Méthodes de correction de la torsion utérine - Le Point Vétérinaire expert rural n° 368 du 01/09/2016
Le Point Vétérinaire expert rural n° 368 du 01/09/2016

DYSTOCIES BOVINES D’ORIGINE MATERNELLE

Article de synthèse

Auteur(s) : Béatrice Bouquet

Fonctions : BVet
BP 20008
80230 Saint-Valéry-sur-Somme

Lors de torsion utérine, agir vite et déterminer le sens et l’ampleur de la rotation s’imposent. Diverses astuces, options et précautions facilitent l’intervention

La torsion de l’utérus est une complication de la fin de la première partie ou du début de la seconde partie du vêlage. Elle est due à l’instabilité de cet organe : la grande courbure est dorsale et craniale, par rapport à son attache subiliaque par les ligaments larges qui sont, eux, en position caudale et ventrale. La vacuité relative du rumen accroît le risque. La position basse du fœtus, son poids excessif et ses réactions violentes aux contractions utérines risquent d’engendrer une bascule irréversible. La vache elle-même se couche et se relève plus fréquemment en raison des contractions.

Pour se mettre debout, les ruminants ont pour particularité de passer par la position à genoux, puis, à l’aide d’un mouvement de balancier de la tête, de s’élever sur leurs membres postérieurs, avant de déployer leurs antérieurs. Au moment où la vache temporise sur ses carpes, l’utérus traverse une phase où son grand axe est vertical, et la torsion en est facilitée.

Lors de gestation gémellaire, le risque de torsion est a priori diminué car la présence des deux fœtus stabilise l’utérus. Cependant, il n’est pas annulé. Les situations les plus fréquentes sont les torsions utérines à gauche (anti-horaire, ou dans le sens inverse des aiguilles d’une montre), avec un noeud en regard du vagin (torsion “postcervicale”). Selon Noakes et coll. (2001), le degré de torsion le plus fréquent est compris entre 90° et 180°, mais les observations suisses, par exemple, ne vont pas dans le même sens [1, 2]. En définitive, les torsions de faible grade pourraient se résoudre sans une intervention de l’homme, mais elles sont mal connues. Les études ne sont pas toujours très précises non plus sur le degré de torsion. Celui-ci n’influencerait pas directement la viabilité du fœtus : la mort est due à la perte des fluides fœtaux ou bien au décollement du placenta. La priorité est donc d’intervenir rapidement.

Le diagnostic est fait par palpation vaginale, le signe le plus caractéristique étant la perception d’un pli supérieur. La torsion étant fréquemment postcervicale, le col de l’utérus n’est pas toujours palpable, au moins dans un premier temps. Une bonne lubrification peut toutefois faciliter la progression. Lorsque le vétérinaire immisce sa main dans le vagin et tente de passer le col de l’utérus, sa tête et son corps ont tendance à se pencher du côté de la torsion.

Une palpation transrectale permet in fine de préciser le nombre de tours, en général un ou deux (360°, 720°).

MÉTHODE 1

1. Rotation du fœtus par le vagin

La rotation du fœtus par le vagin est possible pour toute torsion inférieure à 720°, mais impossible pour les torsions antécervicales [4].

Les étapes sont les suivantes :

- réaliser une anesthésie épidurale ou administrer un spasmolytique (clenbutérol) ;

- s’assurer que la dilatation du col est suffisante ;

- vérifier que le fœtus est vivant (et ne pas percer les enveloppes fœtales pour qu’il le reste) ;

- passer le bras (donc la torsion ne doit pas être complète ou antécervicale) ;

- atteindre un point fixe du fœtus (ni la tête ni les extrémités des membres ; le thorax convient) ;

- saisir le point fixe (généralement l’épaule ou la hanche) et imprimer un mouvement de balancier (presser éventuellement sur les globes oculaires du fœtus pour le faire réagir une première fois) ;

- donner une impulsion dans le sens inverse de la torsion (donc dans le sens des aiguilles d’une montre dans la plupart des cas). Les premiers 180° sont les plus difficiles ;

- faire ballotter l’abdomen de la mère par l’extérieur en même temps ou plaquer une planche contre son flanc droit pour “fixer l’utérus” pendant la manipulation ;

- surélever si possible l’arrière-train de la vache, pour faciliter la rotation.

2. Variante : recours au bâton de détorsion

Dans l’idéal, cette technique requiert deux opérateurs : le premier qui passe la main et maintient le bâton à l’intérieur de la vache, le second qui donne des mouvements de balancier à l’autre extrémité, en dehors. Le col doit être suffisamment dilaté pour atteindre les pattes du veau avec le bras. La barre est introduite entre les deux membres que le fœtus présente (antérieurs ou postérieurs) et chaque patte a été munie d’un lien. Les deux membres sont passés dans l’anneau au bout interne du dispositif (ou bien les deux pattes peuvent être fixées ensemble, ou encore le cou si le veau est “en skieur”, les pattes antérieures sous lui). La barre permet de démultiplier la force du mouvement de balancier imprimé au fœtus comme précédemment. Les versions traditionnelles assez dangereuses (en métal, avec des chaînes) ont été améliorées dans une faculté vétérinaire autrichienne (plastique souple, liens légèrement élastiques) [3]. Disponible dans le commerce depuis quelques années, le nouveau dispositif, en matière plastique, est utilisé par des praticiens en France (GYN-stick(r), photos 1 et 2 et figure).

MÉTHODE 2 : ROULAGE

La méthode du roulage demande de la main-d’œuvre, et c’est pourquoi elle a été supplantée par la précédente. Cependant, elle convient bien aux praticiens de petite taille ou qui manquent de force physique, et à ceux qui sont habitués à ce type de manœuvre en élevage laitier pour les vaches dont la caillette s’est déplacée à gauche. La vache est roulée sur le dos dans le sens de la torsion. Un aide plaque la tête de l’animal au sol et deux autres se tiennent respectivement aux pattes avant et arrière, reliées à des cordes de 2,5 à 3 mètres, comme dans le roulage des caillettes.

La procédure peut être renouvelée deux fois (au-delà, l’animal est épuisé), jusqu’à ce que la détorsion soit constatée à la palpation vaginale (soit la vache est roulée toujours dans le même sens, en passant par la position en décubitus sternal, soit, si la place manque, elle est remise chaque fois doucement sur le dos en la roulant en sens inverse après échec, pour pouvoir recommencer dans le sens adéquat de détorsion, en imprimant un mouvement plus brutal).

Le vétérinaire peut réaliser une palpation entre les manipulations pour vérifier que le roulage est pratiqué dans le bon sens. En revanche, maintenir une patte comme le font certains est extrêmement dangereux pour l’opérateur. Une pression peut être appliquée sur le flanc (droit) par une planche (ou une poutre) lestée (60 kg, homme debout) pendant le roulage (photos 3 à 7).

MÉTHODE 3 : SUSPENSION

Peu réalisée, la technique de suspension paraît assez périlleuse, mais pourrait être envisagée avec les moyens mécaniques modernes. La vache est soulevée et suspendue par les jarrets le plus haut possible, la plupart du temps à l’aide de la fourche d’un tracteur (lourd et puissant). En position quasi verticale, la détorsion s’effectuerait souvent spontanément ou avec une légère aide. Cette méthode est très discutable sur le plan du bien-être animal.

MÉTHODE 4 : INTERVENTION CHIRURGICALE

En cas d’échec des tentatives “manuelles”, une intervention chirurgicale est décidée.

→ Une anesthésie paravertébrale ou par infiltrations est réalisée. Une ouverture est pratiquée dans le creux du flanc, à gauche de préférence, en prenant garde aux anses d’intestin grêle souvent déplacées.

→ La laparotomie et les manipulations intra-abdominales de l’utérus sont mises en œuvre. Le grand omentum est repoussé vers l’avant (il convient de vérifier qu’il n’est pas déchiré), en s’assurant du sens de la torsion.

→ S’il s’agit d’une torsion à gauche (c’est-à-dire antihoraire, cas le plus fréquent), la main du praticien est insérée entre l’utérus et le flanc gauche, pour saisir une partie du fœtus et balancer l’utérus, puis soulever et pousser vers la droite de l’abdomen.

→ S’il s’agit d’une torsion à droite, le manipulateur passe sa main au-dessus de l’utérus, la descend contre le flanc droit, saisit le veau à travers la paroi utérine, imprime un mouvement de balancier, puis tire la corne vers le haut et vers la gauche.

→ La césarienne ne s’impose pas toujours, en particulier vers 6,5 à 8 mois de gestation, ce qui correspond à des cas rares(1). À l’inverse, elle est réalisée avant même toute tentative de réduction intra-abdominale si l’utérus est extrêmement fragile (présence d’un œdème pariétal et d’une transsudation péritonéale), en cas d’impossibilité à détordre ou si le col reste fermé après détorsion. Selon Gaby Hirsbrunner (université de Berne), la césarienne d’emblée est préférable chez une vache à terme, vis-à-vis du risque endotoxinique. Attention, lors de césarienne pratiquée avant détorsion, il convient de prendre garde au fait que la plaie utérine va devenir difficile d’accès pour les sutures après l’extériorisation du veau !

Conclusion

Il convient de ne jamais trop forcer lors de tentative d’extraction par les voies naturelles après détorsion car le col reste fragile. Si celui-ci n’est que partiellement ouvert, la possibilité de l’inciser par le vagin est décrite, à condition que l’utérus soit caudal et suffisamment dilaté, que le col apparaisse “effacé”, c’est-à-dire fin et élastique, et non épais et induré, et que le fœtus ne soit pas trop gros [4]. Si la torsion est suspectée et corrigée à temps, le pronostic pour la mère et le fœtus est bon. Il convient dans tous les cas de réaliser une délivrance immédiatement après l’intervention, car le col peut se refermer rapidement après détorsion.

  • (1) Voir l’article “Torsion utérine réduite par laparotomie sans utérotomie” de B. Batouche, dans ce numéro.

Références

  • 1. Mock T, Hehenberger E, Steiner A et coll. Uterine torsion in brown swiss cattle: retrospective analysis from an alpine practice in Switzerland. Vet. Rec. 2015;177 (6):152.
  • 2. Noakes DE, Parkinson TJ, Englang GCW. Arthur’s veterinary reproduction and obstetrics. 8th vol. Ed. Saunders WB. 2001:868 p.
  • 3. Schlederer F. New and simple tools for easier obstetrics in cows - A tribute to female vets. EBF, Marseille, 2013. http://www.buiatricsforum.com/Pres%202013/F.%20 SCHLEDERER.pdf
  • 4. Schmitt D. Les dystocies d’origine maternelle chez les bovins. Thèse, ENV de Lyon, 21 octobre 2005:54 p.

Conflit d’intérêts

Aucun

Points forts

→ Le point fixe à saisir pour la détorsion par voie vaginale peut être l’épaule, la hanche, le thorax, mais pas la tête, ni les extrémités du fœtus.

→ Une planche ou une poutre peut être plaquée contre le flanc pendant la détorsion manuelle debout ou le roulage, pour fixer l’utérus.

→ Le col peut être incisé pour faciliter le passage après détorsion.

REMERCIEMENTS

Remerciements à Gaby Hirsbrunner (université de Berne) pour sa relecture et à F. Schlederer pour le prêt de photos.

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