CANCÉROLOGIE
Dossier
Auteur(s) : Jérôme Benoit*, Pierre Boyé**
Fonctions :
*Oncovet
Service de cancérologie-radiothérapie
Avenue Paul-Langevin
59650 Villeneuve-d’Ascq
La radiothérapie est le traitement de choix des tumeurs cérébrales canines et félines. Plusieurs protocoles sont possibles. En fonction de celui choisi, la réponse obtenue et les risques de complications varient.
Le système nerveux central représente une localisation privilégiée d’atteinte tumorale primaire ou métastatique chez les chiens et les chats âgés. Malgré les progrès de l’imagerie médicale, les tumeurs cérébrales restent sous-diagnostiquées et non traitées en médecine vétérinaire. Elles sont associées à des troubles neurologiques variables d’apparition aiguë ou progressive. Le diagnostic d’une tumeur cérébrale chez un animal a généralement un impact psychologique négatif sur son propriétaire, qui se sent a priori désemparé et se montre réfractaire à tous traitements, jugés non raisonnables. Le rôle du vétérinaire est alors de proposer des options thérapeutiques adaptées et d’évaluer les pronostics associés. Selon leur nature, leur stade, leur localisation et la sévérité des troubles, ces tumeurs peuvent connaître un pronostic très variable : elles peuvent souvent être traitées de manière efficace par chirurgie, radiothérapie ou une combinaison des deux [10].
Les tumeurs cérébrales peuvent être d’origine primaire ou métastatique. Parmi les tumeurs primaires, le méningiome est le plus fréquemment décrit chez le chien et le chat [15, 18]. Certaines races canines dolichocéphales (golden retriever, labrador, schnauzer) semblent surreprésentées. Les tumeurs gliales (astrocytome, oligodendrogliome, glioblastome, etc.) sont plus fréquemment rapportées chez les races brachycéphales telles que le boxer, le bouledogue et le boston terrier. Les méningiomes et les tumeurs gliales représentent plus de 85 % des tumeurs primaires décrites chez le chien [15]. Chez le chat, les tumeurs cérébrales primitives sont majoritaires (70 % des cas) avec, en tête de liste, le méningiome (58 %) suivi par le lymphome (14 %), les tumeurs hypophysaires (9 %) et les gliomes (7,5 %) [18].
D’autres tumeurs primaires plus rares sont retrouvées, telles que les épendymomes, les tumeurs des plexus choroïdes, les tumeurs neuro-ectodermiques ou encore les sarcomes histiocytaires [9].
Parmi les tumeurs cérébrales métastatiques, tout carcinome, sarcome et mélanome agressif peut métastaser à distance au niveau de l’encéphale. Aussi, une infiltration cérébrale de proximité par des carcinomes nasaux est aussi régulièrement observée [15].
Une prise en charge médicale symptomatique est souvent nécessaire pour contrôler les manifestations neurologiques liées à la tumeur. Parallèlement, plusieurs stratégies thérapeutiques peuvent être envisagées dans la prise en charge des tumeurs cérébrales : l’exérèse chirurgicale, la chirurgie associée à la radiothérapie et la radiothérapie seule si la chirurgie n’est pas possible ou refusée. Certaines options de chimiothérapie adjuvante ou en monothérapie sont évoquées de façon encore anecdotique mais aucun consensus n’a été établi (hydroxyurée, lomustine, témozolomide).
Afin de localiser le plus précisément possible la tumeur et de déterminer les solutions thérapeutiques, un examen d’imagerie de désuperposition est nécessaire pour le bilan d’extension (local et à distance) [5]. L’imagerie par résonance magnétique (IRM) est l’examen de choix pour la caractérisation morphologique de la tumeur (localisation, infiltration locale, lésions péritumorales, etc.) [2]. Le scanner, bien que moins précis pour des lésions des tissus mous, représente aussi des avantages et reste nécessaire pour le bilan d’extension à distance et la planification des traitements de radiothérapie.
L’intervention chirurgicale est le traitement de choix lorsque la tumeur est accessible, encapsulée et localisée. Une cytoréduction chirurgicale est aussi intéressante pour permettre un contrôle rapide des manifestations neurologiques, diminuer les risques anesthésiques associés à une potentielle radiothérapie adjuvante et améliorer le taux de survie [1]. Une exérèse chirurgicale peut être proposée dans le cas du méningiome, tumeur cérébrale la plus fréquente chez le chien et le chat, lorsque celui-ci est localisé dans des régions accessibles telles que la région pariétofrontale ou en périphérie des hémisphères cérébraux. Chez le chat, les méningiomes sont généralement des tumeurs bénignes encapsulées et non adhérentes, ce qui facilite leur exérèse totale. Une chirurgie seule peut alors être curative, avec des médianes de survie supérieures à 2 ans [6, 7]. Chez le chien, les méningiomes sont plus infiltrants et une chirurgie complète est rarement obtenue. Une radiothérapie adjuvante est alors recommandée afin de prévenir le risque de récidive locale [1, 14, 17]. D’une façon générale, l’association d’une chirurgie et d’un protocole de radiothérapie offre les meilleurs résultats dans la prise en charge des tumeurs cérébrales, avec des médianes de survie comprises entre 12 et 30 mois, contre 5 à 7 mois et un taux de survie à 1 an de seulement 30 % avec une intervention seule [1, 14, 17].
Lorsque la chirurgie n’est pas possible ou refusée par les propriétaires, la radiothérapie seule représente une option thérapeutique de choix. Comme toute tumeur solide non opérable, les tumeurs cérébrales peuvent être traitées par radiothérapie externe, avec une bonne réponse au traitement [1, 4, 6, 13]. La radiothérapie permet l’obtention d’un contrôle local bien plus efficace qu’un traitement systémique tel que la chimiothérapie, dont l’efficacité reste encore controversée. L’exérèse chirurgicale dépend aussi de nombreux facteurs décisionnels tels que les compétences du chirurgien, le coût financier et l’état clinique de l’animal. Dans certaines situations, la radiothérapie seule représente une solution alternative thérapeutique, notamment lors de tumeurs volumineuses associées à des troubles neurologiques.
Une grande majorité des tumeurs cérébrales répondent bien à la radiothérapie, avec une amélioration majeure des signes cliniques 1 à 2 mois après le traitement (photos 1a à 1d). La durée de rémission dépend du type histologique, de la taille de la tumeur et du protocole de radiothérapie choisi (protocole définitif ou hypofractionné). La radiothérapie seule permet le plus souvent un meilleur pronostic, comparé à la chirurgie seule, avec des médianes de survie de 6 à 20 mois [3, 4].
Chez le chat, les études sont beaucoup plus rares et les pronostics plus difficiles à déterminer. Cependant, les tumeurs traitées par radiothérapie seule semblent présenter de bonnes réponses au traitement [6, 7, 13].
Les tumeurs hypophysaires du chien et du chat sont des affections cérébrales considérées à part en termes de pronostic et de prise en charge médicale (syndrome de Cushing, acromégalie). L’approche thérapeutique reste cependant la même. En raison d’une localisation profonde, elles sont considérées comme difficiles à opérer et la radiothérapie représente un traitement de choix, notamment dans le cadre de macroadénomes. D’une manière générale, les tumeurs hypophysaires sont bénignes et associées à un bon pronostic après radiothérapie seule, avec des médianes de survie supérieures à 2 ans [13, 16]. Un suivi endocrinologique est nécessaire après la radiothérapie. Les rémissions cliniques d’une maladie de Cushing sont rares et tardives, alors que celles des diabètes sucrés secondaires (cas de l’acromégalie féline) sont fréquentes et plutôt précoces (2 à 6 mois) [13, 16].
L’avancée des connaissances scientifiques sur les tumeurs cérébrales chez l’homme et les progrès des équipements de radiothérapie disponibles en médecine vétérinaire ont permis d’améliorer l’efficacité des traitements de radiothérapie chez le chien et le chat. Des protocoles adaptés et une administration de dose bien plus ciblée sur la tumeur sont notamment possibles (positionnement, dose administrée, fractionnement) (photos 2a et 2b). La radiothérapie en région cérébrale n’est pas un traitement anodin et l’irradiation du tissu nerveux sain avoisinant la tumeur doit être la plus limitée possible. Le cerveau est l’un des organes les plus sensibles à l’irradiation, notamment aux fortes doses, en raison d’un taux peu élevé de régénération cellulaire et d’une faible capacité de réparation. Ainsi, les conséquences biologiques d’une irradiation du cerveau sain peuvent être dramatiques. Pour limiter une irradiation importante des tissus à risque, les doses ionisantes doivent être administrées de manière ciblée sur la tumeur et fractionnée en plusieurs séances. Plus le nombre de fractions est élevé, plus la dose totale recherchée peut être importante, sans augmenter le risque de complication. Cela permet ainsi une meilleure réponse antitumorale et une diminution des risques de complication des tissus sains avoisinants.
Les protocoles de choix à visée définitive sont divisés en 15 à 20 fractions quotidiennes pour une dose totale administrée de 45 à 50 Gy, répartie en 3 à 4 semaines. Des protocoles hypofractionnés (quatre à six fractions, une fois par semaine) à visée palliative peuvent être proposés comme solution alternative thérapeutique. S’il est choisi de diminuer le nombre de fractions (pour des raisons médicales, logistiques ou de coût), la dose totale est aussi diminuée, ainsi que les chances d’un contrôle local optimal. Une irradiation conventionnelle cérébrale par hypofractionnement est associée à un taux de complications à long terme (après 6 mois) plus important (près de 15 % de morts secondaires à une irradiation hypofractionnée) [3, 11].
En dehors de ces indications palliatives, l’hypofractionnement trouve actuellement une nouvelle place grâce à des techniques stéréostatiques de radiothérapie (radiochirurgie) en cours de développement outre-Atlantique. Cette approche consiste en l’administration de nombreux petits faisceaux d’irradiation de la tumeur et permet d’obtenir de fortes doses intratumorales, tout en épargnant les tissus environnants. L’avantage de cette technique est que les protocoles sont réduits à une à trois fractions de traitement sur une semaine. Une première série d’études vient d’être publiée et met en avant une survie médiane comparable à celle observée en radiothérapie conformationnelle en trois dimensions [8, 11, 12, 19].
Les animaux atteints de tumeurs cérébrales doivent être stabilisés médicalement avant toute initiation de la radiothérapie, afin de limiter les risques anesthésiques et de décompensation neurologique, et d’éviter une interruption de la radiothérapie initiée (gestion médicale d’une éventuelle hypertension intracrânienne, anticonvulsivants, corticothérapie).
Les effets secondaires de la radiothérapie apparaissent en deux temps : selon une radiotoxicité aiguë et une radiotoxicité tardive. Le risque d’apparition dépend du protocole utilisé, du volume cérébral exposé et de la localisation de la tumeur.
Les toxicités aiguës à la peau et aux muqueuses sont rares et se limitent à des otites externes, des pharyngites et des conjonctivites lorsque la cible est à proximité de ces structures. Ces effets secondaires sont pris en charge de manière symptomatique et se résolvent rapidement. Les complications aiguës d’encéphalopathie (œdème péritumoral) restent rares mais peuvent se développer pendant ou rapidement après la fin du protocole de radiothérapie et être associées à une dégradation neurologique de l’animal. Il est recommandé de maintenir les individus traités sous corticothérapie à dose anti-inflammatoire avant, pendant et après la radiothérapie, pendant une période de 4 à 8 semaines à dose décroissante, en fonction du statut neurologique de l’animal.
Les complications tardives sont irréversibles et plus graves. Ces effets sont souvent la conséquence d’une démyélinisation, de lésions vasculaires ou dégénératives ou de nécrose après 6 mois. Ces complications restent cependant exceptionnelles (moins de 5 %) lors de protocoles à visée définitive avec l’administration d’une faible dose d’irradiation par fraction. Accessoirement, un changement de couleur et de qualité du poil peut aussi apparaître au cours du temps au niveau des entrées et des sorties des champs d’irradiation.
Seule ou combinée à la chirurgie, la radiothérapie est le traitement de choix dans la prise en charge des tumeurs cérébrales chez le chien et le chat. Une amélioration significative des signes cliniques et du taux de survie est obtenue chez une grande partie des animaux traités. La radiothérapie est une modalité thérapeutique non invasive et bien tolérée. Cependant, selon les protocoles utilisés (protocole définitif ou palliatif), la réponse thérapeutique et le contrôle antitumoral local varient de manière significative, ainsi que le risque de complications aiguës ou tardives.
Aucun.
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