Anatomie appliquée des mâchoires des bovins

Quelques données utiles au praticien, qui aborde un trouble de la mâchoire ou de la dentition des bovins, sont présentées d’une manière très synthétique et surtout illustrée.

En pratique bovine, les interventions au niveau de la tête sont assez limitées. Les traumatismes les plus fréquents affectent les cornes, mais ne donnent pas lieu à des actes élaborés, sauf à stopper l’hémorragie et à prévenir l’infection. Les traumatismes ou les tumeurs oculaires peuvent justifier une énucléation. L’anatomie du globe et de la fosse oculaire n’est pas abordée, car il s’agit d’un champ spécifique. Le crâne est exploré, en pratique rurale, seulement pour la recherche du type et de l’ampleur d’une perte de fonction (neurologie) et l’expectative. En revanche, les traumatismes des mâchoires, relativement fréquents, peuvent justifier une réduction et une stabilisation chirurgicales^(1). Certaines spécificités de l’anatomie bovine, mais aussi des mouvements masticatoires participent aux choix thérapeutiques lors de fracture des mandibules.

Chez les bovins, les deux mandibules ne sont jamais soudées tout au long de la vie de l’animal, une fracture dans cette zone ne perturbe pas la mastication. En revanche, les contraintes sont bien plus importantes que chez le cheval, en raison des mouvements rotatoires nécessaires à la rumination. Une fracture nécessite une stabilisation suffisante. Selon les travaux de Trent et coll. dans les années 1980, les fractures mandibulaires surviennent plus souvent rostralement aux prémolaires (régions 1, 2 ou 3) avant l’âge de 1 an (^{figure 1}, encadré 1). Toutefois, des fractures plus caudales pourraient survenir, mais seraient sous-diagnostiquées.

Une lésion du nerf facial est possible lors de fracture mandibulaire et conduit à une paralysie ou à une parésie unilatérale partielle ou totale des muscles de la face. Les signes d’appel sont une ptose de l’oreille, de la paupière, et des naseaux. Pareille lésion peut persister sans gêner l’animal. Certaines formes sont réversibles (liées à l’œdème ou à un hématome) [⁸]. Le nerf facial est un nerf moteur. Il chemine sous la parotide en direction rostro-ventrale et devient superficiel en se plaçant entre le col de la mandibule et la glande parotide. Il se termine en deux rameaux buccaux superficiels : dorsal et ventral.

Il convient de situer la fracture par rapport au nerf facial, mais aussi à l’artère et à la veine faciales, aux glandes salivaires mandibulaires et parotidiennes et leurs conduits (à proximité de ces structures, il convient d’aborder la fracture par sa face médiale si possible lors d’une intervention) [⁹]. Toute réduction doit s’effectuer avec délicatesse (^{figure 3}).

Si une réparation chirurgicale est envisagée, la connaissance des points d’anesthésie locale de la tête des bovins est utile (^{figure 4}). La localisation plus ou moins rostrale du trait de fracture et le choix de la technique (enclouage ?) sont à considérer.

L’aspect évolutif de la mâchoire pendant la croissance ne doit pas être oublié en pratique. Les bovins abordés sont jeunes, relativement aux chevaux : une vache pendant le début de sa lactation n’a pas terminé l’éruption de ses dents définitives.

Par exemple, il est courant de rester dubitatif et de suspecter un trouble de la rumination face à une vache qui vomit (motif de consultation très inhabituel chez un ruminant). Or, si les galettes rendues ont un bel aspect et que la vache est une génisse en première ou en seconde lactation, il convient d’envisager une simple persistance de prémolaire déciduale. La dent se trouvant toujours au-dessus de la nouvelle vient gêner l’occlusion, donc perturbe le renvoi des galettes (bols) de rumination vers l’oropharynx. La confirmation du diagnostic et le traitement sont aisés : il suffit d’ouvrir la bouche et de tirer un peu sur la dent pour rompre les dernières résistances maintenant une ou deux racines en place. Il peut aussi s’agir d’une lésion œsophagienne, ou d’une listériose ou d’un autre trouble nerveux.

• (1) Voir les articles “Fracture mandibulaire : du diagnostic au traitement conservateur” et “Abord chirurgical des fractures mandibulaires du veau en pratique” du même auteur, dans ce numéro.

Références

• 1. Ayral F, Desrochers A. Pose d’attelle mandibulaire en polyméthylméthacrylate. Point Vét. 2005;259:56-57.
• 2. Ayral F, Desrochers A. Traiter les fractures mandibulaires avec des attelles en résine. Point Vét. 2005;259:10-11.
• 3. Chatelain E. Dents diagnose de l’âge des animaux domestiques. Laboratoire d’anatomie de l’ENVL. 1993.
• 4. Chatelain E. Système nerveux périphérique. Innervation de la tête. Polycopie à l’usage des étudiants de deuxième année. Laboratoire d’anatomie de l’ENVL. 1993.
• 5. ENVA, Laboratoire d’Anatomie. Guide de dissection des mammifères domestiques (équides, ruminants, carnivores). Tête. Novembre 1989.
• 8. Ravary B, Millemann Y, Maillard R et coll. Fracture mandibulaire traumatique chez une génisse. Point Vét. 2004;246:70-75.
• 9. Ravary B, Millemann Y, Maillard R et coll. Les fractures mandibulaires chez les bovins. Point Vét. 2004;246:38-43.
• 10. Scott P. Mouth Problems in Cattle. NADIS livestock health bulletins http://www.nadis.org.uk/pdfs/Mouth%20of%20Problems%20in%20Cattle.pdf
• 12. Trent AM, Fergusson JG. Bovine mandibular fractures. Can. Vet. J. 1985;26:196-399.