Boiterie chronique chez un chat - Le Point Vétérinaire n° 365 du 01/05/2016
Le Point Vétérinaire n° 365 du 01/05/2016

RADIOLOGIE

Quel est votre diagnostic ?

Auteur(s) : Clément Bordenave*, Nora Bouhsina**, Marion Fusellier-Tesson***

Fonctions :
*Service d’imagerie médicale,
CHUV Oniris, École nationale vétérinaire, agroalimentaire
et de l’alimentation, Nantes-Atlantique,
Site de la Chantrerie, BP 50707, 44307 Nantes Cedex 3
clement.bordenave@oniris-nantes.fr
**Service d’imagerie médicale,
CHUV Oniris, École nationale vétérinaire, agroalimentaire
et de l’alimentation, Nantes-Atlantique,
Site de la Chantrerie, BP 50707, 44307 Nantes Cedex 3
nora.bouhsina@oniris-nantes.fr
***Service d’imagerie médicale,
CHUV Oniris, École nationale vétérinaire, agroalimentaire
et de l’alimentation, Nantes-Atlantique,
Site de la Chantrerie, BP 50707, 44307 Nantes Cedex 3
marion.fusellier@oniris-nantes.fr

Présentation clinique

Un chat femelle européen âgé de 15 ans et stérilisé est présenté en consultation pour une boiterie du membre thoracique droit qui s’aggrave depuis 3 mois.

L’examen clinique conclut à un bon état général, avec néanmoins une déshydratation estimée à 5 %. L’examen orthopédique objective une boiterie du membre thoracique droit de grade 3/5 (appui du membre). La palpation de l’épaule droite révèle une masse indurée, non mobilisable et douloureuse, d’environ 5 cm de diamètre, cranialement et latéralement à l’articulation scapulo-humérale. Une douleur à la manipulation des articulations scapulo-humérales gauche et droite est mise en évidence. Aucune anomalie n’est observée à l’examen orthopédique des autres membres.

Des examens radiographiques en incidence médio-latérale des deux épaules sont réalisés (photos 1 et 2).

Qualité de l’image

→ La densité, le contraste et la netteté sont bons. Le cadrage permet l’évaluation des articulations scapulo-humérales malgré un léger défaut de centrage.

Description de l’image

→ Épaule droite :

– sur les structures extra-osseuses, une tuméfaction des tissus mous est visualisée cranialement à la moitié proximale de l’humérus droit ;

– sur les structures osseuses, une perte de visualisation de la région corticale, ainsi qu’une lyse ponctuée de la médullaire de la métaphyse et de la diaphyse proximales de l’humérus sont observées, associées à une zone de transition longue et mal délimitée entre le tissu lésé et le tissu sain ;

– une réaction périostée hétérogène et de surface irrégulière qualifiée de spiculée est également observée en regard du col de la scapula et de la moitié proximale de l’humérus.

→ Épaule gauche :

– sur les structures extra-osseuses, aucune anomalie n’est visible ;

– sur les structures osseuses, une ostéolyse en “mie de pain” de la métaphyse proximale et de la moitié proximale de la diaphyse humérale gauche est mise en évidence ;

– une réaction périostée lisse, mais discrètement hétérogène est également observée en regard du tubercule majeur ainsi que sur le rebord cranial à mi-hauteur de la diaphyse humérale ;

– une lyse de la partie corticale de la métaphyse proximale est à noter.

Interprétation

Les modifications radiographiques sont caractéristiques d’une atteinte polyostotique agressive des deux humérus et de la scapula droite. Ces images sont compatibles prioritairement avec un processus néoplasique (primaire ou métastatique) ou inflammatoire sévère. Les modifications osseuses étant localisées à plusieurs endroits du squelette appendiculaire, des métastases osseuses sont les hypothèses principales. Un processus néoplasique primaire de l’humérus droit avec métastases osseuses de la scapula droite et de l’humérus gauche paraît moins probable, de même qu’un processus infectieux osseux (signifiant alors une dissémination par voie hématogène). Le bilan d’extension thoracique (afin de rechercher des métastases ou une tumeur primitive) ne révèle aucune métastase visible. Une échographie met en évidence un foie hétérogène, contenant de multiples plages hypoéchogènes aux contours bien délimités. L’analyse histologique des biopsies osseuses de l’humérus droit, réalisées sous anesthésie générale, met en évidence des cellules rondes d’origine lymphoïde de haut degré de malignité, compatibles avec un processus tumoral, sans toutefois pouvoir conclure sur le type néoplasique.

DISCUSSION

Une lésion osseuse agressive présente l’un des trois critères suivants : réaction périostée irrégulière et/ou hétérogène (par exemple réaction spiculée ou palissadique), lyse (partielle ou totale) de la corticale osseuse, et zone de transition longue et mal délimitée entre la trame osseuse saine et la trame lésée. Ce dernier critère est souvent accompagné d’une lyse de l’os médullaire qualifiée de “mie de pain” (multiples petites plages radiotransparentes aux contours mal délimités, au sein de l’os) ou ponctuée (plages radiotransparentes diffuses, aux contours mal délimités, au sein de l’os) [3].

Les causes regroupent les processus inflammatoires osseux (ostéomyélite, spondylodiscite, etc.), les infiltrations néoplasiques primitives (ostéosarcome, chondrosarcome, hémangiosarcome) ou métastatiques, ainsi que le myélome multiple et le lymphome [3].

Dans le cas décrit, les hypothèses principales sont des métastases osseuses ou un myélome multiple. Les tumeurs primaires osseuses restent monostotiques et ne traversent généralement pas une articulation. Cependant, les tumeurs peuvent s’étendre dans les tissus (mous ou osseux) périarticulaires par contiguïté [4].

La grande majorité des tumeurs malignes peut métastaser au squelette appendiculaire avec des lésions poly­ostotiques (surtout à la métaphyse et à la diaphyse des os longs, probablement en raison du réseau vasculaire en capillaires propices à la fixation des cellules tumorales).

Le myélome multiple présente une ostéolyse focale ou multifocale dans 50 % des cas (comme dans le cas décrit) [2]. Afin de détecter d’autres lésions osseuses sur le squelette appendiculaire ou une tumeur primitive, la scintigraphie osseuse est un examen très sensible [1, 4]. Le scanner peut également être utilisé : il est plus sensible que la radiographie pour les lésions ostéoprolifératives ou ostéolytiques [4].

Références

  • 1. Even-Sapir E. PET/CT in malignant bone disease. Semin. Musculoskelet Radiol. 2007;11:312-321.
  • 2. Patel RT, Caceres A, French AF et coll. Multiple myeloma in 16 cats: a retrospective study. Vet. Clin. Pathol. 2005;34(4):241-352.
  • 3. Thrall DE. Textbook of veterinary diagnostic radiology. 6th ed. Éd. Elsevier Saunders. Missouri. 2013; 847p.
  • 4. Withrow S, Vail D, Page R. Withrow and MacEwen’s. Small animal clinical oncology. 5th ed. Éd. Elsevier Saunders, Missouri. 2013:768p.

Conflit d’intérêts

Aucun.

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