils ne sont présents que dans les laboratoires vétérinaires de référence [1-4, 6, 7]. Cependant, certains automates ont la particularité d’avoir été conçus pour le milieu vétérinaire et plus précisément pour les praticiens afin de limiter le coût de l’analyse (photos 2a et 2b).

Certains utilisent la cytométrie en flux et la variation d’impédance, tandis que d’autres n’emploient que la cytométrie en flux.

2. Histogrammes et nuages de points obtenus, et interprétation

Sur les automates qui utilisent les deux méthodes, la numération des plaquettes et des hématies est obtenue par impédance et par cytométrie en flux, alors que la numération des leucocytes et la formule sanguine ne sont obtenues que par cette dernière. Les résultats qui apparaissent sur l’écran proviennent de l’impédance pour les hématies. Pour les plaquettes, ils proviennent de l’impédance chez le chien et de la cytométrie en flux chez le chat. Il convient donc de valider les résultats et les graphiques provenant de la même technique. Ainsi, avec certains automates, il n’est pas possible de valider les résultats des plaquettes chez le chien car le graphique de la variation d’impédance n’apparaît pas.

Des graphiques et des nuages de points sont ainsi générés pour les automates qui utilisent les deux méthodes.

Un nuage de points et un histogramme sont obtenus pour les hématies et les plaquettes. Les nuages de points obtenus par cytométrie en flux représentent la fluorescence (abscisses), émise à l’aide d’un colorant spécifique (fluorochrome), la polyméthine, en fonction du volume des cellules (ordonnées) (figure 3). Les histogrammes obtenus par variation d’impédance représentent le volume (abscisses) en fonction du nombre (ordonnées) de cellules. Sur les nuages de points, une cellule est représentée par un point et chaque nuage doit être clairement séparé des autres. Les couleurs des nuages de points diffèrent d’un automate à l’autre.

Pour les leucocytes, des nuages de points sont également obtenus (figure 4). Chaque nuage de couleur représente une sous-population de leucocytes et doit être distinct des autres.

ANALYSE QUANTITATIVE DU BUFFY COAT

1. Principe

Le sang, prélevé sur EDTA, est aspiré dans un tube prêt à l’emploi grâce à l’utilisation d’un pistolet (photo 3). Les parois du tube sont recouvertes d’acridine orange, colorant vital et fluorochrome, capable de se lier principalement à l’ADN, à l’ARN et aux lipoprotéines. Le sang ainsi aspiré est laissé en contact pendant quelques minutes avec la paroi du tube afin que le colorant puisse pénétrer convenablement dans les cellules. Un flotteur est ensuite inséré dans le tube et cet ensemble est centrifugé. Les différentes couches cellulaires émettent une fluorescence qui est lue par l’automate afin de déterminer leur taille. La taille des cellules étant connue pour l’espèce donnée, l’automate calcule la numération approchée des plaquettes, des granulocytes et des lymphocytes/monocytes. Pour la population érythrocytaire, il ne fournit que l’hématocrite, et non la numération [5].

L’absence de tubulure et de circulation fluidique fait de cet analyseur un appareil très robuste dont les contrôles de qualité sont limités et réalisables gratuitement et quotidiennement par le vétérinaire lui-même. Cependant, il a pour inconvénients de ne pas donner l’ensemble des variables de l’index de Wintrobe (volume globulaire moyen, teneur corpusculaire moyenne en hémoglobine) pour les hématies et de ne pas répondre lorsque les couches cellulaires sont mal séparées pour des raisons préanalytiques (sang trop vieux, par exemple), analytiques (temps de contact insuffisant avec l’acridine orange) ou pathologiques (par exemple lors d’anémie très fortement régénérative avec impossibilité d’effectuer une séparation nette entre érythroblastes et granulocytes). Cette technique est de moins en moins utilisée en pratique vétérinaire courante, au profit de la variation d’impédance et de la cytométrie en flux.

2. Courbes obtenues et interprétation

La lecture du tube et des courbes est effectuée de droite à gauche (figure 5).

→ La première couche correspond aux hématies de faible densité dépourvues d’ADN et d’ARN. Les courbes sont donc au niveau de base puisque les hématies sont anucléées. Cependant, en cas de réticulocytose, la courbe d’ARN se soulève et, lors d’érythroblastose, la courbe d’ADN se soulève également.

→ La deuxième couche correspond aux granulocytes neutrophiles et éosinophiles. Elle est caractérisée par une montée brusque de la courbe d’ADN (premier point d’inflexion). Chez le chien, lors d’une éosinophilie, une élévation de la courbe d’ARN est notée, qui peut correspondre à cette population de granulocytes éosinophiles.

→ La troisième couche correspond à la population de monocytes et de lymphocytes. Elle est caractérisée par une hausse encore plus importante de la courbe d’ADN (deuxième point d’inflexion) puisque la population lymphoïde présente notamment un rapport nucléocytoplasmique particulièrement élevé et contient proportionnellement plus d’ADN que toutes les autres cellules.

→ La quatrième couche correspond aux plaquettes. Elle est caractérisée par une brusque chute de la courbe d’ADN et une forte concentration en ARN (troisième point d’inflexion).

→ La couche suivante, dépourvue de cellules, correspond au plasma. Une chute brutale de la courbe d’ARN (quatrième point d’inflexion) et de la courbe d’ADN jusqu’au niveau de base est observée.

→ À l’extrémité gauche du graphique, une brusque remontée de la courbe d’ADN est notée, ce qui correspond à la fin du flotteur. Parfois, à ce niveau, il existe un pic de la courbe d’ARN correspondant à des agrégats cellulaires, le plus souvent plaquettaires, séquestrés au-dessus du flotteur.

Conclusion

La compréhension des techniques utilisées par les différents analyseurs d’hématologie est un préalable nécessaire à la validation des résultats obtenus. En effet, si, en biochimie, les erreurs sont moins nombreuses et souvent liées à des erreurs préanalytiques (tube EDTA pour mesurer la calcémie, par exemple) ou analytiques (plasma lipémique chez un animal qui n’est pas à jeun ou qui reçoit des corticoïdes, par exemple), il n’en est pas de même en hématologie. Les cellules peuvent varier énormément au sein d’une même catégorie (petits lymphocytes matures versus lymphocytes blastiques tumoraux, par exemple), ce qui est susceptible d’entraîner de grandes difficultés pour les analyseurs, aussi performants soient-ils. En connaissant les limites et les principes de chaque type de machine, il est plus facile, au travers de l’analyse des résultats chiffrés à la lumière des graphiques, de détecter les erreurs pour une meilleure prise en charge des animaux.

Références

  • 1. Bauer N, Nakagawa J, Dunker C et coll. Evaluation of the automated hematology analyzer Sysmex XT-2000iV compared to the Advia (R) 2120 for its use in dogs, cats, and horses: Part I: Precision, linearity, and accuracy of complete blood cell count. J. Vet. Diagn. Invest. 2011;23:1168-1180.
  • 2. Bauer N, Nakagawa J, Dunker C et coll. Evaluation of the automated hematology analyzer Sysmex XT-2000iV compared to the ADVIA (R) 2120 for its use in dogs, cats, and horses. Part II: Accuracy of leukocyte differential and reticulocyte count, impact of anticoagulant and sample aging. J. Vet. Diagn. Invest. 2012;24:74-89.
  • 3. Lilliehook I, Tvedten H. Validation of the Sysmex XT-2000iV hematology system for dogs, cats, and horses. I. Erythrocytes, platelets, and total leukocyte counts. Vet. Clin. Pathol. 2009;38:163-174.
  • 4. Lilliehook I, Tvedten H. Validation of the Sysmex XT-2000iV hematology system for dogs, cats, and horses. II. Differential leukocyte counts. Vet. Clin. Pathol. 2009;38:175-182.
  • 5. Moritz A, Becker M. Automated hematology systems. In: Schalm’s veterinary hematology. 6th ed. Blackwell Publishing, Iowa. 2010:1054-1066.
  • 6. Moritz A, Fickenscher Y, Meyer K et coll. Canine and feline hematology reference values for the Advia 120 hematology system. Vet. Clin. Pathol. 2004;33:32-38.
  • 7. Tvedten HW, Lilliehook IE. Canine differential leukocyte counting with the CellaVision DM96Vision, Sysmex XT-2000iV, and Advia 2120 hematology analyzers and a manual method. Vet. Clin. Pathol. 2011;40:324-339.

Conflit d’intérêts

Aucun.

Points forts

→ Il existe trois types d’analyseurs d’hématologie utilisant des techniques différentes : la variation d’impédance, la cytométrie en flux et l’analyse quantitative du buffy coat.

→ La variation d’impédance différencie les cellules par leur volume total pour les hématies et les plaquettes et leur volume nucléaire pour les leucocytes.

→ La cytométrie en flux est une technique complexe qui permet d’obtenir une véritable carte d’identité de la cellule. Néanmoins, elle présente l’inconvénient d’être chère.

→ L’analyse quantitative du buffy coat n’est pas chère, et les contrôles de qualité sont limités et accessibles aux vétérinaires praticiens. Cependant, elle ne donne pas l’ensemble des paramètres de l’index de Wintrobe pour les hématies et est particulièrement sensible aux erreurs préanalytiques.

→ Il convient tout d’abord de connaître et de comprendre la technique utilisée pour pouvoir valider et interpréter ses résultats d’analyse.

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