Présentation du décret n° 2016-317 encadrant la prescription et la délivrance de médicaments contenant un ou plusieurs antibiotiques d’importance critique - Le Point Vétérinaire n° 365 du 01/05/2016
Le Point Vétérinaire n° 365 du 01/05/2016

RÉGLEMENTATION

Juridique

Auteur(s) : Annabelle Garand*, Hervé Pouliquen**

Fonctions :
*Unité de pharmacologie
et toxicologie, Oniris,
La Chantrerie, CS 40706,
44307 Nantes Cedex 03
**Unité de pharmacologie
et toxicologie, Oniris,
La Chantrerie, CS 40706,
44307 Nantes Cedex 03

Depuis le 1er avril 2016, les médicaments contenant un ou plusieurs antibiotiques d’importance critique ne peuvent être prescrits que lors de traitement curatif ou métaphylactique. Ce décret fixe aussi quatre conditions de prescription, leurs dérogations, ainsi que la durée maximale d’administration.

Attendus depuis plusieurs mois, l’arrêté listant les antibiotiques d’importance critique (AIC) et le décret encadrant les conditions relatives à la prescription et à la délivrance de médicaments contenant une ou plusieurs substances AIC sont entrés en vigueur le 1er avril 2016. Que contiennent ces textes et quelles en sont les conséquences pratiques ?

Quels sont les antibiotiques critiques ?

La liste des AIC a été établie par l’arrêté du 18 mars 2016. La liste actuelle comprend les céphalosporines de troisième et quatrième générations, ainsi que les fluoroquinolones de deuxième génération, quelle que soit la forme galénique (photo, tableau 1).

Tous les médicaments utilisés en médecine vétérinaire et contenant une des substances de cette liste sont soumis à des règles de prescription et de délivrance fixées par décret. Cette liste peut être complétée. Le cas de la colistine est actuellement en discussion à la suite de l’identification d’un gène de résistance et de sa diffusion à l’automne 2015. Ainsi, les experts de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), qui ont jusqu’à présent jugé son importance thérapeutique supérieure aux risques de résistance, réfléchissent à son statut. Si la colistine rejoignait la liste des AIC, sa prescription devrait alors suivre les règles dictées par le décret.

Quelles sont les situations autorisées et les conditions à satisfaire pour prescrire un médicament contenant une substance AIC ?

Les restrictions de prescription et de délivrance des médicaments contenant une substance AIC sont fixées par le décret n° 2016-317 du 16 mars 2016.

Dans quelle situation un AIC peut-il être prescrit ?

La prescription des AIC n’est autorisée que lors de traitement curatif et métaphylactique, et uniquement en l’absence de médicament sans substance AIC « suffisamment efficace ou adaptée pour traiter la maladie diagnostiquée ». De plus, pour un traitement métaphylactique, la prescription des AIC n’est autorisée que dans le cas où est suspectée « une maladie présentant un taux élevé de mortalité ou de morbidité pour laquelle, en l’absence de traitement précoce, une propagation rapide à l’ensemble des animaux est inévitable ». Le vétérinaire prescripteur conserve ainsi une liberté relative quant à ses choix thérapeutiques. Implicitement, la prescription de médicaments contenant des AIC est donc interdite lors de traitement préventif.

Quelles sont les conditions à réunir pour prescrire un AIC ?

Pour prescrire un médicament contenant une substance AIC, le décret impose au vétérinaire prescripteur de réunir les quatre conditions suivantes :

– réaliser lui-même l’examen clinique ou faire réaliser à sa demande un examen nécropsique justifiant sa prescription, en sus d’une analyse du contexte épidémiologique ;

– mettre en œuvre une identification bactérienne quand le prélèvement est techniquement réalisable, eu égard « à la localisation de l’infection, au type d’infection ou à l’état général du ou des animaux ». Cette condition peut ne pas être remplie si l’acte de prélèvement est jugé techniquement trop compliqué ou trop dangereux pour l’animal. De plus, le recueil peut être réalisé par un tiers, mais uniquement à la demande du vétérinaire. Aucune précision n’est donnée quant aux éventuels justificatifs de demande de prélèvement que le vétérinaire prescripteur pourrait être amené à fournir ;

– effectuer un antibiogramme démontrant la sensibilité de la souche bactérienne à l’antibiotique prescrit. Le vétérinaire doit s’assurer que les techniques utilisées par le laboratoire répondent aux normes citées dans l’arrêté du 18 mars 2016 ;

– respecter les rubriques “contre-indications” et “précautions d’emploi” du résumé des caractéristiques du produit (RCP). La prescription hors autorisation de mise sur le marché (AMM), pour une autre espèce par exemple, en respectant le principe de la cascade, reste possible, dès lors que le RCP ne stipule pas le contraire.

Existe-t-il des dérogations ?

Deux principales dérogations sont prévues par le décret, laissant un peu de souplesse au vétérinaire qui choisirait de prescrire un AIC.

La première concerne les situations d’urgence dans lesquelles le recours à un AIC est jugé par le prescripteur comme le seul possible et le délai nécessaire au respect de l’intégralité des conditions de prescription trop long : « […] s’il s’agit d’un cas aigu d’infection bactérienne pour laquelle un traitement avec d’autres familles d’antibiotiques serait insuffisamment efficace (adaptation du traitement par le vétérinaire en fonction de l’évolution du contexte clinique et épidémiologique et des résultats des examens complémentaires portés à sa connaissance dans un délai de 4 jours après la prescription) ». Cette dérogation ne dispense pas le vétérinaire prescripteur d’effectuer une analyse bactériologique et un antibiogramme, mais lui laisse la possibilité de prescrire un AIC en première intention dans les cas urgents. Cependant, le délai annoncé de 4 jours entre l’initiation du traitement et la justification du choix par les résultats des examens complémentaires semble en pratique trop court, surtout en l’absence de la précision « 4 jours ouvrables » dans le décret.

La seconde dérogation permet au praticien de prescrire un AIC sans renouveler l’examen bactériologique et l’antibiogramme « […] si les résultats d’examens complémentaires effectués depuis moins de 3 mois pour le même animal ou des animaux du même stade physiologique présents sur le même site et pour la même affection ont été portés à la connaissance du vétérinaire ». À l’inverse de la première dérogation, le délai de 3 mois autorisé dans ce paragraphe semble trop long et présenter peu de justification scientifique.

Le vétérinaire prescripteur est tenu de conserver pendant 5 ans les résultats des examens et analyses justifiant sa prescription.

Quelles sont les durées maximales de traitement et de renouvellement ?

La durée maximale de prescription d’un médicament contenant un AIC est de 1 mois, quelle que soit la durée de traitement indiquée dans le RCP. Pour des durées supérieures, le prescripteur doit refaire un examen clinique, avec une nouvelle prescription.

Le renouvellement de la délivrance est interdit, quelle que soit la durée initiale du traitement.

Qu’en est-il de la prescription d’une spécialité humaine contenant une ou plusieurs substances AIC absentes dans un médicament vétérinaire ?

Cette pratique est désormais interdite (tableau 2). Cependant, il existe deux exceptions, la prescription de ces AIC humains se faisant alors dans le cadre de la cascade et selon les mêmes règles que celles décrites ci-dessus pour les AIC vétérinaires.

La première exception concerne trois molécules appartenant à la liste des substances essentielles pour les équidés et pour les indications prévues par le règlement (CE) n° 1950/2006 modifié par le règlement (UE) n° 122/2013, qui sont :

– la ticarcilline contre les infections à Klebsiella spp. ;

– la rifampicine contre les infections à Rhodococcus equi ;

– l’ofloxacine contre les infections oculaires résistantes aux traitements antibiotiques ophtalmiques habituellement utilisés.

La seconde exception est le recours par application locale à la ciprofloxacine, à l’ofloxacine ou à la norfloxacine lors d’infections oculaires chez les équidés et les animaux de compagnie.

Quelles sont les sanctions prévues ?

Plusieurs sanctions sont prévues par le Code de la santé publique (CSP) pour les principales infractions suivantes :

– prescrire sans respecter les restrictions de prescription imposées par décret sur les AIC (article L. 5442-10 du CSP) : amende de 150 000 € et 2 ans de prison ;

– délivrer sans respecter les restrictions de prescription imposées par décret sur les AIC (article L. 5442-10 du CSP) : amende de 150 000 € et 2 ans de prison ;

– ne pas respecter la réglementation sur les médicaments (sur prescription) contenant des substances vénéneuses (AIC tous inscrits en liste I) ou tenter de le faire (article L. 5432-1 du CSP) : 375 000 € et 5 ans de prison ;

 €ne pas respecter les règles de prescription et de délivrance (article R. 5442-1 du CSP) : amende de cinquième classe (1 500 €).

L’administration a indiqué qu’aucune sanction ne serait appliquée dans les premiers mois suivant la mise en place de ces nouvelles règles de prescription et de délivrance des médicaments contenant un AIC et utilisés en médecine vétérinaire.

Conflit d’intérêts

Aucun.

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