Échographie thoracique bovine : essai préliminaire en pratique rurale courante - Le Point Vétérinaire expert rural n° 371 du 01/12/2016
Le Point Vétérinaire expert rural n° 371 du 01/12/2016

IMAGERIE CHEZ LES RUMINANTS D’ÉLEVAGE

Étude

Auteur(s) : Michaël Lallemand*, Alexandre Coudray**

Fonctions :
*Réseau Excellvet,
Clinique vétérinaire Saint-Léonard,
La Barre, 49120 Chemillé-Melay
**Réseau Excellvet,
Clinique vétérinaire Léonard-de-Vinci,
2, allée des Plantes,
49110 Saint-Pierre-Montlimart

À l’échelle de l’individu, l’échographie thoracique permet de qualifier les lésions pulmonaires, de noter leur gravité et de préciser le pronostic. Elle est envisageable sur des lots de veaux.

Face à un animal ou à un lot d’animaux atteints de troubles respiratoires, le thermomètre et le stéthoscope ont longtemps été les seuls outils susceptibles d’aider le praticien à identifier les individus malades, puis à diagnostiquer et à évaluer la sévérité de l’affection en cause.

Les bronchopneumonies engendrent un préjudice majeur en élevage. À ce titre, elles font l’objet de nombreuses recherches en bactériologie et en virologie, mais relativement peu en imagerie. Elles sont à l’origine du développement de beaucoup de vaccins et d’antibiotiques, dont elles sont cause d’une consommation en quantité considérable, alors que le contexte est à la rationalisation de leur usage, pour des raisons de santé publique, de pression sociétale et économiques. C’est toujours un défi de les dépister à temps et d’apprécier correctement leur gravité en pratique courante. Depuis plusieurs années, dans les cliniques vétérinaires, un appareil est pourtant susceptible d’aider à établir leur diagnostic : l’échographe. Reconnue depuis longtemps par le milieu universitaire, l’échographie thoracique vient d’être essayée à titre préliminaire dans notre pratique, afin de déterminer si elle pourrait constituer prochainement le socle d’un nouveau service proposé aux éleveurs. Des éléments de discussion sont disséminés au fil de la description des objectifs, de la population et du matériel de notre étude, voire des résultats, lorsque c’est nécessaire, pour faciliter la lecture (commentaires sur les choix techniques en particulier). Les images échographiques collectées à la faveur de cet essai sont présentées dans le pas à pas qui suit cette étude, notamment celles obtenues avec l’échographe “de canine”, tandis que les clichés démonstratifs obtenus avec les appareils utilisés en pratique rurale sont présentés dans cet article(1).

CONTEXTE ET OBJECTIF DE L’ESSAI

1. Pourquoi l’échographie respiratoire ?

Pour un éleveur, il n’est pas facile de dépister les animaux atteints de maladies respiratoires afin de les traiter à temps et à bon escient. Pour le vétérinaire praticien, l’aider à diagnostiquer et à estimer le pronostic d’une affection respiratoire repose nécessairement sur le recours à des échelles de notation, comme la Calf Respiratory Scoring Chart (CRSC) de l’université du Wisconsin, aux États-Unis, et sur l’auscultation thoracique [10]. La sensibilité de cette dernière technique pour détecter des lésions graves est particulièrement mauvaise : 5,9 %, par exemple, pour la consolidation d’un lobe pulmonaire [5]. Les examens complémentaires réalisés le plus couramment en médecine respiratoire bovine (écouvillonnage nasal profond et aspiration transtrachéale, voire lavage broncho­alvéolaire) visent à identifier le ou les agents pathogènes impliqués, afin d’adapter les traitements et les mesures prophylactiques. Certes importants, ils ne permettent pas de dépister les individus malades et ne précisent pas l’étendue des lésions ni le pronostic individuel.

Renseigner les éleveurs dans ces deux domaines serait utile. Il s’agit de déterminer la prévalence réelle d’un épisode respiratoire et de sélectionner les animaux à réformer en priorité pour réduire le coût de production. Les éleveurs y sont particulièrement sensibles dans un contexte économique difficile.

L’imagerie médicale permet de progresser dans cette direction. Quand il s’agit d’explorer le thorax, c’est la radiographie qui vient en premier à l’esprit. Nombre d’entre nous ont appris qu’« un poumon n’est pas visible à l’échographie », ce qui est vrai pour un organe sain, mais pas dans des situations pathologiques. La radiographie, voire le scanner permettent d’améliorer nettement la sensibilité de la détection des lésions pulmonaires [12, 16].

Cependant, ces examens coûtent cher et sont contraignants : mesures de radioprotection, encombrement du dispositif, développement inclus, parfois nécessité d’une anesthésie. Leur usage en ferme sur un grand nombre de bovins est proscrit.

A contrario, les échographes portables équipent largement les cliniques rurales. Ils se sont démocratisés en élevage grâce aux suivis de reproduction. Le recours à l’échographie pour l’exploration pulmonaire bovine est documenté depuis le début des années 1990. Cette technique présente de nombreux avantages : sa sensibilité et sa spécificité sont bonnes : respectivement 79,4 et 93,9 % pour la détection des lésions de consolidation pulmonaire de plus de 1 cm d’épaisseur ou 85 et 98 % pour celle de la bronchopneumonie [6, 13]. La corrélation entre les lésions observées grâce à l’échographie thoracique et les lésions nécropsiques macroscopiques est excellente (coefficient de corrélation = 0,92) [11]. L’échographie est facilement et rapidement accessible, même pour des manipulateurs peu expérimentés, avec une excellente reproductibilité (entre opérateurs) [4].

2. Pourquoi un essai en clientèle ?

De nombreuses études sont disponibles sur l’échographie thoracique bovine. À notre connaissance, qu’elles traitent d’images pathologiques, des indications, de sensibilité et de spécificité ou encore de la mise en œuvre de la technique en élevage, elles ont toutes été publiées par des vétérinaires exerçant en milieu universitaire.

Nous avons souhaité tester l’échographie thoracique en conditions de terrain, afin d’émettre en discussion un avis de praticien sur l’opportunité de réaliser cet examen en clientèle dans le cadre d’un service proposé en routine aux éleveurs. L’objectif était double : évaluer la difficulté du geste technique pour des vétérinaires novices en échographie thoracique et confronter les images obtenues avec différents échographes possiblement disponibles en pratique courante, afin de vérifier que la qualité est suffisante pour un examen thoracique.

MATÉRIEL ET MÉTHODE

1. Population d’étude

Deux élevages laitiers ont été sélectionnés d’une manière non aléatoire dans la clientèle du docteur Coudray (races normande et prim’holstein), sur la base de la présence de troubles respiratoires récents chez les veaux âgés de 4 à 6?mois (respectivement 20 % et 45 % de morbidité, et 0 % et 5 % de mortalité ; intérêt : maximiser les chances d’obtenir des images anormales, susceptibles d’être commentées). Les veaux échographiés sont proches du sevrage, tous issus de lots dans lesquels des animaux ont été traités avec des antibiotiques contre les maladies respiratoires. Ils sont élevés en case collective dans des bâtiments fermés, ventilés par un bardage ou un filet brise-vent.

Cinq échographies thoraciques ont été pratiquées dans chaque élevage, incluant des animaux que l’éleveur considérait comme guéris ou sains, avec trois appareils déjà disponibles dans les cliniques respectives des deux auteurs (pas d’investissement préalable).

2. Choix du matériel

Sondes

Les auteurs qui pratiquent cet examen sur de grandes séries de veaux optent tous pour des sondes linéaires largement utilisées par voie transrectale en pathologie de la reproduction [4, 5, 12]. L’opérateur doit lutter au début contre le réflexe naturel de tenir ce type de sonde perpendiculairement au sol. Comme les côtes et les espaces intercostaux forment un angle aigu avec la verticale, la position de la sonde doit respecter cet angle pour éviter que les côtes et leur cône d’ombre ne parasitent l’image. La sonde linéaire doit être placée dans l’espace intercostal.

L’usage de sondes sectorielles est également décrit, en particulier chez l’adulte, avec de basses fréquences (3,5 à 5 MHz), qui améliorent la profondeur d’exploration [7, 9].

L’encombrement des sondes sectorielles par rapport aux modèles transrectaux est un inconvénient pour l’examen des premiers espaces intercostaux en région axillaire, selon Ollivett et coll. [12].

Les sondes microconvexes récentes utilisées pour l’échographie abdominale des carnivores domestiques, par exemple, nous semblent répondre parfaitement à cet écueil. En effet, leur surface de contact est réduite par rapport aux sondes linéaires transrectales et elles peuvent se glisser facilement dans les espaces intercostaux d’un veau. Il existe aussi des sondes linéaires de petite surface. Une fréquence de 5 à 7,5 MHz telle qu’utilisée en reproduction par voie transrectale convient parfaitement (photo 1).

Échographes

Nous avons utilisé trois appareils d’échographie.

Les deux premiers, portables, sont équipés de sondes transrectales linéaires et utilisés en routine pour les suivis de reproduction. Il s’agit d’un Imago 1303MG19® (ECM), récent, avec une bonne qualité d’image grâce à une fréquence maximale d’exploration de 10 MHz (facteur qui dépend de la sonde et des réglages), et d’un Tringa Linear® (Esaote Medical), dont il n’est possible de paramétrer que la profondeur d’exploration, et non la fréquence (tous les clichés publiés de celui-ci sont des photos d’écran).

Le troisième appareil, un échographe de marque Kontron® utilisant le logiciel du modèle MyLab 5® (Esaote Medical), est équipé d’une sonde microconvexe de fréquence 5-6, 6-8 MHz. Il est utilisé en routine pour l’échographie abdominale des carnivores domestiques. Muni d’une poignée et d’un écran rabattable, il peut théoriquement être transporté en ferme, mais il est lourd (4,5 kg) et notre modèle ne dispose pas de batteries. Équipé d’une sonde adéquate et correctement réglé, il fournit des images de grande qualité. Cependant, il est nettement moins ergonomique que les deux précédents. Or un bon positionnement de l’opérateur est capital (photos 2a à 2c).

3. Préparation et contention du veau

De l’alcool à 70 % vol. (il est moins irritant que celui à 90 % vol., mais le port de gants est recommandé) a été pulvérisé directement et généreusement sur le pelage. Avec l’expérience, plus de 30 veaux peuvent être échographiés avec 5 litres d’alcool [12].

Aucune tonte n’a été réalisée au préalable, selon les recommandations d’Ollivett et coll., et contrairement aux études universitaires [3, 7, 9, 12]. La tonte améliore la qualité du couplage. Cependant, elle nous a semblé trop chronophage. De plus, elle expose durablement les veaux au froid et rebute les éleveurs.

Nous n’avons pas utilisé de gel à cause de la “bouillie” collante formée lorsqu’il se mélange au pelage et à la poussière.

Tous les veaux examinés ont été maintenus au cornadis, sans autre forme de contention, donc sans que l’éleveur ait besoin d’aide (les examens pouvaient durer assez longtemps pour l’essai). Ollivett et coll. préfèrent qu’un aide maintienne la tête du veau relevée [12].

Des essais avec l’opérateur debout ou accroupi ont été réalisés, afin d’identifier la position la plus confortable.

4. Choix de la procédure

Dans chacune des deux fermes ont été examinées 5?génisses proches du sevrage et issues de lots avec un historique de troubles respiratoires, certaines traitées par le passé, d’autres cliniquement saines, sélectionnées au hasard. Dans la plupart des publications scientifiques orientées vers la recherche et le recueil de données statistiques, les auteurs identifient des points cibles dont la hauteur est repérée par rapport à des reliefs osseux palpables (pointe de l’ilium, de l’épaule, etc.). L’examen des deux ou trois premiers espaces intercostaux est généralement négligé, car ceux-ci sont difficiles d’accès, sous le membre antérieur [4, 5, 7, 9, 14].

Lorsque l’échographie thoracique est utilisée pour rechercher spécifiquement des lésions respiratoires chez un grand nombre d’animaux, il est possible de se concentrer sur trois champs pulmonaires :

– la partie craniale du lobe cranial droit, qui est la plus fréquemment atteinte ;

– le lobe moyen droit ;

– et la partie caudale du lobe cranial gauche [12].

Ces lobes peuvent être repérés grâce aux espaces intercostaux correspondants et aux images échographiques associées à leur limite ventrale (tableaux 1 et 2).

Ici, des examens bilatéraux exhaustifs ont été réalisés, en partant caudalement du dixième espace intercostal et en progressant cranialement d’espace en espace. À partir d’un point de départ dorsal, la sonde a été glissée ventralement au sein de chaque espace (photo 3).

RÉSULTATS : IMAGES OBTENUES

1. Images “normales”

Les artefacts sont faciles à distinguer des images pathologiques.

Le phénomène de réverbération (qualifié d’image en miroir en France) est, tout d’abord, à prendre en compte. Il est lié à l’interface tissu/air. Les ultrasons “rebondissent” entre deux surfaces réfléchissantes. À chaque rebond, un écho revient vers la sonde et la machine interprète ce décalage temporel comme une différence de profondeur, ce qui explique des images avec une succession de lignes parallèles à la plèvre, identifiées dans notre étude quels que soient l’appareil et la sonde utilisés(1).

Autres images à ranger dans la catégorie des artefacts : les queues de comète, très fréquentes, et irradiant à partir de la surface pulmonaire. Leur signification pathologique est discutable. À leur point d’origine, la ligne pleurale apparaît grossière et épaissie. Certains auteurs anglo-saxons parlent de “pleural roughening” (épaississement pleural) [12]. D’après Babkine et Blond, ces images peuvent être liées à la présence de bulles de gaz, dont la forte différence d’impédance par rapport aux tissus adjacents provoque un réfléchissement important du faisceau ultrasonore [3]. En corrélant l’échographie thoracique aux examens cliniques et nécropsiques, Flöck les associe à la présence d’un emphysème pulmonaire [7]. D’après Buczinski et coll., ces images sont découvertes chez de nombreux jeunes bovins sains : sur 106 veaux dont certains cliniquement sains (score CRSC), 104 en présentaient sur un site au moins [5]. Sur la grille de notation de 0 à 5 proposée par Ollivett et Buczinski, la seule présence de queues de comète, sans signe associé de consolidation pulmonaire, correspond au score de 1/5, considéré comme normal (tableau 3, photos 4 et 5) [12].

2. Images pathologiques

Au cours de l’examen de deux lots de génisses qui ont subi un épisode de troubles respiratoires ayant justifié un traitement antibiotique, selon la procédure précédemment exposée, les principales lésions déjà décrites chez le veau atteint de bronchopneumonie ont été identifiées sans difficulté, telles qu’une consolidation pulmonaire lobulaire ou lobaire (hépatisation), un épanchement pleural.

Le nombre de sites où apparaissent des images de consolidation est bien corrélé à l’épaisseur maximale de consolidation pulmonaire. Une exploration exhaustive des champs pulmonaires n’est donc pas théoriquement nécessaire, mais permet de rechercher la zone où la consolidation est la plus épaisse (encadré) [5].

Dans cet essai, un score de consolidation de 3/5 a été le plus souvent mis en évidence, y compris chez des animaux considérés comme sains par l’éleveur (habitus et appétit normaux, pas de jetage ni de toux détectés), avec un minimum de 1/5 et un maximum de 4/5.

Deux types de lésions de consolidation se distinguent :

Dans la forme lobulaire, lorsque le tissu pulmonaire est victime d’une réaction inflammatoire, l’air ne circule plus dans certaines alvéoles, qui se remplissent de liquide et de débris nécrotiques. Le tissu pulmonaire devient dès lors visible à l’échographie (il laisse passer les ultrasons), sous réserve que les lésions s’étendent jusqu’à la plèvre. Il existe alors une discontinuité de la ligne pleurale avec formation de zones nodulaires hypoéchogènes plus ou moins confluentes, au sein desquelles des queues de comète peuvent être identifiées, qui correspondent ici à des broncho-aérogrammes (preuve que les bronches y sont toujours ventilées) [3, 7].

La consolidation peut aussi concerner un lobe entier, sur une large épaisseur. Les artefacts de réverbération normalement présents sous la ligne pleurale disparaissent et le tissu pulmonaire prend un aspect “hépatisé”. Cela peut aller jusqu’à l’atélectasie lorsque les bronches sont obstruées et que la ventilation n’est plus assurée localement (aspect alors modérément hyperéchogène, d’après Babkine et Blond [3]) (photos 6 et 7).

Associé aux bronchopneumonies, un épanchement pleural peut être identifié. Les liquides transmettant les ultrasons mieux que l’air, l’épanchement est facilement identifiable à l’échographie. Lors de pleurésie, il est fréquent d’identifier des flammèches de fibrine au sein du liquide. Lorsque l’épanchement est important et comprime le lobe adjacent, il peut induire aussi une atélectasie [7].

Les lésions moins fréquentes telles que les abcès (ou bien le rarissime pneumothorax) n’ont pas été mises en évidence dans notre essai(1). Parmi les défauts inhérents à l’échographie thoracique, il est rapporté un risque de faux négatifs lorsque des lésions sont présentes sans atteindre la plèvre, comme certains abcès pulmonaires profonds [9, 16].

DISCUSSION : PREMIÈRES IMPRESSIONS TECHNIQUES

1. Intérêts clinique et épidémiologique

Après seulement deux “élevages échographiés” d’une façon qualitative et subjective, il est possible de prendre la mesure de la sous-évaluation de l’impact à moyen terme des maladies respiratoires en élevage laitier : des animaux considérés comme sains par l’éleveur peuvent héberger des lésions sévères, ce qui avait déjà été rapporté par Buczinski et coll. au Canada [4]. Dans notre étude, l’éleveur considérait comme saine une génisse pourtant porteuse de lésions de consolidation lobaire et d’épanchement pleural(1). Cet animal n’avait jamais été vu malade et était considéré comme le meilleur de ses candidats au renouvellement (potentiel génétique).

À l’échelle de l’individu, l’échographie thoracique permet de qualifier les lésions pulmonaires, de noter leur gravité et de préciser le pronostic. Sur le plan collectif, elle donne une évaluation objective de la prévalence réelle des maladies respiratoires au sein de l’élevage. Dans le cadre d’un suivi, cet examen pourrait être un des outils pour valider l’efficacité des mesures curatives et préventives mises en place.

Associée au score clinique, l’échographie thoracique permet de classer les animaux comme sains, atteints d’une maladie de l’appareil respiratoire supérieur ou de pneumonie, tout comme le vétérinaire en reproduction classe en routine les vaches au regard de leur involution utérine après le vêlage [12]. Elle peut constituer un critère de sélection des génisses à garder pour le renouvellement.

2. Choix des échographes

Même si la qualité de l’image et le confort d’interprétation fluctuent d’un appareil à l’autre (clichés), l’échographe portable le moins perfectionné a permis d’identifier les mêmes lésions que les deux autres au cours de notre essai.

L’échographie thoracique est apparue accessible avec les appareils déjà achetés, sans présumer de cette indication (suivis de reproduction). Ce nouveau débouché peut participer à rentabiliser du matériel existant. Pour un animal isolé, un échographe “de canine” est utilisable, équipé d’une sonde microconvexe. La qualité d’image est bien meilleure et la profondeur d’exploration supérieure. Cependant, l’encombrement et la fragilité du matériel sont des facteurs limitants. Autre point de vue : des échographes vendus récemment “pour la rurale” sont de plus en plus susceptibles d’être polyvalents (nombril, réseau, foie, reins, abdomen, cœur, voire un dépannage en canine).

Pour passer en revue un lot d’animaux, l’échographe portable est indispensable car il est facile à transporter, relativement léger et équipé de batteries.

3. Facilité de la technique

Notre étude descriptive visait à juger de la faisabilité de l’échographie thoracique en pratique rurale courante. L’un des deux opérateurs était déjà compétent en échographie abdominale bovine (expérience à la fois universitaire et pratique). Cela représente une aide indéniable pour s’approprier cette nouvelle technique. Notre impression subjective de facilité de mise en œuvre en élevage laitier rejoint les résultats d’une étude qui a démontré l’excellente reproductibilité de la technique, qu’elle soit utilisée par un novice ou un manipulateur chevronné [3]. Avec de l’expérience, un diagnostic fiable pourrait être posé en 20 à 30 secondes [12]. Après une demi-journée de manipulation, nous pouvions examiner les deux flancs d’un veau en quelques minutes. Une meilleure contention aurait fait gagner du temps. En effet, les veaux bloqués au cornadis ont le réflexe de contracter leur triceps pour se dégager lorsqu’ils sont manipulés. Cela gêne l’abord des premiers espaces intercostaux situés sous le membre antérieur. Une contention plus souple exercée par un aide aurait facilité l’examen de ces espaces les plus difficiles, mais aussi les plus importants à échographier. Chez des broutards allaitants, la masse musculaire des animaux et leur contention délicate rendent difficile sinon impossible l’examen des deux premiers espaces intercostaux [14].

La posture la plus confortable dépend du manipulateur (debout ou accroupi face au veau). Pour les espaces les plus caudaux, faciles à échographier, la position debout convient parfaitement. Pour les espaces les plus craniaux, une position accroupie permet d’avoir plus de force pour repousser le membre cranialement.

Conclusion

Cette première approche de terrain en élevage laitier sur la faisabilité et l’intérêt de l’échographie thoracique en pratique bovine nous a convaincus que cette technique a le potentiel pour devenir un examen complémentaire de choix en clientèle rurale. Des informations cliniques et épidémiologiques auparavant inaccessibles sont susceptibles d’être collectées, avec une bonne sensibilité (non évaluable dans notre étude qualitative).

L’échographie thoracique est facile et rapide à mettre en œuvre, avec un temps d’apprentissage court. Elle ne nécessite aucun investissement pour la plupart des cliniques vétérinaires et pourrait s’intégrer parfaitement à la gestion collective des maladies respiratoires. L’aspect extrêmement démonstratif de l’imagerie est un atout auquel les éleveurs sont sensibles, à l’ère de l’image et du multimédia. Intégrer l’échographie dans un suivi pourrait encourager l’observance des traitements (y compris vaccinaux) à l’échelle d’un lot. Avec un peu de travail pour formaliser ce service, et le facturer raisonnablement, les clients y adhéreront, sans aucun doute, tout comme ils acquiescent au suivi de reproduction.

  • (1) Voir l’article “Images d’échographie thoracique chez le veau laitier” des mêmes auteurs, dans ce numéro.

Références

  • 1. Adams E, Buczinski S. Short communication: Ultrasonographic assessment of lung consolidation postweaning and survival to the first lactation in dairy heifers. J. Dairy Sci. 2016;99(2):1465-1470.2.
  • 2. Babkine M. Examen échographique de la plèvre et des poumons chez les bovins. Bull. Soc. Vét. Prat. France. 2008;92(35):35-37.
  • 3. Babkine M, Blond L. Ultrasonography of the bovine respiratory system and its practical application. Vet. Clin. North Am. Food Anim. Pract. 2009;25:633-649.
  • 4. Buczinski S, Forté G, Bélanger AM. Ultrasonographic assessment of the thorax as a fast technique to assess pulmonary lesions in dairy calves with bovine respiratory disease. J. Dairy Sci. 2013;96(7):4523-4528.
  • 5. Buczinski S, Forté G, Francoz?D, Bélanger AM. Comparison of thoracic auscultation, clinical score, and ultrasonography as indicators of bovine respiratory disease in preweaned dairy calves. J. Vet. Intern. Med. 2014;28:234-242.
  • 6. Buczinski S, Ollivett T, Dendukuri N. Bayesian estimation of the accuracy of the calf respiratory scoring chart and ultrasonography for the diagnosis of bovine respiratory disease in pre-weaned dairy calves. Prev. Vet. Med. 2015;119:227-231.
  • 7. Flöck M. Diagnostic ultrasonography in cattle with thoracic disease. Vet. J. 2004;167:272-280.
  • 8. Icher L. Échographie du péricarde, de l’endocarde, du poumon et des plèvres chez les bovins : corrélation entre les signes cliniques, les données paracliniques et les examens nécropsiques. Thèse, ENV Toulouse. 2016:229p.
  • 9. Jung C, Bostedt H. Thoracic ultrasonography technique in newborn calves and description of normal and pathological findings. Vet. Radiol. Ultrasound. 2004;45(4):331-335.
  • 10. McGuirck S. Disease management of dairy calves and heifers. Vet. Clin. North Am. Food Anim. Pract. 2008;24:139-153.
  • 11. Ollivett T, Hewson?J, Schubotz R, Caswell J. Ultrasonographic progression of lung consolidation after experimental infection with Mannheimia haemolytica in Holstein calves. J. Vet. Intern. Med. 2013;27:673.
  • 12. Ollivett T, Buczinski S. On-farm use of ultrasonography for bovine respiratory disease. Vet. Clin. North Am. Food Anim. Pract. 2016;32:19-35.
  • 13. Rabeling B, Rehage J, Döpfer D, Scholz H. Ultrasonographic findings in calves with respiratory disease. Vet. Rec. 1998;143(17):468-471.
  • 14. Rademacher R, Buczinski S, Tripp H et coll. Systemic thoracic ultrasonography in acute bovine respiratory disease of feedlot steers: impact of lung consolidation on diagnosis and prognosis in a case-control study. Bovine Pract. 2014;48:1.
  • 15. Ravary B. Échographie du thorax chez les bovins. Point Vét. 2003;34 (n°spécial « Examens paracliniques chez les bovins »):68-71.
  • 16. Reef VB, Boy MG, Reid CF et coll. Comparison between diagnostic ultrasonography and radiography in the evaluation of horses and cattlewith thoracic disease: 56 cases (1984-1985). J. Amer. Vet. Med. Assoc. 1991;198(12):2112-2118.

Conflit d’intérêts

Aucun.

Points forts

→ L’échographie thoracique bovine permet de visualiser les lésions pulmonaires, sous réserve qu’elles atteignent la plèvre.

→ La reproductibilité de l’échographie thoracique bovine (d’un manipulateur à l’autre) est ici entrevue en pratique courante.

→ Les principaux lobes pulmonaires à examiner chez le veau laitier au sevrage sont la partie craniale du lobe cranial droit, suivie du lobe moyen droit et de la partie caudale du lobe cranial gauche.

→ La mesure de la zone de parenchyme pulmonaire consolidée la plus épaisse a une valeur pronostique chez les bovins allaitants comme laitiers.

ENCADRÉ
Épaisseur maximale de consolidation : à évaluer

L’épaisseur maximale de consolidation est souvent utilisée pour évaluer la sévérité des lésions pulmonaires et établir un pronostic. Rademacher et coll. ont déterminé, à partir d’un échantillon de 29 taurillons, qu’une épaisseur maximale de consolidation de 5 cm au début de l’étude permettait de prédire la mort de l’animal dans les 15 jours, avec une sensibilité de 75 % et une spécificité de 82 % [14]. chez les génisses laitières, adams et buczinski ont déterminé, à partir d’un échantillon de 250 animaux, que les individus dont l’épaisseur maximale de consolidation pulmonaire était supérieure à 6 cm après le sevrage présentaient un risque 26 % plus élevé que les autres de mourir ou d’être réformés avant la fin de la première lactation [1]. L’épaisseur mérite d’être évaluée car elle est corrélée au nombre de sites consolidés [4]. Elle peut être mesurée grâce à l’échelle sur le côté de l’écran (en l’absence de véritable grille). Plus synthétique, un système qualitatif de notation de 0 à 5 existe [12]. Il repose sur le type de lésions découvertes et sur leur extension. Les lésions d’épanchement pleural ou d’abcédation, ou de pneumothorax n’y sont pas prises en compte.

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