Le sex-ratio chez les bovins : facteurs de variation - Le Point Vétérinaire expert rural n° 367 du 01/07/2016
Le Point Vétérinaire expert rural n° 367 du 01/07/2016

REPRODUCTION BOVINE

Article de synthèse

Auteur(s) : Christian Hanzen*, Sylvie Chastant-Maillard**, Anne-Sophie Rao***, Léonard Théron****

Fonctions :
*Université de Liège, faculté de médecine vétérinaire,
service de thériogénologie
des animaux de production,
avenue de Cureghem, 7d, 4000 Liège, Belgique
**Unité de reproduction, UMR 1225 Interactions hôte-
pathogène, INP-École nationale vétérinaire de Toulouse,
23, chemin des Capelles,
BP 8714, 31076 Toulouse Cedex 03
christian.hanzen@ulg.ac.be
***Université de Liège, faculté de médecine vétérinaire,
service de thériogénologie
des animaux de production,
avenue de Cureghem, 7d, 4000 Liège, Belgique
****Université de Liège, faculté de médecine vétérinaire,
service de thériogénologie
des animaux de production,
avenue de Cureghem, 7d, 4000 Liège, Belgique

Faire dévier le sex-ratio (autrement que par l’usage de la semence sexée) grâce à une adaptation de?la conduite d’élevage est l’aspiration de bon nombre d’éleveurs.

En élevage bovin, le sexe du nouveau-né revêt une importance économique certaine, plus prégnante cependant en élevage laitier, qui favorise davantage qu’en spéculation viandeuse la naissance de femelles. En spéculation viandeuse, les mâles sont appréciés en raison de leur meilleur prix de vente, mais les femelles restent intéressantes pour la production laitière et aussi pour le remplacement des animaux réformés [63].

Le sex-ratio (SR) est classiquement exprimé par le pourcentage de mâles. Le sex-ratio primaire (SRP) désigne le sexe chromosomique, déterminé au moment de la fécondation (encadré 1). Le sex-ratio secondaire (SRS) est observé à la naissance : il s’agit donc de la proportion de mâles par rapport aux femelles à la naissance et dans une population donnée. Le SR peut évoluer au cours de la gestation, et le SRS est donc parfois différent du SRP.

Une revue des publications totalisant 8 061 391 naissances fait état d’une valeur moyenne du SRS chez les bovins de 51,7 %. Selon les études réalisées dans différentes zones géographiques nord-américaines, européennes, asiatiques et néo-zélandaises, les valeurs sont comprises entre 46,4 et 57,5 % (tableau 1 complémentaire sur www.lepointveterinaire.fr).

Les facteurs susceptibles d’influencer le SRP et/ou le SRS entre l’insémination et la naissance sont nombreux et de natures diverses [60]. Ils sont inhérents à l’animal ou à son environnement (facteurs épigénétiques). Ce premier article a pour objectif de faire un inventaire des facteurs de variation du SR (figure). Un second article sera plus spécifiquement consacré à leurs mécanismes d’action potentiels(1).

CARACTÉRISTIQUES DE LA VACHE

1. Numéro de lactation

Les résultats sur les effets du numéro de lactation sur le SR sont contradictoires. Plusieurs études menées en Irlande, en Allemagne et aux États-Unis n’ont pas identifié d’impact de ce facteur sur le SR [35, 53, 98, 99, 110, 113, 123]. Selon d’autres travaux menés en Irlande, en Iran et aux États-Unis, la naissance de veaux mâles est significativement plus fréquente chez les pluripares que chez les primipares ou les génisses dans plusieurs races bovines [3, 11, 12, 105]. Inversement, en Éthiopie, en Pologne, en Allemagne, en Iran et en Irlande, le pourcentage de femelles augmenterait avec le numéro de lactation [12, 15, 30, 54, 106].

2. État corporel de la mère

En 1973, Trivers et Willard avancent l’hypothèse que, dans les espèces où le mâle dispose de plusieurs femelles, le SR dépend de l’état corporel de la femelle [118]. Dans ces espèces, seuls quelques mâles sont autorisés à se reproduire, alors que toutes les femelles se reproduisent. Les femelles en bon ou en mauvais état corporel donneraient plus souvent naissance respectivement à des mâles ou à des femelles. Ce faisant, étant davantage capables de leur assurer une croissance adaptée, les femelles en bon état corporel contribueraient à augmenter le nombre de bons reproducteurs, assurant ainsi une plus large diffusion de leurs gènes. Cette hypothèse ne fait pas l’unanimité, comme le démontrent une méta-analyse de 422 publications et d’autres études plus spécifiques [14, 24, 25, 35, 68, 112, 115].

3. Dominance sociale

Chez les bovins domestiques femelles, une fois installé, l’état de dominance persiste durant plusieurs années et ne serait pas modifié fondamentalement par l’œstrus, la gestation ni par le retrait temporaire d’animaux pour le tarissement [19]. Cette dominance serait diminuée lors de boiteries, celles-ci réduisant les interactions entre les individus et l’ingestion alimentaire [17, 36, 53]. Comme dans d’autres espèces, l’augmentation de la dominance sociale s’accompagne ou non chez la vache d’une plus grande proportion de mâles (photo 1) [35, 40, 42, 43, 50, 80, 81, 108, 123].

Il ne semble pas que le sexe du veau lors d’une gestation donnée influence significativement celui du veau obtenu lors de la gestation suivante [12]. Selon d’autres auteurs, la naissance d’un veau femelle s’accompagne significativement plus fréquemment de celle d’un veau mâle lors de la parturition suivante [117]. Pour d’autres encore, la naissance d’un veau mâle n’entraîne la naissance d’un veau du même sexe lors du vêlage suivant qu’une fois sur quatre (25 %). Cette probabilité est de 12,5 % en cas de naissance d’un veau mâle lors des deux vêlages précédents [54]. L’héritabilité du sexe du veau ne serait que de 2 à 3,5 % [13, 69, 126].

4. Production laitière

Dans différentes races laitières norvégiennes, le SRS augmente significativement avec le niveau de production moyenne du troupeau ou individuelle (< 4 500 à > 7 000 kg) des vaches pluripares. Cette relation n’est pas observée chez les primipares [113]. En Pologne, Sawa et coll. observent que le SRS est supérieur (53,9 %) lorsque la production laitière lors de la lactation précédente est inférieure ou égale à 6 000 kg de lait, comparativement à une production supérieure ou égale à 10 000 kg de lait (52,7 %) [106]. À l’opposé, il est possible de s’interroger sur la relation entre le sexe du veau né et le niveau de la production laitière induite (encadré 2).

CARACTÉRISTIQUES DE LA GESTATION

1. Site anatomique utérin de la gestation

L’asymétrie des caractéristiques ovariennes et utérines est bien connue chez la vache, la présence d’un corps jaune étant plus souvent observée sur l’ovaire droit, tout comme une fréquence plus élevée de gestations dans la corne droite [26, 91, 95, 97].

Diverses observations vont également dans le sens de SR différents selon la corne utérine hébergeant le fœtus (photo 2). Ainsi, dans les races à viande, le pourcentage de fœtus mâles serait plus élevé dans la corne droite (65,7 % versus 37,9 %), aussi bien après une saillie naturelle (67,4 % versus 34,4 %) qu’à la suite de l’insémination artificielle de génisses (63,3 % versus 35,8 %) traitées au moyen d’un protocole Ovsynch [39, 55, 119]. Chez la vache laitière, en revanche, aucune différence de SR entre les cornes gauche (52,9 %) et droite (53,2 %) n’a été observée après une étude rétrospective portant sur 6 515 parturitions, même si ces pourcentages sont significativement différents du SR théoriquement attendu de 50:50 [38]. Cette publication s’oppose à une autre plus récente qui constate, après une insémination artificielle de 771 vaches de race holstein traitées au moyen d’une prostaglandine F2Α, une différence significative du SR dans les cornes droite et gauche (61,7 % versus 39,7 %) [61].

Les raisons n’en sont pas encore connues : aucun effet significatif de la saison, du numéro de lactation ou du technicien responsable de l’insémination, non plus que de la race bovine ou de l’année sur le SR entre les cornes utérines gauche et droite n’a été observé [38, 39, 55]. Cette différence possible du SRS selon la corne utérine pose la question du rôle de l’ovaire porteur du follicule ovulatoire puisque, dans l’espèce bovine, la migration intra-utérine de l’embryon est très peu fréquente : seulement 1 à 12 % des embryons changeraient de corne entre la fécondation et l’implantation [21, 84, 119].

2. Stade de la gestation

Le SR tend à diminuer au cours du développement embryonnaire et fœtal (tableau 2 complémentaire sur www.lepointveterinaire.fr). Les avortons sont davantage de sexe mâle que de sexe femelle (56,1 à 59,4 %) [22, 34]. La fréquence des embryons de sexe mâle est significativement plus faible en cas de gémellité (51,7 %) que lors de gestation simple (52,5 %) [113]. Une étude récente a démontré que, chez l’homme, le SR diminue au cours de la première semaine qui suit la fécondation, augmente pendant les 10 à 15?semaines suivantes, pour de nouveau baisser entre la 28e et la 35e semaine [85].

3. Origine génétique du père

Selon les taureaux utilisés pour l’insémination, le pourcentage de mâles est compris entre 42 et 56 % chez des vaches de race hariana, entre 41 et 72 % chez des vaches de race sahiwal, entre 21 et 78 % chez des buffles, entre 32 et 97 % chez des vaches laitières de race holstein et entre 45,5 et 50,5 % chez des vaches laitières de différentes races en Norvège [13, 54, 69, 96, 113, 115]. Chez le zébu ou le buffle murrah, le SR ne dépendrait pas de la race du père du veau [116, 117]. En spéculation laitière, le SR est respectivement de 50,5, 51,6, 52,8, 51 et 51,5 % chez des vaches de race holstein, guernesey, jersey, ayrshire et brown swiss [35]. Les différences observées après croisement de races locales avec des races importées ne sont habituellement pas significatives [62, 68, 69, 88, 117]. Selon Foote, 6 taureaux sur 111 ont induit un SR significativement différent de celui observé en moyenne dans les cinq races laitières concernées par l’étude [35]. La part de ce paramètre dans l’explication de la variance serait inférieure à 1 %.

Les différences de SR observées entre taureaux pourraient être imputables au fait que la proportion de spermatozoïdes Y est très variable selon les mâles et comprise entre 24 et 84 %, ou encore entre 26,5 et 95,5 % selon les études [27, 28, 120]. Ces travaux ne précisent cependant pas si elles seraient d’origine génétique. Une étude récente conduite par PCR (polymerase chain reaction) en temps réel après décongélation du sperme de 98 taureaux n’a pas confirmé cette variation. Le taux moyen (± écart type) de spermatozoïdes porteurs du chromosome Y est ainsi de 51,1 ± 2,1 %, les auteurs ne rapportant pas les valeurs extrêmes enregistrées [1].

Aucune preuve d’une différence de survie des spermatozoïdes X et Y après l’éjaculation n’existe. Cependant, il est possible que la température environnementale exerce un effet sur le SR au moment de la fécondation en favorisant la survie d’une des deux populations de spermatozoïdes [92, 98].

TECHNIQUES DE REPRODUCTION

1. Période d’attente

Le pourcentage de mâles augmente significativement lorsque l’intervalle entre le vêlage et la première insémination est inférieur à 60 jours [116]. Le SRS s’élève également avec l’âge de la mère au premier vêlage et l’intervalle entre les vêlages [113].

2. Moment de l’insémination

L’effet du moment de l’insémination sur le SR fait encore débat. Notre revue des publications révèle que des effets significatifs de ce paramètre sont davantage observés lors d’inséminations réalisées après la mise en place de protocoles hormonaux de synchronisation qu’avec les chaleurs naturelles.

Certaines études démontrent que le SRS augmente significativement avec le temps écoulé entre le moment de l’insémination et celui de la détection des chaleurs (tableau 3 complémentaire sur www.lepointveterinaire.fr). Ainsi, les saillies conduites en début et en fin d’œstrus donnent davantage naissance respectivement à des femelles et à des mâles [89, 104]. Semblable conclusion est apportée par des études identifiant l’œstrus par observation visuelle ou mesure de la conductivité vaginale [72, 75, 114, 121]. Elle rejoint celle rapportée dans l’espèce ovine [46]. L’explication de la différence observée serait que les spermatozoïdes Y seraient capacités avant les spermatozoïdes X. Lors d’inséminations conduites en début d’œstrus, les spermatozoïdes Y auraient, à la différence des spermatozoïdes X, perdu leur capacité de fécondation, privilégiant ainsi une fécondation par les spermatozoïdes X. Lors d’insémination tardive, la fécondation serait davantage assurée par des spermatozoïdes Y [121]. Néanmoins, d’autres études n’ont pas constaté d’effet significatif du moment de l’insémination sur le SRS [9, 30, 35, 56, 100, 102].

D’une manière générale, le recours à des protocoles hormonaux d’induction des chaleurs se traduit par des différences significatives du SRS. La synchronisation de vaches laitières au moyen du protocole Presynch/Ovsynch s’accompagne d’une augmentation du SR, conséquence possible d’une insémination plus tardive, réalisée en moyenne 14 heures plus tard que chez les vaches non traitées inséminées sur chaleurs [127]. Une insémination effectuée 0, 8, 16, 24 ou 32 heures après la seconde injection de GnRH d’un protocole Ovsynch s’accompagne de différences significatives des taux de mâles observés, ceux-ci étant respectivement de 39, 55, 46, 46 et 45 % [94]. La synchronisation de génisses à viande au moyen d’une PGF2Α (70 % ; 14/20) ou d’une prostaglandine F2Α (PGF2Α) et d’une GnRH (73,1 % ; 19/26) induit, après saillie naturelle, une augmentation significative du SRS par rapport à des génisses non traitées (57,1 % ; 44/77) [86]. Des génisses laitières synchronisées au moyen de progestérone administrée durant 10 jours par voie vaginale et d’une injection de PGF2Α 4 jours avant la fin du traitement ont été inséminées 50 à 54 heures plus tard, soit 6 à 8 heures après le début de l’œstrus. Le SRS de ces génisses s’est révélé significativement plus faible par rapport à celui d’animaux non traités (46,2 % versus 54,3 %) [125]. L’injection de benzoate d’œstradiol (1?mg ; interdite en Europe) 24?heures après celle de la PGF2a s’accompagne d’une augmentation significative du SR chez la vache laitière (63,8 % versus 51,8 %). Cet effet pourrait s’expliquer par une modification de l’intervalle entre l’ovulation et le moment de la fécondation [33].

3. Type, site et nombre d’inséminations

Chez la vache à viande ou le buffle, une insémination artificielle augmente la probabilité d’obtenir un veau mâle [12, 64]. Une étude conduite en Éthiopie sur 4 657 parturitions de vaches laitières confirme que, après une insémination artificielle, le SRS n’est pas significativement différent (49,6 %) de celui normalement attendu (50 %) [30]. Cette absence de différence significative a été relevée par Foote (49,7 % versus 49,8 %), mais également par Tesfu et coll. (52,1 % versus 44,6 %) [35, 114]. Il est possible que cet effet potentiel de l’insémination artificielle doive être mis en relation avec le moment de celle-ci par rapport au début de l’œstrus, le taureau saillissant plus tôt au cours de l’œstrus que n’est réalisée l’insémination (photo 3). L’utilisation de sperme congelé s’accompagne d’une fréquence plus élevée (1,2 à 1,6 %) de mâles que celle de sperme frais, observation qui laisserait envisager un effet délétère sélectif de la congélation sur les spermatozoïdes porteurs du chromosome X ou sur le développement embryonnaire subséquent des embryons femelles [126]. Cet effet de la congélation de la semence n’a pas été observé par une étude récente dédiée à l’examen du SRP après décongélation par PCR en temps réel [1].

Zobel et coll. obtiennent 21 % de mâles en plus après une insémination de vaches dans le corps utérin et 18 % de femelles en plus après une insémination dans la corne ipsilatérale à l’ovaire porteur du follicule dominant [128]. Le SR diminue avec l’augmentation du nombre d’inséminations [113]. Selon Foote, il n’existerait pas d’effet du numéro d’insémination sur le SR pour les cinq premières inséminations [35]. Au-delà de la cinquième insémination, le SR serait de 27 %, confirmant la possibilité que la mortalité embryonnaire concerne davantage les embryons ou fœtus mâles que femelles (photo 4) [35].

4. Production d’embryons

La production in vivo d’embryons s’accompagne d’une élévation du SR, lequel est compris entre 60 et 62 %, selon les études [18, 20, 49]. Le SR augmente également lors de la production d’embryons in vitro tant chez Bos taurus (bœuf domestique) que chez Bos indicus (zébu) [5, 6, 7, 16, 23, 71, 90, 76, 124]. Cependant, d’autres études n’ont pas observé cet effet [45, 66, 74].

FACTEURS ENVIRONNEMENTAUX

1. Saison

Les effets de la saison sont souvent contradictoires car ils se confondent probablement avec ceux de l’alimentation, de la production laitière, de la température ou encore de l’année. En témoignent les divers résultats d’études menées pourtant dans des environnements aussi différents que ceux rencontrés en Pologne, en Italie, en Iran, en Éthiopie ou en Norvège [1, 3, 12, 30, 54, 106, 113, 115, 127].

2. Effet de l’année

En Irlande, le pourcentage de mâles a augmenté significativement au cours des 5 années de l’étude [12]. En Iran, une étude sur 942 941 vaches laitières de race holstein réparties dans 2 377 troupeaux fait état d’une diminution du nombre de veaux mâles sur une période de 11?ans (1997 à 2007), le SR passant de 52,5 % à 48,5 % [54]. De même, en Italie, un essai mené durant 4 années a constaté une réduction du pourcentage de veaux mâles [1]. Semblable baisse a été constatée en Pologne sur une période de 12?ans (2000 : 54,5 % ; 2012 : 47,8 %) [106]. Les auteurs de ces trois dernières études n’ont pas précisé si cette évolution résultait éventuellement de l’utilisation croissante de sperme sexé.

3. Effet du troupeau

D’une étude portant sur 4 103 troupeaux laitiers de race holstein aux États-Unis, il ressort que la fréquence des veaux mâles est supérieure à celle des veaux femelles dans 82 % des troupeaux [110]. Selon un essai iranien réalisé sur une période de 12 ans (1996 à 2007), le SRS de 2 377 troupeaux est compris entre 3 et 98 %, 175 troupeaux ayant un SRS de 50 % [54]. De même, les troupeaux de plus de 100 vaches ont une fréquence de mâles significativement plus élevée que celle des femelles, la différence n’étant pas significative pour les cheptels de plus petite taille [3]. Semblable observation a également été réalisée en Norvège [113]. Cette différence relèverait de meilleures conditions alimentaires ou encore de détection de l’œstrus, ou d’une politique de mise à la reproduction plus précoce après le vêlage [103].

4. Stress

Chez l’homme, l’exposition continue à un stress chronique s’accompagne d’une plus grande fréquence de mâles, un stress aigu augmentant celle des femelles [47]. Cela expliquerait la diminution du SR observée dans l’espèce humaine en Europe de l’Ouest et en Amérique du Nord, conséquence possible d’une diminution des situations stressantes et donc de la concentration en testostérone chez les femmes, ou d’une plus grande vulnérabilité des embryons mâles, plus sensibles aux toxines environnementales [4, 44].

Dans l’espèce bovine, la situation de stress aigu, et donc l’augmentation de la cortisolémie induite par des manipulations (palpations transrectales, prélèvements de sang) réalisées à 10 reprises toutes les 4?heures au cours de l’œstrus suivant un traitement de superovulation, a eu pour conséquence une réduction du SR des embryons provenant des groupes exposés (32,2 %) par rapport à celui des individus non exposés au stress (48,8 %) [57].

L’augmentation du SR serait, enfin, corrélée avec celle de la température ambiante durant les mois les plus chauds de l’année [12, 33, 54, 98]. Ce facteur pourrait s’exercer avant ou après la fécondation [41]. Le stress peut également être lié au statut social des individus dans le troupeau. En effet, les femelles de rang social supérieur qui présentent de plus moins de boiteries et dont l’état corporel est meilleur donneraient plus souvent naissance à des femelles, tandis que celles de rang inférieur accoucheraient plus souvent de mâles [53]. Cette observation va à l’encontre de l’hypothèse de Trivers et Willard selon laquelle les femelles ayant le meilleur état corporel donneraient plus souvent naissance à des mâles [118]. La différence peut résulter de la persistance ou non du mâle dans le troupeau. Chez les bovidés vivant à l’état sauvage (bison, taureau de Camargue) ou dans différentes espèces de singes (macaques, babouins), le mâle quitte le troupeau pour vivre en solitaire ou avec d’autres mâles [65, 107, 109]. Il en résulte une plus grande compétition entre les femelles, qui, indirectement, est susceptible d’induire une modification du SR, chez les singes tout au moins, pas chez le bison, les femelles de rang inférieur produisant plus de mâles [109, 123].

Conclusion

La maîtrise du SR est un outil puissant de l’amélioration des performances en élevage bovin. Si les facteurs susceptibles de modifier le SR sont nombreux, touchant aux caractéristiques de la vache, à son environnement ou au déroulement de l’insémination, ceux dont l’effet est démontré de façon consensuelle sont rares, voire inexistants. Une connaissance plus précise des mécanismes par lesquels ces facteurs agissent (qualité ovocytaire, modifications des spermatozoïdes, fécondation, développement embryonnaire) permettrait sans doute de progresser dans les moyens de maîtriser le SR. Actuellement, il semble donc illusoire de tenter de dévier de façon significative le SR par des mesures zootechniques. Seul le recours à l’insémination en semence sexée permet de contrôler efficacement (avec 90 % de réussite) le sexe de naissance du veau.

  • (1) Voir l’article “Le sex-ratio chez les bovins : mécanismes potentiels” des mêmes auteurs, dans ce numéro.

Références

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Conflit d’intérêts

Aucun.

ENCADRÉ 1
Déterminisme du sexe : une conception qui a évolué au fil du temps

L’interrogation de l’être humain quant au déterminisme de son sexe et de celui des espèces animales et aux méthodes permettant de le contrôler n’est pas nouvelle. Anaxagore (500-428 av. J.-C.), Hippocrate (460-377 av. J.-C.) et Aristote (384-322 av. J.-C.) s’étaient déjà posé ces questions. C’est au début du XXe siècle que le mécanisme homo-hétérogamétique de la détermination du sexe chez les mammifères a été admis pour la première fois : un des sexes contient une paire chromosomique inégale (XY) et produit deux types gamétiques [51, 77, 122]. Il est, pour cette raison, appelé “sexe hétérogamétique”. En revanche, l’autre sexe, de formule XX, ne produit qu’un seul type gamétique et est appelé “sexe homogamétique”. Il a fallu néanmoins attendre une cinquantaine d’années pour que le rôle essentiel du chromosome Y soit reconnu : sa présence est nécessaire à l’obtention d’un mâle puisqu’il est porteur du gène responsable du développement des structures testiculaires, tandis que son absence entraîne une différenciation de type femelle.

Les étapes de l’identification du gène responsable du déterminisme sexuel ont été nombreuses [78, 79]. L’hypothèse d’un gène TDF (testis determining factor) a fait plus récemment place à celle du gène SRY (sex determining region of the Y) [87, 111]. Cependant, plus que d’un gène, il semble bien qu’il faille davantage parler d’une cascade de gènes se trouvant sur les autosomes et sur le chromosome X [48].

ENCADRÉ 2
Relation entre le sexe du veau né et la production laitière induite

L’influence possible du sexe du veau sur la lactation a fait l’objet de différents travaux. Ainsi, Sawa et coll. observent que la production laitière est plus élevée lorsque la mère a donné naissance à un veau femelle [106]. Une autre étude sur 2,39 millions de lactations et 1,49 million de vaches holstein provenant de 50 000 élevages aux États-Unis a démontré que la production laitière des primipares qui ont donné naissance à un veau femelle est significativement plus élevée (142 kg) que celle des primipares qui ont donné naissance à un veau mâle (7 612 kg versus 7 470 kg ; p < 0,001) [52]. Cette différence a également été constatée chez les vaches pluripares, mais dans une moindre mesure. En revanche, le sexe du veau n’a pas eu d’influence sur les taux de matières grasses et de protéines. Cette différence persiste après une analyse plus spécifique des vaches à vêlage normal (le risque de dystocie augmentant quand le veau est de sexe mâle et celle-ci exerçant un effet négatif sur la production laitière) [31]. Le mécanisme exact de cet effet du sexe sur la production laitière est encore peu connu : concentrations différentes en œstrogènes et en androgènes, ou en insulin like peptide 3 [2, 83]. Et encore l’influence du sexe du fœtus sur la production laitière n’est-elle pas systématiquement retrouvée : en France, aussi bien en race montbéliarde (1 434 000 lactations) qu’en race holstein (7 467 000 lactations), la différence de production laitière selon que les génisses ont donné naissance à une femelle ou à un mâle n’est que de l’ordre de 1,5 kg sur la première lactation et de 25 kg sur le total des trois premières [10].

Points forts

→ La plus ou moins grande précocité de l’insémination par rapport à l’ovulation n’a pas d’influence clairement démontrée sur le sex-ratio.

→ Les embryons et fœtus bovins mâles sont plus à risque de mortalité au cours de la gestation que les conceptus bovins femelles.

→ Les gestations dans lesquelles le fœtus est hébergé dans la corne droite (les ovocytes sont produits par l’ovaire droit) donnent plus souvent naissance à des mâles.

→ Aucun des nombreux facteurs de variation étudiés (production laitière, statut social, moment de l’insémination, etc.) n’a un effet clairement démontré sur le sex-ratio.

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