Utilisation des cellules souches mésenchymateuses en orthopédie canine - Le Point Vétérinaire n° 371 du 01/12/2016
Le Point Vétérinaire n° 371 du 01/12/2016

MÉDECINES RÉGÉNÉRATIVES

Dossier

Auteur(s) : Quentin Cabon*, Éric Viguier**

Fonctions :
*Service de chirurgie
VetAgro Sup
1, avenue Bourgelat
69280 Marcy-l’Étoile

Parmi les médecines régénératives, les injections de cellules souches semblent présenter un potentiel thérapeutique extrêmement élevé. Les résultats dans la gestion de l’arthrose sont déjà probants.

Quelle qu’en soit la cause initiale, les atteintes arti­culaires ont pour conséquence le développement d’une arthrose en raison de la dégradation progressive des éléments constitutifs, tels que le cartilage hyalin ou l’os sous-chondral (figure 1). L’arthrose est considérée comme la principale cause de douleur chronique chez le chien et sa prise en charge reste parfois un défi (figure 2).

Le traitement de l’arthrose est multimodal. Le contrôle du poids, avec le maintien d’une activité physique régulière et raisonnée à faible impact, la prescription d’une nourriture à visée articulaire (acides gras essentiels, chondroprotecteurs, etc.) et l’administration d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) sont le plus souvent associés [33]. Il existe des effets secondaires et des contre-indications [20]. Le développement de nouvelles stratégies thérapeutiques est donc utile. En plus de pallier les inconvénients possibles, l’émergence de la médecine régénérative offre une approche alternative au potentiel régénérateur. La thérapie cellulaire et les cellules souches figurent parmi les solutions actuellement développées (photo 1).

L’utilisation des cellules souches est largement rapportée en médecines humaine et équine [28, 31].

En marge du traitement médical de l’arthrose, les cellules souches mésenchymateuses (CSM) sont également employées dans la gestion de la cicatrisation osseuse chez le chien [6, 39, 42]. Elles font partie intégrante de la cicatrisation osseuse par leurs capacités de différenciation en ostéoblastes et en chondrocytes. Elles trouvent ainsi leurs indications dans le cadre d’une non-union, d’une fracture chronique, d’une arthrodèse, d’une fracture comminutive ou chez un animal âgé ou atteint d’une maladie concomitante. Elles peuvent également être utilisées lorsqu’une reconstruction osseuse est nécessaire, notamment en chirurgie oncologique [39]. Enfin, la thérapie cellulaire est une solution alternative thérapeutique en plein essor dans le cadre de la pathologie tendineuse chez le chien(1) [9, 18, 35].

1 Définition

Historique

L’hypothèse de l’intervention de “cellules souches” dans le processus de guérison cutanée a été évoquée par Cohnheim à la fin du XIXe siècle. Ce n’est qu’à la fin des années 1960 que Friedenstein et coll. ont décrit au sein de la moelle osseuse une population d’allure fibroblastique ayant une fonction de soutien de l’hématopoïèse in vivo et capable de prolifération et de différenciation ostéoblastique in vivo [16]. Les capacités de différenciation à la fois ostéoblastique, chondrocytaire et adipocytaire de cette population, ainsi que son aptitude à l’autorenouvellement ont été “re”-découvertes par Caplan et coll. en 1991 avec l’émergence du concept de médecine régénérative où les « cellules souches mésenchymateuses » pourraient régénérer des tissus vivants lésés [10]. En médecine vétérinaire, la recherche s’est intéressée à leur potentiel de régénération cartilagineuse dans le début des années 2000, via des injections au sein d’articulations arthrosiques [15]. L’absence de “greffe” de ces cellules dans les lésions cartilagineuses, associée à un potentiel régénérateur décevant a conduit les chercheurs à s’intéresser aux effets anti-inflammatoires et à la protection contre la dégénérescence cartilagineuse [15, 34]. Plusieurs études ont mené à des injections intra-articulaires de cellules souches, afin d’évaluer leur impact dans l’amélioration de la mobilité et du confort de chiens arthrosiques [3, 4, 40, 41].

Classification

Plusieurs sortes de cellules souches peuvent être utilisées pour obtenir des cellules différenciées et fonctionnelles adaptées à la thérapie cellulaire [36]. Toutes partagent deux propriétés : celle de s’autorenouveler, offrant un stock illimité de matériel cellulaire, et celle de donner naissance à plusieurs types cellulaires.

Les différents types sont organisés selon un modèle pyramidal, avec un potentiel de différenciation décroissant du haut vers sa base : cellules totipotentes, pluripotentes, multipotentes puis unipotentes (encadré 1) [36]. Les cellules souches embryonnaires sont considérées comme des cellules pluripotentes, capables d’un autorenouvellement infini et de se différencier en la presque totalité des types cellulaires (méso-, endo-, ectoderme). Leur utilisation est controversée sur le plan éthique. La grande majorité des travaux sur la thérapie cellulaire fait appel aux cellules multipotentes, des cellules souches adultes qui ont la capacité de produire plus d’un type de cellules spécialisées, parmi lesquelles figurent les CSM [29, 37]. Cependant, ces cellules n’étant pas capables d’un autorenouvellement illimité au sens strict, leur nom a été redéfini en cellules stromales mésenchymateuses (CSM). Après la naissance, ces CSM peuvent être obtenues à partir du tissu adipeux, de la moelle osseuse ou de tissus conjonctifs que sont les os, le cartilage ou encore les muscles [31]. Elles ont la capacité de se différencier notamment en chondrocytes, en ostéoblastes, en adipocytes ou encore en myocytes (figure 3). Les annexes fœtales (placenta, cordon ombilical) contiennent également des CSM, considérées par certains comme naïves sur le plan immunitaire, donc très bien tolérées en cas de d’allogreffe [43]. Ces CSM néonatales sont à mi-chemin entre les cellules embryonnaires et les CSM adultes, avec le grand avantage de ne pas être l’objet de controverse éthique.

Origines

Les cellules souches peuvent avoir différentes origines (encadré 2, figures 4 et 5) [37]. Elles sont dites autologues, allogènes (ou allogéniques) ou xénogènes. Lors d’utilisation de CSM autologues, les cellules thérapeutiques sont en théorie parfaitement tolérées par l’animal sur le plan immunitaire. Les CSM allogéniques produisent, quant à elles, des facteurs anti-inflammatoires et immunomodulateurs qui favorisent la génération de cellules régulatrices de l’immunité chez l’animal traité et diminuent également la réactivité des lymphocytes chez l’animal receveur [11]. Ces propriétés des CSM allogéniques limitent ainsi l’inflammation locale et protégeraient contre le rejet de greffe [26, 30]. Aucun traitement immunosuppresseur n’est donc nécessaire avec les CSM néonatales allogéniques [7, 8, 34].

2 Origine et prélèvements

Des CSM ont été observées dans de nombreux organes et tissus, en association étroite avec le réseau vasculaire, conduisant certains à les considérer comme des péricytes [13, 16, 29, 36, 37, 43]. Les trois principales sources classiquement utilisées en clinique sont la moelle osseuse, le tissu adipeux et les annexes fœtales (placenta et cordon ombilical).

Moelle osseuse

La moelle osseuse constitue la source historique des CSM, en particulier chez l’homme. Le recours à ce tissu requiert deux phases : le prélèvement et l’injection. Le prélèvement peut être réalisé dans le tubercule majeur de l’humérus, l’aile iliaque, le tibia proximal ou encore le manubrium sternal. Chez le chien, cet acte nécessite une anesthésie générale. Seulement 0,01 % des cellules contenues dans le prélèvement sont des CSM [27]. Ces dernières doivent ensuite être purifiées avec un protocole spécifique, puis amplifiées par une culture cellulaire en laboratoire, jusqu’à obtenir le nombre désiré (généralement 10 millions par injection après 21 jours environ). Enfin, un transport est nécessaire depuis le laboratoire jusqu’au centre clinique où les cellules sont réadministrées, lors d’une nouvelle anesthésie. Les contraintes de délai et d’organisation et la morbidité du geste font que ce type cellulaire est très peu utilisé en pratique canine [27].

Tissu adipeux

Le tissu adipeux est une source de CSM plus abondante et plus facilement disponible. Le prélèvement, même s’il constitue un acte chirurgical réalisé sous anesthésie générale, reste relativement peu invasif. Le recueil est le plus communément effectué dans le tissu sous-cutané, en région inguinale, thoracique ou abdominale après incision chirurgicale de 5 cm [3, 4, 40, 41]. Une quantité d’environ 20 à 30 g de tissu adipeux doit être prélevée. Ce prélèvement permet d’obtenir une quantité de CSM significativement supérieure à celui depuis la moelle osseuse [3, 19]. Là aussi, un processus de purification et de culture cellulaire spécifique avant la réinjection à l’individu est nécessaire.

Une caractérisation limitée des produits cellulaires, en particulier sur le plan microbiologique, représente une limite de ces deux derniers procédés. Les tests de stérilité réalisés sur le produit fini requièrent des temps d’incubation de 10 à 14 jours. L’injection est donc pratiquée sans connaître le résultat définitif. Il en est de même pour les tests fonctionnels. Une étape de cryoconservation intermédiaire permettrait d’avoir les résultats microbiologiques et fonctionnels des cellules, mais décalerait d’autant le traitement.

Annexes fœtales

Les annexes fœtales constituent la dernière source de CSM mise en évidence et communément utilisée chez l’homme [15]. Leur emploi dans les espèces équine et canine a été rapporté plus récemment où leur usage est toujours allogénique puisque la thérapie autologue est très difficilement envisageable (celle-ci suppose la cryoconservation des annexes fœtales pour un emploi des années plus tard dans le traitement de l’individu concerné) [7, 8, 34, 43]. Cette source est d’un grand intérêt car sans prélèvement chirurgical, les tissus néonataux étant récupérés en fin de césarienne, au lieu d’être jetés (photo 2). Les CSM néonatales sont significativement différentes des CSM provenant de tissus adultes (tissu adipeux, moelle osseuse) [15, 29, 43]. En effet, elles sont plus immatures et possèdent une capacité de différenciation importante vers d’autres tissus (neurones, etc.). Elles ont une moindre aptitude de différenciation in vitro vers la lignée adipocytaire, témoin d’un vieillissement cellulaire plus faible. Enfin, elles présentent des capacités de prolifération et d’immunomodulation supérieures à celles provenant de tissus adultes [11, 29]. Ces CSM dérivées des annexes fœtales génèrent également une moindre réaction immunitaire que les adultes issues de la moelle osseuse ou du tissu adipeux, ce qui facilite leur utilisation allogénique [11].

Il est possible de réaliser des banques de CSM allogéniques à partir d’annexes fœtales de donneurs et de les utiliser chez un individu, sans qu’aucune phase de prélèvement invasif initial ne soit nécessaire chez celui-ci. L’utilisation de CSM allogéniques permet également de s’affranchir du délai de culture cellulaire. La phase de stockage donne le temps au laboratoire de réaliser tous les tests de contrôle qualité garantissant la sécurité micro­biologique et de vérifier la fonctionnalité des cellules.

Le nombre de CSM est relativement faible chez un individu donné [32]. Leur nombre ainsi que leur potentiel biologique diminuent avec l’âge de l’individu prélevé [11, 32, 43]. Lorsque les CSM sont produites à partir du tissu adipeux du chien traité, souvent d’âge avancé en ce qui concerne le traitement de l’arthrose, elles peuvent présenter un potentiel biologique diminué. L’utilisation de CSM dérivées des annexes fœtales, dont le potentiel biologique est intact, permet de s’affranchir de l’âge et de conserver le potentiel biologique optimal de ces cellules. De plus, la standardisation des produits cellulaires, prélevés à partir d’annexes fœtales et qui ont le même âge cellulaire, pourrait permettre également d’augmenter la probabilité d’obtenir un résultat clinique reproductible entre différents individus traités.

3 Mécanismes d’action en injection intra-articulaire

L’utilisation clinique des CSM a longtemps été envisagée sous l’angle du remplacement de types cellulaires déficients ou insuffisamment nombreux, le potentiel de différenciation cellulaire étant ainsi le principe fondamental de l’action des CSM [2, 29]. Toutefois, ce principe est actuellement remis en cause [10, 25]. Les multiples autres propriétés des CSM amènent à exploiter leurs capacités à moduler la mort cellulaire, la réponse immune ou encore la cicatrisation [29]. À titre d’exemple, les bénéfices de la transplantation de cellules souches au sein du système nerveux central (SNC) endommagé de rongeurs dépendent visiblement plus d’un effet neuroprotecteur ou immunorégulateur que de la différenciation des cellules souches en cellules matures [5].

L’action paracrine des CSM, à savoir la signalisation cellulaire impliquant des messagers chimiques (cytokines, facteurs de croissance) qui agissent dans le voisinage de la cellule stromale, semble jouer un rôle prépondérant dans la gestion de l’inflammation articulaire, aussi bien chez l’homme que chez l’animal [2, 34]. En effet, à la suite d’une injection intra-articulaire, les CSM sécrètent des facteurs trophiques et immunomodulateurs favorables aux cellules de l’environnement articulaire. La membrane synoviale est la cible préférentielle des CSM. En son sein, elles pourraient réguler l’action des cellules résidentes (synoviocytes, macrophages, etc.) [14]. Les CSM sécrètent de nombreux médiateurs avec différentes actions : des facteurs de croissance (de l’endothélium vasculaire [VEGF], apparentés à l’insuline [IGF]-1, des fibroblastes β [β-FGF], etc.) qui stimulent, par exemple, l’angiogenèse ; des cytokines anti-inflammatoires (IL-1-RA, etc.), des cytokines immunomodulatrices favorisant l’émergence de cellules régulatrices de l’immunité innée, comme les macrophages de type 2 (M2), ou acquise avec les lymphocytes T régulateurs (Tr1, Treg, etc.) [10, 25]. L’injection intra-articulaire de CSM aurait également un effet anti-catabolique sur l’environnement articulaire, comme le montre la diminution des concentrations en métalloprotéases matricielles (MMP)-1, -3 et -13 secondaire à l’administration de CSM au sein d’articulations arthrosiques chez le lapin [14, 34]. Enfin, l’injection intra-articulaire de CSM faciliterait le recrutement de CSM endogènes au sein de l’articulation arthrosique, favorisant ainsi l’action anti-inflammatoire et, éventuellement, une régénération endogène du tissu lésé [19]. L’activité paracrine des CSM aurait donc pour effet de moduler la réaction inflammatoire articulaire dans son ensemble. Cette régulation de l’environnement articulaire semble prendre le pas sur l’apport de la différenciation chondrogénique pour expliquer l’impact clinique. D’autres mécanismes de communication intercellulaire tels que le contact membranaire, la fusion intercellulaire, le transfert de mitochondries ou la participation à la synthèse de la matrice extracellulaire ont également été avancés pour expliquer l’effet anti-inflammatoire des CSM [29].

Chez le chien, une étude a montré la diminution de la viabilité de cellules souches dérivées du tissu adipeux lorsqu’elles sont mises en suspension dans du liquide synovial provenant d’une articulation arthrosique, en comparaison avec la viabilité de cellules semblables placées dans du liquide synovial normal [22]. La moindre viabilité cellulaire s’atténue également avec les dilutions successives du liquide synovial arthrosique [22]. Cette observation doit être intégrée dans l’utilisation clinique des CSM dans le cadre du traitement de l’arthrose.

L’action anti-inflammatoire de l’injection intra-articulaire de CSM s’exerce donc à différents niveaux, par le recrutement cellulaire, par la sécrétion de facteurs anti-inflammatoires et par un effet immunomodulateur in situ [17]. Ce mode d’action multimodal est opposé au mode d’action unique de la plupart des AINS, qui interviennent dans la réaction inflammatoire par inhibition des cyclo-oxygénases. Pour certains auteurs, cette disparité de mode d’action pourrait expliquer des différences d’efficacité clinique chez certains animaux [17, 19].

4 Applications dans le traitement de l’arthrose

Seules quelques études cliniques sur l’efficacité de l’injection intra-articulaire de CSM dans le traitement de l’arthrose chez le chien sont disponibles [3, 4, 7, 19, 38, 40, 41]. Les populations étudiées sont variées (de 3 à 18 chiens), les types de CSM injectées également (surtout autologues/tissus adipeux, mais aussi allogéniques/adipeux et allogéniques/néonatales). Les injections concernent la hanche, le coude et le genou. Les méthodes d’évaluation sont subjectives ou avec une plaque de force. Les résultats révèlent tous une amélioration significative de la clinique. Chaque étude a des forces et des faiblesses (tableau complémentaire sur www.lepointveterinaire.fr).

Une étude, menée par une société commerciale, randomisée, contrôlée et réalisée en double aveugle s’est intéressée à l’effet d’une injection intra-articulaire de CSM autologues dérivées du tissu adipeux dans le traitement d’une arthrose coxo-fémorale [3]. Les chiens inclus présentent des signes cliniques et radiographiques d’arthrose coxo-fémorale. Deux groupes sont comparés à l’aide de scores cliniques pendant les 90 jours qui suivent l’injection : le premier reçoit des CSM dans la hanche et le second, le groupe contrôle, une injection de placebo. Dix-huit chiens sont inclus dans l’étude. Aucun effet secondaire n’est observé après les injections intra-articulaires. Les animaux qui ont reçu une injection intra-articulaire de CSM présentent une régression significative de la boiterie et des scores cliniques à toutes les évaluations postinjection, par rapport à l’évaluation initiale, et supérieure à celle observée pour les chiens appartenant au groupe contrôle. L’effet clinique des CSM intra-articulaires dure environ 3 mois dans cette série. Cette étude, portant sur un faible effectif mais comparant les individus traités à un groupe contrôle non sain, montre une amélioration du confort de vie et de la mobilité [3].

La même équipe s’est intéressée à l’injection intra-articulaire de CSM autologues dérivées du tissu adipeux dans le traitement de chiens atteints d’une arthrose chronique du coude unilatérale ou bilatérale [4]. Cette étude, sans groupe contrôle et fondée sur une évaluation subjective, inclut 14 chiens, suivis sur une période de 180 jours. Une diminution significative de la boiterie et une augmentation de l’amplitude articulaire sont observées lors des suivis, en comparaison à l’évaluation initiale, à l’exception de la douleur à la manipulation qui ne régresse pas. La diminution la plus marquée (30 à 40 %) est observée pour la boiterie et l’impotence fonctionnelle, tandis que la douleur à la manipulation du coude est le paramètre qui s’amende le moins. L’évaluation par le propriétaire fait état également d’une amélioration significative des facteurs étudiés. Cela corrobore les résultats des premiers travaux de Black et coll. : une injection intra-articulaire de CSM dérivées du tissu adipeux dans un coude arthrosique diminue la boiterie et la douleur sur une période d’environ 6 mois [4]. Un autre essai portant sur des chiens atteints d’une arthrose des coudes montre également une amélioration clinique significative, après une évaluation aussi bien par le vétérinaire que par le propriétaire. Toutefois, il ne porte que sur 4 chiens et son intérêt réside principalement dans la caractérisation biologique des CSM utilisées, l’aspect clinique restant anecdotique [19]. Une étude récente, réalisée en double aveugle et publiée en 2014, s’est également intéressée à l’effet d’une injection de CSM dérivées du tissu adipeux chez des chiens atteints d’une arthrose coxo-fémorale [41]. Le point fort de cet essai consiste en une évaluation de la cinétique de la marche à l’aide d’une plaque de force. Neuf chiens sont inclus dans l’étude, suivis durant 6 mois et comparés à 5 chiens contrôles sains. Une diminution significative de la boiterie et de la douleur articulaire est mise en évidence après une unique injection intra-articulaire de CSM. L’effet antalgique dure moins de 3 mois, avec un pic de l’impact clinique observé 1 mois après l’injection et un retour aux valeurs initiales au suivi des 3 mois. Ces mêmes auteurs avaient réalisé précédemment une étude similaire, évaluant la démarche de manière objective par plaque de force, avec une injection de CSM couplées cette fois à du plasma riche en plaquettes (PRP) et en facteurs de croissance, pauvre en leucocytes (PRGF-Endoret®) [40]. Une persistance de l’effet clinique est observée 6 mois après l’injection articulaire dans cette étude. Les auteurs avancent l’hypothèse que les facteurs de croissance apportés par le PRP agissent en tant que potentialisateur de l’effet des CSM. Cela pourrait également être expliqué par l’action anti-inflammatoire du PRP, qui aiderait à la différenciation des CSM au sein d’un environnement articulaire plus favorable [40]. Cette étude ouvre la possibilité d’une action synergique entre différents facteurs anti-cataboliques et anti-inflammatoires, tels que les CSM et le PRP. Les études cliniques concernant l’utilisation intra-articulaire de CSM dans le traitement de l’arthrose canine restent peu nombreuses et réalisées sur un nombre limité de chiens. Les méthodes d’évaluation ne sont pas toujours très rigoureuses, ce qui limite la portée de leurs résultats. Des travaux plus rigoureux et portant sur un nombre de cas plus conséquent sont nécessaires pour valider des premières observations prometteuses.

5 Action anti-inflammatoire en chirurgie articulaire

Une étude portant sur l’efficacité clinique des CSM en comparaison avec un traitement AINS dans la prise en charge analgésique et anti-inflammatoire en phase postopératoire d’une chirurgie du ligament croisé cranial chez le chien a été réalisée dernièrement [7]. Elle est prospective, randomisée, contrôlée et en double aveugle. Des chiens présentés pour une rupture unilatérale du ligament croisé cranial sont inclus dans l’étude, après consentement de leur propriétaire, confirmation du diagnostic par une arthroscopie du grasset et décision de stabilisation de l’articulation à l’aide d’une ostéotomie de nivellement du plateau tibial (TPLO). Les CSM utilisées dans l’étude sont des CSM canines allogéniques néonatales. Les quatorze chiens inclus sont répartis par randomisation en deux groupes. Le groupe “CSM” reçoit une injection de CSM dans le genou opéré en fin d’intervention chirurgicale, ainsi qu’un complément alimentaire sans effet anti-inflammatoire pendant 1 mois en phase postopératoire. Le groupe contrôle reçoit une injection de placebo dans le genou opéré en fin d’intervention chirurgicale, puis un AINS (carprofène) pendant 1 mois en phase postopératoire. L’évaluation préopératoire des chiens consiste en la réalisation d’un score clinique par un seul et même évaluateur et en un examen de la démarche à l’aide d’un tapis de marche (GaitRite®). Après l’intervention chirurgicale, une évaluation clinique quotidienne par le même évaluateur est réalisée lors des 3 jours d’hospitalisation. Les chiens reviennent pour un suivi à 1 mois postopératoire, avec une évaluation clinique et un examen sur tapis de marche. Les données sont comparées statistiquement entre les deux groupes et entre les évaluations initiale et à 1 mois pour chaque groupe. Aucune différence significative entre les deux groupes n’est mise en évidence pour les données épidémiologiques, le score d’arthrose initial et la présence d’une lésion méniscale associée, ni lors des évaluations cliniques à J1, à J2, à J3 et à 1 mois. L’évaluation sur le tapis de marche ne montre aucune différence significative entre les deux groupes à 1 mois postopératoire. Il en est de même pour l’évolution de la boiterie entre l’évaluation préopératoire et après 1 mois. Aucun effet secondaire local ou systémique n’est noté dans cette étude pour une injection intra-articulaire de CSM, ni pour l’administration d’AINS. Dans le contexte de cette étude, l’injection intra-articulaire de CSM néonatales allogéniques est bien tolérée cliniquement chez le chien. Cette solution alternative thérapeutique permet d’apporter un confort postopératoire similaire à celui obtenu avec un traitement anti-inflammatoire conventionnel. Cette étude contrôlée, randomisée, en double aveugle, avec une évaluation objective sur tapis de marche permettrait ainsi d’envisager les CSM intra-articulaires comme agent thérapeutique dans le cadre du traitement de l’inflammation articulaire. Ces mêmes cellules ont été utilisées en injection intra-articulaire dans le traitement d’articulations arthrosiques, donc dans le cadre du traitement de la pathologie articulaire chronique. Aucun effet secondaire n’a été observé et les résultats cliniques ont été satisfaisants (mobilité et confort de vie améliorés pour la majorité des chiens traités). Bien que des travaux supplémentaires soient nécessaires, l’injection intra-articulaire de CSM néonatales allogéniques pourrait figurer à terme dans l’arsenal thérapeutique utilisé dans la prise en charge de la douleur et de l’inflammation péri-opératoire, tout comme dans la gestion chronique d’une articulation arthrosique.

6 Autres indications

La stimulation de la formation de tissus osseux peut être très utile dans le cadre du traitement des fractures, notamment lors d’une non-union, d’une fracture ancienne, d’une arthrodèse, d’une fracture comminutive ou chez un animal âgé ou atteint d’une maladie concomitante. La régénération osseuse peut être nécessaire en cas de résection d’une large portion de l’os, comme cela est parfois le cas lors de mandibulectomie segmentaire. Biologiquement, les CSM font partie intégrante de la cicatrisation osseuse, puisque leur prolifération ainsi que leur différenciation en ostéoblastes et en chondrocytes permettent la formation d’une matrice ostéoïde au sein du cal fracturaire [24].

L’ajout de CSM autologues issues de la moelle osseuse à des cylindres d’hydroxyapatite (ostéoconducteur), après mise en culture des CSM, a permis d’obtenir une régénération osseuse complète in vivo au sein d’un défaut osseux fémoral important, considéré comme de taille critique (21 mm de longueur) [6]. En comparaison, aucun des chiens traités avec le bloc d’hydroxyapatite sans CSM n’a montré de guérison osseuse et tous ont évolué vers une non-union [6]. Les CSM permettrait donc de favoriser la production osseuse dans un modèle de défaut osseux important, notamment lorsqu’elles sont associées à un ostéoconducteur [6, 39, 42]. Le bénéfice clinique des CSM a également été observé dans une étude clinique portant sur 14 chiens atteints principalement de non-unions, de larges défauts osseux ou d’une maladie de Legg-Calvé-Perthes [12]. Une autre étude menée sur le tibia de mouton a montré les mêmes effets des CSM sur la guérison d’un large défaut osseux [23]. Un essai s’est intéressé à l’injection intra-articulaire de CSM allogéniques dérivées de la moelle osseuse dans le traitement de la nécrose aseptique de la tête fémorale dans un modèle expérimental in vivo [21]. Les auteurs ont démontré la migration de CSM dans les zones nécrotiques de la tête fémorale après leur injection intra-articulaire et leur différenciation en ostéoblastes, diminuant ainsi la nécrose de la tête fémorale chez les chiens traités, en comparaison des animaux contrôles [21].

Tout comme lors d’injection intra-articulaire, l’utilisation de CSM allogéniques est bien tolérée en ce qui concerne la régénération osseuse, probablement en raison de leur faible immunogénicité [24]. De plus, la capacité de régénération osseuse des CSM allogéniques est similaire à celle des CSM autologues [1]. L’accès à un stock de CSM allogéniques utilisables dès que nécessaire, sans que les phases de prélèvement et de culture cellulaire soient requises, en association avec les techniques classiques de l’ostéosynthèse, pourrait se révéler très avantageux dans le cadre du traitement des fractures et apporter une solution au retrait des protéines de la morphogenèse osseuse (BMP pour Bone Morphogenetics Proteins) du marché vétérinaire.

Un cas clinique rapporte également l’utilisation de cellules souches autologues dérivées de la moelle osseuse dans le traitement d’une lésion tendineuse chez un chien, avec un bon résultat fonctionnel [9].

Conclusion

Sur la base des résultats des premières études, les cellules stromales mésenchymateuses, autologues ou allogéniques, semblent très prometteuses en orthopédie dans la gestion des maladies articulaires ou dans le cadre de la cicatrisation osseuse. Leur capacité à reformer un tissu directement par différenciation en chondrocytes ou en ostéoblastes semble être limitée en l’état actuel des connaissances. En revanche, la découverte de leurs capacités de migration vers un tissu lésé et de régulation de leur environnement, notamment au sein d’une articulation arthrosique, confirme l’intérêt de ce type de cellules en thérapeutique, y compris dans un contexte allogénique. D’autres études chez le chien sont nécessaires pour confirmer l’effet anti-inflammatoire des CSM après une injection intra-articulaire, dans la gestion tant de l’inflammation péri-opératoire que de la douleur arthrosique chronique.

(1) Voir l’article “Utilisation du plasma riche en plaquettes chez les carnivores domestiques” de J.-F. Bardet, dans ce numéro.

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  • 40. Vilar JM, Morales M, Santana A et coll. Controlled, blinded force platform analysis of the effect of intra-articular injection of autologous adipose-derived mesenchymal stem cells associated to PRGF-Endoret in osteoarthritic dogs. BMC Vet. Res. 2013;9:131-136.
  • 41. Vilar JM, Batista M, Morales M et coll. Assessment of the effect of intra-articular injection of autologous adipose-derived mesenchymal stem cells in osteoarthritic dogs using a double blinded force platform analysis. BMC Vet. Res. 2014;10:143-149.
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Conflit d’intérêts

Aucun.

ENCADRÉ 1
Capacités de différenciation des cellules souches

→ Cellules totipotentes : capables de se différencier en n’importe quelle cellule spécialisée de l’organisme. Ce sont les seules à permettre le développement d’un individu complet.

→ Cellules pluripotentes : capables de se différencier en cellules des trois feuillets embryonnaires (ectoderme, mésoderme, endoderme), y compris les cellules germinales. Elles ne peuvent pas produire un organisme entier.

→ Cellules multipotentes : capables de se différencier en plusieurs types cellulaires, mais sont déjà engagées dans une certaine voie de différenciation. Elles sont dites déterminées. Elles sont présentes dans l’embryon et l’organisme adulte. Elles conservent leur capacité à s’autorenouveler.

→ Cellules unipotentes : capables de se différencier en un seul type cellulaire. Elles conservent leur capacité à s’autorenouveler.

ENCADRÉ 2
Provenance du prélèvement des cellules souches

→ Cellules xénogènes : issues d’un individu d’une espèce différente de celle du sujet traité.

→ Cellules allogènes ou allogéniques : provenant d’un individu appartenant à la même espèce que le sujet traité.

→ Cellules autologues : issues directement du sujet traité.

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