ÉLEVAGE LAITIER
Avis d’expert
Auteur(s) : Ellen Schmitt-van de Leemput*, Nico Vreeburg**, Joep Driessen***
Fonctions :
*Vetformance, 1, rue Pasteur,
53700 Villaines-la-Juhel
**CowSignals® Training Company,
membre du groupe Vetvice,
Hoekgraaf 17a 6617 AX, Bergharen, Pays-Bas
Il convient de diminuer le nombre des vaches debout et le temps debout par vache. À la clé : moins de boiteries, deux lactations de plus par animal et une production optimisée.
La domestication des animaux vise à améliorer leur productivité et leur rentabilité. Depuis les années 1990, il est reconnu qu’il existe une conduite possible où la rentabilité optimale pour l’éleveur est en équilibre avec un certain respect de bien-être des animaux (figure 1) [29].
L’état d’équilibre pointé par McInerney en 1991 ne correspond pas forcément au degré le plus élevé de bien-être. En revanche, de même que le plus haut niveau de bien-être n’est pas toujours associé à la meilleure rentabilité, de même un manque de respect pour ce bien-être finit par dégrader la rentabilité (point D : minimal). Ainsi, il existe une zone dans laquelle les conditions de la domestication sont en conflit avec les besoins naturels : les animaux ne peuvent plus les satisfaire et une chute de la productivité en résulte souvent.
Deux exemples démontrent la théorie de McInerney en élevage laitier moderne.
Le premier est l’observation qu’avec une même ration, distribuée à des cheptels différents, mais d’un niveau génétique comparable, les quantités de production varient entre 21 et 34 kg de lait par jour et par vache dans les élevages (n = 47) [1]. La conduite et le logement des animaux expliquent ces différences. Les élevages à 34 kg de lait par jour et par vache ont réussi à trouver l’état d’équilibre exposé précédemment (« souhaité »), avec comme résultat les meilleures performances de l’étude.
Dans le second exemple, H. Knijn démontre, en 2014, que la quantité de lait produit par lactation (sur 305 jours, pour 8 000 lactations) augmente jusqu’à la huitième lactation pour les vaches qui ont la chance de vivre jusque-là (figure 2) [23]. Pour cause de mort ou de réforme précoce, les vaches laitières arrivent rarement à ce stade. Un défaut de bien-être des animaux empêche ainsi les éleveurs de rentabiliser leur outil de travail.
D’excellentes études sur la relation entre le bien-être des animaux et la rentabilité en élevage démontrent l’importance de respecter l’« emploi de temps » d’une vache laitière. Le planning quotidien de cette dernière est chargé et peu flexible (figure 3). Une vache a besoin de 12 à 14 heures de couchage par jour, idéalement divisées en petites périodes de 2 heures. Après un laps de temps debout, elle manifeste une énorme motivation à aller se coucher [3, 10, 30]. L’objectif de durée de la station couchée ne peut être atteint si la vache perd son temps à des choses inutiles. Son désir d’aller se coucher l’emporte sur son besoin de manger [13, 30, 31]. Une vache consacre jusqu’à 6 heures par jour à ingérer à condition que ses horaires de repos soient respectés [7, 9, 17]. Une vache va sacrifier environ 1 minute d’ingestion pour 3 minutes de repos manqué [10, 20, 30].
Dans l’élevage moderne, la plus grande source de temps perdu pour une vache laitière correspond à des phases d’attente debout. C’est le plus pénalisant pour son bien-être.
Attendre debout, et, par conséquence, manquer de temps de repos, a des effets néfastes pour la santé. C’est une cause importante de réforme anticipée et de sous-performances en élevage laitier.
L’attente debout impacte en premier lieu le taux de boiteries dans un élevage [12, 22, 27]. L’inverse est vrai aussi : une vache qui boite attend beaucoup plus qu’une vache avec une bonne locomotion : dès le moindre embouteillage, elle passe en dernier car elle n’a pas l’assurance pour pousser ces congénères.
Des boiteries d’origine non infectieuse (hémorragie, ulcères, etc.) peuvent survenir à la suite d’une surcharge des aplombs. Des boiteries d’origine infectieuse aussi (dermatite). En effet, les pattes des vaches debout se salissent plus qu’en station couchée (photo 1). Les souillures des pattes chez les vaches debout ont aussi un effet négatif sur la propreté des logettes, avec des conséquences immédiates pour la qualité du lait.
Le manque de repos influence directement la production laitière (figure 4).
Le fait d’être couché la stimule grâce à une augmentation de la circulation sanguine dans la mamelle de 30 % [11]. En effet, le temps passé à attendre debout est directement enlevé à celui durant lequel la vache mange. Or du temps d’ingestion en plus correspond à du lait produit en plus [32].
Différents postes de perte de temps debout sont identifiés :
– à la traite ;
– en attendant sa place pour manger ou aller se coucher ;
– dans les embouteillages ;
– lorsque la vache est soumise à un stress thermique ;
– dans sa propre logette.
Des aménagements peuvent être imaginés pour limiter les stations debout à chacun de ces postes clés (encadrés 1 à 5).
Ainsi, l’ennemi du repos d’une vache est le temps qu’elle consacre à attendre. Chasser les vaches debout de nos élevages, c’est leur permettre d’accéder à de meilleures surfaces, ambiances et conditions d’élevage en général, c’est-à-dire les faire accéder à un bien-être suffisant pour qu’elles produisent davantage de lait, en vivant plus longtemps aussi.
Aucun.
→ L’attente debout impacte en premier lieu le taux de boiteries dans un élevage.
→ Le manque de passages parallèles pénalise surtout l’ingestion des vaches affaiblies ou des primipares.
→ Il convient de faire entrer un maximum d’air dans le bâtiment, mais d’être en mesure d’en contrôler la vitesse en cas de besoin.
Pour respecter la durée quotidienne de repos nécessaire par vache, le temps de la traite ne devrait pas dépasser 2 h/j, soit 1 heure matin et soir. La capacité du parc d’attente devant la salle de traite doit être adaptée. Remplir, traire et vider une salle de traite prend approximativement 15 minutes. En 1 heure, le niveau de traite correspond à quatre fois la capacité de la salle de traite. Dès que la taille du cheptel dépasse cela, la traite devrait s’effectuer en plusieurs groupes (de remplissage du parc d’attente), selon notre expérience (photo 2).
→ En règle générale, dès que le nombre de places de couchage ou de places à l’auge est inférieur au nombre de bovins présents, les vaches passent moins de temps couchées. La compétition pour les places à l’auge est responsable de 88 % des déplacements dans un bâtiment. Accéder à l’auge constitue une haute priorité pour les vaches, au détriment du temps de couchage [14, 19] (photo 3).
→ Autre observation, dès que le bâtiment est surchargé, les vaches mangent plus vite et ruminent moins, d’où une baisse de taux butyrique [2, 19, 25]. Une relation entre la quantité des logettes et le temps de couchage a été clairement établie dans plusieurs études [14, 19, 25, 26, 28, 37, 38].
D’autres phénomènes observés en lien avec une surpopulation dans les bâtiments ont une influence négative sur la qualité du lait, les boiteries et la reproduction [4, 12, 18].
La circulation dans un bâtiment doit être bien réfléchie pour faciliter les déplacements des animaux. Les dimensions idéales pour les couloirs peuvent être exprimées en « unité des vaches » (figure 5) [21]. Pour que les vaches puissent circuler librement dans le couloir où se trouve la table d’alimentation, il convient que 2 d’entre elles aient la place de passer derrière un bovin qui est en train de manger (soit 4 à 4,50 mètres : situation 1). Pour un couloir entre deux rangées de logettes, cette distance est de 1 vache, également pour le passage derrière un bac à eau (2,50 à 3 mètres : situation 2). Les passages parallèles doivent laisser passer 2 vaches à la fois (3 à 3,5 mètres : situation 3). Idéalement, il en faut un entre chaque rangée de 20 logettes. Les vaches ne doivent pas marcher sur une longueur de plus de 10 logettes pour passer de l’autre côté. Le manque de passages parallèles pénalise surtout l’ingestion des vaches affaiblies ou des primipares. Celles-ci se retrouvent souvent dans les couloirs les plus éloignés de l’auge.
→ L’effet de la température et de l’humidité sur la productivité des vaches laitières est largement démontré et consensuel [34, 36].
Il est en revanche moins connu que des vaches peuvent souffrir de stress thermique dès une température ambiante de 25 °C environ. Plusieurs index permettent d’estimer le stress thermique subi par les vaches : l’index de température humidité (abrégé THI en anglais) est un rapport entre l’humidité relative et la température de l’air. S’il est supérieur à 72, la reproduction est affectée en premier lieu et la production laitière commence aussi à être impactée.
À partir de 78, la production laitière chute franchement. Au-delà de 82, elle est sévèrement diminuée et les vaches présentent des signes de détresse respiratoire [6]. Les plus hautes productrices sont encore plus concernées que les autres. Les vaches dans des bâtiments dont le THI excède 74, au lieu de 56, une valeur habituelle, se couchent moins longtemps (7,9 h au lieu de 10,9 h) et sont debout plus longtemps dans les couloirs (4,5 h au lieu de 2,6 h) (figure 6) [7].
→ Une bonne ventilation des bâtiments permet aux animaux de ne pas souffrir de la chaleur et de se sentir bien dans le bâtiment toute l’année. Les vaches souffrent peu du froid, mais elles sont extrêmement sensibles aux courant d’air [34].
Ainsi, il convient de faire entrer un maximum d’air dans le bâtiment, mais de pouvoir en contrôler la vitesse en cas de besoin. Pour optimiser la ventilation, des stabulations presque entièrement entourées de rideaux brise-vent ont été imaginées, adaptées à toutes les zones climatiques (photo 4).
Une conception inadéquate des logettes est la cause principale de station debout prolongée. La surface de couchage est le plus souvent en cause. De nombreuses études dont le travail de Cook et Nordlund l’ont démontré (figures 7 et 8, photo 5) [8].
Une manière intéressante d’illustrer l’importance de la surface de logettes est le Cow Comfort Index (CCI) attribué aux différentes surfaces par Wagner-Storch et coll. en 2003 [35]. Les CCI pour le sable, les matelas, le tapis et le béton paillé sont respectivement de 88 %, 85 %, 68 % et 59 % [34]. En règle générale, les logettes creuses (sable, paille, compost) sont les plus confortables. Un confort raisonnable peut être obtenu avec des logettes en béton paillé à condition que le paillage soit épais et bien fait. Certaines marques de matelas apportent un confort qui ressemble à celui des logettes creuses. En revanche, le tapis (simple épaisseur de caoutchouc, matelassé ou non) est à éviter : les bovins y passent davantage de temps debout. En raison de la douleur engendrée aux points de contact, la vache peine davantage à se lever et à se coucher que dans le sable. Donc elle anticipe et se couche moins.
En plus des surfaces, le réglage des logettes est intensivement étudié au regard du comportement de couchage qui en découle (mesures optimales : figure 9).
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