Luxation traumatique du coude chez un chat : mise en place de prothèses ligamentaires - Le Point Vétérinaire n° 371 du 01/12/2016
Le Point Vétérinaire n° 371 du 01/12/2016

CHIRURGIE FÉLINE

Cas clinique

Auteur(s) : Marie Binvel*, Rosario Vallefuoco**

Fonctions :
*Clinique Languedocia,
395, rue Maurice-Béjart,
34080 Montpellier mbinvel@hotmail.fr
**CHV Frégis,
43, avenue Aristide-Briand,
94110 Arcueil
contact@fregis.com

Chez le chat, les luxations du coude sont souvent liées à des traumatismes. Lorsqu’une réparation chirurgicale est nécessaire, la pose de prothèses ligamentaires dans des tunnels osseux semble prévenir les récidives et être mieux tolérée.

Les luxations du coude sont des affections rares chez le chat, comparativement au chien [2-4, 7-9, 11]. Lors de luxation aiguë et en l’absence de fractures articulaires ou périarticulaires, une réduction à foyer fermé doit toujours être tentée. Dans le cas clinique rapporté ici, la luxation date de 3 semaines et a récidivé à la suite de deux réductions à foyer fermé. Un traitement chirurgical a donc été nécessaire. Cet article décrit les détails de la technique de stabilisation du coude par la mise en place de prothèses ligamentaires huméro-radiale et huméro-ulnaire à travers trois tunnels osseux.

CAS CLINIQUE

1. Commémoratifs et anamnèse

Une chatte européenne stérilisée de 4 ans est référée pour une luxation du coude gauche apparue 3 semaines auparavant à la suite d’un traumatisme. Lors de sa présentation initiale chez le vétérinaire traitant, l’animal était en état de choc et présentait une boiterie permanente sans appui du membre thoracique gauche. Après la prise en charge de l’état de choc, des radiographies en deux projections orthogonales (médio-latérale et cranio-caudale) de ce membre ont mis en évidence une luxation du coude avec un déplacement latéral et proximal du radius et de l’ulna sans atteinte osseuse associée (photos 1a et 1b). Une réduction de la luxation à foyer fermé et une immobilisation du membre (bandage de type Robert-Jones modifié avec attelle) ont été tentées à deux reprises à 10 jours d’intervalle. L’animal a été référé pour une prise en charge chirurgicale à la suite de la seconde récidive.

2. Examen clinique et diagnostic

L’examen clinique général à l’admission ne révèle aucune anomalie. À l’examen orthopédique, l’animal présente une boiterie permanente sans appui du membre thoracique gauche, ce dernier étant tenu en abduction avec le coude en flexion. À la palpation de l’articulation huméro-radio-ulnaire, une perte des repères anatomiques est mise en évidence avec un déplacement latéral de la tête du radius. Une douleur est également présente lors des mouvements de flexion et d’extension du coude.

Au vu de l’anamnèse, de l’examen orthopédique et des radiographies réalisées par le vétérinaire traitant, le diagnostic de luxation latérale ancienne du coude gauche sans atteinte osseuse associée est établi.

3. Traitement

En raison de la persistance de l’instabilité après réduction à foyer fermé, une prise en charge chirurgicale avec ligamentoplastie est décidée.

Une prémédication est effectuée à l’aide d’un bolus de diazépam (Valium®) à 0,2 mg/kg par voie intraveineuse (IV) et de morphine à 0,2 mg/kg IV, suivi d’une induction au propofol (Propovet®, dose à effet). L’anesthésie est ensuite maintenue par un mélange d’oxygène et d’isoflurane (IsoFlo®) après intubation endotrachéale. Une surveillance multiparamétrique (électrocardiogramme [ECG], capnographie, pulse-oxymétrie, pression artérielle non invasive, température) est réalisée jusqu’au réveil. Une perfusion péri-opératoire intraveineuse à base de cristalloïdes (NaCl 0,9 %) est mise en place pour toute la durée de l’anesthésie à un débit de 5 ml/kg/h. Une antibioprophylaxie (ceftiofur, 2 mg/kg) est instaurée à l’induction et à la fin de l’intervention chirurgicale.

L’animal est placé en décubitus dorsal afin d’autoriser un abord à la fois latéral et médial du coude. L’abord latéral est réalisé en premier lieu. Après une incision cutanée et une dissection du tissu sous-cutané, le fascia brachial profond est ouvert en longeant le chef latéral du triceps, puis le septum intermusculaire entre l’extenseur radial du carpe et l’extenseur commun des doigts l’est à son tour. Le muscle anconé est incisé et récliné caudalement pour découvrir la surface articulaire du processus anconé. Le muscle extenseur radial du carpe est récliné cranialement pour découvrir le condyle latéral sous-jacent. La luxation datant de 3 semaines, l’identification des structures anatomiques, et notamment des reliquats de capsule articulaire, est rendu difficile par la fibrose périarticulaire. Après débridement et aspiration des caillots et de la fibrine intra-articulaire, la luxation est réduite. Le coude est ensuite stabilisé par la mise en place de prothèses ligamentaires huméro-radiale et huméro-ulnaire. Pour cette technique, trois tunnels osseux sont forés latéralo-médialement à l’aide d’une mèche de 1,2 mm de diamètre :

– un tunnel huméral transcondylaire ;

– un tunnel radial traversant la tête du radius près de l’insertion du ligament collatéral latéral ;

– un tunnel ulnaire traversant l’incisure trochléaire à mi-chemin entre la surface articulaire et la corticale caudale de l’ulna, à hauteur du processus coronoïde médial (figure 1).

Un abord médial du coude centré sur l’épicondyle huméral est ensuite réalisé. Deux fils monobrins résorbables de polydioxanone décimale 4 (PDS I®) sont utilisés en tant que prothèses ligamentaires. Le premier fil est passé latéro-médialement à travers le tunnel radial, le second, latéro-médialement à travers le tunnel ulnaire. Pour faciliter le passage des fils à travers le condyle huméral, une aiguille de 18 G est introduite dans le tunnel huméral latéro-médialement. Les extrémités des ligatures sont ensuite insérées dans le trou de l’aiguille et ramenées du côté médial vers le côté latéral en retirant celle-ci du tunnel osseux. Les extrémités des fils sont passées sous les muscles fléchisseurs et extenseurs en portant une attention particulière aux structures vasculo-nerveuses. L’articulation étant positionnée en position physiologique (en extension avec un angle d’environ 135°), les extrémités des fils sont ensuite sécurisées à l’aide de deux nœuds autoserrants auxquels sont ajoutés quatre nœuds plats. La stabilité de l’articulation est testée à l’aide de mouvements de flexion-extension et de supination-pronation avec le coude fléchi à 90°. Les tissus sous-cutané et cutané sont ensuite suturés à l’aide de surjets simples au Glycomer® 631 décimal 3 (Biosyn®) et au nylon décimal 3 (Monosoft®). Un pansement collé est mis en place afin de protéger la plaie.

4. Suivi postopératoire

Des radiographies montrent une réduction de la luxation et la localisation des tunnels osseux (photos 2a et 2b). Une perfusion (NaCl 0,9 %) est maintenue pendant 12 heures à un débit de 2 ml/kg/h. L’analgésie est prise en charge pendant les premières 48 heures postopératoires par l’administration de morphine à la dose de 0,1 mg/kg IV toutes les 4 heures et de méloxicam (Métacam®) à 0,1 mg/kg/j par voie orale. Dès le lendemain de l’intervention chirurgicale, l’animal présente un appui franc malgré une boiterie persistante et aucun déficit nerveux n’est observé. Après 2 jours d’hospitalisation, l’état du chat est satisfaisant et il est rendu à ses propriétaires en maintenant le traitement anti-inflammatoire pendant 5 jours et en recommandant un confinement strict (grande cage, parc à bébé ou petite pièce) pendant 4 semaines.

5. Suivi à court et long terme

Un premier contrôle clinique pour le retrait des fils est réalisé chez le vétérinaire traitant 10 jours après l’intervention chirurgicale. Aucune anomalie n’est signalée. Au contrôle orthopédique 1 mois après l’opération, les propriétaires rapportent une bonne récupération fonctionnelle du membre thoracique gauche. À l’examen orthopédique, l’animal ne présente plus de boiterie. La manipulation du membre n’est pas douloureuse, les reliefs osseux sont en place et l’amplitude des mouvements est comparable à celle du membre controlatéral. L’examen neurologique est normal. Des radiographies de contrôle montrent la persistance de la réduction, des tunnels osseux, et une absence de modifications arthrosiques du coude. Une reprise progressive de l’exercice est alors recommandée.

Six mois après l’opération, des nouvelles sont prises par téléphone. La chatte se porte très bien, ne présente pas de boiterie et a recouvré une activité physique normale. Un examen orthopédique réalisé 18 mois après l’opération ne met pas de boiterie en évidence. Le coude est stable et l’amplitude des mouvements, comparable à celle de l’articulation controlatérale.

DISCUSSION

1. Épidémiologie

Les luxations du coude peuvent être d’origine traumatique ou congénitale [5, 10, 13]. Comparées aux luxations coxo-fémorales, les luxations du coude d’origine traumatique sont peu fréquentes chez le chien et rares chez le chat car les forces s’appliquant sur celui-ci en cas d’accident sont plus généralement à l’origine de fractures articulaires [2-4, 7-9, 11]. Certains auteurs avancent la théorie selon laquelle l’articulation du coude des chats est moins sujette à la luxation que celle des chiens grâce au ligament olécranien. Ce ligament qui s’étend de la face latérale de l’olécrane à la face médiale du condyle huméral est deux fois plus large et trois fois moins long chez le chat que chez le chien, ce qui lui confère une plus grande solidité relative [1, 6].

2. Étiopathogénie

Les luxations du coude sont souvent liées à des accidents de la voie publique et sont le résultat de forces de rotation appliquées sur un coude en flexion dont le processus anconé est dégagé de la fosse olécranienne [8, 10]. En raison de l’anatomie osseuse de la région, la majorité des luxations du coude est latérale [2, 4, 7, 9]. En effet, la proéminence de la crête épicondylaire médiale empêche le déplacement médial de l’ulna. En revanche, la forme arrondie de l’épicondyle latéral permet au processus anconé de franchir la crête épicondylaire quand le coude est fléchi [10].

3. Rôle des ligaments collatéraux

La stabilité de l’articulation du coude dépend aussi de l’intégrité des ligaments collatéraux (figure 2). Le ligament collatéral latéral prend son origine sur l’humérus, latéralement au capitulum vers la base de l’épicondyle. Ses fibres divergent distalement en formant deux faisceaux. Le faisceau cranial se porte sur l’extrémité proximale du radius. Chez les carnivores, il s’unit au ligament annulaire qui entoure la partie proximale du radius et la maintient contre l’ulna. Le faisceau caudal se dirige vers l’ulna. Le ligament collatéral médial est disposé de façon comparable. Il commence à la base de l’épicondyle médial, puis ses fibres divergent. Les plus craniales s’orientent vers le radius en croisant le ligament annulaire pour se porter sur la tubérosité du radius chez le chien, alors qu’elles cheminent vers le processus coronoïde de l’ulna et s’unissent à l’attache du ligament annulaire chez le chat. Les fibres caudales gagnent l’espace inter­osseux pour se terminer sur la face dorso-médiale de l’ulna [12]. La sévérité des lésions ligamentaires dans les luxations traumatiques du coude est controversée. Ainsi, certains auteurs décrivent des ruptures ligamentaires dans 18 à 50 % des cas, des luxations traumatiques du coude pouvant être associées à une élongation, et non à une rupture, des ligaments collatéraux [3, 5, 9, 11, 12]. Toutefois, une étude réalisée sur des cadavres a montré que la section d’un seul ligament collatéral provoque la luxation du coude chez le chien, alors qu’une rupture des deux ligaments collatéraux est nécessaire pour obtenir une luxation du coude chez le chat [6].

4. Diagnostic d’une luxation du coude et évaluation de la stabilité de l’articulation

Le diagnostic de luxation du coude est aisé à établir. Il existe généralement une douleur et une déformation du coude, avec une résistance marquée lors de l’extension et de la flexion de celui-ci. La modification des rapports anatomiques à la palpation rend le diagnostic clinique facile. La radiographie confirme le diagnostic de luxation du coude. De plus, elle permet de différencier une luxation d’une fracture, dont le traitement est obligatoirement chirurgical [5, 8, 10]. Ensuite, l’évaluation de la stabilité du coude selon le test de Campbell est requise afin d’orienter la prise en charge de la luxation. Cet examen repose sur le principe selon lequel les rotations interne (pronation) et externe (supination) de la main entraînent des rotations semblables du radius et de l’ulna qui se trouvent limitées au niveau du coude par les ligaments collatéraux alors mis en tension. Pour la réalisation pratique du test, le carpe et le coude sont placés à 90°. En cas de rupture du ligament collatéral latéral, la supination de la main peut être réalisée jusqu’à un angle de 100° chez le chien (valeurs normales : 31 à 67°) et de 180° chez le chat (valeurs normales : 110 à 150°). Lors de section du ligament collatéral médial, la pronation peut être effectuée jusqu’à un angle de 90° chez le chien (valeurs normales : 17 à 40°) et de 110° chez le chat (valeurs normales : 30 à 70°). Toutefois, il existe une variabilité non négligeable entre les animaux, avec une corrélation forte entre une augmentation du poids et la réduction des angles de rotation [6]. Lors d’une augmentation anormale de l’amplitude de la pronation et/ou de la supination, une instabilité du coude est diagnostiquée et la nécessité d’intervenir chirurgicalement est discutée. Si l’articulation se luxe à nouveau, comme c’est le cas pour ce chat, la décision d’un traitement chirurgical est simple à prendre. Une réduction à foyer fermé suivie d’une immobilisation peut permettre une cicatrisation par fibrose des tissus mous périarticulaires et assurer une stabilité suffisante pour les petites races peu actives. En revanche, le traitement chirurgical reste indiqué pour les grandes races et les animaux actifs [10].

5. Traitement

Réduction à foyer fermé

Dans tous les cas de luxation aiguë (datant de moins de 7 à 10 jours), en l’absence de fracture articulaire ou périarticulaire radiographiquement visible, comme chez ce chat lors de sa présentation initiale, une réduction à foyer fermé doit être tentée [5, 10]. Elle est généralement couronnée de succès. Un article de 1992 rapporte des résultats satisfaisants chez 89 % des chiens traités (n = 35) avec cette technique [9]. La réduction à foyer fermé se pratique chez un animal anesthésié et myorelaxé. Lorsque le processus anconé est déplacé latéralement, la première étape consiste à le remettre en place. Pour cela, le coude étant fléchi de 100 à 110°, le manipulateur fait subir à l’avant-bras une rotation interne tout en appuyant sur la face latérale de l’olécrane, puis étend le coude légèrement pour bloquer le processus anconé dans la fosse olécranienne. Enfin, une pression continue en direction médiale est maintenue sur la tête du radius pour la ramener en position normale sous le capitulum de l’humérus, le coude étant porté en abduction. Si la stabilité, vérifiée par le test de Campbell précédemment décrit, est satisfaisante après réduction, une contention externe sur un coude positionné en extension est indiquée, pendant environ 2 semaines. Une immobilisation prolongée de plus de 3 semaines peut entraîner une ankylose de l’articulation. Plusieurs techniques de contention externe peuvent être utilisées : pansement de Robert-Jones, Robert-Jones modifié avec des attelles, fixateur externe [10, 12]. Une solution alternative à la contention externe rigide consiste en un fixateur externe flexible. Ce dernier est composé d’une broche passée dans l’humérus proximalement au foramen supratrochléaire et d’une seconde broche passée à mi-hauteur de l’olécrane [12]. Dans un premier temps, deux barres de connexion sont utilisées de part et d’autre de l’articulation pour fixer le coude à environ 140°. Une fois l’œdème périarticulaire postopératoire diminué, les barres de connexion rigides du fixateur sont remplacées par des élastiques. Ces élastiques qui relient les broches latéralement et médialement sont entourés de part et d’autre par des bouchons en caoutchouc (type bouchons de tube à prélèvement) afin de limiter les frictions contre la peau et de prévenir leur migration. Cette technique permet de retrouver un certain degré de mouvement et limite ainsi les risques liés à l’immobilisation prolongée de l’articulation. Ce fixateur externe flexible peut être retiré en moyenne 4 semaines après sa mise en place. Il nécessite des soins quotidiens et une surveillance minutieuse de la part du propriétaire [12].

Réduction à foyer ouvert et traitement des lésions ligamentaires

En cas d’instabilité majeure mise en évidence par le test de Campbell, de fracture articulaires ou périarticulaires, de luxation ancienne avec une contracture musculaire et une fibrose capsulaire ou de récidive de la luxation après réduction comme dans le cas décrit ci-dessus, une réduction chirurgicale associée ou non à une réparation ligamentaire ou à une ligamentoplastie est indiquée (figure 3). L’abord articulaire choisi dépend de la localisation et de l’ancienneté des lésions. La réduction à foyer ouvert s’effectue après l’incision des tissus mous, et le retrait des reliquats d’hématome ou de ligaments interposés entre les surfaces articulaires. La procédure se poursuit ensuite comme dans la réduction à foyer fermé. Si la réduction est toujours impossible, il peut être nécessaire d’agrandir l’exposition en utilisant l’abord caudal avec une ostéotomie de l’olécrane [10]. Après réduction, la stabilité de l’articulation est évaluée grâce au test de Campbell, décrit précédemment. Lors d’instabilité persistante, les lésions ligamentaires doivent être prises en charge. Les ligaments distendus sont suturés par plicature de façon à effectuer une imbrication. Les ligaments rompus sont suturés (technique de l’anse bloquée ou suture de Kessler, méthode du point en cage à trois anses, suture double de Bunnel-Meyer). Les ligaments ayant subi une avulsion sont réinsérés aussi près que possible de leur point d’origine. Si l’avulsion du ligament est nette, il est refixé à l’aide d’une vis munie d’une rondelle crantée ou d’un fil passé au travers du ligament et fixé à une vis. Lors d’avulsion osseuse, une vis de traction est idéale [10]. Une ligamentoplastie à l’aide de matériaux synthétiques est parfois requise pour renforcer la reconstruction ou remplacer totalement les ligaments qui ne peuvent être suturés. La technique classiquement décrite consiste en la mise en place de vis munies d’une rondelle crantée. Une vis est insérée sur le condyle huméral latéral (et/ou médial) et l’autre vis est placée sur la tête radiale en face latérale (et/ou médiale). La prothèse est constituée d’un fil irrésorbable, de type nylon, polypropylène ou polyester tressé, noué en huit autour des deux vis. Celles-ci peuvent être remplacées par des ancres chirurgicales et le fil est alors simplement tendu entre les deux ancres. La prothèse doit être tendue de manière à ne pas entraver les mouvements physiologiques du coude. Il est conseillé de placer une prothèse pour chaque ligament collatéral [12]. Une contention externe est également indiquée après une réduction à foyer ouvert et/ou une ligamentoplastie, pendant 2 à 3 semaines. Les techniques de contention sont les mêmes que celles décrites à la suite d’une réduction à foyer fermé.

La méthode de prothèses ligamentaires huméro-radiale et huméro-ulnaire à travers trois tunnels osseux précédemment décrite est une technique de ligamentoplastie permettant de remplacer totalement les deux ligaments par des matériaux synthétiques. Avec ce procédé, l’orientation des prothèses est plus proche de l’anatomie des ligaments. De plus, le forage des tunnels osseux permet de s’affranchir de l’utilisation de matériels comme les vis ou les ancres chirurgicales qui sont susceptibles de s’infecter, de se rompre ou de migrer. La technique originale décrite par Farrell et coll. prévoit l’emploi de ligatures irrésorbables [7]. Dans le cas présenté, l’utilisation de fils monobrins résorbables a été privilégiée en raison de leur très bonne tolérance et afin de limiter le risque, à terme, de rejet des prothèses. La stabilité de l’articulation n’est pas affectée par ce choix car la cicatrisation optimale des tissus périarticulaires, obtenue à la suite de la mise en place des prothèses, va assurer la stabilité du coude lorsque les fils se seront résorbés. La technique des prothèses ligamentaires huméro-radiale et huméro-ulnaire à travers trois tunnels osseux semble une solution alternative intéressante et avec des risques limités pour les animaux de petit format. Elle a permis une amélioration significative des valeurs du test de Campbell et une diminution du risque de récidive de luxation dans une étude in vitro, et son efficacité a été démontrée chez 2 chats et 1 hérisson [6, 7, 14]. Cette approche permet également de s’affranchir de la période des 3 semaines d’immobilisation rigide généralement conseillée pour les autres techniques, ce qui facilite les soins postopératoires tout en limitant le risque d’ankylose de l’articulation [10]. Pour autant, il est difficile de conclure définitivement sur la supériorité de cette technique, comparativement aux méthodes habituelles, car elle n’a été mise en pratique que dans un nombre très limité de cas et son emploi est peu décrit [7, 14].

6. Pronostic

Le pronostic des luxations du coude dépend de la sévérité des lésions du cartilage et des tissus mous périarticulaires, de la chronicité de la luxation, du degré de stabilité atteint et des soins postopératoires (repos et physiothérapie). Le pronostic varie de bon à excellent si la luxation est traitée rapidement. Le traitement chirurgical est d’autant plus aisé (moins de fibrose, moins d’adhérences, moins de rétraction musculaire) qu’il est mis en œuvre rapidement. Les complications potentielles comprennent des récidives, une réduction de l’amplitude des mouvements, de l’arthrose et une infection [9, 10].

Conclusion

Les luxations du coude sont des affections rares chez les chats. Elles se produisent généralement à la suite d’un traumatisme sévère. Elles sont souvent latérales et s’accompagnent obligatoirement de lésions ligamentaires. Il convient de juger de la stabilité de l’articulation après réduction et de la nécessité d’intervenir chirurgicalement avec une réparation ligamentaire ou une ligamentoplastie. Plusieurs techniques chirurgicales sont décrites. La mise en place de prothèses ligamentaires par l’intermédiaire de tunnels osseux huméral, huméro-radial et huméro-ulnaire est un procédé récent qui a fait l’objet de peu d’études comparatives permettant de conclure à son intérêt par rapport aux techniques habituelles. Elle est relativement simple, semble prévenir le risque de rechute, être mieux tolérée que les autres méthodes évoquées (vis, ancres, fixateur externe) et ne nécessite pas l’utilisation de coaptation externe ou de soins postopératoires complexes.

Références

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Conflit d’intérêts

Aucun.

Points forts

→ Les luxations du coude d’origine traumatique sont rares chez le chat. Elles sont généralement latérales et associées à des lésions des ligaments collatéraux.

→ Une réduction à foyer fermé est tentée en cas de luxation aiguë en l’absence de fracture articulaire ou périarticulaire.

→ Le test de Campbell est une étape importante de la prise en charge des luxations du coude car il permet de juger de la stabilité de l’articulation après réduction.

→ En cas de luxation ancienne, de récidive, d’instabilité majeure après réduction à foyer fermé ou de fracture articulaire, une réduction à foyer ouvert souvent associée à une reconstruction ligamentaire ou à une ligamentoplastie s’impose.

→ La technique des prothèses ligamentaires huméro-radiale et huméro-ulnaire utilisant trois tunnels osseux est une procédure de ligamentoplastie originale qui permet un remplacement total des ligaments collatéraux.

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