REPRODUCTION BOVINE
Article de synthèse
Auteur(s) : Christian Hanzen*, Sylvie Castant-Maillard**, Anne-Sophie Rao***, Léonard Théron****
Fonctions :
*Université de Liège, faculté de médecine vétérinaire,
service de thériogénologie
des animaux de production,
avenue de Cureghem, 7d, 4000 Liège, Belgique
**Unité de reproduction, UMR 1225 Interactions hôte-
pathogène, INP-École nationale vétérinaire de Toulouse,
23, chemin des Capelles,
BP 8714, 31076 Toulouse Cedex 03
***Université de Liège, faculté de médecine vétérinaire,
service de thériogénologie
des animaux de production,
avenue de Cureghem, 7d, 4000 Liège, Belgique
****Université de Liège, faculté de médecine vétérinaire,
service de thériogénologie
des animaux de production,
avenue de Cureghem, 7d, 4000 Liège, Belgique
Orienter le sex-ratio autrement que par l’insémination avec de la semence sexée reste encore énigmatique. Après un premier article présentant les facteurs susceptibles de le faire varier dans l’espèce bovine, ce second volet s’intéresse à leurs mécanismes d’action.
Outre le recours à de la semence sexée, plusieurs facteurs liés aux caractéristiques de la vache, à la fonction ovarienne et au déroulement de la gestation sont susceptibles d’influencer le sex-ratio (SR) à la naissance (sex-ratio secondaire, ou SRS) [38]. Ces facteurs, dont les mécanismes d’action sont loin d’avoir été élucidés, peuvent agir à plusieurs étapes du processus de reproduction : sur la maturation finale de l’ovocyte, au moment de la fécondation et au cours des premiers stades du développement embryonnaire. Ils relèvent de caractéristiques génétiques, développementales, physiologiques ou métaboliques propres au spermatozoïde, à l’ovocyte et/ou à l’embryon (figure) [6, 44, 50, 81, 82].
Après saillie naturelle, le pourcentage de gestations (n = 2 904) observé dans la corne droite (53,2 %) est significativement plus élevé que celui mis en évidence dans la corne gauche (46,8 %). De même, le SR des veaux de la corne droite (67,4 %) est significativement plus élevé que celui de la corne gauche (34,4 % ; sur 2 904 gestations) [43]. À partir des expériences réalisées, il semble bien que l’hypothèse d’une régulation plus ovarienne qu’utérine puisse être retenue. Cet effet ovarien pourrait être médié par les stéroïdes folliculaires. Une concentration en testostérone supérieure à 300 ng/ml dans le liquide antral s’accompagne d’une fréquence plus élevée d’embryons mâles in vitro [26, 31, 32]. Cela est à mettre en parallèle avec un SR plus élevé chez les vaches socialement dominantes, lesquelles présentent des concentrations plus élevées en testostérone [10, 30, 46]. Celle-ci influencerait la composition moléculaire de la membrane pellucide à un moment spécifique de son développement, déterminant ainsi la fécondation de l’ovocyte par un spermatozoïde Y [29]. Cet effet positif sur le SR d’une diminution du rapport entre les œstrogènes et la testostérone a été rapporté chez les lémuriens [64].
La vitesse de migration des spermatozoïdes X et Y dans le tractus génital serait différente [27, 57, 71, 79]. Ainsi, les spermatozoïdes Y arriveraient plus vite au niveau de l’isthme de l’oviducte qui constitue un réservoir de sperme [7, 65]. Ils seraient ainsi plus vite capacités. La linéarité et la régularité moindres des déplacements des spermatozoïdes Y par rapport à celles des spermatozoïdes X traduiraient d’ailleurs leur plus grande activation [58, 62]. Les spermatozoïdes X seraient plus lents à atteindre le site de la fécondation. En cas d’insémination tardive (réalisée longtemps après le début des chaleurs, donc peu de temps avant l’ovulation), les spermatozoïdes Y plus rapides seraient plus souvent responsables de la fécondation [57, 79]. Inversement, lors d’insémination précoce (effectuée bien avant l’ovulation), ils seraient moins aptes à assurer la fécondation puisqu’ils ont atteint le site de fécondation plus longtemps avant l’ovulation. Cette hypothèse mériterait d’être confirmée car les études visant à séparer les spermatozoïdes sur la base de leur motilité ont rapporté des résultats contradictoires, certaines décrivant un effet sur le SR et d’autres non [3, 19, 20, 53, 56, 83]. De plus, l’allongement du temps de capacitation se traduit par une augmentation de la proportion de blastocystes de sexe femelle, conséquence possible d’une plus grande longévité des spermatozoïdes X [41, 52].
Les résultats concernant l’influence de la durée de la phase de maturation des ovocytes sur le SR des embryons après leur fécondation in vitro diffèrent selon les études [1, 60, 69].
Le stade de maturation différent des ovocytes lors de leur fécondation pourrait induire leur sélection préférentielle d’un spermatozoïde X ou Y [22, 35]. Une insémination réalisée in vitro 8 heures après l’expulsion du premier globule polaire augmente la proportion d’embryons mâles par rapport à une insémination réalisée lors de l’expulsion (photo 1) [22]. La longévité plus grande des spermatozoïdes X leur permettrait d’assurer la fécondation d’ovocytes à un meilleur moment par rapport à leur degré de maturation [52].
De plus, l’augmentation de la glycémie s’accompagne de celle du SR, ce qui pourrait expliquer l’effet du moment de l’insémination sur le SR [13, 55, 68]. En effet, le glucose influencerait le moment du pic d’hormone lutéinisante (LH), donc le délai d’apparition de la métaphase II nécessaire à la fécondation, la LH contribuant à augmenter la quantité de glucose disponible pour l’ovocyte [21, 84].
Une fécondation immédiatement après l’expulsion du premier globule polaire s’accompagne d’une augmentation d’embryons de sexe femelle, par rapport à celle réalisée dans les heures qui suivent [22, 57]. La réduction (6 heures versus 18 heures) de la période d’incubation des oocytes dénudés en présence de spermatozoïdes est associée à une augmentation de la fréquence des mâles, laquelle peut résulter d’une élévation du nombre de spermatozoïdes Y attachés à la zone pellucide [45, 50, 76]. Les observations consécutives à l’injection de spermatozoïdes dans l’ovocyte (ICSI, pour intracytoplasmic sperm injection) suggèrent une sélectivité de la zone pellucide. En effet, chez l’homme, le SR secondaire à la naissance (SRS) après ICSI est moindre que celui normalement observé : 96:100 ou 101:100 contre 105:100 en l’absence de recours à une technique de reproduction assistée [23, 40, 54]. La membrane pellucide de l’ovocyte pourrait ainsi être prédisposée à être traversée par l’un ou l’autre type de spermatozoïdes. Cependant, la fécondation in vitro d’ovocytes au moyen de sperme sexé et recombiné en parts égales de spermatozoïdes X et Y ou non sexé n’a entraîné aucune différence significative du SR d’embryons au stade 2 à 4 cellules (57 % versus 56,9 %) ou du SR des blastocystes (50,6 % versus 53 %). Il n’existerait donc pas de sélection potentielle des spermatozoïdes X ou Y par la membrane pellucide [9].
Au cours des premiers jours du développement embryonnaire, les caractéristiques des embryons mâles et femelles obtenus in vitro ne sont pas identiques. Il existe donc un dimorphisme sexuel des embryons (photo 2). Ces différences peuvent être responsables d’une mortalité embryonnaire différente selon le sexe de l’embryon [39]. Ainsi, les embryons dégénérés semblent être davantage de sexe femelle, avec une différence non significative [16, 37, 70, 78].
Diverses manifestations d’un dimorphisme sexuel ont été observées. In vitro, elles s’expriment essentiellement à partir du stade morula [34]. L’interféron τ, signal embryonnaire de gestation indispensable à l’inhibition de la lutéolyse, ne s’exprime pas de la même façon dans les deux sexes [48, 51]. Les blastocystes femelles prélevés 8,5 à 9,5 jours après l’insémination produisent significativement plus d’interféron τ que les blastocystes mâles par période de 24 heures (49,4 +/- 9 pg versus 16,6 +/- 3,7 pg) ou de 48 heures (410,9 +/- 66,6 pg versus 189,8 +/- 37,1 pg) de mise en culture [48].
Certains gènes liés au chromosome X s’expriment davantage chez la femelle que chez le mâle [36, 61]. Dans les espèces bovine, mais également ovine et porcine, le rythme de division cellulaire de l’embryon est plus élevé chez les embryons de sexe mâle que chez ceux de sexe femelle [4, 5, 17, 18, 59, 82]. Ainsi, la présence après récolte d’embryons d’au moins trois stades différents de développement se traduit par la naissance plus fréquente de femelles après transfert des embryons de stade moins avancé (SRS 32 %) et de mâles après transfert d’embryons de stade plus avancé (SRS 62 %). Cette différence n’est cependant pas significative [4]. De même, ce développement plus rapide serait responsable de leur sélection préférentielle lors de transfert d’embryons et de la naissance plus fréquente de veaux mâles par la suite [50].
Ces observations ne sont pas unanimement démontrées [42, 47]. Les différences observées peuvent relever de l’espèce, mais aussi des conditions de culture des embryons in vitro [72]. Ainsi, in vitro, le métabolisme du glucose serait-il plus intense chez les embryons mâles, tandis qu’une concentration plus élevée en glucose se révèle néfaste pour les embryons femelles [11, 37, 49, 75, 77]. In vivo, la composition de la ration reçue par la mère pourrait également avoir son importance. Le pourcentage de mâles augmente significativement chez les souris nourries avec une ration riche en acides gras saturés, celui des femelles après distribution d’acides gras polyinsaturés ω 6, les ω 3 étant sans effet [2, 25, 73]. Inversement, chez la brebis, le SR s’élève avec une ration riche en acides gras polyinsaturés [33]. Ces effets seraient davantage médiés par le glucose que par la testostérone, dont la concentration après la saillie est significativement plus faible avec des rations riches en acides gras [24, 80]. Ces apports nutritionnels exerceraient leur influence après la fécondation [29]. Leur importance semble être cependant influencée par divers états de stress (diminution du rang social, augmentation de la température ambiante, etc.), lesquels s’accompagnent d’une hausse de la glycémie [8, 15, 66, 67]. Le rôle exercé par le statut social des individus au sein du groupe fait encore débat [13]. C’est aussi le cas du mécanisme d’impact du stress thermique. Ce type de stress s’accompagne d’une augmentation de la synthèse des dérivés réactifs de l’oxygène (ROS, pour reactive oxygen species). Cette synthèse est cependant moindre chez les embryons femelles que chez les embryons mâles, ces derniers survivant moins bien à ce type de stress [63]. Un stress thermique pourrait également contribuer à augmenter la durée de la période de dominance folliculaire en raison de l’élévation de la concentration en hormone folliculo-stimulante (FSH) et de la diminution de l’inhibine [74]. Il en résulterait l’expulsion d’un ovocyte plus âgé, lequel est associé à une augmentation du SR [1, 22].
Les mécanismes cellulaires par lesquels s’établit le SR ne sont donc pas clairement établis. En particulier, le rôle de l’ovocyte et celui du milieu utérin restent mal définis malgré l’intérêt pratique que pourrait comporter leur détermination. L’ovocyte a-t-il un pouvoir de choix du spermatozoïde qui le féconde ? Le milieu utérin, en fonction de ses caractéristiques biochimiques, peut-il favoriser la survie ou, inversement, la mort des embryons d’un sexe ? Ce dernier point mériterait d’être exploré scientifiquement afin d’évaluer la possibilité de manipulations du SR via l’alimentation de la vache autour de l’ovulation ou pendant les premières étapes du développement embryonnaire.
(1) Voir l’article “Le sex-ratio chez les bovins : facteurs de variation” des mêmes auteurs, dans ce numéro.
Aucun.
→ Le sex-ratio peut dévier à la suite d’influences exercées à trois étapes que sont la maturation ovocytaire, la fécondation et le développement embryonnaire.
→ Les mécanismes par lesquels les différents facteurs pourraient faire varier le sex-ratio sont plus hypothétiques que démontrés.
→ Les principales hypothèses concernent une plus ou moins longue survie des spermatozoïdes au site de fécondation, une sélectivité de la zone pellucide et une mortalité embryonnaire précoce sélective.
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