Enquête sur les facteurs de risque de mortalité des veaux laitiers dans les Vosges - Le Point Vétérinaire expert rural n° 355 du 01/05/2015
Le Point Vétérinaire expert rural n° 355 du 01/05/2015

CONDUITE D’ÉLEVAGE

Étude

Auteur(s) : Marie Pelgrin*, Vincent Potaufeux**, Barbara Dufour***, Yves Millemann****

Fonctions :
*SEL de la Colline, 54330 Vézelise
(mariep170@hotmail.com)
**GDS des Vosges, 88000 Épinal
(direction@gds88.com)
***ENV d’Alfort, 94704 Maisons-Alfort
(bdufour@vet-alfort.fr)
(ymillemann@vet-alfort.fr)
****ENV d’Alfort, 94704 Maisons-Alfort
(bdufour@vet-alfort.fr)
(ymillemann@vet-alfort.fr)

La forte mortalité des veaux laitiers dans les Vosges n’est pas une fatalité, de nombreuses actions peuvent être mises en place aisément.

L’élevage des veaux femelles est fondamental en élevage laitier. Il conditionne en effet la production laitière et permet par la suite le renouvellement du troupeau grâce aux génisses. Cependant, dans la conjoncture économique actuelle, il est souvent un peu délaissé.

De nombreux facteurs de risque de mortalité des veaux existent. Il était donc intéressant d’identifier et, si possible, de hiérarchiser ceux qui interviennent spécifiquement dans les Vosges, où le taux élevé de mortalité des bovins relègue ce département au 83e rang national pour ce critère [6]. D’après les données de la chambre d’agriculture des Vosges, le taux de mortalité 2010-2011 (nombre de veaux morts divisé par celui de femelles présentes) était de 15,75 % en élevages bovins (laitiers et allaitants confondus). Ce taux était très certainement sous-estimé, certains veaux non bouclés par les éleveurs ne figurant pas dans cette base de données. En comparaison, selon une étude réalisée dans toute la France en 2005-2006, le taux de mortalité calculé sur une autre base (nombre de veaux morts divisé par celui de veaux nés) des veaux laitiers et allaitants de 0 à 6 mois était de 6,79 % [8]. Le groupement de défense sanitaire (GDS) des Vosges souhaitait donc proposer des solutions adaptées en ciblant les problèmes les plus importants dans son département.

OBJECTIF

L’objectif de cette étude a donc été de rechercher et d’identifier les facteurs de risque de mortalité des veaux laitiers de 0 à 6 mois dans le département des Vosges. Pour cela, une enquête épidémiologique du type cas-témoins a été réalisée à l’aide d’un questionnaire sur les pratiques d’élevage pendant l’année 2012.

MATÉRIEL ET MÉTHODE

1. Choix des élevages

Les élevages ont été sélectionnés au cours du mois de juin 2013 à partir des taux de mortalité de 2010-2011 (les données 2011-2012 n’étaient alors pas disponibles, le GDS ne disposant que des données élevage par élevage et n’ayant aucun moyen de les regrouper).

Le taux de mortalité a été calculé en prenant en compte le nombre de veaux morts divisé par celui de femelles présentes.

Deux groupes ont été constitués : d’une part les élevages présentant un taux de mortalité des veaux de 0 à 6 mois inférieur à 5 % (définis comme “témoins”), d’autre part ceux ayant un taux supérieur à 15 % (définis comme “cas”). Seuls les élevages laitiers ou à dominante laitière, ainsi que ceux dont le taux de mortalité était similaire en 2010-2011 et en 2012 ont été inclus dans l’étude.

Ce travail a été conduit à l’aide de la base de données Fourmi du GDS. Cette dernière a permis, concernant les élevages présélectionnés, de rechercher les informations relatives aux troupeaux telles que le nombre de bovins présents, la localisation (montagne ou plaine) et la race des vaches laitières, afin d’apparier les élevages pour l’étude analytique.

Au total, 94 élevages (47 témoins et autant de cas) répartis dans tout le département des Vosges ont pu être appariés typologiquement et géographiquement.

2. Réalisation des questionnaires

L’objectif était de réaliser une enquête cas-témoins afin d’évaluer les principales pratiques considérées comme étant à risque pour la mortalité des veaux.

Les questionnaires étaient composés de huit parties (disponibles en complément sur www.lepointveterinaire.fr). La première permettait d’avoir une présentation générale de l’élevage. Elle en contenait toutes les caractéristiques techniques.

Les parties suivantes s’intéressaient aux facteurs de risque potentiels. La deuxième concernait la gestion des vaches au cours du tarissement et celle des génisses avant le vêlage, recensant des données sur leur alimentation et leur état d’engraissement. La troisième avait trait au déroulement des vêlages : leur surveillance, leur lieu et leur gestion. La quatrième se rapportait à la gestion de la prise colostrale. La cinquième explorait le logement des veaux. La sixième portait sur l’alimentation des veaux, aussi bien lactée que solide. La septième s’intéressait au suivi sanitaire des veaux et à la gestion des animaux malades. Enfin, la huitième et dernière se penchait sur le ressenti des éleveurs.

3. Déroulement des visites

Les enquêtes ont été effectuées au cours des mois d’août et d’octobre 2013, et de janvier 2014. Un total de 62 éleveurs (66 % des élevages sélectionnés) se sont déclarés disponibles et ont accepté de participer à l’enquête, dont 26 élevages pour les témoins et 36 pour les cas (respectivement 42 et 58 % des élevages préalablement sélectionnés). Ils étaient répartis dans tout le département.

Les élevages n’ayant pas participé à l’enquête sont au nombre de 32 (soit 34 % de ceux sélectionnés), dont 11 qui ont réellement refusé de participer (soit 34 % de ceux n’ayant pas participé), à savoir 5 élevages chez les cas et 6 chez les témoins. Ces élevages étaient principalement situés dans la partie nord du département, majoritairement céréalière. Les autres élevages n’ayant pas participé à l’enquête n’ont soit jamais répondu à notre sollicitation pour 14 d’entre eux (44 % des élevages n’ayant pas participé), soit jamais été disponibles pour des visites pour 7 d’entre eux (22 % des élevages n’ayant pas participé).

4. Traitement des données et plan d’analyse

Les données ont été traitées à l’aide du logiciel EpiData®, puis extraites sur le logiciel Excel®. L’analyse statistique a été réalisée à l’aide des logiciels Excel® et Epi Info®. Une analyse univariée, suivie d’une étude multivariée par régression logistique a été effectuée.

RÉSULTATS

1. Analyse des caractéristiques techniques des élevages de l’étude

Les taux de mortalité des veaux de 0 à 6 mois étaient de 3,42 % chez les témoins et de 15,72 % chez les cas. Ils sont significativement différents entre les deux groupes (figure 1), d’une part globalement et d’autre part dans les classes d’âge de 0 à 1 jour, de 8 à 30 jours, et de 1 à 6 mois.

La répartition de la mortalité par classe d’âge n’était pas significativement différente entre les cas et les témoins (figures 2 et 3). Presque un tiers de la mortalité survenait pour les cas comme pour les témoins entre 0 et 1 jour après le vêlage, ces pertes étant considérées, sur le plan réglementaire, comme des avortements. Cette proportion souligne l’importance de la gestion de la gestation, du tarissement et du vêlage, autant d’événements clés pour la survie des veaux pendant cette période.

Les exploitations cas et témoins avaient à peu près les mêmes caractéristiques techniques, excepté pour les surfaces en céréales, en oléagineux et en protéagineux qui étaient un peu plus grandes chez les cas. Les caractéristiques de la production laitière étaient globalement similaires dans les deux groupes. Cependant, une plus grande proportion d’exploitations chez les cas ne réalisait pas son quota.

L’incidence des diarrhées exprimées était plus élevée chez les cas (selon le test de Smith-Satterthwaite et pour un risque a de 5 %). Dans les élevages étudiés, les diarrhées avaient une incidence plus élevée que les maladies respiratoires (tableau 1).

Les deux échantillons ayant des caractéristiques techniques identiques et ne présentant pas de différence significative, ils étaient comparables pour l’analyse statistique.

2. Analyse statistique univariée

Une analyse statistique univariée a permis d’identifier les facteurs qui semblent jouer un rôle dans la population des élevages étudiés. Un total de 110 variables ont pu être testées.

Au bilan, neuf facteurs semblent avoir une influence significative sur la mortalité des veaux (tableau 2).

Dans cette étude, quatre apparaissent comme d’éventuels facteurs protecteurs :

– ne pas avoir subi récemment un audit concernant l’élevage des veaux (odds ratio [OR] brut = 0,08 ; intervalle de confiance à 95 % [IC95] = 0,01 à 0,66) ;

– ne pas loger les veaux sur caillebotis (OR brut = 0,16 ; IC95 = 0,03 à 0,83) ;

– ne pas vérifier la température de l’eau lors du mélange de la poudre de lait (OR brut = 0,06 ; IC95 = 0,01 à 0,47) ;

– ne pas avoir suivi récemment une formation sur l’élevage des veaux (OR brut = 0,17 ; IC95 = 0,03 à 0,83).

Et cinq facteurs ressortent comme des facteurs de risque potentiels :

– acheter des génisses ou des vaches laitières (OR brut = 4,4 ; IC95 = 1,26 à 15,39) ;

– avoir un statut positif ou non connu vis-à-vis du virus de la diarrhée virale bovine (BVDV) (OR brut = 5,1 ; IC95 = 1,62 à 18,23) ;

– distribuer du colostrum de vaches qui présentent une mammite (OR brut = 2,98 ; IC95 = 1,07 à 9,17) ;

– ne pas réaliser de vide sanitaire d’au moins 3 semaines une fois par an (OR brut = 3,1 ; IC95 = 1,08 à 8,88) ;

– le fait que l’éleveur considère l’élevage des veaux comme un point faible dans son exploitation (OR brut = 4,2 ; IC95 = 1,29 à 13,59).

Enfin, certaines pratiques à risque sont réalisées avec une fréquence élevée par tous les éleveurs (tableau 3).

3. Analyse statistique multivariée

Dans un second temps, une analyse statistique multivariée sur les facteurs identifiés précédemment a été réalisée, afin d’éliminer ceux qui jouent un rôle de confusion. La méthode “pas à pas” descendante a été utilisée. Le facteur “Température du mélange du lait en poudre inconnue” (TEMPOUD) dû être écarté car il comportait trop de cases non remplies.

Le premier facteur à être écarté a été : “L’élevage des veaux est ressenti comme un point faible” (VEAUELV) (p = 0,4008). Le deuxième modèle a exclu le facteur “Statut positif ou inconnu en BVD” (BVD) (p = 0,1267). Puis le facteur “Aucune formation récente sur l’élevage des veaux” (FORMAVEAU) a été éliminé (p = 0,0542) lors du troisième modèle.

Ainsi, au bilan de cette analyse, seuls cinq facteurs semblent jouer réellement un rôle significatif dans notre étude (tableau 4) :

– ne pas avoir subi récemment un audit concernant l’élevage des veaux (ORajusté = 0,01) ;

– acheter des génisses ou des vaches laitières (ORajusté = 10,46) ;

– ne pas loger les veaux sur caillebotis (ORajusté = 0,03) ;

– distribuer du colostrum de vaches qui présentent une mammite (ORajusté = 12,79) ;

– ne pas réaliser de vide sanitaire d’au moins 3 semaines une fois par an (ORajusté = 8,92).

DISCUSSION

1. Facteurs de risque identifiés

Sur les cinq facteurs identifiés, trois ressortent comme des facteurs de risque, associés à une mortalité de manière décroissante : la distribution de colostrum de vache à mammite, l’achat d’adultes et l’absence de réalisation d’un vide sanitaire. Enfin, deux facteurs apparaissent comme protecteurs, avec du plus protecteur au moins protecteur : la non-réalisation récente d’un audit d’élevage, puis l’absence de caillebotis dans le logement des veaux.

Aucune autre étude publiée ne retrouve la même association de facteurs de risque. Un essai conduit en France (dans la Seine-Maritime) en 2008 n’a identifié qu’un seul facteur de risque : la superficie insuffisante du lieu de vêlage [5]. De nombreuses études menées aux États-Unis dans les années 1980 et portant sur une centaine d’élevages ont mis en évidence à chaque fois une dizaine de facteurs de risque. Les différences par rapport aux facteurs de risque identifiés dans cette étude peuvent s’expliquer au moins partiellement par la population, très dissemblable pour le type d’élevage, l’âge des veaux inclus, etc. De plus, ces travaux datant d’une trentaine d’années, les pratiques d’élevage ont forcément évolué, ce qui peut renforcer la différence de résultats avec notre étude [1, 4].

Distribution du colostrum de vaches à mammite au vêlage

Le colostrum produit par des quartiers mammiteux est souvent de qualité moindre, associée à un transfert d’une moins bonne immunité passive de la vache au veau au cours des premières semaines de sa vie, favorisant l’expression de maladies. Cependant, les mammites faisant immédiatement suite au vêlage sont assez rarement détectées par les éleveurs.

Achat d’animaux adultes

Les animaux introduits ayant un microbisme différent de celui des bovins de l’exploitation, ils présentent un panel immunitaire inadapté au microbisme local, impactant leur colostrum. Cela diminue l’efficacité de la protection immunitaire des veaux au cours de leurs premières semaines de vie.

Ces animaux introduisent également leur propre microbisme dans l’élevage. Les bovins de l’exploitation peuvent y être partiellement sensibles parce qu’ils sont naïfs vis-à-vis de certains de ces agents pathogènes.

De plus, l’achat de bovins adultes peut être une conséquence d’un fort taux de mortalité. En effet, s’il reste trop peu de génisses de renouvellement, l’éleveur a tendance à acheter des animaux pour assurer son quota. Il entre ainsi dans un cercle vicieux, où mortalité et achat d’adultes sont liés et s’auto-entretiennent.

Réalisation d’un vide sanitaire

D’après les résultats, le vide sanitaire annuel de 3 semaines aurait un rôle dans la prévention des maladies, donc un véritable impact positif. En effet, il permet de fortement diminuer le microbisme présent dans les bâtiments en abaissant notablement la pression infectieuse.

Logement des veaux sur caillebotis

Selon la bibliographie, la présence de caillebotis est plutôt un facteur protecteur car elle offre de meilleures conditions de logement en isolant les veaux du froid et en les maintenant au sec (photos 1 et 2) [7]. Cependant, ce critère peut être également un facteur de risque, comme le montrent certaines études réalisées en Suède et en Norvège. Selon ces travaux, la configuration des logements avec caillebotis et avec paille serait différente, ce qui entraînerait des conditions d’ambiance différentes [3, 9].

Audit veau

Ne pas avoir réalisé d’audit récent concernant l’élevage des veaux apparaît comme un indicateur d’absence de risque (l’audit n’agit pas directement sur la santé des veaux). En effet, seuls les élevages ayant un fort taux de mortalité ont recours à ce type de procédure. Le fait que les élevages ayant eu un audit restent tout de même dans le groupe à taux de mortalité élevé de l’étude peut s’expliquer de plusieurs manières :

– leur taux de mortalité a diminué, mais reste parfois toujours assez élevé ;

– certaines procédures peuvent mettre du temps à se mettre en place et l’effet bénéfique n’est observé qu’à long terme ;

– parfois, l’éleveur n’a pas respecté ce qui lui est proposé à la suite de l’audit.

Facteurs de confusion

Trois facteurs (BVD, FORMAVEAU et VEAUELV) ont été éliminés par l’analyse multivariée car ils auraient joué un rôle de confusion.

La possibilité d’être “positif en infection par le BVDV” peut en effet augmenter le taux de mortalité en raison de l’existence d’un plan coordonné par le GDS qui prévoit l’euthanasie des veaux infectés permanents immunotolérants (IPI). De plus, ces élevages étant en contact plus étroit avec le GDS, ils sont plus susceptibles de recevoir des conseils techniques.

Les deux autres critères (FORMAVEAU et VEAUELV) sont logiquement des facteurs de confusion, car ils reflètent l’état d’esprit de l’éleveur vis-à-vis des veaux. Il convient également de souligner que les formations sont mises en œuvre surtout pour les éleveurs qui ont rencontré des difficultés.

2. Étude sociologique

Réalisation de nombreuses pratiques à risque par tous les éleveurs

De nombreuses pratiques considérées comme étant à risque par les travaux publiés sont, dans notre étude, pratiquées autant dans les élevages cas que dans les élevages témoins.

Cela s’illustre, par exemple, avec la gestion de la prise colostrale : 55 % des éleveurs laissent téter le veau (57,7 % chez les témoins et 52,8 % chez les cas), 63 % ne contrôlent pas la prise de colostrum dans les 2 heures après le vêlage (57,7 % chez les témoins et 66,7 % chez les cas) et, enfin, 53 % ne contrôlent pas la prise d’au moins 2 l de colostrum lors de la première buvée (61,5 % chez les témoins et 47,2 % chez les cas). Or, compte tenu de l’importance de la prise de colostrum pour l’immunité du veau durant ses premières semaines de vie, ce type de pratiques devrait être évité.

De plus, la mortalité des veaux est souvent la conséquence d’une association de plusieurs facteurs. Seules quelques variations dans les pratiques d’élevage peuvent ainsi induire un équilibre instable et conduire à une dégradation rapide de la situation.

Un certain délaissement de l’élevage des veaux

Une part non négligeable des éleveurs n’intègre pas l’élevage des veaux dans une perspective de production de lait et de rentabilité. Certains considèrent que l’élevage des veaux est un mal nécessaire au lieu de raisonner en termes d’investissement pour la production future.

Bien que des formations soient organisées par le GDS ou les vétérinaires, seuls 22 % des éleveurs de l’étude avaient assisté récemment à l’une d’entre elles sur les veaux (7,7 % chez les témoins contre 33,3 % chez les cas, ces derniers ayant été alertés par un taux élevé de mortalité).

De plus, 46,8 % (50 % chez les témoins et 44,4 % chez les cas) des éleveurs de l’étude n’ont pas de registre d’élevage pour les veaux ou ne le mettent pas à jour correctement. Or un registre d’élevage à jour permet de bien suivre les traitements, de repérer les animaux à problèmes, et de suivre l’évolution et l’incidence des maladies.

Certains éleveurs ne réalisent pas clairement l’ampleur des troubles que présentent les veaux de leur troupeau, surtout s’ils sont étalés dans le temps. Ils estiment mal les frais et les pertes engendrés sur ces animaux.

Par exemple, un protocole d’autopsie et d’analyses des veaux morts a été mis en place au cours de l’hiver 2013-2014. Le conseil général des Vosges prenait en charge intégralement l’autopsie et les analyses associées (bactériologie et antibiogramme) des cinquante premiers veaux morts en l’absence de traitements amenés au laboratoire d’analyses du département. Ce dispositif a été mis en place au mois de janvier. Tous les éleveurs de bovins du département, ainsi que leurs vétérinaires sanitaires en ont été prévenus par courrier. Cependant, de janvier à mai, seuls une dizaine de veaux ont été déposés sur plus de 5 000 morts au cours de cette période.

Un impact financier important

Pendant l’enquête, 40 % des éleveurs de l’étude ont confié ne plus appeler le vétérinaire pour soigner les veaux laitiers, en ajoutant que cela n’était plus rentable en raison de l’actuel prix du veau.

Les éleveurs ne distinguent donc pas toujours le prix et la rentabilité d’un veau (encadré).

Les troubles de santé et la mortalité ont des conséquences importantes sur les finances de l’élevage. Selon une étude réalisée dans la Loire-Atlantique en 2001 sur des élevages laitiers, les troubles de santé des veaux de la naissance à l’âge de 15 jours représenteraient un coût total de 24 € par vache présente et par an. Les troubles de santé des génisses de 15 jours au vêlage auraient un coût de 8,5 € par vache présente et par an [2]. Ainsi, à l’échelle d’un élevage, ces pertes auraient un réel impact économique et il semble primordial de ne pas délaisser le prétroupeau D’après le GDS des Vosges, un veau laitier mort entre zéro et 60 jours coûterait à l’éleveur environ 450 € sur la marge brute de l’élevage.

Il apparaît donc clairement que la solution à la mortalité des veaux est plus de nature sociologique qu’un réel problème technique. Les éleveurs ne se rendraient pas assez compte de la vraie valeur de ces animaux dans le temps.

Enfin, à la question : « Pouvez-vous améliorer l’ élevage des veaux dans votre exploitation ? », la réponse a été majoritairement : « Oui ». Et les éleveurs savaient souvent comment le faire. Mais beaucoup ont ajouté par la suite qu’ils ne le feraient pas car ils estimaient que l’augmentation du temps de travail engendrée ou l’investissement financier n’en valait pas la peine, vu le prix des veaux actuellement.

Conclusion

La mortalité des veaux est un problème multifactoriel pour lequel les agents pathogènes et les pratiques en cause sont bien connus. Cependant, certaines pratiques d’élevage à risque sont toujours majoritairement utilisées par les éleveurs.

L’aspect sociologique joue donc un grand rôle dans la gestion des veaux laitiers. Les éleveurs connaissent la valeur chiffrée des ventes de veaux, mais ne perçoivent pas la plus-value qu’ils acquièrent sur le long terme. En effet, en prenant en compte les coûts de production, la vente d’une génisse ou d’un jeune bovin permet à l’éleveur de faire une marge bien supérieure.

Les retombées économiques des maladies et de la mortalité des veaux laitiers sont très importantes. La prévention se révèle donc indispensable. La communication sur le sujet apparaît nécessaire afin de sensibiliser les éleveurs et de leur faire prendre conscience des pertes économiques engendrées par les troubles des veaux.

Le GDS a commencé à s’intéresser à la mortalité dans les Vosges. C’est l’un des départements pilotes pour le projet Omar (Observatoire de mortalité des animaux de rente), avec comme coordinateur le GDS. Cela permettra une transmission aux éleveurs du bilan de la mortalité de leurs élevages une fois par an. Ils pourront également se comparer aux moyennes départementale et nationale des éleveurs de leur groupe. Une prise de conscience de la situation devrait résulter de cette démarche et des actions pourront ainsi être prises par la suite pour tenter de remédier à ces difficultés.

Références

  • 1. Curtis CR, Erb HN, White ME. Descriptive epidemiology of calfhood morbidity and mortality in New York holstein herds. Prev. Vet. Med. 1988;5:293-307.
  • 2. Fourichon C, Seegers H, Bareille N et coll. Estimation des pertes et de l’impact économiques consécutifs aux principaux troubles de santé en élevage bovin laitier. Renc. Rech. Rum. 2001;8:137-143.
  • 3. Gulliksen SM, Jor E, Lie KI et coll. Enteropathogens and risk factors for diarrhea in norwegian dairy calves. J. Dairy Sci. 2009;92:5057-5066.
  • 4. James RE, Mc Gilliard L, Hartman DA. Calf mortality in Virginia dairy herd improvement herds. J. Dairy Sci. 1984;67:908-911.
  • 5. Nicot MV. Facteurs de risque de mortalité des veaux non sevrés. Enquête en élevages laitiers en Seine-Maritime en 2008. Thèse Méd. Vét., Alfort. 2013;n°41:114.
  • 6. Perrin JB, Calvas D, Ducrot C et coll. Description de la mortalité bovine dans le département des Vosges de 2003 à 2009. 2010:22p.
  • 7. Poulsen KP, McGuirk SM. Respiratory disease of the bovine neonate. Vet. Clin. Food Anim. 2009;25:121-137.
  • 8. Raboisson D. Perinatal, neonatal, and rearing period mortality of dairy calves and replacement heifers in France. J. Dairy Sci. 2013;96:2913-2924.
  • 9. Svensson C, Lundborg K, Emanuelson U et coll. Morbidity in swedish dairy calves from birth to 90 days of age and individual calf-level risk factors for infectious diseases. Prev. Vet. Med. 2003;58:179-197.

Conflit d’intérêts

Aucun.

ENCADRÉ
Estimation de la rentabilité des veaux

D’après les données de FranceAgriMer d’avril et de mai 2014, un veau laitier de 8 jours à 4 semaines (pesant de 45 à 50 kg) valait 80 € à la vente. Cependant, un jeune bovin (classe O) se vendait, pour 360 kg, 1 260 €, tandis qu’une génisse pleine s’achetait aux alentours de 1 700 à 1 800 € selon la race. Or les coûts de production d’une génisse se situaient entre 790 et 1 350 € selon les élevages. Un veau sur le long terme valait donc bien plus que 80 €.

Points forts

→ Cinq facteurs de risque de mortalité des veaux laitiers ont pu être identifiés dans les vosges en 2012.

→ Cependant, la mortalité est souvent multifactorielle et la réalisation de nombreuses pratiques à risque par les éleveurs peut entraîner une dégradation rapide de leur situation.

→ L’impact sociologique est un facteur majeur influençant l’élevage des veaux.

→ La mortalité des veaux a un réel impact économique dans les élevages laitiers, qui est généralement mal évalué par les éleveurs.

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