Thérapeutique orexigène dans les maladies chroniques chez le chat - Le Point Vétérinaire n° 370 du 01/11/2016
Le Point Vétérinaire n° 370 du 01/11/2016

NUTRITION FÉLINE

Dossier

Auteur(s) : Jean-Claude Desfontis*, Yassine Mallem**

Fonctions :
*Unité de pharmacologie et toxicologie,
École nationale vétérinaire agroalimentaire
et de l’alimentation Nantes Atlantique,
Oniris
BP 40706
44307 Nantes Cedex 3

La stimulation de l’appétit chez le chat anorexique nécessite une analyse approfondie avant toute prescription.

Lors de maladies chroniques chez le chat, l’anorexie est un signe clinique non spécifique couramment rencontré et doit être combattue afin de prévenir un déficit nutritionnel. En effet, une sous-alimentation est à l’origine de conséquences physiologiques et métaboliques bien connues : - un déficit immunitaire avec une augmentation des risques infectieux ;

- une réparation tissulaire retardée ;

- une altération du métabolisme des xénobiotiques (réduction du métabolisme hépatique, de la concentration des protéines de transport, de l’excrétion rénale) ;

- un risque augmenté de lipidose hépatique (particulièrement chez le chat obèse) ;

- une morbidité et une mortalité augmentées.

Comme les particularités métaboliques du chat ne lui permettent pas de tolérer une longue période de sous-alimentation, la connaissance des mécanismes de régulation de l’appétit permet d’envisager les moyens à mettre en œuvre pour favoriser la prise alimentaire.

1 Mécanismes de régulation de l’appétit

La régulation de l’appétit fait participer un ensemble complexe de signaux nerveux et hormonaux d’origines sensorielle, métabolique et gastro-intestinale capable d’agir sur les centres de la faim et de la satiété au niveau de l’hypothalamus (figure 1).

Sans être exhaustif, les facteurs stimulant la prise alimentaire volontaire sont l’odeur, le goût, l’habitude alimentaire, la mastication, le léchage et la baisse des nutriments plasmatiques. Les molécules activatrices sont la dopamine, les opioïdes, la noradrénaline et les antagonistes 5-HT2 de la sérotonine.

Les médiateurs inhibiteurs de la prise alimentaire sont principalement la sérotonine, la cholécystokinine et la bombésine.

2 Stimulation de l’appétit

Avant de chercher à stimuler l’appétit, il est d’abord nécessaire de chercher à éliminer tous les facteurs interférents qui peuvent inhiber la prise alimentaire (douleur, vomissement, hypokaliémie, nausées, fièvre, etc.), puis de favoriser la prise alimentaire volontaire et enfin d’envisager l’administration d’un stimulant pharmacologique.

Actions cherchant à favoriser la prise alimentaire volontaire

Le chat est particulièrement délicat dans le choix de ses aliments. Ainsi, afin d’augmenter la prise alimentaire volontaire, plusieurs conseils peuvent être donnés afin d’améliorer l’acceptabilité des aliments : environnement calme, odeur et goût acceptables, aliments frais, humides, réchauffés, habituels pour l’individu, riches en protéines(1) (photo 1).

Médicaments stimulant de l’appétit

Aucun médicament vétérinaire ne possède d’indication pour le traitement symptomatique de l’anorexie chez le chat. Toutefois, plusieurs travaux et publications montrent une efficacité orexigène certaine de plusieurs molécules chez le chat (tableau) [2]. Seules les deux molécules les plus pertinentes actuellement sont présentées dans cet article (moins d’effets secondaires et meilleure tolérance). Il s’agit de la cyproheptadine (0,2 à 1 mg/kg per os matin et soir) et de la mirtazapine (2 à 3,5 mg par chat per os une fois tous les 2 à 3 jours) disponibles sous forme de spécialités humaines.

→ La cyproheptadine est un anti-histaminique et un antisérotoninergique, dont l’activité antagoniste sur les récepteurs 5-HT2 hypothalamiques expliquerait l’action stimulante sur l’appétit. Cet effet commence 24 à 36 heures après la première administration et quelques effets indésirables peuvent être rencontrés (sédation, hyper­excitabilité paradoxale, action anticholinergique). Le métabolisme hépatique de la cyproheptadine et l’élimination rénale de ses métabolites nécessitent d’effectuer un ajustement de la dose administrée lors d’insuffisance rénale ou hépatique. La cyproheptadine est efficace surtout dans les formes d’anorexie peu sévères et n’est pas conseillée chez les animaux gravement malades ou atteints de lipidose hépatique. La cyproheptadine en comprimé de 4 mg est administrée per os à une dose de 0,2 à 1 mg/kg matin et soir (ce qui peut nécessiter le broyage du comprimé), avec une présentation du repas 30 à 45 minutes après l’administration.

→ La mirtazapine est un antisérotoninergique avec des propriétés antagonistes α2-adrénergiques présynaptiques. L’action stimulante de l’appétit s’explique par la surabondance de noradrénaline (rétrocontrôle présynaptique négatif de sa libération inhibé) et par l’action antagoniste sur les récepteurs 5-HT2 hypothalamiques. La mirtazapine présente également des effets antinauséeux et antivomitifs par antagonisme sur les récepteurs 5-HT3. Une étude récente, publiée en 2013, menée chez des chats atteints de maladie rénale chronique, a montré une efficacité orexigène à la dose de 0,5 mg/kg administrée toutes les 48 heures pendant 3 semaines avec une prise de poids, une augmentation de l’activité physique et une amélioration de l’état corporel (photo 3) [4, 5]. Quelques effets indésirables ont été décrits tels qu’une hyperactivité, des vocalises, des modifications comportementales (affection augmentée) et une augmentation du taux plasmatique de l’alanine transaminase [1, 3, 5]. La mirtazapine présentée en comprimé de 15 mg ou en solution buvable de 15 mg/ml peut nécessiter un reconditionnement pour un usage aisé chez le chat. En cas d’association avec le tramadol ou la sélégiline (inhibiteur des mono-amino-oxydases), un risque de syndrome sérotoninergique existe avec trois types de désordres neurologiques : l’hyperactivité neuromusculaire, l’hyperactivité neurovégétative, l’excitation centrale.

Pour les deux médicaments (cyproheptadine et mirtazapine), la dose est diminuée de 30 à 50 % en cas d’insuffisance rénale chronique.

3 Recommandations

En pratique, le recours à l’administration d’un stimulant de l’appétit n’est pas très fréquent chez les chats atteints de maladies chroniques car de nombreuses conditions sont nécessaires avant de prendre la décision de prescrire ce type de médicaments. En effet, cette prescription est à réserver à des animaux ni trop malades, qui nécessitent d’emblée la mise en place d’une alimentation forcée, ni trop vaillants, pour lesquels seule une action visant à stimuler la prise alimentaire volontaire peut suffire (figure 2).

Conclusion

Peu de stimulants pharmacologiques de l’appétit peuvent être utilisés en pratique chez le chat, en raison de l’absence de médicament vétérinaire ayant cette indication, des effets indésirables des molécules disponibles sous forme de spécialités humaines ayant un effet orexigène et des conditions à remplir pour valider le choix de prescrire ce type de molécule.

  • (1) Voir l’article « Pathogénie de l’anorexie et ses conséquences : zoom sur les maladies chroniques chez le chat » de C. Amato et coll., dans ce numéro.

Références

  • 1. Adetunji B, Basil B, Mathews M, Osinowo T. 2007, Mirtazapine-associated dose-dependent and asymptomatic elevation of hepatic enzymes. Ann. Pharmacother. 2007;41:359.
  • 2. Agnew W, Korman R. Pharmaco­logical appetite stimulation: rationale choices in the inappetent cat. J. Feline Med. Surg. 2014;16:749-756.
  • 3. Quimby JM, Gustafson DL, Samber BJ, Lunn KF. Studies on the pharmackinetics and pharmacodynamics of mirtazapine in healthy young cats. J. Vet. Pharmacol. Ther. 2011;34:388-396.
  • 4. Quimby JM, Gustafson DL, Lunn KF. The pharmacokinetics of mirtazapine in cats with chronic kidney disease and in age-matched control cats. J. Vet. Intern. Med. 2011;25:985-989.
  • 5. Quimby JM, Lunn KF. 2013, Mirtazapine as an appetite stimulant and anti-emetic in cats with chronic kidney disease: a masked placebo-controlled crossover clinical trial. Vet. J. 2013;197:651-655.

Conflit d’intérêts

Aucun.

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