Concentration en cellules somatiques du lait de tank : significations et actualité - Le Point Vétérinaire expert rural n° 360 du 01/11/2015
Le Point Vétérinaire expert rural n° 360 du 01/11/2015

QUALITE DU LAIT DE TANK

Article de synthèse

Auteur(s) : Francis Sérieys

Fonctions : Filière blanche, 12,
quai Duguay-Trouin,
35000 Rennes
Francis.serieys@filiereblanche.com

Comment interpréter l’augmentation des CCST en France au cours des dernières années ? Quels sont les leviers d’action pour inverser la tendance ?

Jusque dans les années 1970, la notion de qualité du lait se résumait essentiellement à sa teneur en matières utiles (taux butyreux et taux protéique) et à sa contamination bactériologique (flore totale aérobie). À partir des années 1980, un nouveau critère relatif à la qualité sanitaire a été introduit dans le système de paiement du lait aux producteurs : la concentration en cellules somatiques du lait de tank (CCST). Il a pu être généralisé grâce à l’automatisation du dénombrement des cellules somatiques dans le lait. Récemment, la cytométrie en flux (Fossomatic FC®) a remplacé le comptage microscopique des noyaux cellulaires rendus fluorescents (Fossomatic®), qui avait lui-même remplacé le comptage électronique de particules après dissolution des globules gras du lait (compteur Coulter®).

Pour comprendre l’augmentation récente des CCST, la nature et l’origine des cellules du lait sont rappelées, ainsi que les principaux facteurs de variation de leur concentration dans le lait de tank. La signification de la CCST en termes de qualité du lait et d’épidémiologie des infections mammaires est précisée. In fine, sont décrites les évolutions dans les structures et la conduite des élevages laitiers susceptibles d’influencer favorablement ou défavorablement la CCST.

NATURE ET ORIGINE DES CELLULES SOMATIQUES DU LAIT

Les cellules dites somatiques du lait (du grec soma signifiant corps) se définissent comme des cellules d’origine endogène provenant du corps de l’animal. Elles n’incluent donc pas les cellules bactériennes d’origine exogène. Elles sont éliminées de la mamelle en quasi-totalité à chaque traite. Il existe donc un passage permanent, même s’il peut être irrégulier, de cellules somatiques dans le lait pendant l’intervalle entre deux traites.

Il en existe quatre grands types :

– les cellules épithéliales qui proviennent de la desquamation de l’épithélium mammaire. Elles sont en petit nombre dans le lait de vache et ne jouent aucun rôle physiologique connu ;

– trois types de leucocyte qui dominent et jouent un rôle majeur dans l’immunité mammaire : les macrophages, les lymphocytes, majoritairement de type T et les polynucléaires neutrophiles (PNN) (encadré 1). La concentration en cellules somatiques du lait (CCS) est un indicateur du degré d’inflammation de la ou des glandes mammaires, dont provient le lait analysé.

FACTEURS DE VARIATION DE LA CCS

La CCS est influencée par de nombreux facteurs traditionnellement dits infectieux ou physiologiques. Leur importance relative chez la vache laitière a été essentiellement étudiée sur le lait de quartier et sur le lait individuel (c’est-à-dire le lait de mélange des quatre quartiers).

La CCS varie principalement avec les facteurs infectieux, en particulier pour les infections mammaires par des agents pathogènes majeurs (tableau 1).

Il existe aussi des variations selon les espèces de bactéries pathogènes majeures en cause : ainsi les infections chroniques, notamment à Staphylococcus aureus, entraînent des augmentations de concentration cellulaire plus faibles (coefficient multiplicateur de l’ordre de 5) que les infections aiguës dues notamment aux bactéries coliformes (environ 20). Les infections à streptocoques occupent une place intermédiaire.

Les stress subis par l’animal tendent à augmenter le nombre des cellules somatiques dans le lait, particulièrement dans les quartiers déjà infectés (encadré 2, photo 1).

Le stade et le numéro de lactation sont les principaux facteurs physiologiques de variation des concentrations en cellules somatiques individuelles (CCSI) connus.

Les vaches à numéro de lactation égal ou supérieur à 4 présentent les CCSI les plus élevées en moyenne, et les primipares les plus faibles (tableau 2).

Les mêmes observations peuvent être faites sur le stade de lactation avec des CCSI qui suivent une courbe comparable à celle des taux de matières utiles, caractérisée par un minimum vers le pic de lactation et un maximum dans le dernier mois de lactation (tableau 3). Là encore, la prévalence des infections mammaires augmente avec le stade de lactation. L’effet physiologique propre de ce facteur observé chez les seules vaches non infectées apparaît du même ordre que l’effet de la parité, avec une amplitude moyenne de moins de 30 000 cellules/ml en valeur absolue.

Par rapport aux variations des concentrations en cellules somatiques observées sur le lait de quartier (CCSQ) ou sur le lait individuel (CCSI), les variations sur le lait de tank présentent quelques particularités.

En premier lieu, leur amplitude est beaucoup plus réduite, la quasi-totalité des CCST étant comprises entre 50 000 et 1 million de cellules/ml alors que les CCSQ inférieures à 50 000 ou supérieures à 1 million ne sont pas rares. Cette réduction de la variabilité des CCST due au mélange est d’autant plus marquée que l’effectif (donc le nombre de quartiers dont le lait provient) est élevé.

L’influence que les facteurs de variation mis en évidence sur les CCSQ et CCSI exercent sur les CCST est d’autant plus importante qu’ils interviennent de manière simultanée (encadré 3).

CCST ET QUALITÉ DU LAIT

En tant qu’indicateur du degré d’inflammation moyen des quartiers et des mamelles dont le lait provient, la CCST constitue un critère majeur de la qualité du lait livré à la laiterie pour différentes fabrications.

1. Composition du lait et aptitude à la transformation

Outre la perte de production estimée entre 1 et 2 % par tranche de 100 000 cellules/ml de CCST au-delà 100 000, le lait à concentration cellulaire élevée présente des caractéristiques physico-chimiques modifiées et une moindre aptitude à la transformation [2-4, 14].

Ces modifications résultent essentiellement de modifications tissulaires qui caractérisent l’inflammation mammaire, particulièrement :

– une augmentation de la perméabilité de la barrière hémato-mammaire qui facilite le passage, dans le lait, de molécules et de cellules présentes dans le sang ;

– la mort par apoptose de cellules du tissu sécrétoire mammaire, consécutive notamment au passage par diapédèse de leucocytes entre les cellules de cet épithélium.

Les conséquences de ces lésions sur le fonctionnement de la glande mammaire peuvent se résumer en trois points :

– une baisse des capacités de synthèse de la glande ;

– un passage accru dans le lait de molécules et de cellules venant du sang ;

– un accroissement de l’hydrolyse enzymatique de constituants du lait, notamment protéiques.

→ Le lactose est un des composants majeurs du lait dont le taux est le plus affecté par l’inflammation mammaire. La baisse de la pression osmotique qui en résulte est compensée par le passage dans le lait de chlore et de sodium en provenance du sang, entraînant une augmentation de la conductivité électrique du lait. Cela pourrait avoir des conséquences technologiques en réduisant la production d’acide par les ferments lactiques.

→ Le taux butyreux décroît de quelques pourcents quand la concentration en cellules somatiques atteint ou dépasse 300 000 cellules/ml. La composition de cette matière grasse est modifiée avec une augmentation de la teneur en acides gras libres, particulièrement à longue chaîne de 16 et 18 carbones. Cette augmentation constatée dès la sécrétion, avant tout stockage, correspond à un passage accru d’acides gras libres venant du sang. Le lait à concentration élevée en cellules somatiques apparaît également très sensible à la lipolyse sous l’action de lipases sanguine ou libérées par la destruction de cellules épithéliales mammaires. Il en résulte des effets différés au cours du stockage. La qualité organoleptique des beurres peut s’en trouver affectée avec l’apparition de goût de rance.

→ Le taux protéique du lait varie très peu avec la CCS. Cette stabilité globale cache des variations importantes et, en sens opposé, des différents constituants protéiques dans le lait à concentration cellulaire élevée.

La teneur en caséines totales baisse, surtout de types α et β. Cette diminution est compensée par une augmentation de la teneur en protéines non coagulables, notamment d’origine sanguine comme la sérum albumine et les immunoglobulines (Ig). L’inflammation mammaire entraîne donc une diminution significative du rapport protéines coagulables (caséines)/protéines totales (figure 2). L’aptitude à la coagulation et à l’égouttage diminue, et le rendement fromager est réduit en fabrication miniature de pâte pressée cuite (produit à des fins expérimentales en respectant strictement la technologie industrielle mais de petite taille, 1 kg au lieu de 50 kg, pour limiter les coûts). Selon les travaux de Hardy en 2004, l’inflammation mammaire entraîne une diminution significative du rapport protéines coagulables (caséines)/protéines totales dès 100 000 cellules/ml, à hauteur de 0,6 % (photo 2) [2].

Le potentiel de protéolyse du lait de tank augmente avec la CCST, notamment au-delà de 100 000 cellules/ml et surtout au-delà de 600 000 cellules/ml (figure 3).

→ Outre son action immédiate sur la caséine du lait, la plasmine peut avoir une action différée sur les produits laitiers, plusieurs semaines ou mois plus tard. Ainsi, les fromages miniatures à pâte pressée cuite fabriqués avec des laits de tank à CCST supérieures à 500 000 cellules/ml se caractérisent par une protéolyse en fin d’affinage plus marquée que ceux fabriqués avec des laits à CCST inférieures à 100 000 cellules/ml et à potentiel protéolytique réduit [2]. La plasmine qui est résistante aux traitements thermiques est également en cause dans l’apparition d’un goût amer et de phénomènes de gélification dans le lait UHT (ultra-haute température) après plusieurs mois de stockage (photo 3).

2. Prise en compte dans la gestion de la qualité du lait

Les diverses réductions d’aptitude à la transformation des laits de tank à concentrations cellulaires élevées justifient la prise en compte du critère CCST dans le prix du lait et la gestion de sa qualité.

En France, des comptages des cellules somatiques sont réalisés sur le lait de tank deux ou trois fois par mois et sont pris en compte dans les différents systèmes régionaux de paiement du lait. Par exemple, en Bretagne et dans les Pays-de-la-Loire, aucune pénalité n’est appliquée sur le prix du lait payé aux producteurs si la moyenne des analyses mensuelles ne dépasse pas 250 000 cellules/ ml. Des pénalités de 3,049 €, de 6,098 € et de 12,196 € par 1 000 l sont appliquées si la moyenne des CCST du mois est respectivement entre 251 000 et 300 000, entre 301 000 et 400 000, et supérieure à 400 000 cellules/ml.

Ce critère “cellules” apparaît actuellement comme le plus difficile à maîtriser dans les élevages. Parmi les différents critères de qualité hygiénique et sanitaire, il a de loin l’incidence la plus forte sur le prix du lait payé aux producteurs. Le poids des pénalités “cellules” a augmenté en valeur relative (tableau 4).

Des suspensions de collecte peuvent s’appliquer aux élevages livrant un lait dépassant régulièrement le seuil de 400 000 cellules/ml. La procédure comprend plusieurs étapes (encadré 4) [1]. Au cours de la campagne 2014-2015, près de 2 % des élevages français ont été en suspension de collecte (tableau 5).

CCST ET ÉPIDÉMIOLOGIE DES INFECTIONS MAMMAIRES

1. Approche mathématique

La CCST mesurée à un moment donné est mathématiquement égale à la moyenne arithmétique des concentrations en cellules somatiques des laits de quartiers correspondants (MoyCCSQ) pondérée par la production laitière relative de chacun des quartiers.

Les coefficients de corrélation calculés entre la CCST et la moyenne des CCSQ sans pondération par la production laitière sont très élevés : généralement supérieurs à 0,9. Dès lors, en première approximation, la CCST est considérée comme égale à la MoyCCSQ.

En tenant compte du statut infectieux des quartiers (Q) et en distinguant ceux infectés par des agents pathogènes majeurs en proportion PM avec une moyenne de CCS du lait : MoyCCSQM, et ceux infectés par des agents pathogènes mineurs en proportion Pm avec une MoyCCSQm, et ceux sains en proportion 1-PM-Pm avec une MoyCCSQS, il en résulte la formule de calcul suivante :

CCST = PM x MoyCCSQM + Pm x MoyCCSQ + (1-PM-Pm) x MoyCCSQS

d’où :

CCST = PM x (MoyCCSQM - MoyCCSQS + Pm x (MoyCCSQm - MoyCCSQS) + MoyCCSQS.

2. Influence des types d’infection mammaire sur la CCST

La dernière équation ci-dessus permet de préciser la contribution relative de différentes catégories de quartiers (et par extension… de vaches) à la CCST.

Il en ressort que la CCST, tout au moins lorsqu’elle dépasse 200 000 cellules/ml, dépend essentiellement des quartiers infectés par des agents pathogènes majeurs en termes de proportion de quartiers atteints et de gravité moyenne de ces infections exprimée par l’écart entre les CCSQ moyens des quartiers infectés et sains.

Les quartiers infectés par des bactéries pathogènes mineures et ceux non infectés n’apportent qu’une contribution marginale, inférieure le plus souvent à 100 000 cellules/ml. Ainsi, Rainard et coll. (1990) rapportent que les 8,5 % de quartiers infectés par des agents pathogènes majeurs dans un troupeau expérimental contribuaient pour 46,6 % à la CCST alors que les 17,8 % de quartiers infectés par des staphylocoques à coagulase négative n’y contribuaient que pour 18,1 % [7].

De plus, comme le lait issu de quartiers atteints de mammites cliniques ne va pas dans le tank, la CCST dépend principalement des quartiers atteints d’infections (par des pathogènes majeurs) de type subclinique. Ces infections sont dues principalement à des bactéries pathogènes comme Staphylococcus aureus et les diverses espèces de streptocoques.

3. CCST et estimation de la prévalence des infections mammaires

La CCST a été proposée dès les années 1970 comme estimateur de la prévalence dans le troupeau des infections mammaires dues à des pathogènes majeurs.

Une première condition de validité de l’estimation est que le lait de tous les quartiers de toutes les vaches du troupeau, hors quartiers atteints de mammite clinique, soit dirigé vers le tank. Or les pratiques de “tri du lait” consistant à écarter le lait des vaches ayant les CCSI les plus élevées (sans signes cliniques) afin de réduire les pénalités sur le prix du lait, ou encore pour ne pas dépasser le volume de production autorisé, peuvent considérablement biaiser l’estimation. Il est donc nécessaire en premier lieu de corriger le résultat de CCST fourni par le laboratoire en estimant le volume de lait écarté et sa concentration cellulaire moyenne. À titre d’exemple, si un éleveur écarte en moyenne 4 % du lait produit ayant une CCS moyenne de 1,5 million de cellules/ml, il convient d’ajouter 58 000 (4 % x 1,5 million/1,04) au résultat de CCST.

Toutefois, même après correction, la corrélation obtenue entre la CCST et la prévalence des infections par des agents pathogènes majeurs dans le troupeau est généralement moyenne, de l’ordre de 0,6 à 0,7. En effet, la CCST dépend non seulement de la prévalence des infections par des bactéries pathogènes majeures, mais aussi de leur sévérité moyenne qui, sous l’influence de divers stress climatiques ou d’élevage, est à l’origine de variations des CCST d’un jour à l’autre. L’influence de ces fluctuations parasites peut être réduite en prenant la moyenne de plusieurs résultats de CCST, par exemple sur 3 mois. Les corrélations s’élèvent alors à 0,8.

Avec le développement des comptages cellulaires vache par vache à partir des années 1980, l’utilisation des CCSI s’est progressivement substituée à celle des CCST pour évaluer la prévalence des infections. Le critère “% des CCSI supérieures à 300 000” est, en effet, un bon estimateur de la prévalence des vaches infectées par des agents pathogènes majeurs [16]. Les CCSI portant sur l’ensemble des vaches en lactation, aucune correction n’est à effectuer pour pallier un éventuel tri du lait. Et, surtout, les CCSI permettent de calculer la prévalence des infections à différents stades physiologiques, notamment en début et en fin de lactation, et pour différents groupes de vaches, par exemple primipares et multipares, ce qui ouvre sur un véritable monitoring des infections mammaires du troupeau, alors que les CCST ne permettent qu’une évaluation globale de la prévalence à un moment donné pour la totalité des vaches du troupeau [9, 11].

4. CCST et modèles épidémiologiques

La CCST et la fréquence des mammites cliniques dans l’élevage sont deux variables très largement indépendantes avec un coefficient de corrélation de l’ordre de 0,1 [15]. En combinant ces deux critères, il est possible de réaliser une typologie des élevages associée à des modèles épidémiologiques différenciés [13]. Ainsi, les élevages à CCST élevées (supérieures à 500 000 cellules/ml) et à faible fréquence de mammites cliniques (moins de 20 % des vaches atteintes par an) correspondaient essentiellement à un modèle contagieux à réservoirs mammaires, alors que les élevages à CCST plus faibles (inférieures à 300 000 cellules/ml), mais à fréquence élevée de mammites cliniques (plus de 40 % des vaches atteintes par an) correspondaient plutôt à un modèle environnemental avec une prédominance d’infections à Streptococcus uberis et à coliformes.

AUGMENTATION DES CCST EN FRANCE DEPUIS 2005

1. Constat

L’évolution des CCST constatée ces dernières années en France est un objet de préoccupation pour la filière laitière. Caractérisée par un minimum autour de 2005 et une forte dégradation en 2007 et en 2008, l’évolution se retrouve dans toutes les régions françaises, quels que soient leurs niveaux moyens de CCST (figure 4).

2. Analyse des causes

Les facteurs explicatifs potentiels ont agi simultanément sur l’ensemble du territoire, et particulièrement sur la période 2006-2008 où la dégradation des CCST a été la plus marquée.

L’augmentation des effectifs de vaches des troupeaux et du nombre de vaches par travailleur dans les élevages laitiers (souvent délétère pour la surveillance et l’intervention sanitaire) ne peut être retenue comme une cause majeure car elle s’est déroulée de manière continue depuis plusieurs décennies.

Le prix du lait à la production apparaît beaucoup plus convaincant (figure 5).

Le souhait des producteurs d’augmenter leur livraison de lait pour profiter de cette conjoncture exceptionnelle était d’autant plus fort qu’à ce moment-là la France était loin de réaliser son quota. Pour un résultat rapide, les producteurs ont privilégié, outre l’alimentation, un moindre tri du lait et le report des réformes, notamment de vaches à CCSI élevées.

L’un et l’autre de ces moyens ont des effets négatifs sur les CCST. Si la réduction du tri du lait est immédiatement réversible sans effet à moyen et long terme, il n’en est pas de même du report des réformes (figure 6).

Conclusion

L’observation et l’analyse des évolutions passées des CCST en France amènent à s’interroger sur l’avenir.

À court terme, les variations pourraient s’amplifier avec l’augmentation de la volatilité du prix du lait (fin des quotas cette année).

La tendance longue, par exemple à 10 ans, est plus spécifiquement liée au niveau de maîtrise des infections mammaires dans les élevages. La prévision est ici plus difficile car deux groupes de facteurs agissent en sens contraire sur la CCST. L’augmentation de la taille des élevages et du nombre de vaches par travailleur est défavorable.

La flexibilité de la production de lait demandée par les transformateurs pour ajuster leurs achats de lait à leurs besoins nécessite une succession de coups de frein et d’accélérateur dans les élevages qui n’est pas non plus propice à une bonne gestion des mammites.

De plus, le développement rapide de l’automation peut apporter une réponse à la réduction de la main-d’œuvre dans les élevages. La multiplication des capteurs et des algorithmes d’interprétation des données ouvre la voie à une évaluation plus précise des risques présents dans l’élevage et à un monitoring plus efficace de la santé mammaire. La mise au point de moyens opérationnels, génétiques, zootechniques, médicaux, pour renforcer les défenses de l’animal contre les infections mammaires représente une autre piste de maîtrise plus efficace. Ainsi, les raisons de rester optimiste quant aux évolutions futures des CCST demeurent.

Références

  • 1. Cniel 2012. Accord interprofessionnel du 20 novembre 2012 http://www.ecophyto.fr/IMG/pdf/3060_CNIEL_accord_germes_et_cellules_cle4e2417.pdf
  • 2. Hardy C. Variabilité de la composition protéique des laits : origines zootechniques et conséquences technologiques en pâte pressée cuite. Thèse de docteur-ingénieur, université Rennes 1 – ENSA de Rennes. 1990:207p.
  • 3. Le Roux Y, Laurent F, Moussaoui F. Polymorphonuclear proteolytic activity and milk composition change. Vet. Res. 2003;34:629-645.
  • 4. Michelutti L. Variations des cellules somatiques et de la composition biochimique du lait en relation avec l’inflammation expérimentale de la glande mammaire. Thèse de doctorat, INPL. 1998:151p.
  • 5. Rainard P. Reconnaissance des pathogènes et déclenchement de l’inflammation mammaire. Bull. GTV. 2010;54:15-21.
  • 6. Rainard P. Mécanismes immunitaires dans la glande mammaire et implications thérapeutiques. Bull. GTV. 2015;78:53-57.
  • 7. Rainard P, Ducelliez M, Poutrel B. The contribution of mammary infections by coagulase-negative staphylococci to the herd bulk milk somatic cell count. Vet. Res. Communications. 1990;14:193-198.
  • 8. Roussel P, Ballot N. Évolution des cellules somatiques et des mammites cliniques puis détermination de facteurs explicatifs. Éd. I.E.-Cniel, Paris. 2013:30p.
  • 9. Roussel P, Seegers H, Sérieys F. Guide d’intervention pour la maîtrise des mammites dans les troupeaux laitiers. UMT Maîtrise de la santé des troupeaux bovins, Nantes. 2011:132p.
  • 10. Sarikaya H, Prgomet C, Pfaffl MW et coll. Differentiation of leukocytesin bovine milk. Milchwissenschaft. 2004;59:586-589.
  • 11. Seegers H, Sérieys F. L’intervention du vétérinaire face à un problème de mammites : 1- Questions de base et réponses possibles aujourd’hui. Dans : Journées nationales des GTV, Tours 2002. SNGTV, Paris. 2002:147-156.
  • 12. Sérieys F. Concentration cellulaire du lait individuel de vache : influence de l’état d’infection mammaire, du numéro, du stade de lactation et de la production laitière. Ann. Rech. Vét. 1985;16:255-261.
  • 13. Sérieys F. Utilisation de la numération des cellules du lait de vache dans la lutte contre les mammites. Thèse de docteur-ingénieur, Université des sciences et techniques du Languedoc – ENSA Montpellier. 1985:84p.
  • 14. Sérieys F, Auclair J, Poutrel B. Influence des infections mammaires sur la composition chimique du lait. Dans : Le lait matière première de l’industrie laitière. Éd. CEPIL-Inra, Paris. 1987.
  • 15. Sérieys F. Epidemiologic survey on mastitis and herd management in 2000 French dairy farms. Proceedings of the 14th World Congress on diseases of cattle, Dublin. 1986;1:299-304.
  • 16. Sérieys F, Seegers H. L’intervention du vétérinaire face à un problème de mammites : 2- Adapter les méthodes à l’évolution de l’épidémiologie. Dans : Journées nationales des GTV Tours 2002. SNGTV, Paris. 2002:147-156.
  • 17. Sérieys F. Impact de facteurs épidémiologiques, zootechniques, de conduite d’élevage et de prix sur l’intérêt économique du traitement en lactation des mammites subcliniques. Renc. Rech. Ruminants. 2006;13:431-434.

Conflit d’intérêts

Aucun

ENCADRÉ 1
Des sentinelles dans la mamelle

→ Les leucocytes du lait proviennent de la moelle osseuse. Ils y sont produits et s’y différencient à partir de cellules souches, puis sont transportés par le sang jusqu’à la mamelle. Leur passage dans le lait nécessite le franchissement de l’endothélium des capillaires sanguins, puis de l’épithélium mammaire constituant la barrière hémato-mammaire.

→ La production de ces leucocytes et particulièrement des polynucléaires neutrophiles par la moelle osseuse, leur afflux dans le lait et l’activation de leur capacité phagocytaire sont conditionnés par la sécrétion de cytokines pro-inflammatoires (granulocyte-colony stimulating factor, tumor necrosis factor-α, interleukine 1, IL-6, etc.) et de chimiokines (IL-8, chimiokines à motif CXC, etc.) par des cellules dites sentinelles présentes dans l’épithélium mammaire et dans le lait [6, 7]. Celles-ci sont munies de récepteurs, notamment de type toll-like-receptor (TLR), leur permettant de détecter la présence de motifs bactériens dans le lait, tels que des constituants de la paroi (peptidoglycane, endotoxine, etc.) ou de l’ADN bactérien. Si des bactéries pénètrent dans la mamelle et se multiplient dans le lait, les motifs bactériens qu’elles expriment sont reconnus dès le début de l’infection. Les cellules sentinelles se mettent à sécréter des cytokines, déclenchant une réaction inflammatoire (figure 1).

ENCADRÉ 2
Stress et cellules

Quelle qu’en soit la nature (thermique, traumatismes de traite, frayeur, hypocalcémie, etc.), les stress entraînent une augmentation de la cortisolémie. Celle-ci déprime l’immunité et accroît le risque de nouvelles infections mammaires. Toutefois, tant qu’ils n’entraînent pas de nouvelles infections, les stress ont peu d’influence sur les concentrations en cellules somatiques des quartiers non infectés. En revanche, ils contribuent à aggraver des infections mammaires déjà en place, entraînant une inflammation plus sévère avec plus de cellules dans les quartiers infectés.

ENCADRÉ 3
Exemples d’amplification de facteurs de variation des CCS pour cause de simultanéité

→ L’influence du stade de lactation sur les concentrations en cellules somatiques du lait de tank (CCST) est beaucoup plus marquée dans les élevages où les vêlages sont groupés sur une saison que dans les troupeaux où ils sont étalés sur l’année entière.

→ Les stress de traite concernent souvent de manière simultanée toutes les vaches en lactation d’un même élevage.

→ Les stress thermiques des jours de fortes chaleurs s’appliquent à tous les animaux d’un même troupeau et souvent à tous les troupeaux d’une même zone climatique.

→ Des paramètres économiques comme les prix du lait et de la viande, qui jouent sur les CCST en influençant les décisions de réforme et l’importance du tri du lait, évoluent de manière synchrone à l’échelle d’un pays, voire d’une zone économique encore plus large.

ENCADRÉ 4
Procédure de suspension de collecte

Elle a été définie dans l’accord interprofessionnel du 20 novembre 2012 homologué par l’arrêté du 6 février 2013 [1].

→ Les producteurs dont la moyenne géométrique des CCST mensuelles sur un trimestre calendaire (janvier à mars, avril à juin, juillet à septembre, octobre à décembre) dépasse le seuil de 400 000 reçoivent un courrier d’alerte leur demandant d’appliquer des mesures correctives d’urgence.

→ Si leur moyenne au trimestre suivant dépasse encore le seuil de 400 000, le lait est considéré comme hors normes. Il est alors proposé à l’éleveur d’entrer dans un plan global d’actions correctives : le “plan cellules”.

Selon que l’éleveur est ou pas entré dans les actions correctives qui lui étaient proposées et selon l’évolution de ses résultats de CCST, il peut soit :

– continuer à livrer son lait de manière dérogatoire ;

– être soumis à des interdictions de collecte de durées variables (6 jours, 12 jours, etc.) ;

– être soumis à une interdiction à durée indéterminée avec, dans ce cas, un retour des livraisons ne pouvant intervenir qu’après un arrêt de collecte d’au moins 30 jours.

CCSL : concentration en cellules somatiques du lait de tank.

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