MÉDECINE DE POPULATION
Article de synthèse
Auteur(s) : Matthieu Leblanc*, Yves Millemann**
Fonctions :
*Clinique vétérinaire de Lurcy-Lévis,
route de Pouzy, 03320 Lurcy-Lévis
**Pathologie des animaux de production,
EnvA, 7, avenue du Général-de-Gaulle,
94704 Maisons-Alfort Cedex
Des outils de travail performants et adaptés sont la clé de visites rentables. Mais le principal investissement reste le temps de travail du praticien.
Les visites d’élevage ont fait l’objet de multiples publications depuis une vingtaine d’années. Elles sont considérées par beaucoup de praticiens comme l’avenir de la médecine rurale. Pour se lancer dans la prévention à l’échelle du troupeau, le vétérinaire doit d’abord se former et se perfectionner sur la prestation qu’il souhaite développer. Une fois ce travail de recherche personnel effectué, l’achat du matériel occupe une grande partie du processus. Des outils de travail performants et adaptés sont la clé d’une visite réalisée dans de bonnes conditions, donc susceptible d’amener des résultats concrets.
Les tableaux énumérant le matériel nécessaire ont été réalisés à partir des données bibliographiques et de recherches personnelles, même s’il existe presque autant de façons de procéder que de vétérinaires proposant ce type de prestations de service. Les prix sont également donnés à titre d’exemples. Ils sont issus de communications personnelles (membres du service d’hospitalisation des grands animaux de l’École nationale vétérinaire d’Alfort [ENVA]), de professionnels et de catalogues de fournitures [1, 3, 4, 6, 7]. Les prix d’achat des matériels peuvent varier largement selon le fournisseur : grossiste spécialisé, généraliste vétérinaire, vente concurrentielle en médecine humaine sur Internet, etc.
Certaines visites d’élevage ne demandent que peu d’investissements matériels au début. Ainsi, pour la réalisation d’une visite axée sur la prévention des gastro-entérites néonatales, il n’est presque question que de consommables (tableau 1, photo 1). L’essentiel de ce type de prestation réside dans la visite de l’exploitation. Le matériel nécessaire permet d’étayer les observations directes effectuées sur le terrain.
De même, pour les aspects “ration des vaches” (parfois au sein d’une visite “tarissement”, “troupeau de renouvellement” ou “infertilité”), le seul investissement notable est l’achat d’un tamis de Penn State®, bien utile notamment pour objectiver la fibrosité de la ration (tableau 2).
Dans les deux cas, l’acquisition de moyens de dosage des corps cétoniques et de la glycémie “au chevet du patient” se révèle intéressante. Ce type de matériel constitue un investissement mineur et peut également aider le vétérinaire rural dans sa pratique quotidienne.
→ L’échographe portable est un parfait exemple de matériel utile à la fois pour la médecine de troupeau et la médecine individuelle. En plus d’être indispensable en suivi de reproduction, il peut aussi être utilisé pour le diagnostic de diverses affections individuelles (rénales, cardiaques, digestives, entre autres). A minima, une seconde sonde se révèle nécessaire pour que l’échographe soit polyvalent. Le recours possible à l’appareil pour les différents usages doit être organisé (visites d’élevage uniquement le matin, échographies en canine l’après-midi, par exemple).
→ La mise en place de laboratoires de coprologie ou de bactériologie du lait au sein d’une clinique vétérinaire permet de se lancer dans des visites d’élevage en parasitologie ou ciblant les mammites (tableaux 3 et 4). L’investissement n’est pas énorme. Souvent, les structures mixtes possèdent déjà la plupart du matériel pour d’autres usages (par exemple, un microscope optique pour la parasitologie en canine). Il ne reste bien souvent qu’à acheter les consommables et le petit matériel de type verrerie (photo 2). Le développement des visites d’élevage donne souvent l’impulsion d’installer physiquement un laboratoire d’analyses dans une structure, qui sera par la suite aussi utilisable pour les cas individuels (photo 3).
La proposition aux éleveurs d’analyses effectuées à la clinique est un véritable plus pour l’image de la clinique, en termes d’innovations et de services. En ce sens, la communication est essentielle sur les nouveaux services disponibles à la clinique. En plus du bouche à oreille, le praticien peut mettre à disposition des fiches techniques au comptoir de la clinique, créer un site Internet, développer des journées de formation éleveurs, etc. Et ce pour mettre en avant les services proposés. La demande de nouveaux moyens de lutte et de diagnostic est présente chez la plupart des éleveurs, même si bien souvent ce besoin n’est pas exprimé directement au vétérinaire.
Dans certains cas, le matériel nécessaire à la création de visites d’élevage est plus onéreux et bien spécifique de la visite en question. Ainsi, pour l’audit du bâtiment, la liste est longue et l’addition globale est assez élevée (tableau 5 et photo 4). L’investissement ne peut être rapidement rentabilisé qu’avec une utilisation régulière. En facturant un audit de bâtiment entre 400 et 600 € pour un investissement de départ compris entre 1 200 et 2 000 €, le matériel est vite amorti. La question de la fréquence d’utilisation prévue du matériel se pose. Une véritable étude de marché peut être initiée en amont de cet investissement (selon la typologie des élevages, avec un questionnaire-test incluant le prix que le “consommateur” est prêt à y mettre, etc.). Elle aidera le praticien à vendre ce service (un éleveur à qui il est demandé s’il serait intéressé par ce service et qui répond par l’affirmative peut y adhérer plus facilement, dès sa mise en disponibilité). Des sociétés spécialisées conseillent les vétérinaires en ce sens (par exemple Phylum®). Parfois, des audits sont accessibles via les industriels du médicament vétérinaire qui proposent d’accompagner la prescription d’antiparasitaires, d’antibiotiques, etc., dans le sens d’un usage raisonné, en soutenant les démarches diagnostiques approfondies.
Se lancer dans le parage représente un investissement de départ minimal de 20 000 €, pouvant atteindre facilement 40 000 €. La cage compte pour plus des trois quarts du budget prévisionnel (tableau 6). Le choix du matériel doit dans ce cas être mûrement réfléchi, adapté au type de clientèle et à l’utilisation prévue. À titre d’exemple, les boiteries en élevage laitier représentent une perte nette pour l’éleveur : entre 250 et 350€ par vache, via la perte du lait, la baisse des performances de reproduction, le traitement, les réformes, etc. [7]. Le besoin est donc présent dans chaque clientèle bovine. Une étude de marché préalable peut se révéler vraiment intéressante, afin de cerner les attentes des éleveurs, la concurrence, la rentabilité et l’amortissement de l’investissement de départ (encadré).
Une cage hydraulique est un véritable plus dans le quotidien du vétérinaire rural (photo 5). Les conditions de parage et de sécurité sont en effet améliorées de façon considérable dans des élevages peu enclins à investir dans ce domaine. Un achat d’occasion est possible pour faire baisser le prix.
Il est possible de proposer des visites de parage sans investir dans une cage transportable : les vétérinaires en convention ont, par exemple, une démarche de responsabilisation de l’éleveur à soulever régulièrement le pied de leurs animaux et proposent des solutions simples en ce sens, à demeure dans chaque élevage [2]. Une réduction sur le service peut être octroyée aux éleveurs qui disposent d’installations pour soulever les pieds (moins de perte de temps de transport du dispositif). Inconvénient : le dispositif n’est pas toujours très fiable et le vétérinaire doit “faire avec”. Cela peut se révéler dangereux ou inadapté dans certaines circonstances (en particulier en élevage allaitant, pour un taureau, etc.).
→ Pour les visites mammites également, l’investissement peut aller du simple au double et faire entrer le vétérinaire dans la spécialisation extrême : achat du matériel pour le suivi de traite dynamique, voire investissement dans un analyseur PCR (polymerase chain reaction) pour la bactériologie, etc.
En définitive, l’essentiel de l’investissement pour les visites d’élevage correspond à du temps de travail (formation, réalisation, tri d’informations, analyse, remise du compte rendu, sans oublier la promotion du service). Les heures passées à réaliser l’audit et son compte rendu, mais aussi celles consacrées aux recherches bibliographiques pour que le travail soit cohérent et actualisé sont à prendre en compte.
Dans une démarche de prévision de rentabilité, il convient de chiffrer ces aspects, dès le départ et dans le temps. Avec l’évolution de la demande, l’embauche d’un vétérinaire supplémentaire s’impose parfois. Les investissements consentis peuvent aussi permettre de maintenir un volume d’actes en élevage rural, dans un sens qui profite réellement aux éleveurs, qui plus est.
Aucun.
→ Le développement des visites d’élevage donne souvent l’impulsion pour installer un laboratoire d’analyses qui sera par la suite aussi utilisable pour les cas individuels.
→ La question de la fréquence d’utilisation prévue de certains matériels se pose, ainsi que celle du temps passé à réaliser les audits et les comptes rendus, sans oublier les recherches en amont.
Il existe plusieurs façons de mener à bien une étude de marché. Il s’agit d’un processus complexe et réfléchi, qui peut suivre par exemple le plan suivant :
→ Définition du problème : il convient avant tout de le cibler et de réfléchir aux différentes façons d’y répondre.
→ Conception du plan d’étude : cela revient à lister des données préalables à l’étude (par exemple pour des visites relatives aux boiteries : coût, impact sur le chiffre d’affaires, concurrence, etc.). Celles-ci peuvent être quantitatives (fréquence d’utilisation du service, prix, longévité, etc.) ou qualitatives (besoins ou satisfaction du client, par exemple).
→ Collecte d’informations : cette étape est la plus chronophage. Des informations sont récoltées auprès de clients potentiels ou d’éleveurs ayant déjà recours à ce type de service chez les partenaires d’élevage non vétérinaires. Une concertation est mise en placeau sein de la clinique pour définir les lignes directrices du projet (modalités, organisation, etc.).
→ Analyse des résultats : elle implique (ou non) le recours à des tests statistiques, selon le type d’étude de marché. Cette étape doit permettre de prendre une décision en tenant compte des éléments en faveur et en défaveur.
→ Présentation des résultats aux vétérinaires de la structure et démarrage du projet, si celui-ci a été jugé satisfaisant (achat de matériel, formation, démarchage).
Aux vétérinaires de Friville-Escarbotin pour l’illustration.
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