INGRÉDIENTS DE LA RATION DES BOVINS
Article de synthèse
Auteur(s) : Alexis Férard
Fonctions : Arvalis, Institut du végétal
Station expérimentale de La Jaillière
44370 La Chapelle-Saint-Sauveur
Outre le maïs plante entière fauché haut, d’autres formes de récolte et de conservation de cette céréale sont susceptibles d’être exploitées dans la ration pour rehausser la densité énergétique.
Le maïs peut être récolté en vue d’un ensilage de la plante entière [7, 8]. Il peut aussi l’être pour une de ses parties seulement. Le choix variétal dépend surtout de la possibilité d’atteindre la maturité souhaitée de telle variété dans le contexte pédoclimatique et du caractère plus ou moins “grain” souhaité. Selon la partie de la plante de maïs qui est récoltée et son mode de conservation, l’aliment obtenu présente des caractéristiques bien distinctes. Alors que la partie tiges associée aux feuilles, aux rafles et aux spathes est très riche en fibres et pauvre en énergie, les grains sont très concentrés en amidon et en énergie. En fonction du type d’aliment souhaité à la récolte (plante entière, épi complet, grain plus ou moins humide), la date de récolte et le mode de conservation diffèrent (figure). Des critères tels que la teneur en amidon dégradable de la ration souhaitée déterminent aussi les choix d’intégration de telle ou telle sorte de maïs à la ration des vaches laitières (VL) ou des jeunes bovins de boucherie (JBB).
Le maïs récolté en grains et conservé par voie humide (MGH) est surtout connu des producteurs de porcs. Pour les bovins, bien que les éleveurs privilégient l’ensilage plante entière, le MGH pourrait compléter adéquatement les rations en énergie pour les VL et l’engraissement. Cette matière première est utilisable en complémentation, voire comme base de la ration pour les JBB.
Le MGH a la même composition chimique que le maïs grain sec. Il comporte, en revanche, dix fois moins de fibres végétales sous forme de cellulose que l’ensilage plante entière. Sa teneur en amidon, autour de 75 %, est presque identique à celle du blé. Avec une valeur énergétique de 1,22 unité fourragère lait (UFL)/kg de matière sèche (MS), cet ingrédient densifie les rations des bovins en énergie pour les ajuster à de hauts niveaux de production. Il peut aussi permettre d’introduire dans la ration des fourrages moins énergétiques, comme un ensilage d’herbe ou du foin.
La conservation par voie humide et l’absence de séchage (en séchoir) modifient la vitesse de dégradation de l’amidon du MGH dans le rumen par rapport au grain sec. La lyse partielle des protéines qui encapsulent les granules d’amidon à la faveur de l’ensilage augmente et accélère la disponibilité de l’amidon des grains. Leur vitesse de dégradation se rapproche alors de celle d’un blé.
Outre l’ensilage, le MGH peut aussi être conservé par inertage : le maïs est récolté en grains entiers autour de 36 % d’humidité, lesquels sont placés dans des big bags hermétiques (photos 1a à 1c). La conservation s’effectue ainsi dans une atmosphère saturée en dioxyde de carbone (CO2) (après consommation de l’oxygène des interstices entre les grains). Le MGH inerté constitue un intermédiaire entre le blé et le maïs grain sec sur le plan de la vitesse de dégradation de l’amidon.
Avec le MGH, l’objectif est d’apporter une quantité suffisante d’amidon dégradable dans le rumen tout en veillant à ne pas engendrer d’acidose. Un amidon “rapide” est digéré à plus de 90 % dans le rumen, d’où un risque acidogène élevé, alors qu’une forme “lente” l’est seulement à 50 à 80 %. La dégradabilité élevée de la MS et de l’azote du MGH dans le rumen permet de rendre disponible une grande partie de l’énergie (amidon) et de l’azote pour l’activité des micro-organismes ruminaux. Des essais de digestibilité chez des animaux menés à Arvalis suggèrent une valeur azotée en protéines digestibles dans l’intestin grêle permises par l’énergie apportée par l’aliment et les micro-organismes du rumen (PDIE) autour de 88 g/kg MS [8]. Soit une quinzaine de grammes au-dessus de la valeur indiquée dans les tables éditées par l’Institut national pour la recherche agronomique (Inra) en 2007. La production de protéines microbiennes est, en effet, plus élevée que l’hypothèse retenue jusqu’alors, en raison d’une dégradation élevée de l’amidon du maïs grain conservé par voie humide (tableau 1).
Les rations à base d’ensilage de maïs peuvent être densifiées en énergie par des concentrés riches en amidon de type blé ou maïs grain, tout en veillant à ne pas dépasser les 35 % d’amidon dans la ration.
Les rations classiques d’engraissement sur une base de maïs sont composées de cette céréale fourragère à volonté à laquelle sont ajoutés 1,2 kg de tourteau de soja et 1 à 4 kg de céréales : orge, blé ou encore MGH, selon le niveau de performances recherché et le prix des aliments (tableau 2). Ainsi, 50 g de gain moyen quotidien (GMQ) par kilogramme de MS de céréale supplémentaire sont attendus en élevage charolais (dans la limite des 35 % d’amidon dans la ration) [2]. Les essais menés en stations expérimentales ont montré que le MGH distribué en remplacement du blé dans des rations à base d’ensilage de maïs permettait d’obtenir des performances de croissance similaires [4]. Lors de régime particulièrement riche en amidon (au-delà de 25 à 30 %), il convient de respecter une période de transition alimentaire prolongée pour limiter les risques d’acidose. Le MGH peut être distribué en grains entiers (conservé par inertage en big bag) lorsque le taux d’humidité à la récolte est supérieur à 32 %. Un MGH récolté plus sec et conservé entier-inerté est moins bien valorisé par les animaux qu’après un broyage-ensilage.
Le MGH peut aussi être distribué à volonté, comme l’orge ou le blé, en ajoutant un correcteur azoté. Dans ce type de régime alimentaire, la transition alimentaire doit être longue (3 à 5 semaines). L’ingestion de paille est à stimuler durant tout l’engraissement en mettant à disposition quotidiennement une paille de bonne qualité. Au-delà de l’ingestion volontaire de fibres via la paille (0,7 à 1,3 kg/j/JBB selon les données mesurées en stations expérimentales), l’apport de bicarbonate contribue à sécuriser la ration.
L’énergie apportée par une ration à base de maïs est bien valorisée par les VL quand la teneur en amidon ne dépasse pas 22 % dans la ration totale. Au-delà, les pertes sont de 1 UFL pour 3 points d’amidon en plus. Le risque d’acidose est aussi important lorsque la teneur en amidon dégradable dans le rumen dépasse 20 % dans la ration. L’introduction de MGH doit donc impérativement être modulée en fonction de ce critère (tableau 3).
Des essais ont montré que le MGH permet d’obtenir des niveaux de performance comparables à ceux observés avec un blé broyé humide. Pour les VL, plus le taux d’humidité du maïs est élevé à la récolte, plus le broyage doit être grossier afin de limiter une dégradation trop rapide dans le rumen.
Pour une ration à base d’ensilage de maïs (qualité moyenne), un maximum de 3 kg brut/VL/j est préconisé. Cette quantité peut être relevée à 4 à 5 kg/VL/j pour les rations associant les ensilages de maïs et d’herbe.
Dans l’ensilage de maïs épi, le grain mais aussi les spathes (organes foliaires qui entourent les grains) et la rafle (support pour l’insertion des grains) sont conservés. En revanche, les tiges et les feuilles ne le sont pas (photos 2a et 2b). Pour une récolte à 55 % de MS environ (soit 42 % sur la plante entière), l’ensilage d’épi complet de maïs présente une teneur en amidon élevée : aux alentours de 63 %. La teneur en cellulose brute descend à 9 %, soit deux fois moins qu’un ensilage de maïs plante entière. Cependant, c’est trois fois plus qu’un MGH. La valeur énergétique se situe autour de 1,08 UFL/kgMS et la valeur azotée à 61 g/kgMS de protéines digestibles dans l’intestin grêle permises par l’azote apporté par l’aliment et les micro-organismes (PDIN) et à 98 g/kgMS de PDIE [3]. Par rapport à un ensilage en plante entière, l’ensilage de maïs épi laisse au champ presque deux fois plus de résidus de culture (tiges et feuilles). Ces éléments apportent des reliquats azotés (environ 5 % de teneur en matières azotées totales [MAT]) et enrichissent le sol en matière organique après un travail approprié de celui-ci : broyage et enfouissement au moins partiel.
L’ensilage d’épis complets permet de densifier efficacement une ration tout en conservant un apport de fibres intéressant pour assurer une bonne qualité de digestion. Des essais Arvalis ont montré que la dégradabilité ruminale de l’amidon du maïs épi ensilé est aussi élevée que celle d’un MGH. Cela permet d’augmenter l’apport de sucres fermentescibles dans le rumen. Des précautions s’imposent avant d’incorporer ce type d’ingrédient dans la ration, en particulier sur les transitions alimentaires.
En ration de base pour l’engraissement de JBB, l’intérêt du maïs épi complet a été testé (station Arvalis-Institut du végétal de Saint-Hilaire-en-Woëvre [12]). Cet aliment était distribué à volonté (7,5 kgMS/j/animal consommés en moyenne sur la durée d’engraissement), associé à 2,8 kg de tourteau de colza et à de la paille à volonté. Un GMQ moyen de 1 700 g/j a été constaté sur les 206 jours d’engraissement, soit 15 g de plus que celui observé dans le lot témoin (avec du maïs ensilage plante entière à volonté + 3 kg d’orge et 2,1 kg de tourteau de colza).
→ Dans une ration classique pour VL, jusqu’à 5 kg de maïs épi brut peuvent être distribués par jour comme concentré énergétique. Dans des rations qui comprennent une forte proportion de fourrage déficitaire en énergie comme l’ensilage de luzerne, cet ingrédient permet de maintenir des performances laitières élevées, comme l’a montré un essai avec une ration comportant 22 % d’ensilage de maïs, 33 % d’ensilage de luzerne (21 % de MAT), 29 % d’ensilage d’épis et 16 % de correcteur azoté/minéral. La production laitière (39,4 kg) et l’ingestion (24,5 kg) quotidiennes ne sont pas modifiées si l’ensilage de maïs épi est remplacé pour moitié (sur la base de la MS) par du maïs grain sec [1]. Un essai est en cours (janvier-mars 2017) à la station expérimentale de La Jaillière pour évaluer les performances laitières de régimes comportant (sur la base MS) : 38 % d’ensilage de maïs épi + 48 % d’ensilage de luzerne (à 21 % de MAT et 45 % de MS) + 10 % de concentré (tourteau de colza tanné, pulpe de betterave, complément minéral et vitaminique [CMV]) + 6 % de paille. Ce type de ration permet presque de se passer de tourteau acheté, mais nécessite d’augmenter la surface fourragère de l’exploitation pour subvenir aux besoins du troupeau.
Relever “simplement” la hauteur de coupe de 15 à 55 cm à la récolte du maïs fourrage permet d’augmenter la valeur énergétique du fourrage récolté (photo 3). Les enjeux de cette technique sur le rendement et la qualité du fourrage ont été récemment évalués (essais Arvalis-Institut du végétal [10]). Le fourrage ainsi récolté est plus dense en énergie (+ 10 % d’amidon). Sa teneur en fibres végétales (NDF) diminue. Un supplément de 1 à 4 g de PDI/kgMS est constaté. La digestibilité de la matière organique est augmentée d’environ 2 points, ce qui correspond à une hausse de la valeur énergétique d’environ 0,04 UFL/kgMS.
Lors de la substitution directe d’un ensilage fauché à 15 cm par un ensilage fauché à 55 cm, la production laitière augmente de 1,4 kg/j grâce à une meilleure densité énergique. Le taux protéique (TP) n’est pas modifié, mais le taux butyreux (TB) diminue de 3 g/kg [14]. Le bénéfice net est donc limité. Le risque d’acidose est aussi nettement plus important et il convient d’assurer une transition alimentaire soignée.
Il est conseillé d’utiliser le maïs fauché haut dans une ration où le concentré énergétique céréalier est abaissé de 1 kg environ pour garder une teneur en amidon dégradable identique à celle qui aurait été obtenue avec le maïs fauché classique. La part de fourrage est légèrement augmentée avec cette pratique pour que la ration conserve une teneur en NDF suffisante pour assurer une bonne digestion des aliments. Selon les rendements potentiels en blé et en maïs fourrage, il peut être intéressant de vendre le blé non consommé même si la surface (sole) en maïs fourrage doit augmenter.
Relever la hauteur de coupe du maïs offre aussi la possibilité d’augmenter la part d’herbe dans la ration tout en maintenant le niveau de production de lait. La densité énergétique de la ration est maintenue grâce à la meilleure digestibilité du maïs fourrage coupé haut. En pratique, 1 kg de MS d’ensilage d’herbe supplémentaire peut ainsi être ajouté à la ration classique et le concentré d’équilibre est abaissé de 1 kg.
Le maïs grain sec peut être utilisé comme aliment principal d’une ration d’engraissement de jeunes bovins. Simplement concassé, il est distribué à hauteur de 80 % de la ration, avec 20 % de tourteau de soja (et de la paille à volonté). Il permet des performances de croissance élevées, autant qu’avec la même ration fondée sur du MGH entier [6]. Dans les rations dont la part de concentré est très élevée, le maïs grain sec distribué entier permet d’obtenir un meilleur indice de consommation (IC) que sous une forme laminée ou concassée. Dans une ration plus riche en fourrage, notamment de type herbe, il peut être utile de broyer grossièrement les grains avant distribution pour augmenter la palatabilité de la ration et la quantité d’énergie rapidement fermentescible dans le rumen. L’intérêt économique reste cependant très limité : les frais de broyage représentent 5 à 10 % du coût de l’aliment alors que l’IC de la ration n’est amélioré que de quelques pourcents. Un floconnage à la vapeur des grains de maïs, réalisé en usine, augmente de 15 % l’énergie métabolisable du maïs. Cette énergie est bien valorisée par des animaux en engraissement : la consommation diminue légèrement et le GMQ augmente, ce qui permet d’accroître l’IC de l’ordre de 12 % en moyenne [15].
Pour les VL, le maïs grain sec entier est mal valorisé en raison de la vitesse de transit digestif élevé. Il est impératif de le broyer ou de le laminer avant distribution. Par rapport au laminage, le broyage, même grossier, permet d’augmenter la vitesse de dégradation ruminale de l’amidon pour le rendre plus digestible dans l’ensemble du tube digestif (tableau 4) [11].
Au pâturage, l’apport de maïs grain sec permet de rééquilibrer une ration qui est souvent excédentaire en protéines dégradables dans le rumen. Par exemple, lorsqu’une luzerne de bonne qualité est pâturée, un complément de 1 à 8 kg de maïs grain/VL permet une augmentation presque linéaire de la quantité de lait produite de + 1 kg lait/kgMS de maïs grain sec [5]. Au-delà de 4 kg/j de céréales, l’apport d’un fourrage sec fibreux à disposition des animaux est conseillé pour ne pas dégrader l’efficacité de la digestion. La complémentation augmente également le TP du lait, mais le TB peut baisser.
En définitive, les choix du mode de récolte et de conservation sont liés aux possibilités de stockage de l’exploitation (ensilage/grain sec après séchage) et au type de ration envisagé. Bien que des variétés spécifiques soient plus adaptées à une récolte en grains, il est possible de récolter en épi complet ensilé, grain humide ou sec une variété typée fourrage destinée initialement à être ensilée en plante entière. Les rendements annuels et les cours des autres céréales orientent parfois les décisions des éleveurs.
Aucun.
→ Pour les vaches laitières, plus le taux d’humidité du maïs est élevé à la récolte, plus le broyage doit être grossier afin de ralentir sa dégradation dans le rumen.
→ Le maïs fauché haut peut être incorporé dans une ration avec 1?kg de concentré énergétique céréalier en moins, pour maintenir la teneur en amidon dégradable.
→ Des rations basées sur l’ensilage d’épis sont à l’essai pour diminuer fortement l’incorporation de tourteau dans la ration.
→ Pour les vaches laitières, le maïs grain sec doit être broyé en raison d’une vitesse de transit digestif élevée.
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