ÉTAPE 5 : Pose d’un stent trachéal sous contrôle fluoroscopique - Le Point Vétérinaire n° 368 du 01/09/2016
Le Point Vétérinaire n° 368 du 01/09/2016

EN 10 ÉTAPES

Auteur(s) : Jean-François Boursier*, Anne-Sophie Bedu**, Dimitri Leperlier***

Fonctions :
*CHV Pommery
226, boulevard Pommery,
51100 Reims
**CHV Pommery
226, boulevard Pommery,
51100 Reims
***CHV Pommery
226, boulevard Pommery,
51100 Reims

Lors de la mise en place d’un stent intraluminal pour traiter un collapus trachéal ou bronchique, la fluoroscopie apporte sécurité et confort.

L’imagerie interventionnelle utilise des techniques d’imagerie médicale avancée afin d’aider l’opérateur dans la pratique de certains actes comme la pose d’un stent trachéal. Dans cet article, l’utilisation de cette technique pour le diagnostic d’un collapsus trachéal ou bronchique est illustrée, puis la mise en place d’un stent trachéal sous contrôle fluoroscopique est expliquée.

COLLAPSUS TRACHÉAL ET BRONCHIQUE

1. Épidémiologie

Le collapsus des voies respiratoires est une affection fréquente chez le chien, qui peut toucher aussi bien la portion cervicale que la portion intrathoracique de la trachée, les bronches principales ou les voies aériennes plus petites [7]. Cette atteinte est préférentiellement rencontrée chez les chiens de petite taille et découle d’une dégénérescence progressive du cartilage des anneaux trachéaux et bronchiques aussi appelée trachéobroncho­malacie [7]. Les chiens de races yorkshire, loulou de Poméranie et chihuahua semblent surreprésentés [5, 9, 11].

2. Diagnostic

Le diagnostic d’un collapsus trachéal ou bronchique est rendu difficile par le caractère dynamique de cette atteinte. L’examen radiographique standard ne permet de diagnostiquer un collapsus trachéal (intra- et extrathoracique) et un collapsus bronchique que dans respectivement 60 à 92 % et 0 à 50 % des cas [3, 5, 7, 12]. Lors d’utilisation de la radiographie, deux clichés, le premier en phase inspiratoire suivi du second en phase expiratoire, sont indispensables. En effet, les voies aériennes extra­thoraciques peuvent présenter plus favorablement un collapsus en phase inspiratoire alors que pour la portion intrathoracique, ce serait plutôt en phase expiratoire [6]. Selon notre expérience et les publications scientifiques, la radiographie n’est pas l’examen de choix pour la détection et l’identification d’un collapsus trachéal ou bronchique chez le chien. D’après plusieurs études vétérinaires ou en médecine humaine, les techniques diagnostiques à préférer pour l’évaluation d’un collapsus trachéal ou bronchique sont la fluoroscopie ou l’endoscopie respiratoire [5, 6, 10, 13].

La fluoroscopie apporte l’avantage d’une visualisation dynamique et en temps réel de la trachée aussi bien pendant toutes les phases respiratoires (inspiration et expiration) que lors de phénomène de toux (photos 1a et 1b) [13]. De plus, la fluoroscopie ne nécessite pas d’anesthésie générale ou de sédation pour obtenir un diagnostic, contrairement à l’endoscopie respiratoire.

Certaines études ont montré que la fluoroscopie est plus fiable pour mettre en évidence et localiser un collapsus trachéal que l’examen radiographique classique [7, 13].

3. Traitement

Le collapsus des voies respiratoires chez le chien peut être traité par une approche médicale, puis éventuellement chirurgicale.

Traitement médical

La prise en charge médicale est considérée actuellement comme le traitement initial de choix et le traitement chirurgical est réservé aux animaux n’y répondant pas ou partiellement, en complément du traitement médical qui reste indispensable [13].

La prise en charge médicale est avant tout multifactorielle. Une perte de poids chez l’animal est souvent indispensable à la gestion médicale et chirurgicale d’un collapsus trachéal. Le traitement médicamenteux est composé de bronchodilatateurs, d’agents antisécrétoires, d’antitussifs, de stéroïdes anabolisants et de diurétiques et, occasionnellement, d’antibiotiques pour lutter contre les infections respiratoires [1, 14].

Traitement chirurgical

L’objectif principal du traitement chirurgical est de restaurer le diamètre de la lumière trachéale tout en préservant l’escalator mucociliaire [11]. Plusieurs approches chirurgicales existent : la mise en place d’un stent trachéal lors de collapsus de la trachée intra- et extra-thoracique ou des bronches, ou le placement d’anneaux extraluminaux lors de collapsus trachéal extrathoracique.

La mise en place chirurgicale d’un stent trachéal présente de nombreux avantages comparativement à l’implantation d’une prothèse extraluminale : un temps chirurgical raccourci, un résultat clinique supérieur (94,4 % des cas améliorés ou normaux pour les stents contre 72 à 88,9 % pour les prothèses), des complications post­opératoires majeures moins fréquentes (perforation trachéale dans 8,3 % des cas pour les stents contre 18,9 % de paralysies laryngées nécessitant une trachéostomie permanente pour les prothèses), une indication opératoire plus large (le traitement du collapsus trachéal intrathoracique et bronchique est respectivement périlleux et impossible par la mise en place de prothèses extraluminales) ou encore une approche peu invasive [8, 11, 14].

MISE EN PLACE D’UN STENT TRACHÉAL

Différents types de stent sont disponibles actuellement en médecine vétérinaire et celui décrit ci-après est un stent métallique auto-expansif.

1. Prise en charge anesthésique

La gestion anesthésique d’un chien atteint de collapsus trachéal est complexe et nécessite une planification minutieuse. La préparation de plusieurs tubes endotrachéaux, de différents diamètres et longueurs est indispensable. Lorsque l’étape diagnostique et/ou de mesure de la trachée est différée de l’intervention chirurgicale, le réveil est considéré comme la période la plus dangereuse compte tenu du risque de nouveau prolapsus, pouvant mener à une obstruction des voies respiratoires. Un réveil dans un endroit calme, accompagné d’une supplémentation en oxygène et de l’utilisation de sédatifs, permet de limiter ce risque.

Pour pouvoir réaliser la pose du stent à l’issue du bilan radiographique, il est indispensable de disposer d’un éventail de stents de plusieurs tailles (de longueurs et de diamètres différents).

2. Mesures préopératoires

Le chien est placé en décubitus latéral lors de la procédure de mise en place d’un stent trachéal. Avant la mise en place du matériel, de nombreuses mesures doivent être prises, et ce après réalisation d’examens d’imagerie, comme des radiographies en projection latérale ou, si possible, une fluoroscopie (photo 2). Cette étape est, selon notre expérience, la plus importante de la procédure compte tenu des conséquences qu’entraîne un choix de stent imparfaitement adapté. Des mesures de hauteur et de longueur doivent être précisément récoltées. En effet, un stent d’un trop petit diamètre peut migrer ou se raccourcir, et un stent trop gros causer une perforation ou, à terme, une nécrose de la trachée par pression excessive [13]. Le diamètre du stent est choisi en majorant de 10 à 20 % la valeur obtenue après mesure du diamètre maximal de la trachée afin d’éviter sa migration ou son raccourcissement lors de sa mise en place [2]. La valeur de référence du diamètre de la trachée est mesurée sur une radiographie de profil, dans la portion trachéale la plus large.

Cranialement, la mesure de la longueur est débutée 5 mm caudalement au cartilage cricoïde du larynx alors que, distalement, elle s’arrête 5 mm cranialement à la carène. Un stent placé trop cranialement au niveau du larynx peut engendrer des spasmes laryngés, de la toux ou encore un dysfonctionnement majeur de celui-ci. Un stent mis en place trop distalement au niveau de la bifurcation trachéale entraîne une rétention de mucus avec un risque d’infection majeure ou encore de la toux [13].

Outre cette technique de mesure, une seconde option consiste à calculer la longueur nécessaire pour couvrir 1 cm cranialement et 1 cm caudalement au collapsus trachéal. Ces marges citées peuvent être doublées lorsque le cas clinique le permet afin de diminuer les risques de mauvaise estimation de la longueur et les complications qui en découlent [13]. Attention cependant lorsque la trachée n’est que partiellement traitée, car il existe alors un risque accru de collapsus en amont et en aval du stent.

Le bilan de la phase de prise de mesure permet d’obtenir deux données : le diamètre de la trachée estimé ainsi que la longueur de la trachée sur laquelle le stent doit se déployer. Une fois ces mesures obtenues, celles-ci sont confrontées à un tableau de correspondance des tailles mis à disposition par le fabricant du stent. Cette partie de la décision revêt un caractère subjectif non négligeable et dépend notamment de l’expérience de l’opérateur dans l’utilisation des stents. La disponibilité de nombreuses tailles et longueurs de stents permet de changer de modèle au cours de l’intervention si nécessaire.

3. Procédure de mise en place du stent

Le déploiement d’un stent trachéal sous contrôle fluoroscopique suit un déroulement bien défini. Ici est décrit le cas d’un stent métallique auto-expansif. Celui-ci est présenté rétracté sous une gaine plastique et entourant un guide métallique. Ce dernier est légèrement plus long que le stent replié et dépasse de l’extrémité de celui-ci.

L’animal est placé en décubitus latéral sur la table d’intervention adaptée à l’utilisation de la fluoroscopie. L’anesthésie générale est maintenue par l’inhalation de gaz par la sonde endotrachéale mise en place. Afin de procéder à la mise en place d’un stent trachéal, l’animal est temporairement extubé. L’oxygène est apporté par un montage relié au stent et à son système de déploiement, tandis que l’anesthésie générale est maintenue par une perfusion continue de propofol.

Dans un premier temps, la portion la plus caudale du stent est positionnée au niveau du repère caudal choisi, cranialement à la bifurcation trachéale. Le stent est alors déployé lentement à l’intérieur de la trachée. Cette opération est réalisée sous contrôle fluoroscopique permanent, ce qui permet de contrôler la position du stent. Si celle-ci n’est pas optimale, à ce stade-là (déploiement partiel du stent), le stent peut être replié et la position ajustée. Dans la plupart des modèles, lorsque le déploiement partiel du stent dépasse les 70 à 90 % de sa longueur, celui-ci ne peut être replié et contraint dans sa gaine. Dans ce cas, le stent doit être déployé définitivement en position finale (photos 3 et 4).

La fluoroscopie permet de contrôler en continu le déploiement du stent et d’effectuer un repositionnement en direct. Une fois le stent complétement déployé, l’animal peut être de nouveau délicatement intubé par une sonde endotrachéale afin de reprendre le relais gazeux avec un mélange oxygène-isoflurane. En fin d’intervention, la fluoroscopie permet également de contrôler l’absence de collapsus trachéal lors des mouvements respiratoires de l’animal. Enfin, des clichés radiographiques de face et de profil peuvent être réalisés (photos 5a et 5b).

4. Suivi

La mise en place d’un stent trachéal chez des animaux atteints de collapsus trachéal extra- ou intrathoracique semble donner de bons résultats. En effet, le taux de survie est de 91,7 %, comparable à celui d’un traitement chirurgical par mise en place d’une prothèse extraluminale (94,4 %) [4, 8]. Parmi ceux-ci, un tiers des animaux bénéficiant d’un stent trachéal sont asymptomatiques et 61,1 % montrent une amélioration notable de leur qualité de vie sur une évaluation d’environ 880 jours après l’implantation [8].

Un tissu inflammatoire en quantité excessive peut se former, notamment aux extrémités du stent, réduisant ainsi le diamètre de la lumière trachéale [8]. Cette réaction inflammatoire serait notamment due aux mouvements, même infimes, du stent par rapport à la trachée. Ces mouvements seraient exacerbés par les épisodes de toux nécessitant un traitement antitussif postopératoire plus agressif [8]. De plus, la pression excessive exercée sur le stent ou les mouvements de celui-ci peuvent entraîner une fragilité du métal composant le stent et ainsi conduire à une fracture [13]. Un suivi radiographique peut permettre de documenter une fracture du stent ou la présence d’un tissu inflammatoire dans la lumière trachéale, bien que l’endoscopie respiratoire reste l’examen de choix pour cette dernière indication. La réaction inflammatoire semble répondre favorablement à une corticothérapie même à faible dose. Dans certains cas, le tissu de granulation excessif peut être retiré par électrocautérisation ou laser sous contrôle endoscopique [13].

Conclusion

Le collapsus trachéal est une atteinte des cartilages trachéaux, préférentiellement rencontrée chez les animaux de petite taille. Le traitement chirurgical est préconisé lorsque le traitement médical ne permet pas ou peu d’amélioration clinique. Le traitement chirurgical peut consister en la mise en place d’un stent trachéal intraluminal. La fluoroscopie apporte confort et sécurité dans sa mise en place, notamment en permettant une visualisation en temps réel de sa position et de son développement.

Références

  • 1. Adamama-Moraitou KK, Pardali D, Athanasiou LV et coll. Conservative management of canine tracheal collapse withstanozolol: a double blinded, placebo control clinicaltrial. Intern. J. Immunopathol. Pharmacol. 2011;24,111-118.
  • 2. Beal MW. Tracheal stent placement for the emergency management of tracheal collapse in dogs. Topics in Companion Animal Medicine. 2013;28:106-111.
  • 3. Bottero E, Bellino C, Lorenzi D et coll. Clinicalevaluation and endoscopic classification of bronchomalacia in dogs. J. Vet. Intern. Med. 2013;27:840-846.
  • 4. Buback JL, Boothe HW, Hobson HP. Surgical treatment of tracheal collapse in dogs: 90 cases (1983-1993). J. Am. Vet. Med. Assoc. 1996;208:380-384.
  • 5. Johnson LR, Pollard RE. Tracheal collapse and bronchomalacia in dogs: 58 cases. J. Vet. Intern. Med. 2010;24:298-305.
  • 6. Johnson LR, Singh MK, Pollard RE. Agreement among radiographs, fluoroscopy and bronchoscopy in documentation of airway collapse in dogs. J. Vet. Intern. Med. 2015 Nov-Dec;29 (6):1619-1626.
  • 7. Macready DM, Johnson LR, Pollard RE. Fluoroscopic and radiographicevaluation of tracheal collapse in dogs: 62 cases (2001-2006). J. Am. Vet. Med. Assoc. 2007;230,1870-1876.
  • 8. Moritz A, Schneider M, Bauer N. Management of advancedtracheal collapse in dogsusingintraluminal self-expandingbiliarywallstents. J. Vet. Intern. Med. 2004;18:31-42.
  • 9. Pardali D, Adamama-Moraitou KK, Rallis TS et coll. Tidal breathing flow-volume loop analysis for the diagnosis and staging of tracheal collapse in dogs. J. Vet. Intern. Med. 2010;24(4):832-842.
  • 10. Rudman DT, Elmaraghy CA, Shiels WE, Wiet GJ. The role of airway fluoroscopy in the evaluation of stridor in children. Arch. Otolaryngol Head Neck Surg. 2003;129(3):305-309.
  • 11. Sun F, Usón J, Ezquerra J et coll. Endotrachealstentingtherapy in dogswithtracheal collapse. Vet. J. 2008;175:186-193.
  • 12. Tangner CH, Hobson H. A retrospectivestudy of 20 surgicallymanaged cases of collapsedtrachea. Vet. Surg. 1982;11:146-149.
  • 13. Tappin SW. Canine tracheal collapse. J. Small Anim. Pract. 2016;57:9-17
  • 14. White RAS, Williams JM. Tracheal collapse in the dog-istherereally a role for surgery ? A survey of 100 cases. J. Small Anim. Pract. 1994;35 :191-196.

Conflit d’intérêts

Aucun.

Points forts

→ Le collapsus trachéal touche préférentiellement les chiens de petite taille.

→ Le caractère dynamique de cette atteinte rend la fluoroscopie intéressante dans son diagnostic.

→ La pose d’un stent trachéal se réalise sous assistance fluoroscopique.

→ La fluoroscopie apporte une aide indéniable dans la pose d’un stent trachéal.

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