ÉTAPE 8 : Ostéosynthèse par plaque d’une fracture diaphysaire par abord mini-invasif avec fluoroscopie - Le Point Vétérinaire n° 371 du 01/12/2016
Le Point Vétérinaire n° 371 du 01/12/2016

EN 10 ÉTAPES

Auteur(s) : Jean-François Boursier*, Dimitri Leperlier**, Anne-Sophie Bedu***

Fonctions :
*CHV Pommery
226, boulevard Pommery,
51100 Reims

Le recours à la fluoroscopie peropératoire lors de l’ostéosynthèse d’une fracture diaphysaire permet une cicatrisation plus rapide et minimise les complications.

L’imagerie interventionnelle est une discipline qui connaît un essor important en médecine vétérinaire ces dernières années, et notamment pour son utilisation en chirurgie orthopédique. Lors de la gestion d’une fracture diaphysaire d’un os long, le recours à la fluoroscopie peropératoire permet une visualisation de l’alignement osseux et de la réduction du foyer de fracture (sans abord chirurgical de ce dernier), mais également la vérification du positionnement des implants.

GÉNÉRALITÉS SUR L’OSTÉO­SYNTHÈSE MINI-INVASIVE

Actuellement, le respect de l’environnement biologique du foyer de fracture est le concept qui gouverne la réalisation des ostéosynthèses dites biologiques. L’abord osseux invasif avec reconstruction anatomique de l’os fait progressivement place à des abords minimalement invasifs qui ont pour objectif un alignement des abouts osseux par des techniques de réduction indirecte des principaux fragments. Cette approche chirurgicale améliore la cicatrisation osseuse par la préservation de la biologie du foyer de fracture (hématome fracturaire, vascularisation des abouts osseux). L’union de la zone de fracture se fait alors après cicatrisation osseuse indirecte par formation d’un cal osseux, remodelé ensuite [4]. L’hématome fracturaire aurait un potentiel ostéo-inducteur important au niveau du site de fracture, et sa préservation joue donc un rôle majeur dans la formation du cal osseux et la vitesse de cicatrisation du site de fracture [2].

Deux études sur la gestion minimalement invasive d’une fracture du tibia chez le chien et le chat rapportent un temps moyen de cicatrisation osseuse compris entre 35 et 45 jours, ce qui est nettement plus rapide que les résultats précédemment obtenus pour une réduction ouverte par plaque ou fermée à l’aide d’un fixateur externe [3, 7]. De plus, le temps opératoire peut être considérablement diminué grâce au planning préopératoire et à l’abord limité des abouts osseux.

Enfin, l’utilisation de l’ostéosynthèse en abord mini-invasif diminuerait les risques de complications majeures postopératoires, comme une infection ou un séquestre osseux. Un temps opératoire raccourci, un abord restreint, une préservation de la vascularisation et de l’hématome fracturaire sont autant de critères propres à justifier cette information [1, 4].

1. Apport de la fluoroscopie

Lorsqu’une approche mini-invasive est sélectionnée, le foyer de fracture n’est en général pas exposé chirurgicalement et n’est pas visible pour le chirurgien. L’observation de la réduction de la fracture peut alors être réalisée de différentes manières : incision sur la fracture et création d’un port d’observation, palpation externe ou fluoroscopie (photo 1) [7].

La fluoroscopie peropératoire offre l’avantage d’être moins invasive que la création d’un port d’observation, et autorise une approche complètement percutanée. La fluoroscopie permet une estimation de la réduction en évaluant l’alignement des articulations proximales et distales à une fracture diaphysaire complexe. Lors de fracture diaphysaire simple, elle permet d’apprécier l’apposition et la réduction des fragments (photo 2). La mise en place des implants et le contrôle de leur bon positionnement peuvent aussi être réalisés par fluoroscopie [4].

La fluoroscopie permet donc de contrôler le positionnement de la plaque en regard de l’os (contour de la plaque correspondant à la surface osseuse, position proximo-distale). Elle permet de vérifier la bonne angulation des vis (en prévention du positionnement intra-articulaire) et leur ancrage mono- ou bicortical (photo 3). Enfin, elle permet de s’assurer d’une longueur utile de vis non excessive. Lors d’une ostéosynthèse minimalement invasive par montage clou-plaque, elle permet de contrôler le bon positionnement intramédullaire du clou et la longueur adéquate de celui-ci (photo 4). Une étude récente sur des fractures de tibia traitées par une ostéosynthèse par plaque minimalement invasive en utilisant la fluroroscopie dans 80 % des cas a démontré un alignement postopératoire cliniquement satisfaisant.

2. Préparation de l’intervention chirurgicale

L’utilisation de la fluoroscopie au cours d’une ostéosynthèse d’un os long ne remplace en aucune manière une planification optimale de l’intervention chirurgicale, tout comme l’ostéosynthèse mini-invasive réalisée doit respecter des principes spécifiques. La planification comporte plusieurs étapes, certaines indispensables, d’autres plus accessoires, mais qui apportent un confort au chirurgien. Ni l’ostéosynthèse biologique, ni la fluoroscopie ne remplace la mise en œuvre d’une bonne technique chirurgicale.

Les radiographies de face et de profil de l’os atteint, ainsi que du membre controlatéral, incluant la mise en place d’un calibre radiographique sur le cliché, sont indispensables à la planification d’une intervention chirurgicale mini-invasive en orthopédie vétérinaire. Elles permettent d’évaluer la fracture et de planifier l’approche chirurgicale et les implants requis à son ostéosynthèse. L’examen radiographique permet aussi de décider du bien-fondé d’une approche chirurgicale minimalement invasive. Des mesures préopératoires peuvent également être prises, et notamment en ce qui concerne la longueur des implants. Les clichés du membre sain sont utiles au contournement préopératoire de la plaque, ce qui limite le temps opératoire et aide à la réduction fracturaire [1, 4]. Durant la planification, il est également possible de déterminer le type de vis, leur longueur et l’angulation.

Des logiciels de planification d’ostéosynthèse sont aussi utilisés dans notre structure. Cette aide à la préparation chirurgicale permet une simulation numérique préopératoire de la reconstruction de la fracture et du positionnement des implants, ainsi que le choix de leur taille (photo 5). Enfin, les interventions chirurgicales les plus complexes peuvent faire l’objet d’une planification par examen scanner et impression 3D (photo 6). Après avoir sélectionné les implants correspondant au type de fracture à traiter et à l’animal, la planification chirurgicale doit s’étendre aux abords et à la technique de réduction indirecte. Les approches sélectionnées doivent être à distance du foyer de fracture tout en permettant la mise en place des vis. Il convient ensuite de déterminer si la réduction sera obtenue par le positionnement du membre en salle opératoire, une mise en traction, une réduction sous plaque, la mise en place d’une broche centro-médullaire ou l’utilisation de daviers ou de joysticks.

RÉDUCTION ET STABILISATION D’UNE FRACTURE DIAPHYSAIRE D’UN OS LONG

1. Réduction de la fracture

La réduction de la fracture diaphysaire comminutive d’un os long par abord minimalement invasif est réalisée indirectement. Ainsi, elle n’est pas obtenue par la reconstruction du foyer de fracture et la mise en place d’un davier directement sur celui-ci. Cette réduction indirecte peut être obtenue par traction (suspension sur le membre atteint ou utilisation d’une table spécifique), positionnement de daviers (le plus souvent à pointes, placement percutané) à distance du foyer de fracture ou, enfin, à l’aide de poignée de réduction permettant de former un fixateur externe temporaire. Le plus souvent, la réduction indirecte est facilitée par la mise en place percutanée d’un clou centro-médullaire (photo 7) [1, 4, 5]. Une plaque précontournée peut également être utilisée pour aligner les abouts osseux en réduisant les abouts sous la plaque.

Les critères d’évaluation d’une réduction indirecte sont l’alignement des abouts osseux et surtout des surfaces articulaires adjacentes dans tous les plans, ainsi que la restauration de la longueur de l’os. La fluoroscopie permet de contrôler l’alignement, alors que la planification préopératoire (choix de la longueur des implants et de leurs positionnements), associée à la fluoroscopie, vérifie la longueur de l’os.

Quelle que soit la technique de réduction choisie, elle doit impérativement être la moins traumatique possible pour les tissus qui avoisinent le foyer de fracture, afin de préserver l’apport sanguin existant [1, 4, 6].

2. Approche chirurgicale

L’abord chirurgical est choisi en fonction de l’anatomie du membre, de la zone de fracture, mais également dans l’objectif de ne pas endommager les structures neurovasculaires avoisinantes. Les incisions cutanées sont prédéfinies pour correspondre aux zones proximale et distale de la future plaque. Cette incision et la dissection des tissus mous sous-jacents doivent permettre l’exposition de l’os, la mise en place de daviers, si nécessaire, ainsi que l’introduction de la plaque et des vis.

Dès l’incision cutanée et la dissection sous-cutanée réalisées, un tunnel épipériosté est créé. Le périoste est volontairement laissé en place et il convient de prendre garde tout particulièrement à ne pas traumatiser davantage le site de fracture (photo 8) [1, 4].

3. Mise en place des implants

La plaque est glissée par une des extrémités de l’abord, au sein du tunnel épipériosté préalablement créé, jusqu’à voir apparaître son extrémité opposée en regard de la seconde incision (photo 9). À cette étape, la fluoroscopie peropératoire permet également de contrôler le contournement adéquat de la plaque et sa position par rapport à l’os. Si ce n’est pas le cas, la plaque peut alors être retirée et de nouveau contournée. Cette étape est moins critique avec un système de plaque et de vis verrouillées [1, 4].

Une fois le positionnement de la plaque définitivement choisi, les vis sont alors mises en place de manière standard. La fluoroscopie peut apporter un contrôle supplémentaire à la vérification de la longueur d’une vis, bien que cette étape augmente le temps d’exposition au rayonnement. Cet examen aide également au choix de l’orientation d’une vis lorsque celle-ci doit être implantée dans une zone périarticulaire avec une plaque fortement angulée, comme à l’extrémité distale du tibia [4].

Certaines vis nécessitent une mise en place en dehors des zones d’incision proximale et distale. Dans un tel cas, le site d’insertion de la vis est palpé ou localisé par fluoroscopie, permettant ainsi la réalisation d’une incision ponctiforme en regard du trou sur la plaque, puis le placement de la vis [1, 4].

Enfin, la fermeture des tissus sous-cutanés et la fermeture cutanée sont classiques. Des clichés radiographiques postopératoires sont nécessaires afin de confirmer l’alignement osseux, ainsi que la position des implants. Parfois, les clichés fluoroscopiques sont suffisants et évitent alors le transfert de l’animal en salle de radiographie, ce qui diminue la durée de l’anesthésie.

Conclusion

La fluoroscopie permet la réalisation d’une ostéosynthèse mini-invasive en offrant une visualisation de la réduction de la fracture et de l’alignement des surfaces articulaires sans nécessiter un abord du site de fracture. Cette approche est celle qui respecte le mieux l’hématome fracturaire et le foyer de fracture, permettant ainsi une cicatrisation osseuse plus rapide et des risques de complications moindres.

Références

  • 1. Beal BS, McCally R. Minimally invasive plate osteosynthesis: tibia and fibula. Vet. Clin. Small Anim. 2012;42:1023-1044.
  • 2. Grundnes O, Reikerås O. The importance of the hematoma for fracture healing in rats. Acta Orthop. Scandinavica. 1993;64(3):340-342.
  • 3. Guiot LP, Dejardin LM. Prospective evaluation of minimally invasive plate osteosynthesis in 36 nonarticular tibial fractures in dogs and cats. Vet. Surg. 2011;40:171-182.
  • 4. Hudson CC, Pozzi A, Lewis DD. Minimally invasive plate osteosynthesis: Applications and techniques in dogs and cats. Vet. Comp. Orthop. Traumatol. 2009;22:175-182.
  • 5. Johnson AL. Current concepts in fracture reduction. Vet. Comp. Orthop. Traumatol. 2003;16:59-66.
  • 6. Leunig M, Hertel R, Siebenrock KA et coll. The evolution of indirect reduction techniques for the treatment of fractures. Clin. Orthop. Relat. Res. 2000;375:7-14.
  • 7. Schmökel HG, Stein S, Radke H et coll. Treatment of tibial fractures with plates using minimally invasive percutaneous osteosynthesis in dogs and cats. J Small Anim. Pract. 2007;48(3):157-160.

Conflit d’intérêts

Aucun.

Points forts

→ L’ostéosynthèse mini-invasive se caractérise par l’abord limité de l’os et la préservation de la biologie du foyer de fracture.

→ La réduction de la fracture, non exposée chirurgicalement, se fait sous un contrôle fluoroscopique direct.

→ La fluoroscopie permet la visualisation de l’alignement osseux, garant de la bonne orientation des surfaces articulaires adjacentes à la fracture.

→ La fluoroscopie permet également, dans une moindre mesure, le contrôle du positionnement des implants tels qu’un clou centromédullaire, une plaque et des vis.

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